|
|
| | Nombre de messages : 1149 Âge : 41 Date d'inscription : 14/11/2023 | Seb / Effleure du mal Lun 8 Avr 2024 - 10:30 | |
| La peau du monde - René DaumalJe vis et je vais m’interrogeant de la vie, et l’image méconnaissable de moi-même, ce monde d’air, de roc, de maisons, de lumières, de millions de visages sans lois, sans voix ce cuivre, ce bois verni, ces souffles, ces cris, tournent, couleurs à fleur de peau, formes touchées, mangées, où suis-je ? (non, non, ce n’est pas une devinette, hélas, ce n’est pas une devinette, que ce soit ici ou ailleurs je ne me reconnais plus.) Ordre si fragile de la géométrie, ne me prodigue plus les consolations de ton cœur de fer. Ces jours, je vais dans les couleurs et les sons mêlés, et je vois la nuit dans les plus vives lumières, monde, monstrueux fantôme, ton jour est la plus vide des nuits. Une voix dit : où suis-je ? qui suis-je ?? Est-ce ma voix dans ce désert ? La surface de chaque chose est tendue par la nuit qui la gonfle, – Oh ! cette nuit en voiles de soleil ! Oui, cette parole dans la bulle d’illusion, cette parole perdue, ce n’est jamais que la mienne. |
| | Nombre de messages : 12 Âge : 24 Pensée du jour : Un rameau de lilas mauve sur le mollet Date d'inscription : 25/03/2024 | Bulle / Homme invisible Mar 9 Avr 2024 - 21:36 | |
| J'en aurais dit autant pour If, de Kipling. Mais je lui préfère Souchon, aussi par mesquinerie, je me permets de vous proposez du Larkin. Je tiens à remercier chaudement la plume qui à déposé le Sonnet en yx. Puis sans raison, il y aura du Vian Sunny Prestatyn
Come To Sunny Prestatyn Laughed the girl on the poster, Kneeling up on the sand In tautened white satin. Behind her, a hunk of coast, a Hotel with palms Seemed to expand from her thighs and Spread breast-lifting arms.
She was slapped up one day in March. A couple of weeks, and her face Was snaggle-toothed and boss-eyed; Huge tits and a fissured crotch Were scored well in, and the space Between her legs held scrawls That set her fairly astride A tuberous cock and balls
Autographed Titch Thomas, while Someone had used a knife Or something to stab right through The moustached lips of her smile. She was too good for this life. Very soon, a great transverse tear Left only a hand and some blue. Now Fight Cancer is there. Philip Larkin J'voudrais pas creverJe voudrais pas crever Avant d'avoir connu Les chiens noirs du Mexique Qui dorment sans rêver Les singes à cul nu Dévoreurs de tropiques Les araignées d'argent Au nid truffé de bulles Je voudrais pas crever Sans savoir si la lune Sous son faux air de thune A un coté pointu Si le soleil est froid Si les quatre saisons Ne sont vraiment que quatre Sans avoir essayé De porter une robe Sur les grands boulevards Sans avoir regardé Dans un regard d'égout Sans avoir mis mon zobe Dans des coinstots bizarres Je voudrais pas finir Sans connaître la lèpre Ou les sept maladies Qu'on attrape là-bas Le bon ni le mauvais Ne me feraient de peine Si si si je savais Que j'en aurai l'étrenne Et il y a z aussi Tout ce que je connais Tout ce que j'apprécie Que je sais qui me plaît Le fond vert de la mer Où valsent les brins d'algues Sur le sable ondulé L'herbe grillée de juin La terre qui craquelle L'odeur des conifères Et les baisers de celle Que ceci que cela La belle que voilà Mon Ourson, l'Ursula Je voudrais pas crever Avant d'avoir usé Sa bouche avec ma bouche Son corps avec mes mains Le reste avec mes yeux J'en dis pas plus faut bien Rester révérencieux Je voudrais pas mourir Sans qu'on ait inventé Les roses éternelles La journée de deux heures La mer à la montagne La montagne à la mer La fin de la douleur Les journaux en couleur Tous les enfants contents Et tant de trucs encore Qui dorment dans les crânes Des géniaux ingénieurs Des jardiniers joviaux Des soucieux socialistes Des urbains urbanistes Et des pensifs penseurs Tant de choses à voir A voir et à z-entendre Tant de temps à attendre A chercher dans le noir Et moi je vois la fin Qui grouille et qui s'amène Avec sa gueule moche Et qui m'ouvre ses bras De grenouille bancroche Je voudrais pas crever Non monsieur non madame Avant d'avoir tâté Le goût qui me tourmente Le goût qu'est le plus fort Je voudrais pas crever Avant d'avoir goûté La saveur de la mort. Vian. (Avec quelque liberté sur les strophes pour aérer le texte pour les yeux du lecteurs) |
| | Nombre de messages : 1149 Âge : 41 Date d'inscription : 14/11/2023 | Seb / Effleure du mal Mer 3 Juil 2024 - 20:32 | |
| la ville semblait si sombre comme si j'avais plongé dans une des milles nervures électriques d'un immense système vaguement dysfonctionnel
sur les trottoirs passantes passants passaient régulièrement comme des engrenages plus ou moins bien huilés la ville semblait si sombre
et je me souvenais pressentais qu'on était dans une version dysfonctionnelle de la réalité
et je cherchais je fis tous les efforts du monde de ce monde clopinant pour chercher et trouver le mot de passe pour passer de l'autre côté
ou au moins pour passer ailleurs
c'était Jefferson Airplaine quelque chose se brisa et je basculais
Antoinenagual |
| | Nombre de messages : 23 Âge : 17 Date d'inscription : 22/06/2024 | benjamin(walter) / Homme invisible Jeu 4 Juil 2024 - 9:54 | |
| JEUNESSE Jeunesse qui t'élances Dans le fatras des mondes Ne te défais pas à chaque ombre Ne te courbe pas sous chaque fardeau Que tes larmes irriguent Plutôt qu'elles ne te rongent Garde-toi des mots qui se dégradent Garde-toi du feu qui pâlit Ne laisse pas découdre tes songes Ni réduire ton regard Jeunesse entends-moi Tu ne rêves pas en vain. Andrée Chedid, Tant de corps et tant d'âme, 1984-1991 |
| | Nombre de messages : 461 Âge : 35 Localisation : Seine et Marne Pensée du jour : l'infini perceptible Date d'inscription : 26/06/2024 | MCJ / Pour qui sonne Lestat Jeu 4 Juil 2024 - 11:17 | |
| Mon préféré c'est de Louis Aragon " Que la vie en vaut la peine"
C'est une chose étrange à la fin que le monde Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit Ces moments de bonheur ces midis d'incendie La nuit immense et noire aux déchirures blondes.
II y aura toujours un couple frémissant Pour qui ce matin-là sera l'aube première II y aura toujours l'eau le vent la lumière Rien ne passe après tout si ce n'est le passant.
Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle Qu'à qui voudra m'entendre à qui je parle ici N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci Je dirai malgré tout que cette vie fut belle. |
| | | Invité / Invité Jeu 4 Juil 2024 - 16:44 | |
| L'un des poèmes que j'aime le plus c'est Pirata de Sophia de Mello Breyner Andresen. Voilà la version originale en portugais :
Pirata
Sou o único homem a bordo do meu barco. Os outros são monstros que não falam, Tigres e ursos que amarrei aos remos, E o meu desprezo reina sobre o mar.
Gosto de uivar no vento com os mastros
E de me abrir na brisa com as velas,
E há momentos que são quase esquecimento Numa doçura imensa de regresso.
A minha pátria é onde o vento passa, A minha amada é onde os roseirais dão flor, O meu desejo é o rastro que ficou das aves, E nunca acordo deste sonho e nunca durmo.
Et voilà la traduction en français des dernières strophes, qu'on peut lire en exergue du roman L'Accordeur de Silences de Mia Couto :
Et il est des moments de quasi-oubli Dans une immense douceur de retour.
Ma patrie est là où le vent passe, Mon aimée est là où les roseraies fleurissent, Mon désir est la trace laissée par les oiseaux, Et jamais je ne m’éveille de ce rêve et jamais je ne dors. |
| | Nombre de messages : 437 Âge : 27 Date d'inscription : 09/12/2016 | Constantine / Pour qui sonne Lestat Jeu 4 Juil 2024 - 17:09 | |
| Une lecture de Robert Desnos, qui remonte mais me vient naturellement en tête en voyant ce topic :
Les espaces du sommeil
Dans la nuit il y a naturellement les sept merveilles du monde et la grandeur et le tragique et le charme. Les forêts s’y heurtent confusément avec des créatures de légende cachées dans les fourrés. Il y a toi.
Dans la nuit il y a le pas du promeneur et celui de l’assassin et celui du sergent de ville et la lumière du réverbère et celle de la lanterne du chiffonnier. Il y a toi.
Dans la nuit passent les trains et les bateaux et le mirage des pays où il fait jour. Les derniers souffles du crépuscule et les premiers frissons de l’aube. Il y a toi.
Un air de piano, un éclat de voix. Une porte claque. Un horloge. Et pas seulement les êtres et les choses et les bruits matériels. Mais encore moi qui me poursuis ou sans cesse me dépasse. Il y a toi l’immolée, toi que j’attends.
Parfois d’étranges figures naissent à l’instant du sommeil et disparaissent. Quand je ferme les yeux, des floraisons phosphorescentes apparaissent et se fanent et renaissent comme des feux d’artifice charnus. Des pays inconnus que je parcours en compagnie de créatures. Il y a toi sans doute, ô belle et discrète espionne.
Et l’âme palpable de l’étendue. Et les parfums du ciel et des étoiles et le chant du coq d’il y a 2,000 ans et le cri du paon dans des parcs en flamme et des baisers.
Des mains qui se serrent sinistrement dans une lumière blafarde et des essieux qui grincent sur des routes médusantes. Il y a toi sans doute que je ne connais pas, que je connais au contraire.
Mais qui, présente dans mes rêves, t’obstines à s’y laisser deviner sans y paraître. Toi qui restes insaisissable dans la réalité et dans le rêve.
Toi qui m’appartiens de par ma volonté de te posséder en illusion mais qui n’approches ton visage du mien que mes yeux clos aussi bien au rêve qu’à la réalité.
Toi qu’en dépit d’un rhétorique facile où le flot meurt sur les plages, où la corneille vole dans des usines en ruines, où le bois pourrit en craquant sous un soleil de plomb.
Toi qui es à la base de mes rêves et qui secoues mon esprit plein de métamorphoses et qui me laisses ton gant quand je baise ta main. Dans la nuit il y a les étoiles et le mouvement ténébreux de la mer, des fleuves, des forêts, des villes, des herbes, des poumons de millions et millions d’êtres.
Dans la nuit il y a les merveilles du mondes. Dans la nuit il n’y a pas d’anges gardiens mais il y a le sommeil. Dans la nuit il y a toi.
Dans le jour aussi. |
| | Nombre de messages : 284 Âge : 28 Date d'inscription : 30/08/2023 | Moïra / Autostoppeur galactique Sam 6 Juil 2024 - 15:18 | |
| Je ne connaissais pas ce poème de Desnos, mais |
| | Nombre de messages : 437 Âge : 27 Date d'inscription : 09/12/2016 | Constantine / Pour qui sonne Lestat Mer 31 Juil 2024 - 17:38 | |
| À peu près tout de Nadia Tuéni, introuvable en librairie malheureusement (mais des éditions numériques existent). Je la relis en boucle, je pioche, je m’inspire sans même m’en apercevoir. Ici deux poèmes de son recueil Poèmes pour une histoire, paru en 1972. Et : |
| | Nombre de messages : 45 Âge : 23 Date d'inscription : 23/01/2024 | Nakyh / Petit chose Lun 4 Nov 2024 - 9:57 | |
| Pour toi mon amour – Jacques Prévert
Je suis allé au marché aux oiseaux Et j’ai acheté des oiseaux Pour toi Mon amour
Je suis allé au marché aux fleurs Et j’ai acheté des fleurs Pour toi Mon amour
Je suis allé au marché à la ferraille Et j’ai acheté des chaînes De lourdes chaînes Pour toi Mon amour
Et puis je suis allé au marché aux esclaves Et je t’ai cherchée Mais je ne t’ai pas trouvée Mon amour. |
| | Nombre de messages : 28 Âge : 27 Date d'inscription : 23/10/2024 | maxine_delabarre / Petit chose Lun 4 Nov 2024 - 14:52 | |
| Un poème de Roberto Juarroz découvert il y a peu que j'aime énormément :
Un lugar solo se entraga A quien se haya sentido solo en él Una ciudad, un bosque o la nada
Tal vez ocurra lo mismo con todas las cosas y sea necesario haberse sentido solo en algo para poder conternerlo
La solded previa en lo que se ama es la unica condition imprescindible, la unica premisa valida para el amor
***
un lieu ne se livre qu'à celui qui s'y est senti seul. Une ville, une forêt ou le néant.
Peut-être en va-t-il de même de toutes les choses et est-il nécessaire de s'être senti seul en quelque chose pour pouvoir le contenir.
La solitude préalable dans ce qu'on aime est la seule condition indispensable, la seule prémisse valable de l'amour.
|
| | Nombre de messages : 1149 Âge : 41 Date d'inscription : 14/11/2023 | Seb / Effleure du mal Lun 11 Nov 2024 - 8:56 | |
| LE MONDE DE BÉBÉ
Ah ! si je pouvais pénétrer jusqu’au centre même du monde de mon Bébé pour m’y choisir une paisible retraite !
Je sais que ce monde a des étoiles qui causent avec lui, un azur qui descend jusqu’à son visage et l’amuse de ses arcs-en-ciel et de ses nuages bizarres.
Ceux qui prétendent être muets et semblent incapables de faire un mouvement, se glissent en secret vers sa fenêtre pour lui conter des histoires et lui offrir des plateaux remplis de jouets aux couleurs brillantes.
Ah ! si je pouvais cheminer sur les routes qui traversent l’esprit de Bébé et les suivre plus loin, plus loin, au delà de toutes limites !
Là où des messagers sans message passent et repassent entre les États de rois sans histoire, là où la raison fait des cerfs-volants de ses lois et les lâche dans l’espace, là où la vérité libère les faits de leurs entraves.
Rabîndranâth Tagore |
| | Nombre de messages : 1520 Âge : 46 Localisation : Bourgogne Date d'inscription : 25/09/2024 | Ysra / Roland curieux Lun 11 Nov 2024 - 11:24 | |
| LIBERTE
La peau minérale des tyrans emmaillote l'espace Multiplie ses écailles sur les cités avares de portes sur les bouches plâtrées
Pourtant
plus nue que l'herbe
et grosse de printemps
La Vie
Trame sans fin la débâcle des idoles Ranime l'éclat de l'eau sur les fleuves de sang
Pourtant
plus aiguë que la foudre
La Vie
Tranche les nœuds de la peur Condamne les nuits en arme
Et nomme
à faire frémir de douceur toutes nos clairières inavouées Nomme la parole ouverte Respire déjà en chacun.
Andrée Chedid |
| | |
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
|
|
|