Horizon

maladie d'horizon
à traquer les rails dans les herbes
foulées aux pieds par de nouvelles
armes folie abattue sur les maisons
étouffées vivantes

t'as compté la file des traquenards
fausses signalisations
à te mener dans la tanière des derniers
voyageurs transformés en fauves

ça deviendra une peinture
une visite pour des petites classes
une minute de silence des photos en noir
et blanc qui forcément
diront quelque chose de si vrai
qu'il sera impossible de comprendre
tout à fait
vraiment ce qui transite
capturé dans ta cage

un horizon bringuebalé sans couleur
délavé à la soif des états et des bottes
de quoi répandre encore au napalm
des poèmes inutiles qui balbutient

notre prochain voyage

La mission était simple. Rejoindre la plateforme X5 en orbite autour de la Terre, s’amarrer, tenter de trouver un survivant et s’il n’y en a pas, ramener une preuve du massacre. Une équipe très expérimentée avait été envoyée. Ils étaient six en comptant le pilote. Deux d’entre eux, Aleth et Magar, étaient même de véritables légendes.
La mission était vraiment simple…
Durant le décollage ainsi que toute leur ascension vers l’objectif, scientifiques et hauts commandants militaires avaient suivi de près la moindre seconde de leur voyage. Dans le centre de contrôle, à distance, un silence assourdissant régnait. Toutes et tous avaient les yeux rivés sur les écrans. Une odeur moite de sueur emplissait l’air.
Dans le vaisseau, chacun des six hommes se concentrait sur la tâche à venir. Ils s’étaient partagés les objectifs. Le pilote s’occuperait uniquement de les amener et de les ramener à bon port le plus rapidement possible. Les moteurs tourneraient à bloc et les manœuvres de pilotage devraient être d’une précision redoutable. Trois d’entre eux ensuite s’occuperaient de sécuriser les environs. L’ordre était clair, tirer sur le moindre mouvement suspect. Leurs lunettes de vision nocturne se chargeraient d’identifier la moindre entité non humaine. Enfin, les deux frères d’armes expérimentés s’enfonceraient dans l’inconnu pour remplir la mission.
C’était trop simple…
Aleth fut le premier à comprendre la supercherie. Tandis que le vaisseau s’approchait, il observa la plateforme et remarqua que la bâtiment spatial n’était pas seulement désert, mais complètement détruit. Il ne restait qu’une coque évidée. Il avait pris plusieurs tirs d’une arme type missile. Mais le pire venait d’ailleurs. Les impacts indiquaient clairement que les missiles venaient de la Terre. La plateforme X5 avait été détruite par la Terre. Aleth n’eut pas le temps de prévenir ses camarades. Il se tourna pour regarder en direction du spatioport. Des boules de feu leur fonçaient droit dessus.

Elle avait attendu ce jour si longtemps. Bientôt, ils tomberaient dans les bras l’un de l’autre, après de longs mois séparés par des milliers de kilomètres. Il était parti pour suivre son rêve de devenir acteur aux États-Unis, pays de tous les possibles. Il s’imaginait sur les pas des plus grands tel Leonardo diCaprio. Elle l’avait soutenu tout au long de son parcours romanesque et avait hâte d’écouter ses aventures.
Dans le hall de l’aéroport, la jeune fille se tenait, bien droite, devant le sas de sortie des voyageurs. De nombreuses personnes passaient, les chariots remplis de valises et enlaçaient les proches venus les retrouver. Frémissant d’excitation, elle se mettait sur la pointe des pieds pour tenter de voir son amoureux. A l’horizon, toujours personne.
Au bout d’une quinzaine de minutes, il ne se pointait toujours pas. Fronçant les sourcils, elle alla au guichet.
“Bonjour, excusez-moi de vous déranger, auriez-vous la liste des passagers du vol qui vient d’atterrir ?”
“Vous cherchez quelqu’un en particulier ?”
“Oui madame, Mattéo Reese, il était au départ de New York, je ne l’ai pas vu arriver…”
La jeune femme du guichet pianota un moment avant de se montrer méfiante.
“Vous êtes de la famille ?”
“Non, enfin je veux dire, oui. Pas encore, c’est mon petit ami”
La dame en costume regarda la jeune fille avec une moue désolée.
“Mr Reese n’a pas pris le vol au départ mademoiselle.”
La jeune fille tourna les talons et s’éloigna, complètement perdue. Il avait promis de revenir avant Noël pour passer les premières fêtes en amoureux, dans la ville Lumière. Pourquoi n’avait-il pas pris l’avion ? Et surtout, pourquoi ne l’avait-il pas prévenu ? Elle sortit de son sac à main une carte postale qu’il lui avait envoyée le mois dernier. Elle représentait un coucher de soleil en Floride, avec un bateau à l’horizon. A la fin de son message annonçant son vol, il avait écrit :
“A ma tendre Elie
Dès que je serai près de toi
Ignorons les qu’en dira-t-on
Et partons loin de tout
Unissons-nous pour l’éternité”
Elle frissonna de plaisir. Elle l’avait lu un nombre incalculable de fois. Il avait toutes les qualités pour devenir un grand artiste ! C’est dommage de ne pas avoir cherché de rimes.
Des rimes…
Elle s’immobilisa. Ce n’était pas vraiment un poème. Ou plutôt, c’était un style particulier. C’était un acrostiche.

Errer

Les jours serpentaient
comme des trains depuis le ciel
font et défont tout un ventre
de ville sous chapiteau

avec le désarroi au poil
les vertus maquillées pour chanter
quelque hymne fidèle
les dents croquées dans le mensonge
les reins brisés de la dernière
guerre à distance

les jours serpentaient encore
digérant l'espèce dans une vaine promenade
sous un soleil squelettique
au rire gras au hoquet tiré par les vents

à l'aiguille qui coud le ciel
d'une ville sous chape
passe un fil incolore et bruyant un fil grotesque
qui ne sait plus où aller

qui ne sait plus comment obéir

On la décrivait comme la plus belle de toute la contrée. Une jeune femme aux cheveux d’or, à la peau blanche et douce et aux yeux plus bleus que le ciel. De nombreux chevaliers avaient tenté de la courtiser en vain. La légende racontait qu’elle ne souhaitait se donner qu’à une seule personne. Un homme dont l’âme était si pure et innocente qu’il ne ressentirait pas d’attirance physique pour la belle, mais simplement un amour véritable juste.
Lorsque Augustin se présenta devant la tour où elle se cachait, il ne pensait pas rencontrer la jeune femme si aisément. En effet, ce fut elle qui lui ouvrit l’immense porte en bois. Seulement, elle avait un long voile noir qui lui couvrait le visage.
“Un nouveau prétendant se présente à moi” murmura-t-elle d’une voix mélodieuse
En plus de son tissu sombre qui lui couvrait visage et cheveux, elle portait une longue robe pourpre qui épousait parfaitement son corps et laissant deviner ses formes voluptueuses.
“Si tu désires tenter ta chance et me voir, tu devras remporter l’épreuve à laquelle je te soumets.”
“J’accepte” dit Augustin.
Elle tendit son bras vers lui et claqua des doigts. Aussitôt le sol se déroba sous ses pieds. Il eut l’impression de faire une chute de plusieurs kilomètres pour finalement se réveiller sur une dalle glaciale. Augustin se redressa, étonné de ne pas avoir explosé en mille morceaux. Un maléfice avait dû le téléporter quelque part.
Il sortit son épée et avança lentement dans ce qui ressemblait à un long couloir en pierre. Il ne savait pas encore quelles autres sorcelleries l’attendaient plus avant. Hélas, il l’apprendrait bien vite. Il n’était plus qu’une énième ombre à errer pour l’éternité dans un labyrinthe démoniaque où la seule loi qui y régnait était la cruauté de la femme au voile noir.

Elie était super contente de partir en randonnée avec ses parents. Depuis qu’elle avait commencé ses études, ils ne s’étaient pas beaucoup vus étant donné la distance qui les séparaient. E ce dimanche matin, très tôt, ils se préparaient tous les quatre (oui, le chien était de la partie) pour une belle promenade au Sancy.
“Comment s’appelle la rando papa ?” demanda Elie en sortant son téléphone
“J’en sais rien, on se gare et on prend le chemin qui longe la montagne. Il faudra toujours avoir le vallon sur notre gauche et normalement on arrive à la cascade.”
Elie fronça les sourcils. Ce n’était pas le genre d’informations qu’elle attendait. En ouvrant son application fraîchement téléchargée, elle essaya de trouver le nom de la randonnée qu’il décrivait. Durant tout le trajet en voiture, elle s’acharnait en cherchant à la fois sur des applications ainsi que sur Google.
“Non mais en vrai Papa c’est quoi le nom ? Ce sera plus simple je trouverai tout de suite.”
“On s’en fiche Elie, Marc m’a indiqué où se garer et m’a affirmé qu’avec la pancarte du départ c’est inratable”.
“Mais…”
“J’ai une carte tu sais, dit-il en rigolant, et j’ai même pris mes lunettes pour pouvoir la lire !”
Elie n’insista pas. Visiblement il était entêté sur son énorme papier plié en douze. Arrivés à destination, sa mère prit le chien en laisse et ils se préparèrent au départ.
“Alors ? dit Elie en défiant son père, c’est pas où m’sieur ?”
Son père, religieusement, ouvrit sa carte IGN. Il sourit et pointa du doigt un point marqué en rouge.
“Ca, c’est le parking où on est actuellement. Alors à ton avis Miss Google, on va où ?”
“Bah j’en sais rien moi ! Comment on peut savoir dans quel sens on doit aller déjà ?
“Arrête deux secondes de t’exciter et prends le temps de lire la carte”.
Elie souffla et plissa les yeux pour essayer de décrypter l’étrange papier. Elle finit par comprendre qu’ils étaient à l’extrémité de la ville et qu’en face se dressait la montagne qu’ils allaient contourner. Donc le Nord.
“Bon bah visiblement, le départ est quelque part par là bas” dit-elle en faisant un geste machinal vers le fond du parking.
Elle redressa la tête pour regarder aux alentours.
“Là ! Derrière les grosses pierres ! Le départ !”
“Tu as vu, ricana son père, ça sert encore à quelque chose de lever les yeux !”

Guide de voyage 

Il y avait chez lui
un guide de voyage très particulier 
sur l'Ecosse du nord 

C'était le seul livre 
qu'il possédait ;
lisait en boucle ;
annotait cornait 
paginait et stabilo
tait 

C'était le seul livre 
sur l'étagère 
ou la table basse 
Il était partout il jouait 
à tous les postes 

Je lui demandais souvent 
pour quand était le départ 

Il répondait vaguement et 
une fois il a 
dit
tu sais 
c'est juste pour le rêve 

Crasseux

il y a ce monde
pas cette terre arpentée
cent fois sans loi

ce monde qui tient
de la salle de cinéma d'après
séance plénière

le noir s'estompe les yeux
mouillés s'expriment tandis qu'au fond
les noms défilent

civilisations sur escal-
-ators vantent le moelleux de l'assise ceinte
d'où la guerre clignote

il s'est passé le long des murs
une nuit à croquer du carton et des bulles serties fort
d'une totale compromission

il y a de ce monde
un nouveau spectacle produit
par une grande chaîne

des mailles de silence font armures
de la grande production de nos âmes, actrices et décorations de cœur
des génériques repris en spirale

“Connaissez-vous la légende qui raconte que même une bergère peut épouser un prince car le cœur a ses raisons que la raison ignore ? C’est à peu près la même histoire que je vais vous raconter ici.

Tout d’abord, notre histoire se déroule dans un village du fin fond de l’actuelle Aquitaine. Un village modeste où la seule activité attirant la foule est son marché aux oeufs. En effet une ferme non loin possède un énorme poulailler avec une très forte production. Le maître du château y descend même rencontrer le fermier sur son étal pour le remercier et féliciter. Ce dernier est fier de son travail, mais il vieilli. Et il a une fille. Une fille très belle mais aussi très frêle, qui supporte mal les travaux manuels qu’une exploitation agricole nécessite.
“Il faudrait la marier au gars de la ferme au nord, avait conseillé sa mère, il pourra ainsi ajouter sa ferme à la nôtre et s’en occuper correctement.”
Mais le père avait un autre projet. Il aimait sa fille du plus profond de son coeur et la voir dépérir, crasseuse, dans la fiente des poules, le rendait triste. Sa beauté méritait d’être mise en avant dans de beaux habits et son corps mince et fragile méritait de bien meilleurs repas que des omelettes et soupes de légumes.
Ce jour-là, le seigneur vînt une nouvelle fois le rencontrer sur la place du village.
“Très cher ami, lui dit-il en lui serrant la main, vous faites toujours la fierté de notre contrée. J’ai grand plaisir à déguster vos produits et à les faire goûter à mes hôtes.”
“Monseigneur est trop aimable, répondit l’homme, hélas cela ne durera pas éternellement.”
“Mais que me dites-vous là ?”
“Je me fais vieux, monseigneur, et ma fille ne pourra pas assurer seule la ferme. Hélas, tous les garçons de son âge des alentours sont déjà promis”
Le seigneur se gratta le menton. Il était connu pour être bon et juste avec les gens du village. Le père de la belle espérait qu’il fasse un geste.
“Je vois, répondit-il enfin, venez à la prochaine séance de doléance avec votre fille.”
Il tourna les talons et s’en alla. Le père se fendit d’un large sourire victorieux. Il allait pouvoir sortir sa fille de l’enfer campagnarde. Elle aurait les atours qu’elle mérite, ses cheveux d’or seraient vantés aux quatre coin du pays.

“Voici, mes chers enfants, l’histoire que l’on raconte dans notre village. On dit que cette femme venait de la ferme qui se trouve aujourd’hui au fond de la vallée.”
“Mais papy, la maison là-bas est toute démolie, elle fait peur même…”
“Oui c’est vrai, parce qu’il y a une autre histoire liée à cette bâtisse. Mais pas pour ce soir les enfants, pas pour ce soir…

Douce mer de soleil
Emmêlée dans vos noeuds
Je prends le chemin de la route
Je m'assieds lentement sur le sol si moelleux
Où je pisse tout de mes anciens nouveaux et futurs lendemains
Lentement sur cette terre
Qu'elle est calme parfois
Cette vie mon avis
Ne sont plus que bêtes fioritures
Rimons avec pourriture
C'est un plaisir sans pareil

Une multitude de noyers ne se dresseraient t'ils pas
Dans la plaine si n'étions pas là
Mais non nous sommes là

Journal

un cahier de bêtises
pour refaire le monde
fait office de journal
de bord poète
de tous bords peut-être
pour tricoter de nuit
peler de jour
ses peaux de pages

refaire le monde
se laver à l'eau de l'encre
à l'apparition
magique si simple
des lettres couvertes
de bas bruits

à pas d'épices à pas
de vertes humeurs
mêlées d'herbes et d'
anciennes tumeurs
il faut bien écrire
quelque chose, disais-tu
quelque chose de cirant
entre l'azur et la mer
le sable de notre temps
coagulé

quelque chose sur un journal
un rassemblement de bruits
miniaturisés
pour refaire le monde à sa mesure
à sa justesse pleine de bêtises
sans importance ni
courage