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 Violence et société

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Noxer  /  Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen !


Vu que cela a été quelque chose de longuement débattu sur l'ex-topic du rejet du féminisme, j'aimerais qu'on s'interroge, et ce de manière plus générale, sur la place de la violence dans notre société, c'est à dire comment elle est perçue, utilisée politiquement, idéologiquement, et essayer d'y voir non pas quelque chose de mal comme pour couper court à tout débat, mais comme un phénomène social comme les autres. Je vais me servir d'une phrase qui m'a intrigué pour problématiser

Zaou a écrit:
Ce qui est sur c'est que, si vous écrivez sur internet pour "évacuez votre colère", vous ne pouvez pas vous étonner à ce qu'on dise que vous êtes émotionnelles et radicales. C'est ce que vous rendez visible.

Pourquoi l'expression d'une colère est-elle "radicale" ? Pourquoi n'arrivons-nous plus dans notre société à accepter une colère, que ce soit dans les discours ou dans la rue, sans que toute intention à la base soit discréditée ? Il me semble que se questionner sur la réception de cette colère c'est aussi se questionner sur les rapports de pouvoir et comment ils s'organisent - ce qui fait que la société offre plus ou moins de résistance à l'expression de cette colère (et violence), ce qui fait qu'elle l'inhibe et la marginalise pour qu'elle devienne "radicale".

Au delà de savoir si une violence peut être légitime ou non, c'est aussi une occasion, il me semble, de se faire observateur de soi-même et de voir comment on réagit face à la colère et la violence ; est-ce que notre réaction est si naturelle que ça ou est-ce qu'elle témoigne d'une habitude du confort de la pensée et des corps ? Ou d'autre chose ?

C'est quoi, pour vous être radical, être extrême ? Et surtout, par rapport à quoi un discours violent est-il extrême, quelle est la norme qu'on ne nomme jamais, mais qui est présente dans tous nos esprits dès qu'une situation va à son encontre ?

Il me semble difficile de parler de colère et de violence sans parler de leurs motifs - à la fois parce que les motifs jouent aussi dans la réception d'une colère (voir par exemple le tone policing , à la fois réaction et à la fois action de censure et de domination), et à la fois parce qu'ils sont nécessaires pour la communication (car de fait la violence et la colère sont des communiquants). Jusqu'à quel point, par exemple, notre rejet de la violence peut inhiber toute tentative de réception de cette communication ? Est-ce que la violence et la colère empêchent vraiment l'empathie ou est-ce qu'elle ne serait justement pas le moyen le plus efficace pour la créer ? (je pense à divers phénomènes sociaux, par exemple récemment le #balancetonporc).

Bref, la participation à cette discussion peut se faire avec des exemples de discours ou vidéos portant une colère, et notre réaction à ceux-ci, ce pourrait être intéressant, ce peut être aussi une réponse aux questions que j'ai soulevées, un approfondissement, ou d'autres interrogations et témoignages. J'avoue que la raison de cette discussion comme de tant d'autres est la frustration de voir encore une fois une division immense à cause de cette question de la colère de la violence et de sa réception, je pense que c'est quelque chose très important qu'il faut résoudre, pour les combats sociaux de toute sorte mais aussi pour l'amélioration de nos rapports individuels.
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Zaou
   
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La colère peut être parfaitement légitime.
Ça ne veut pas dire qu'elle l'est forcément. Ni que, quand elle l'est, on peut l'exprimer n'importe comment.

Si on "évacue" sa colère, sans faire attention à ce qu'elle soit juste ou en ignorant les dommages collatéraux, on est dans une démarche de violence et de vengeance. Cette démarche radicalisera forcément les positions de chacun.
Une colère légitime est protectrice, réparatrice et constructive. S'il est important d'être compréhensif sur la forme, le fond exprimé ne peut souffrir d'aucune dérive sans modifier la nature même de cette colère.

Personnellement je comprends et soutiens tout colère légitime mais essaye de faire blocage quand elle devient aveugle.
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Kid
   
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Comment est-ce qu'on détermine la légitimité d'une colère ?
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Mha
   
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Il y a ce billet, toujours intéressant et joyeusement fleuri, de Frédéric Lordon au sujet de la violence suite à l'affaire du DRH de "Air France" et de sa chemise en lambeau. Je pense que en dehors des considérations gauche-droite, on peut même créer facilement des ponts avec le féminisme en changeant quelques mots-clés dans le texte.

https://blog.mondediplo.net/2015-10-09-Le-parti-de-la-liquette

 
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Zaou, je n'ai pas l'impression d'avoir été compris, car j'interroge non pas la légitimité d'une colère mais de son accomplissement - légitimité de la violence. Je voudrais savoir sur quoi se base, par exemple, ton raisonnement qui va de "démarche de violence" à "démarche radicale", et pourquoi cette dernière semble inimaginable pour toi, parce que ce qui est source de conflit, c'est que cela te semble évident, mais qu'il me semble important d'interroger. (et c'est cette interrogation que fait d'ailleurs aujourd'hui de nombreux militants de toutes causes).

Néanmoins ton message est tout de même intéressant pour donner un exemple de cette norme invisible que j'ai évoqué, et j'aimerais un peu plus d'éclaircissements sur celle-ci : à partir de quand une colère devient aveugle pour toi ?

La question de la "vengeance" est aussi intéressante, on pourrait l'utiliser pour répondre à la question précédente, c'est à dire quand est-ce qu'une colère devient vengeance. Et cela implique aussi énormément de choses, par exemple, si j'interprète une colère exprimée comme une vengeance, c'est que je me sens impliqué, c'est que j'ai l'impression de me situer de l'autre côté de la colère, du côté de celui qui la subit et non du côté de celui qui l'éprouve. Est-ce que cette interprétation de la colère comme vengeance est-elle toujours justifiée ? C'est à dire, n'est-ce pas déjà un refus (normatif ou subconscient) d'un discours qui exprime de la colère que de l'interpréter comme de la vengeance ?

Il faudrait se demander, et je le répète, pourquoi il y a "blocage", pourquoi il y a un sentiment que l'autre essaye de se venger, et non simplement exprimer quelque chose qui est de l'ordre, bien souvent, d'une souffrance.

J'entends cependant qu'il peut y avoir réelle vengeance, et d'ailleurs, la plupart du temps, lorsque c'est le cas, les auteurs ne s'en cachent pas et font de cette vengeance le centre de leurs combats - c'est assumé. Mais c'est une autre question.
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Mâra
   
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Je pense que notre société cherche à policer les comportements, et c'est bien normal. Nous sommes de plus en plus nombreux et nos interactions avec autrui sont de plus en plus serrées, la solitude réelle n'existe quasiment plus. Tout ce que l'on dit ou fait a des conséquences. On est entendus partout.
La colère n'a pas sa place dans cette société car elle en grippe les rouages.
La musique, le sport, l'art, les jeux vidéos, peuvent être des moyens de passer cette colère...

MAIS lorsqu'elle est se rattache, non plus à une frustration passagère, mais à des événements continus, injustes, lorsque c'est une colère sociétale, ou une colère de souffrance, on ne peut plus la passer sans l'édulcorer, et là cela devient très destructeur, autant pour la personne en colère, qui souffre de ce que son ressentiment soit un cri vain dans des exutoires vains, que pour ceux qui reçoivent la colère, et la conçoivent peu ou mal dans un monde où les voix dominantes ne parlent que d'amitié, de bien-être, de réseaux sociaux, de like, de bonheur...

En tant que personne, je ressens souvent de la colère, et j'en souffre, c'est une émotion difficile à vivre ; mais j'en souffre parce que je ne peux pas l'exprimer, c'est une colère vaine, absurde, qui se retourne contre moi. Les colères d'action sont les plus douces, elles nous poussent à nous affirmer, à prendre soin de nous, à se rendre justice ; cela, je voudrais le ressentir plus souvent...
La colère des autres me fait peur, c'est toujours comme si le monde s'écroulait. Mais tu me fais réfléchir et à l'avenir je ferai en sorte de mieux accueillir la colère d'autrui.
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Bohr
   
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Mon analyse, c'est que la société (dans son idée même, pas forcément la nôtre plus que celle des guaranis) est fondée sur la violence, si elle n'est pas, elle-même, de manière définitoire, une forme particulière de violence.
En effet, je pense que 80% à 90% de nos interactions sociales nous sont imposées: famille, travail, cohue dans le RER, voisins etc. C'est en soi constitutif d'une violence, certes légère, mais une violence quand même. Elle devient intuitivement plus facile à appréhender, lorsque ces interactions prennent un tour objectivement pénible: cadre qui chefaillonne, tonton bourré qui ressasse une bonne théorie du complot discrètement antisémite, reproches parentaux, procédures "métier" lourdes et vides de sens, par exemple.
Le point commun, c'est le fait que chacune de ces interactions puisse être vécue de manière pénible (parfois traumatisante) par le sujet, et que le reste de la société s'en contrefout; pire: elle en a besoin pour perdurer! Il faut lisser les individualités pour les résumer à leur tronc commun social - ce qu'accomplissent à merveille des concepts comme "une même loi pour tous" ou bien "l'égalité de traitement". De la même manière, la culture agit comme un système de lissage aussi, en légitimant voire rationalisant les comportements sociaux, et la limite entre le socialement acceptable et le reste.

Alors, je le conçois, il y a différents types de violence, symbolique, verbale, physique, systémique, que sais-je encore. Elles ont différents types de cibles: individus, groupes d'individus identifiés, catégories de population plus ou moins floues. Elles ont différents types de conséquences: blessures mentales plus ou moins profondes, blessures physiques, mort, destruction, oubli ou négation.
Mais, toujours, le principe est de placer l'intérêt du bourreau au dessus du bien-être voire de la survie de la victime.

Dès lors, si les cibles, conséquences, voire intérêts servis sont différents, le principe en lui-même est invariant, et il n'y a, à mon avis, qu'une différence de degrés entre un abruti qui stagne devant les portiques du métro, et un assassinat au couteau. La différence, c'est que la culture a rendu inacceptable de se laisser aller à sa colère en mutilant le premier à l'aide d'une masse, alors qu'on peut bien évidemment se défendre contre le second.

Noxer a écrit:
Est-ce que la violence et la colère empêchent vraiment l'empathie ou est-ce qu'elle ne serait justement pas le moyen le plus efficace pour la créer ? (je pense à divers phénomènes sociaux, par exemple récemment le #balancetonporc).

Hé bien si, bien évidemment!
Mais la question est plutôt: empathie envers qui? Et colère/violence dirigée contre qui?
Exemples:
Brasserie La Grosse Lulu, Bonn, années 20 a écrit:
"Non mais vous vous rendez compte? Ces enfoirés contrôlent la banque, les médias, les centres de pouvoir, ils se gavent autant qu'ils peuvent pendant que vous, vous trimez à payer les réparations de guerre! Ca me met hors de moi!"
OK, celui-là est facile.
Atlanta, 1835 a écrit:

— Dis-donc, Malcolm, j'ai déboursé une petite fortune pour toi, j'espère rentrer dans mes frais! Au boulot, sinon tu feras de la balançoire d'ici ce soir!
— Oui, Maître.
Ou encore:
3è sous-sol de la Loubianka, Moscou, début des années 50. a écrit:
"Tu vois, salopard de vendu au capitalisme, ce qu'on est en train de faire à ta femme et à ta fille, c'est ta faute! Fallait nous donner les noms...

Donc, voilà, créer de l'empathie, pour qui, pour quoi, en réaction à quoi? Ressentir de l'empathie pour l'auteur d'une violence, parfois, ça s'appelle Syndrome de Stockholm, par exemple...
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Irvyn
   
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Toute évolution, qu'elle soit progrès ou régression (car il est toujours dangereux de considérer que la chronologie n'est faite que de progrès), a été le résultat de violences. Elles ne sont pas forcément physiques cela dit, comme le montre l'indépendance de l'Inde, où il y a eu réponse à une domination par un mouvement contraire, qui a entraîné la perte de légitimité de l'occupant (car plus on use de violence face à un mouvement pacifique, plus on perd en crédibilité). C'est d'ailleurs une philosophie très utilisée par les écologistes, bien qu'il existe un penchant plus "radical".
Du coup, la radicalité d'un mouvement peut se définir par son manque de concession, de discussion et sa volonté d'écrasement. Là où un mouvement pacifique aurait œuvré par l'occupation physique d'un territoire, la manifestation, l'éveil des consciences et la négociation (qui aura passé par la perte en crédibilité de la cible), le mouvement radical se base sur l'action violente envers cette même cible, ce qui aura souvent pour conséquence de porter un blâme à la partie pacifiste.
Pour retranscrire ça avec l'écologie, on peut dire qu'occuper des parties de globes (les préserver en les plaçant sous des protections super-étatiques), engager des manifestations et démontrer tout un ensemble de phénomènes négatifs, comme le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources ou les atteintes à la biosphère : tout ça fera partie de ces outils de lutte. Tandis que la mouvance radicale organisera des attentats contre des structures qui s'attaquent à la planète.
De même en politique, les mouvements radicaux peuvent être ceux qui voudraient favoriser l'émergence d'un parti unique. Il y a toujours cette dimension de destruction de ce qui est déjà en place.

En gros, de mon point de vue, la mouvance modérée s'attaquera à la crédibilité d'un organisme, au soutien qu'il peut avoir, tandis que le mouvement radical cherchera à détruire sans chercher de réelle communication, car il aura peut-être trouvé que les actions du premier sont insuffisantes / ne conduisent pas à un changement assez rapide, avec parfois (souvent) des dommages collatéraux : ceux-là même qui porteront préjudice à la cause défendue.

Je crois que c'était le sujet... À moins que tu ne parlais de la montée de la violence dans notre société ? scratch
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Kid
   
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De plus, l'action brutale en lien avec la colère ne rentre pas seulement dans le cadre de "l'évacuation".
Certaines actions nées d'une colère - révolte, contre-attaque, radicalisation, dénonciation - n'ont pour objectif ni de rétablir un équilibre intérieur (évacuer) ni de créer plus de déséquilibre (je me venge en te faisant subir ce que tu m'as fait). Mais l'aspect individuel n'est pas très intéressant dans ce topic, il relève d'un autre niveau de complexité.
La légitimité de la violence quand elle s'inscrit dans un contexte social ou politique - dans le groupe - est une question très mouvante.


S'il existe une forme de violence ancrée dans le système, donc dans la société, toute forme de souffrance ou de colère en réaction à cette violence sera ignorée ou combattue par le système et classée comme illégitime, parce qu'elle remet en question la stabilité du système. Je parle là de discours politiques, de consensus scientifiques ou d'arguments d'autorité religieux par exemple.
Par conséquent, combattre cette violence c'est combattre le système, et donc se consacrer à une lutte qui sera certainement, du moins dans un premier temps, diabolisée par l'ensemble de la société.
Donc d'un côté il y a cette violence sociale, si bien intégrée dans le système qu'elle n'est même plus considérée comme telle, et de l'autre il y a une violence de contestation, qui sera perçue comme telle puisqu'elle vise dans une certaine mesure à renverser un système donnée, et donc à le brutaliser.

Ce que je veux dire, c'est que la légitimité de la violence, la nature même de la violence, est aussi déterminée selon un point de vue politique.
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Hâte de voir les envolés lyriques que nous réservent ce spin off. Surprised
 
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Mâra a écrit:
MAIS lorsqu'elle est se rattache, non plus à une frustration passagère, mais à des événements continus, injustes, lorsque c'est une colère sociétale, ou une colère de souffrance, on ne peut plus la passer sans l'édulcorer, et là cela devient très destructeur, autant pour la personne en colère, qui souffre de ce que son ressentiment soit un cri vain dans des exutoires vains, que pour ceux qui reçoivent la colère, et la conçoivent peu ou mal dans un monde où les voix dominantes ne parlent que d'amitié, de bien-être, de réseaux sociaux, de like, de bonheur...

En tant que personne, je ressens souvent de la colère, et j'en souffre, c'est une émotion difficile à vivre ; mais j'en souffre parce que je ne peux pas l'exprimer, c'est une colère vaine, absurde, qui se retourne contre moi. Les colères d'action sont les plus douces, elles nous poussent à nous affirmer, à prendre soin de nous, à se rendre justice ; cela, je voudrais le ressentir plus souvent...
La colère des autres me fait peur, c'est toujours comme si le monde s'écroulait. Mais tu me fais réfléchir et à l'avenir je ferai en sorte de mieux accueillir la colère d'autrui.

Je comprends beaucoup ce sentiment et je le partage. J'aimerais bien faire un lien, lorsque tu dis que la colère des autres te fait peur (ce qui me semble naturel), et les principales solutions qu'on offre intellectuellement et qui me semblent incapables de résoudre le problème : aujourd'hui il me semble, que l'humanisme qui dit qu'il faut à tout prix éviter la violence, car cela détériore nos rapports humains, qui prône la résolution démocratique, pacifique - en somme toute l'humanisme qu'on nous apprend à l'école, qu'on nous apprend également en éducation civique et partout dans la culture - cet humanisme là n'arrive pas à résoudre les problèmes et les souffrances de larges groupes sociaux, et je dirais qu'il sert même de moyen de réaction contre eux. Je pense sincèrement, comme toi, que lorsqu'on accueille et qu'on écoute la colère des autres, qu'on lui donne la possibilité de s'exprimer, même par la violence (et surtout par elle), qu'on la considère non pas comme quelque chose qui nous menace, mais comme un cri de souffrance, je pense que c'est faire preuve d'un humanisme plus grand que celui qu'on nous assène comme limite au discours et à la violence. Il faudrait idéalement ne plus avoir peur de la violence - cela est difficile il est vrai, et cela pose des questions éthiques lorsque cette violence prend des formes vraiment dangereuses - et faire un retour sur soi (sur nos manières de voir autrui) dès lors qu'une colère nous parvient.
(Mon discours peut paraître vraiment inhumain pour le coup si je ne précise pas que je parle d'une colère qui ne relève pas de la haine mais d'une souffrance vécue réelle - et surtout d'une colère qui ne vise pas essentiellement à faire du mal.)

Bohr a écrit:
Noxer a écrit:
Est-ce que la violence et la colère empêchent vraiment l'empathie ou est-ce qu'elle ne serait justement pas le moyen le plus efficace pour la créer ? (je pense à divers phénomènes sociaux, par exemple récemment le #balancetonporc).
Hé bien si, bien évidemment!
Mais la question est plutôt: empathie envers qui? Et colère/violence dirigée contre qui?

Je suis assez globalement d'accord avec ton analyse ; la question que je pose et que tu as repris est ouverte, et j'ai évidemment un avis sur celle-ci (qui peut s'éclairer par ce que je viens de dire pus haut). Lorsque je dis empathie, c'est que je présuppose que la colère cherche à exprimer quelque chose, et donc qu'elle cherche à l'exprimer à quelqu'un en effet - sauf que je ne distingue pas deux destinataires comme tu le fais ("empathie vers qui / violence vers qui"), pour moi, lorsqu'on crie sur quelqu'un, on le provoque, on cherche son attention, et dans le même temps on lui délivre quelque chose, et ce n'est pas tout le temps dans un simple but de se défouler mais bien de rechercher en l'autre une reconnaissance de nos souffrances. (peut-être suis-je trop idéaliste ?).
Je sais pas si je réponds à côté de la plaque ou pas parce que je n'ai pas tellement compris tes exemples du coup.

Nordgia a écrit:
Du coup, la radicalité d'un mouvement peut se définir par son manque de concession, de discussion et sa volonté d'écrasement. Là où un mouvement pacifique aurait œuvré par l'occupation physique d'un territoire, la manifestation, l'éveil des consciences et la négociation (qui aura passé par la perte en crédibilité de la cible), le mouvement radical se base sur l'action violente envers cette même cible, ce qui aura souvent pour conséquence de porter un blâme à la partie pacifiste.

C'est très intéressant la distinction que tu fais entre violent et pacifiste ! Parce que du coup, on est en plein dans le sujet, lorsque tu parles d'un mouvement pacifiste qui manifeste, qui dialogue, on peut exactement te rétorquer que de nombreuses manifestations à priori pacifistes sont considérées violentes et réprouvées, et que des discours qui cherchent le dialogue (cf la mine d'or du topic du féminisme) sont perçus comme violents. Où est vraiment la limite du coup ?

Nordgia a écrit:
En gros, de mon point de vue, la mouvance modérée s'attaquera à la crédibilité d'un organisme, au soutien qu'il peut avoir, tandis que le mouvement radical cherchera à détruire sans chercher de réelle communication, car il aura peut-être trouvé que les actions du premier sont insuffisantes / ne conduisent pas à un changement assez rapide, avec parfois (souvent) des dommages collatéraux : ceux-là même qui porteront préjudice à la cause défendue.

Je me demande si justement, on ne va pas un peu trop rapidement sur les conclusions lorsqu'on considère toute action violente (et tes exemples le sont particulièrement) comme n'ayant vraiment pas plus de réflexion que la destruction, et qu'on fait ce raccourci justement parce qu'on n'arrive pas à imaginer qu'on puisse encore être violent pour faire valoir des droits ou autre (traumatisme du passé ?). Je tiens à préciser que je ne cautionne pas non plus la violence qui tue, mais voilà je trouve dommage qu'on fasse la distinction entre "modéré" et "radical" au niveau de la violence. Reste à trouver d'autres facteurs pour faire cette distinction, et je ne saurais encore me prononcer ; et il me semble de toute façon que c'est un enjeu contemporain, dans nos sociétés, de réévaluer le politique, et qu'on cherche encore.

Kid a écrit:
Mais l'aspect individuel n'est pas très intéressant dans ce topic, il relève d'un autre niveau de complexité.


Oh, je pense que si, après tout c'est individuellement qu'on prend conscience des mouvements de groupe, qu'on les considère, qu'on y réfléchit (voir ma réponse à Mâra plus haut). Mais oui c'est complexe et ça tient aussi à beaucoup de choses qui relèvent de l'expérience de chacun (qui ne sont pas inintéressantes).

Kid a écrit:
Ce que je veux dire, c'est que la légitimité de la violence, la nature même de la violence, est aussi déterminée selon un point de vue politique.

Oui ! Et c'est principalement selon un point de vue politique que j'ai essayé de réfléchir dans un premier temps (j'avais en tête toute la discussion sur le topic du rejet du féminisme évidemment). Et que la réaction des gens face à cette violence varie sûrement en fonction de nos orientations politiques mais comme ce n'est pas toujours le cas, et qu'il arrive très très très souvent que des gens du même bord soit coincés et divisés sur cette question, il me semble que c'est important de ne pas réduire à ce point de vue là, de dire qu'il y a ceux qui luttent et ceux qui empêchent la lutte.
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@Kid : c'est une question difficile.
Pour proposer quelques pistes :
- d'abord vérifier que ce n'est pas quelque chose que l'on fait soi-même dans un autre contexte.
- ensuite réfléchir à l'impact réel de la source de colère sur notre vie et celle des autres.
- et se demander quel impact aura notre expression de cette colère : empirera-t-elle les choses? Ou est ce que ça sera constructif?

@Noxer : je pense qu'il faut différencier l'utilisation de la force pour protéger et construire (je dirais, légitime) vs l'utilisation de la force comme exutoire indifférencié et contre-productif (vengeance).

Bien sur c'est ma vision (que je partage), mais la moralité est définie au niveau de la société de manière souvent très subjective. Je ne crois pas qu'il soit toujours pertinent de suivre la société qui peut être violente elle même.


Dernière édition par Zaou le Mar 31 Oct 2017 - 14:59, édité 1 fois
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Pour ma part, je vois toujours la colère (ici pour moi les colères plutôt violentes) comme l'explosion d'une frustration et d'une douleur. Quelqu'un se met en colère quand il/elle ne se sent pas écouté/e ou compris/e. Il/elle aura beau tenter de s'expliquer calmement une fois, deux fois, au bout d'un moment il faudra juste que ça sorte. Et je pense que c'est le cas avec toutes les luttes qui existent, voire simplement avec des enfants qui essaient d'exprimer quelque chose mais qui n'ont pas les outils pour le faire correctement et qui font de "grosses crises". Et cette réaction "de la dernière chance" est violente pour celui ou celle qui la subit (regardez l'état des enfants après une crise...) parce qu'il y a un engagement physique en plus de l'engagement psychique. On ne se met jamais en colère exprès...

Je conçois assez aisément que ces réactions soient violentes pour les personnes qui les reçoivent ; parfois, ce ne sont même pas les réelles destinataires de cette colère (comme les contrôleurs de train les jours de grêve, tout le monde sait qu'ils n'y peuvent rien...). Il y a je pense un côté "physiologique" (ce n'est peut-être pas le bon mot, quelqu'un le trouvera sûrement) ; une personne en colère, violente, en face de nous va nous "mettre en danger", même sans menace physique. On va ressentir cette tension, certains plus que d'autres, et on va vouloir s'en protéger, encore plus si on est déstabilisé par cette colère, si nous avons par exemple de bonne foi été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Et l'être humain n'a à mon sens pas trente six façons de se protéger : la fuite, le combat, et seulement pour les plus ouverts d'entre nous, le dialogue. Et c'est pour moi à ce moment-là qu'une colère, ou qu'une "violence" est radicale, puisqu'elle n'offre pas vraiment de possibilité de réaction pour la personne d'en face. Et évidemment... ça ne marche jamais dans les deux premiers cas, la fuite parce qu'elle va entretenir la frustration, l'affrontement parce qu'il va entretenir la violence.

Pour le dialogue... Ma foi je suis un peu mitigée, parce qu'il n'y a rien de plus difficile que de dialoguer avec quelqu'un dans une violente colère. En revanche, ce cas extrême mis à part, le dialogue et l'écoute devraient soulager un peu la violence. Encore qu'il faille comprendre une situation que l'autre n'a peut-être pas les moyens de verbaliser correctement, sous réserve que même avec la meilleure volonté du monde on entretienne cette frustration... Je connais peu de personnes capables de cette réaction.

Je me mets assez régulièrement dans des colères monstres, principalement par cette frustration, et en général tout le monde en prend plein la tronche. C'est assez terrible et j'admire la patience et la compréhension de mes proches. C'est aussi à moi que je fais beaucoup de mal. Et je comprends totalement l'importance qu'on met sur l'évitement de la colère et de la violence dans la société.

D'abord parce qu'on ne peut rien expliquer correctement avec cette colère ou cette violence. Celle-ci doit alerter sur un problème, et c'est pour ça qu'il faut être à l'écoute, mais elle ne verbalisera pas le problème. D'ailleurs, les personnes craquent souvent pour un détail futile par rapport au problème de base (par exemple, les disputes conjugales sur un verre posé à côté du lave-vaisselle, qui reste la cristallisation de la charge mentale ou je ne sais quoi d'autre).

Et deuxièmement, parce qu'énoncer un problème grave, qui cause une douleur, c'est extrêment dur même sans cri. Et que le dialogue, ça se travaille. Il faut apprendre à dire calmement quelque chose qui nous révulse peut-être, mais qu'il faut expliquer. On ne peut pas en vouloir à quelqu'un qui ne sait pas que ce qu'il fait vous fait du mal. Et dialoguer c'est éduquer. La violence peut dissuader, mais elle n'éduque pas. Et si on ne montre pas de violence, peut-être que la personne en face écoutera, puisqu'elle ne sera pas en rejet "physique".

C'est beau dit comme ça, personnellement je n'y arrive pas encore. Mais peut-être qu'un jour ce sera bon. Et j'ai beau me mettre moi-même dans ces états là, je suis mal à l'aise si quelqu'un d'autre s'y met également, et je vais vouloir le calmer.

Mais voilà, est-ce que je vais vouloir le/la calmer parce qu'il/elle me renvoit quelque chose qui me met mal à l'aise, ou parce que j'ai vraiment envie qu'il/elle aille mieux ? Et quand bien même je ne sois pas si égoïste, est-ce que c'est légitime de vouloir calmer quelqu'un dans cette situation, même si on craint qu'il/elle se fait surtout du mal, alors qu'il/elle a peut-être envie ou besoin de tout sortir un coup ? Personnellement, essayer de me calmer c'est mort, alors que je sais que c'est ce que j'attends de la personne en face. Donc comment réagir correctement à une violence, même si elle n'est pas exprimée aussi violemment ? Il y a des situations ou qu'oi qu'on fasse, la réaction n'ira pas, principalement avec la violence ou la colère.

Je ne parle évidemment pas de violences types agressions, passage à tabac, quand je parle de violence plus haut. Il s'agit pour moi principalement de violence verbale ou gestuelle, des cris ou de grands gestes de colère. Tout ce qui peut impressionner. C'est ce que j'ai saisi du sujet.


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Noxer a écrit:
Je suis assez globalement d'accord avec ton analyse ; la question que je pose et que tu as repris est ouverte, et j'ai évidemment un avis sur celle-ci (qui peut s'éclairer par ce que je viens de dire pus haut). Lorsque je dis empathie, c'est que je présuppose que la colère cherche à exprimer quelque chose, et donc qu'elle cherche à l'exprimer à quelqu'un en effet - sauf que je ne distingue pas deux destinataires comme tu le fais ("empathie vers qui / violence vers qui"), pour moi, lorsqu'on crie sur quelqu'un, on le provoque, on cherche son attention, et dans le même temps on lui délivre quelque chose, et ce n'est pas tout le temps dans un simple but de se défouler mais bien de rechercher en l'autre une reconnaissance de nos souffrances. (peut-être suis-je trop idéaliste ?).
Je sais pas si je réponds à côté de la plaque ou pas parce que je n'ai pas tellement compris tes exemples du coup.

Ah la la, j'ai encore sarcasmé! Désolé, j'avais pourtant dit que j'arrêterais! Laughing

Je voulais, par mes exemples, montrer que l'expression de la colère (et pas forcément la colère elle-même) est une violence dont la fonction est de détruire, au moins partiellement, symboliquement, son destinataire.

Mais le plus important peut-être, qui bat en brèche le parallèle établi entre violence et naissance de l'empathie, c'est la violence que je généralise sous le vocable de "violence sur tiers innocent" qui, elle, ne fonctionne que grâce à une empathie préalable ou bien rétroactive.
Que ce soit de la violence étatique via la police secrète, du jihadisme aveugle, du chantage à l'emploi ou n'importe quoi, cette violence ne fonctionne que parce qu'elle est exercée sur quelqu'un qui ne peut se défendre et dont le sort ne peut pas nous laisser indifférent. Elle fait de l'empathie une faiblesse.

Dès lors, je pense que, pour moi, le véritable questionnement est plutôt: quelles violences sont légitimes, et à l'aune de quoi le juger?
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Citation :

Je me demande si justement, on ne va pas un peu trop rapidement sur les conclusions lorsqu'on considère toute action violente (et tes exemples le sont particulièrement) comme n'ayant vraiment pas plus de réflexion que la destruction, et qu'on fait ce raccourci justement parce qu'on n'arrive pas à imaginer qu'on puisse encore être violent pour faire valoir des droits ou autre (traumatisme du passé ?). Je tiens à préciser que je ne cautionne pas non plus la violence qui tue, mais voilà je trouve dommage qu'on fasse la distinction entre "modéré" et "radical" au niveau de la violence. Reste à trouver d'autres facteurs pour faire cette distinction, et je ne saurais encore me prononcer ; et il me semble de toute façon que c'est un enjeu contemporain, dans nos sociétés, de réévaluer le politique, et qu'on cherche encore.

J'aime bien la phrase du "La violence est nécessaire lorsque tous les autres moyens ont échoué" (ou une connerie dans le même goût). Finalement, on sent comme un aveu d'échec lorsqu'on en vient à des actes de violence. En politique, celui qui ne parvient pas à prendre le pouvoir démocratiquement peut le faire par un coup d'Etat, mais est-ce que son pouvoir sera légitime pour autant ? J'ai toujours la sensation que la violence amène des résultats immédiats, mais dont les répercussions ont tendance à s'effacer très vite, là où le mouvement pacifique s'inscrit dans un processus plus lent, mais aussi durable.
De toute manière, la distinction modéré/radical ne représente pas le poids des ambitions, qui peut être identique. Mais la mouvance pacifiste passe surtout par les gestes quotidiens, la sensibilisation. Le mouvement plus radical ne le place pas en premier, et va plutôt s'occuper des gros, de ceux qualifiés comme responsables. Il y a cette différence de cible, à mon sens Surprised
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 Violence et société

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