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| | Nombre de messages : 1024 Âge : 26 Localisation : le plus près possible d'une forêt Date d'inscription : 01/12/2016 | Aquae / Amazone du Dehors Mer 1 Avr 2020 - 18:05 | |
| De rivières, Vanessa Bell
à mes filles avortées celles aux jambes graciles vous charrierez dans vos poches des bombes écarlates déposerez au pied des montagnes les couleurs de vos songes veillez veillez encore il existe des âges pour chacun de vos ongles arrachés
*
à mes filles je lègue peau de chagrin mon corps faillible
j'ai porté ce qui pouvait
*
que puis-je encore vous offrir un chant où vous immoler un battement chaud une vie de vos robes je trancherai les cheveux de vos jambes les chevilles
debout je porterai mes filles au fond des lacs
*
vous nagerez la nuit venue à flanc de bateaux marchands il fera froid pas assez pour le dire une distance supplémentaire entre vous et vous seules
*
j’aimerais que fouiller la terre soit un métier possible que nommer mes filles perce mes chairs
*
pour nous contenir nous devrons trouver la terre fendre chauffer la roche jusqu’à incandescence comme toutes les femmes dont nous sommes faites
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| | | Invité / Invité Mer 1 Avr 2020 - 18:19 | |
| - Orties a écrit:
- À neuve
Je veux sortir de ma main, de ces deux yeux qui me regardent dans la glace. De ma jambe droite, de ma jambe gauche, de tout le reste.
Catégoriquement j'exige d'être ailleurs. Extatiquement, j'exige d'être autrement. Je veux me faire à neuve, moi-même me faire à neuve.
Je ne suis pas tenue de vivre, mais dois moi-même me faire à neuve.
Sourire trempé
J'ai trouvé en moi une force, aucun homme ne me la reprendra. Un homme est remplaçable. J'ai payé cette leçon au prix qu'elle mérite.
Je suis passée par un bain de feu, comme à merveille trempe le feu. J'en suis sortie le sourire trempé. Je n'aurai plus à demander de me poser une main sur la tête. Je m'appuierai moi-même.
Je suis fermée telle une cité Moyenâgeuse, au pont-levis levé. Vous pouvez bien tuer la ville, personne n'entrera.
Intestin
Vois dans la glace, voyons ensemble. Ça, c'est mon corps à nu. Il paraît que tu l'aimes, je n'ai moi pas de motif. Qui m'a liée, moi à mon corps ? Pourquoi dois-je avec lui mourir ? J'ai le droit de savoir où passe la frontière entre nous. Où suis-je, moi, moi seule ?
Ventre, suis-je dans le ventre ? Les intestins ? La cavité du sexe ? Un doigt de pied ? On dit : dans le cerveau. Que je ne vois pas. Sors-moi mon cerveau du crâne. J'ai le droit de me voir. Ne ris pas. Tu dis : macabre ?
Ce n'est pas moi qui fis mon corps. J'use les vieilles frusques de famille. Cerveau de l'un, fruit du hasard, cheveux de grand-mère, nez fabriqué en partant de nez morts. Pourquoi suis-je liée à ça, pourquoi liée à toi qui aimes mon genou, qu'ai-je à voir avec mon genou ? Sûrement, je n'aurais pas choisi ce modèle.
Je vous laisse ensemble, mon genou et toi. Ne fais pas la tête, c'est tout mon corps que je te laisse pour t'amuser. Moi je m'en vais. Pas de place ici pour moi dans ce charnel aveugle qui attend de pourrir.
Je vais filer, courir à perdre haleine jusqu'à moi-même je me chercherai moi courant comme une folle jusqu'au dernier souffle.
Il faut se dépêcher avant que vienne la mort. Alors, come un chien à la chaîne j'aurai à revenir dans mon corps qui souffre à en crier. Célébrer la dernière criarde cérémonie du corps.
Vaincue par le corps, anéantie pour cause de corps, je me ferai rein défaillant, ou gangrène de l'intestin. Et finirai dans l'opprobre.
Et avec moi finira l'univers réduit à un rein défaillant et une gangrène d'intestin.
Anna Swirszczynska C’est magnifique. |
| | Nombre de messages : 2166 Âge : 31 Date d'inscription : 29/05/2013 | plouf / Crime et boniment Jeu 2 Avr 2020 - 18:57 | |
| Tout ce qui n'est pas réellement présent dans le coeur ne relève pas du haiku. Santoka |
| | | Invité / Invité Sam 11 Avr 2020 - 12:09 | |
| Malgré mes yeux chargés de frontières, de villes, Et d’étranges maisons sans volets pour rêver, Suis-je allé bien plus loin que cette chambre basse Où le jardin venait en sabots de bois lent Raconter ses semis, son herbe et ses bourgeons Le long des chats secrets enroulés sur eux-mêmes ? Tout était déjà là serré par un fleurage Insensible aux saisons, L’édredon de feu roux avait longtemps couvé Les naissances, les morts et les poussins hâtifs, L’homme avait déjà fait ici ses plus profonds voyages.
André Henry Les murs originels |
| | | Invité / Invité Sam 11 Avr 2020 - 12:24 | |
| - Loubna a écrit:
- Malgré mes yeux chargés de frontières, de villes,
Et d’étranges maisons sans volets pour rêver, Suis-je allé bien plus loin que cette chambre basse Où le jardin venait en sabots de bois lent Raconter ses semis, son herbe et ses bourgeons Le long des chats secrets enroulés sur eux-mêmes ? Tout était déjà là serré par un fleurage Insensible aux saisons, L’édredon de feu roux avait longtemps couvé Les naissances, les morts et les poussins hâtifs, L’homme avait déjà fait ici ses plus profonds voyages.
André Henry Les murs originels Magnifique ! |
| | | Invité / Invité Sam 11 Avr 2020 - 12:45 | |
| | Nombre de messages : 2166 Âge : 31 Date d'inscription : 29/05/2013 | plouf / Crime et boniment Dim 19 Avr 2020 - 17:38 | |
| en ce moment je correspond avec un coréen, il m'a envoyé ce matin ce texte d'une poétesse coréenne. J'imagine qu'il l'a lui même traduit en anglais.
Some write poems on paper; Some write poems on people's hearts; Some write poems on an empty trackless sky. I write my poems on December snow. When the snow melts, the poems dissolve.
Ryu Shiva |
| | Nombre de messages : 306 Âge : 30 Pensée du jour : paupiette Date d'inscription : 31/12/2019 | bijou / Tapage au bout de la nuit Ven 24 Avr 2020 - 23:13 | |
| De ta faiblesse, domine !
L'être qui inspire m'a dit : Je suis celui qui tremble. Je suis celui qui rompt, Qui glisse, qui rampe. Je suis celui qui rend. L'être qui transporte m'a dit : Je suis celui qui cesse, Celui qui ôte, celui qui lâche. Eh bien! et toi? Et toi pareil, pourquoi te méconnais-tu?
Je m'assieds en juge, Je m'accroupis en vache, Je pénètre en père, J'enfante en mère. Et toi, qu'attends-tu ?
Ton égout traverse la Royale Demeure. Six mille lames de mots tu as en ta bouche. Faible, dis-tu. Qui est faible, traversant les quatre mondes ?
Je suis l'oiseau. Tu es l'oiseau.
Je suis la flèche empennée des plumes de
l'oiseau. Je vole. Tu voles. Je vogue. Tu vogues. Nous voguons entre les mâchoires du ciel et de la Terre. Je romps Je plie Je coule
Je m'appuie sur les coups que l'on me porte Je gratte J'obstrue J'obnubile
Je fais rétrograder la marche des vivants Et toi, qui en misère as abondance Et toi,
Par ta soif, du moins, tu es soleil, Épervier de ta faiblesse, domine ! Regarde :
Je fais tournoyer la femme Je lynche le vieillard J'enivre la racine Je galope dans le troupeau de girafes Je suis le guerrier parachuté Je suis l'oreille quand il y a du bruit Je trompe, je traverse Je n'ai pas de nom Mon nom est de gaspiller les noms Je suis le vent dans le vent.
Je suis celui qui enfanta les dieux Dans mon bassin ils ont été créés De mon bassin ils ont été chassés.
Je ruine Je démets Je disloque M'écoutant, le fils arrache les testicules du
Père Je dégrade Je renverse Je renverse La tête dans ses tarots mes chiens dévorent la cartomancienne.
Henri Michaux
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| | Nombre de messages : 89 Âge : 25 Date d'inscription : 25/08/2019 | GonzagueG / Pippin le Bref Ven 24 Avr 2020 - 23:35 | |
| C'est un fort beau poème. |
| | Nombre de messages : 3385 Âge : 28 Pensée du jour : "Et à l'intérieur j'ai tellement mal que je ne peux pas croire qu'il y aura un temps soulagé, un jour"' Date d'inscription : 13/02/2014 | Mâra / Mérou Jeu 11 Juin 2020 - 23:15 | |
| Ólmir villikettir spurninganna reynast betur við ljóðvegagerð en þægar skepnur kokhraustrar vissu - Sigurdur Palsson
Chats sauvages furieux des questions s'avèrent meilleurs en construisant les sentiers de poésie que les sages créatures de la certitude hautaine - Traduction Régis Boyer |
| | | Invité / Invité Ven 12 Juin 2020 - 0:05 | |
| Magnifique langue, magnifique poème. Je me sens forcé de mettre cet extrait de la Völuspa :
Geyr nú Garmr mjök fyr Gnipahelli, festr mun slitna, en freki renna; fjölð veit ek fræða, fram sé ek lengra um ragna rök römm sigtíva.
En français :
Garm hurle affreusement devant Gnipahall. Les chaînes vont se briser, le loup s'échappera : Elle prévoit beaucoup, la prophétesse : Je vois de loin Le crépuscule des grandeurs, la lutte des dieux combattants. |
| | Nombre de messages : 306 Âge : 30 Pensée du jour : paupiette Date d'inscription : 31/12/2019 | bijou / Tapage au bout de la nuit Mer 24 Juin 2020 - 14:27 | |
| Il a plu L'heure est un oeil immense En elle nous marchons comme des reflets le fleuve de la musique entre dans mon sang. Si je dis : corps il répond : vent. Si je dis : terre, il répond : où ?
S'ouvre, fleur double, le monde : tristesse d'être venu, joie d'être ici.
Je marche perdu en mon propre centre
Octavio Paz. Concert dans le Jardin |
| | Nombre de messages : 2166 Âge : 31 Date d'inscription : 29/05/2013 | plouf / Crime et boniment Lun 27 Juil 2020 - 14:19 | |
| Nous attribuons généralement à nos idées sur l’inconnu la couleur de nos conceptions sur le connu : si nous appelons la mort un sommeil, c’est qu’elle ressemble, du dehors, à un sommeil ; si nous appelons la mort une vie nouvelle, c’est qu’elle paraît être une chose différente de la vie. C’est grâce à ces petits malentendus avec le réel que nous construisons nos croyances, nos espoirs – et nous vivons de croûtes de pain baptisées gâteaux, comme font les enfants pauvres qui jouent à être heureux. Mais il en va ainsi de la vie entière ; tout au moins de ce système de vie particulier qu’on appelle, en général, civilisation. La civilisation consiste à donner à quelque chose un nom qui ne lui convient pas, et à rêver ensuite sur le résultat. Et le nom, qui est faux, et le rêve, qui est vrai, créent réellement une réalité nouvelle. L’objet devient réellement différent, parce que nous l’avons, nous, rendu différent. Nous manufacturons des réalités.
Pessoa |
| | Nombre de messages : 1212 Âge : 46 Localisation : Lausanne Pensée du jour : As I die, I hope I will be gazing inwardly at that glorious patch of sun, gleaming on an old oak floor, a window of light opening into the deep reality of life eternal... Date d'inscription : 17/05/2017 | PlumeSombre / Tentatrice chauve Lun 27 Juil 2020 - 16:32 | |
| REQUIESCAT
(Oscar Wilde, pour sa sœur défunte)
TREAD lightly, she is near Under the snow, Speak gently, she can hear The daisies grow.
All her bright golden hair Tarnished with rust, She that was young and fair Fallen to dust.
Lily-like, white as snow, She hardly knew She was a woman, so Sweetly she grew.
Coffin-board, heavy stone, Lie on her breast, I vex my heart alone She is at rest.
Peace, Peace, she cannot hear Lyre or sonnet, All my life's buried here, Heap earth upon it.
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(In french...)
Marche doucement, elle est là Dessous la neige encore, Et peut entendre - parle bas - La marguerite éclore.
Ses cheveux brillants comme l'or Sont de rouilles ternis, Elle si jeune et belle alors En poussière a fini.
Comme la neige ou le lys blanc, À peine savait-elle Qu'elle était une femme, tant Sa vie fut douce et belle.
Cercueil de bois, dalle de pierre, Sur sa poitrine enclose ; Mon cœur s'afflige solitaire, Tandis qu'elle repose.
Silence, elle ne peut entendre Ni lyre ni sonnet, Ma vie est ici, en sol tendre Enterrée à jamais. |
| | | Invité / Invité Mer 19 Aoû 2020 - 23:37 | |
| Des poèmes issues de l'anthologie Femmes poètes du monde arabe présentée par Maram al-Masri (je pourrais en poster plein tant elle est superbe !) : - Suzanne Alaywan (trad. Maram al-Masri) a écrit:
- Beauté blessée
Rien dans la chute de la pluie ne m’étonne comme si c’était à chaque fois la première fois
Ce qui m’arrête dans les visages des statues souriant aux passants
Ce qui me prend de moi comme un pas
Ce qui me prend pour un chemin
Ce qui me fait éveiller pour que je rêve
Ce qui connaît tout de moi Sauf moi
Ce dont j’ai peur c’est de l’espoir, peut-être
Ce qui pousse les rivières loin d’elles
Ce qui fait l’honnêteté des oiseaux morts ce qui fait de ma solitude des fantômes
Ce qui peut toucher le plafond entre lune et pluie l’impossible
Ce qui fait partir le train plus loin des barreaux
Ce qui ressemble au chant et au pardon
Ce qui pousse le petit caillou vers sa petite vie Et il s’en va vers les rivages d’une mer qui fait des signes d’adieu et les baleines
Ce qui fait honte au marteau et aux épouvantails qui font peur aux oiseaux
Ce qui me dénude jusqu’aux larmes
Ce que je voudrais dire sans que me coupe la séparation
Ce qu’il y a dans les paroles de l’incapacité de parler
Ce qui illumine la Terre comme une étoile
Ton sourire cassé
Ce qui est au-delà de la description et du supportable - Sabah Zouein a écrit:
- Et puis, quand le soleil
C’est elle qui refermait sa main sur un tas de lumière la main qu’elle n’avait jamais refermée sur rien. Ou bien elle a attrapé le soleil d’une main, et au creux de l’autre main, elle a planté des oiseaux des étoiles et des noms.
Aujourd’hui la main se dissipe, elle disparaît dans l’illusion du lieu dans l’illusion du sens, et elle n’est pas la parole vive, elle n’est pas la pérennité du mot, elle n’est pas non plus la profondeur du ciel.
Qu’il est bleu le soleil. Hier, qu’il était bleu le soleil.
Mon visage doré s’est reflété dans la lueur du miroir, dans son horreur, l’horreur de la distance.
Il te suffisait de me voir passer par hasard. Nous suffit le hasard de nos matins.
Ou bien j’ouvre la fenêtre qui donne sur ton ombre, et sur certaines de nos peurs.
Quant à la mort elle ne vient pas. Cette mort semblable à notre fin fuyant devant nous. Il nous fallait plutôt tourner, entre deux temps, tourner autour de notre fin.
J’ai passé hier ma main sur la couleur du ciel, ou, comme si je n’étais jamais passée dans tous ces instants, comme si je m’effaçais tellement j’ai été.
Ma main n’a pas cueilli les fruits des jardins, je n’ai pas cueilli la pomme, ni les lettres qui étaient jetées sur ma route.
Quant à la pomme, elle n’est pas tombée, et l’encre est devenue plus noire. Combien ai-je écrit dans les ténèbres de la langue. J'en posterai d'autres plus tard. |
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