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 [Réflexions] Féminiser les noms de métier

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Je n'ai pas dit que c'était un faux problème. J'ai dit qu'à mon sens on a plus important à gérer.
Le truc, c'est que le féminisme n'est pas unique, n'est pas un. Je dis souvent qu'il y a autant de féminismes que de féministes. Sans doute qu'en Amérique Latine il y a peut-être aussi des débats internes aux féminismes. Le truc, c'est qu'on ne peut pas dire "les féministes" parce qu'il y a autant de féminismes que de féministes.
Mon féminisme me pousse à mettre mon énergie dans des choses plus concrètes, à m'intéresser aux causes et non aux conséquences (pour moi, les "manquements" de la langue sont une conséquence et non une cause du sexisme).
Si d'autres le voient autrement, je ne peux ni dire qu'ils ont tors ou raison. Simplement, mon féminisme me pusse à relativiser ce qu'il se passe en France, sa gravité, et à relativiser l'importance de l'écriture inclusive. Parce que pour moi il y a plus urgent et plus concret. Et que bien souvent ce n'est pas une question de langue mais une question d'éducation.
 
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Hiérarchiser ou prioriser les luttes ou les exigences est un sophisme, méprisé les oppositions a une volonté de changement est contre productif. 
La bonne méthode je trouve, est celle de nowen, qui montre le positif de la féminisation des noms, sans être accusatrice, elle propose une vision positive d'un avenir plus égalitaire. Son message est très juste, et l'on devrait se réjouir d'être dans un pays où l'on débat de la langue comme moyen de considérer son environnement sociologique. Il est vrai que certains des arguments, des deux côtés, sont parfois aberrant et désservent la cause qu'ils prétendent défendre.
Moi j'ai deux filles et bien qu'étant un homme qui reproduit des modèles de domination masculine dans ma vie quotidienne par reproduction social, j'en ai conscience,  et je prépare mes filles à vivre dans un monde ou être une femme est un désavantage. C'est sûrement du bricolage, c'est loin d'être abouti, mais en gardant à l'esprit certaines limite physique, j'essaie de ne pas les limiter dans leur vision du monde aux rôles que leur prepare la société, et sans faire des hommes leur adversaire dans l'avenir,  je les préviens qu'elles devront parfois se battre contre eux ou les réalités du sexisme. 
Et la société à tellement à gagner du féminisme, les hommes y compris, imaginons le potentiel que l'humanité gagnera quand une moitié de la population aura les mêmes droits et opportunités que l'autre moitié. 
En tout cas j'apprends beaucoup de chose ici, et je vous en remercie toutes et tous.
 
DC
   
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DC  /  Gueule d'ange et diable au corps


Enirtourenef a écrit:
Je n'ai pas dit que c'était un faux problème. J'ai dit qu'à mon sens on a plus important à gérer.
Le truc, c'est que le féminisme n'est pas unique, n'est pas un. Je dis souvent qu'il y a autant de féminismes que de féministes. Sans doute qu'en Amérique Latine il y a peut-être aussi des débats internes aux féminismes. Le truc, c'est qu'on ne peut pas dire "les féministes" parce qu'il y a autant de féminismes que de féministes.
Mon féminisme me pousse à mettre mon énergie dans des choses plus concrètes, à m'intéresser aux causes et non aux conséquences (pour moi, les "manquements" de la langue sont une conséquence et non une cause du sexisme).
Si d'autres le voient autrement, je ne peux ni dire qu'ils ont tors ou raison. Simplement, mon féminisme me pusse à relativiser ce qu'il se passe en France, sa gravité, et à relativiser l'importance de l'écriture inclusive. Parce que pour moi il y a plus urgent et plus concret. Et que bien souvent ce n'est pas une question de langue mais une question d'éducation.

Disons que c'est les mêmes féministes qui avancent sur l'écriture inclusive que celles qui ont animé les cortèges de "Rosies" pendant la grève contre la contre-réforme des retraites, que celles qui animent les Plannings Familiaux, que celles qui collent contre les féminicides, que celles qui construisent la grève mondiale des femmes le 8 mars.

C'est les mêmes qui mettent en avant l'écriture inclusive et qui participent à faire venir enfin en France la 4e vague féministe...
 
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Eh bien je suis ravie pour elles. Elles agissent en accord avec leur féminisme, leurs valeurs, leurs visions du monde et agissent avec les modes d'actions qui leurs paraissent adaptés. Certains me parlent, d'autres moins, d'autres pas du tout. C'est aussi ce qui fait la richesse du féminisme. Souvent, je me dis avec une pointe de culpabilité que "je ne suis pas assez féministe". Mais c'est un contre-sens. Féministe, on l'est, ou on ne l'est pas. Il n'y a ni de "pas assez", ni de "trop", ni de "juste milieux". Il y a juste être ou ne pas être. Et ensuite agir (ou ne pas agir) en fonction de ses valeurs, de sa manière de raisonner, de ce qui nous paraît important. Pour moi, par exemple, sur un autre plan, quand les manifestants cassent (parce que ce ne sont pas toujours les blacks block, parfois ce sont des manifestants qui pensent que c'est le seul moyen de se faire entendre) je ne suis pas du tout d'accord pour dire que ça "fait ses preuves" et que ça permet de se faire entendre. D'autres pensent le contraire. Je pense qu'ils ont tors et ils pensent que je m'aveugle. Mais dans le fond, ce qui est intéressant ce n'est pas de savoir qui a tord et qui a raison mais comment chaque partie en est arrivé à penser ce qu'elle pense. Ici, avec les actions et les luttes féministes, c'est la même chose. Je considère que pour le moment il y a plus urgent et important à gérer que l'écriture inclusive, en France comme dans le monde et que c'est une perte d'énergie de s'intéresser à des conséquences plutôt qu'à des causes (c'est comme mettre un pansement sans recoudre la plaie). Mes opposants pensent que le sous-estime l'impact d'une langue sur les mentalités, les actes, et qu'une langue est un outil de domination. Dans le fond, ce n'est pas de savoir qui a tord ou qui a raison qui importe, mais comment cela s'intègre dans notre schéma mental. Les deux pensées co-existent. Si les deux pensées co-existent, c'est qu'aucune n'est évidente et que personne n'a raison. C'est juste un regard, un angle, une manière de poser les yeux sur. Personne ne détient la Vérité.
 
Jdoo
   
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Jdoo  /  Maîtrise en tropes


Cela dit je me souviens quand j'étais môme et que l'on nous expliquait la règle d'accord du genre (c'est le masculin qui l'emporte), nous les petits mecs on était quand même assez neuneu pour dire des conneries du style "c'est normal on est les plus forts". donc c'est pas déconnant de penser que ça participe à alimenter le déséquilibre. En tout cas que des noms de métiers ne soit pas présent dans l'usage est sûrement aussi significatif  et que certaine personne y réagisse assez violemment à leur féminisation en invoquant la beauté des mots et de la langue, ce qui est somme toute n'est qu'un jugement de valeur et aussi assez révélateur.
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Pasiphae
   
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


Ca me semble dommage que sur un forum d'écrivain·es dont la langue écrite est le premier outil, on puisse en être à considérer que la langue est quelque chose d'ontologiquement inférieur au reste ; une conséquence, et pas une cause. Là-dessus il y a consensus aujourd'hui chez les linguistes (on pense dans la langue, pas en-dehors, et on adopte donc inconsciemment les présupposés axiologiques qu'elle véhicule ; voir l'expérience relatée par Bardak de l'article de Bunker D - il y en a d'autres tout aussi parlantes dans l'article). Il n'y a pas l'ordre matériel VS l'ordre symbolique, qui seraient deux ordres séparés du réel et hiérarchisés selon leur niveau de réalité, et le langage comme appartenant seulement à l'ordre symbolique. On pense dans la langue, mais on agit aussi avec elle.

Je suis étonnée aussi (désolée, je ne pourrai pas répondre à tout car beaucoup de choses ont été dites depuis mon dernier passage) qu'on considère "qu'il y a des choses plus urgentes" car, comme le rappelle DC, ce sont en général les mêmes personnes qui mènent de front plusieurs types de luttes. Et on peut tout aussi bien considérer qu'on a des aptitudes plutôt pour une lutte que pour une autre : en tant qu'écrivaine / doctorante en lettres, je suis plus apte à apporter ma pierre à l'édifice de la réflexion sur le sexisme de la langue, à celle de la visibilisation des autrices et de la réflexion sur les contenus enseignés en lettres dans le secondaire et le supérieur ; infiniment plus apte à tout ça qu'à travailler sur, par exemple, un urbanisme non sexiste. Ca ne m'empêche pas de m'intéresser aussi à ce que font d'autres féministes, à médiatiser leurs combats, à leur donner des sous lorsqu'elles en ont besoin pour une action et à observer dans ma vie quotidienne un comportement adapté aux réflexions qu'elles engagent. Je pense que les luttes sont cumulatives et pas exclusives, et que les bénéfices de l'une rejaillissent sur l'autre. Pour autant, je ne m'estime pas "très privilégiée" en tant que femme blanche, perçue comme hétéro et dotée culturellement : j'ai, comme beaucoup d'entre nous ici, subi des choses très graves en raison de mon genre (c'est pour ça que j'ai un peu de mal avec l'idée qu'en France "ça irait globalement bien" ; qu'est-ce qui va bien dans le fait qu'en tant que femmes nous subissions des violences sexuelles, du harcèlement sexiste et une disqualification de nos compétences à cette fréquence ?) et pour autant je trouve la question du langage importante.

Je ne considère pas les attouchements sexuels non consentis que j'ai subis moins graves que l'invisibilisation de mon genre dans la langue ; question de sensibilité, certainement, et sensibilité accrue par le fait que la langue écrite soit mon principal outil de travail. Je ne considère pas non plus que la recherche universitaire soit "hors-sol" ; on n'accusera jamais un·e chercheur·euse en astrophysique d'être hors sol sous prétexte que ses recherches sont difficilement accessibles, complexes et que parfois les applications ne sont pas visibles directement. Pourquoi les chercheur·euses en SHS se verraient-iels systématiquement appliqué·es ce discrédit (et là on pense au discours récent et aberrant de macron) ? parce que personne n'a d'opinion sur l'astrophysique, tandis que tout le monde en a sur l'objet des SHS ; ces objets sont plus proches de nous, et nous avons du mal à voir le pallier qui est franchi entre l'opinion et l'apport de scientificité. Aujourd'hui, les anthropologues sont d'accord pour ne pas séparer sphère symbolique et matérielle ; les linguistes pour penser que la langue informe notre manière de penser et réciproquement. Et pour contredire ces consensus, nos opinions ne suffisent pas : il faut au moins se mettre au niveau de ces sciences pour espérer avoir une chance de proposer une dénégation de leur actuel consensus. C'est du boulot, et le faisant, il n'est pas impossible qu'on change d'avis sur notre opinion première. Alors oui, personne ne détient la vérité, mais on dispose de résultats de recherche scientifique, et c'est un début de quelque chose à prendre en compte (je précise ici que je ne suis pas linguiste et n'ai rien à apporter à la linguistique ; je ne fais que m'informer des résultats de la recherche linguistique sur des sujets qui m'intéressent).

Il me semble que le seul plan sur lequel on peut vraiment débattre est le plan moral : est-il "bien" de consacrer cette énergie à un combat (dont il est avéré scientifiquement qu'il est utile), plutôt qu'à un autre ? est-ce qu'on ôte de l'énergie à d'autres combats lorsqu'on l'utilise pour un combat particulier ? ce combat, en termes de coût-avantage, est-il légitime ? etc là-dessus, j'ai déjà donné mon opinion (et là, je suis d'accord, on peut parler d'opinion) et n'en change pour l'instant pas !
 
DC
   
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DC  /  Gueule d'ange et diable au corps


Après, je vais m'autoriser cette digression, mais ce qui est bien à l'heure actuelle avec l'arrivée de la 4e vague féministe, c'est à quel point la participation massive de femmes qui ont jamais milité avant fait péter les vieux clivages avec les vieux mêmes débats (sur les femmes trans, la prostitution, le voile)... Qui faisait par exemple que les 8 mars, il y a encore 3.4 ans, t'avais une manif à 2000 d'un coté avec "les institutionnelles/universalistes" et la manif à 2000 personnes avec "les intersectionnelles/radicales", avec tout le monde qui se détestait et ne voulait pas travailler ensemble...
Maintenant on a des manifs centrales avec plusieurs dizaines de milliers de personnes, (100 000 à Paris le 23 novembre; 150 000 en France), ça force à travailler ensemble et ça fait du bien
 
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Invité  /  Invité


Eh bien puisque je n'ai pas ces connaissances linguistiques, je n'ai plus qu'à aller voir ailleurs si j'y suis... tout ce que tu dis est très intéressant, mais je ne peux pas y répondre n'ayant pas les connaissances scientifiques. Et je ne suis pas assez intéressée par les questions de langue pour m'y plonger. Je ne suis pas une scientifique, je ne suis pas en thèse de quoi que ce soit, donc je ne peux pas répondre à tout ça et tenir la discussion (ce qui est d'ailleurs assez frustrant).
On s'approche aussi très dangereusement d'une de mes limites, qui ne met jamais en cause les autres mais est très ancrée en moi, cette idée qui me dérange qu'il y aurait un "aboutissement de la pensée", une évolution normale et attendue, comment dire... je ne l'ai pas trop exploré en détail alors l'expliquer et compliqué, mais c'est assez lié à cette pensée automatique que j'ai souvent de me dire que je ne suis pas assez féministe. Je ne sais pas si je me fais comprendre. Mais cette limite, pour moi, est tellement ancrée qu'elle est infranchissable. Personne n'est en cause ici à part moi-même.
Il ne me reste donc plus qu'à m'en aller puisque je suis inapte sur tous les plans à tenir cette discussion, mais j'ai appris des choses très intéressantes donc merci pour cet échange.
 
Bardak
   
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Bardak  /  Barge de Radetzky


Enirtourenef a écrit:
"
Je ne comprends pas : ce n'est pas ce que je vois dans le schéma, au contraire les barre vertes des garçons aux "métiers de fille" sont largement plus basses.

Dans la catégorie des métiers dits féminins, la présentation du métier sous une forme neutre (avec féminin et masculin) conduit les garçons à être plus nombreux à se penser/dire capable d'exercer le métier que lorsque le métier dit féminin est présenté sous la forme masculine brute (infirmier par exemple). Tu peux aller lire le lien cité trois fois, toutes les sources y sont, y compris sur cette étude.

Quant au reste, bien sûr que ce n'est pas la seule chose, bien sûr que l'éducation entre en jeu, je n'ai jamais dit que la langue était LE problème. J'estime qu'elle en fait partie et qu'elle a nous offre des solutions intéressantes et surtout, très faciles à mettre en place.

Pour reprendre l'exemple, il n'y a rien de difficile, dans le cadre d'une école, à présenter un métier sous une forme rendue neutre ou présentant masculin et féminin (ou dans une brochure, ou peu importe). Il est impossible cependant de contrôler ce que les parents diront à leurs enfants (la fameuse éducation).

Le monde entier, et donc son langage, influence les humains, et possiblement l'éducation qu'ils donneront à leurs enfants.


Mokkimy a écrit:

Il faut apprendre aux hommes qu'ils peuvent être sage-femmes et aux femmes qu'elles peuvent être docteurs.

Et pas expliquer aux hommes qu'ils peuvent être sage-hommes et aux femmes qu'elles peuvent être doctoresses.


(Le" femme" de sage-femme renvoie à la femme enceinte, pas au sexe de celui ou celle qui l'accouche. Les hommes exerçant ce métier sont donc bien des sages-femmes).

Dans ton exemple, il faudrait choisir un métier dit féminin comme infirmière : il faudrait donc apprendre aux hommes qu'ils peuvent devenir infirmières, et pas leur apprendre qu'ils peuvent devenir infirmiers.

Mokkimy a écrit:

Et je n'ai jamais entendu la moindre féministe balancer un militant "bonjour doctoresse, comment allez-vous ?"

Et bien ce sont des choses qui changent désormais, peut-être n'es-tu pas toujours dans les salles d'attente ou dans les cabinets en compagnie de personnes féministes ? (Et puis tu ne connais pas ma grand-mère, qui dit bien Bonjour doctoresse !  Wink  )
Certains mots semblent vieillots et sont remplacés. C'est là tout l'intérêt vivifiant d'une langue : elle se fait et se transforme en permanence, parce qu'elle est... vivante ! La période est justement propice à ça, même si en effet ça peut paraître parfois confus, puisque qu'un usage n'a pas encore été fixé concernant certains termes féminisés (doctoresse, docteure).


jdoo a écrit:

Est-ce à dire qu'il suffit de féminiser les noms de métiers pour qu'elle accède à ces métiers ? peut être,  mais je ne suis pas sûr que ce soit suffisant, car parfois le mot féminin existe et pourtant le métier est bizarrement déserté par les femmes.  Par exemple on a naturellement Informaticien/informaticienne, alors qu'il y a finallement très peu d'informaticienne (programmeuse de soft j’entends) et ce qui n'est clairement pas normal et ça c'est vraiment déprimant.

Je suis bien d'accord que ce n'est pas suffisant, mais il serait dommage de se priver d'un tel outil !



Enirtourenef a écrit:
Le truc, c'est qu'on ne peut pas dire "les féministes" parce qu'il y a autant de féminismes que de féministes.
Mon féminisme me pousse à mettre mon énergie dans des choses plus concrètes, à m'intéresser aux causes et non aux conséquences

Je suis bien d'accord sur les multiples visions du féminisme, mais c'est comme tout. Si chacun.e ne considère que "son" féminisme, on avancera pas beaucoup. Je t'assure que quelques années en arrière, ce n'était pas du tout un sujet qui me semblait important, à moi non plus. Moi aussi, je me disais "les violences, les féminicides, les viols, les salaires". Et puis je me suis rendu compte, en regardant de près ou de loin les autres (celles qui agissent concrètement pour le féminisme), que c'est en avançant dans de multiples petits domaines qu'on fait changer les choses. C'est en bougeant tous les pions (notamment ceux qui sont faciles à bouger, comme la langue) qu'on change les choses.

Fut un temps pas si lointain, les femmes n'avaient pas le droit d'avoir leur propre compte bancaire. On pouvait probablement estimer à l'époque que c'était un faux problème, que le VRAI problème c'était ailleurs. Et tout comme aujourd'hui certain.es se disent que la féminisation, ce n'est "rien de grave", certain.es à l'époque devaient penser la même chose concernant la lutte pour une telle avancée.

Je suis complètement en accord avec ce que Pisaphae vient de dire :

Pasiphae a écrit:
ce sont en général les mêmes personnes qui mènent de front plusieurs types de luttes. Et on peut tout aussi bien considérer qu'on a des aptitudes plutôt pour une lutte que pour une autre : en tant qu'écrivaine / doctorante en lettres, je suis plus apte à apporter ma pierre à l'édifice de la réflexion sur le sexisme de la langue, à celle de la visibilisation des autrices et de la réflexion sur les contenus enseignés en lettres dans le secondaire et le supérieur ; infiniment plus apte à tout ça qu'à travailler sur, par exemple, un urbanisme non sexiste. Ca ne m'empêche pas de m'intéresser aussi à ce que font d'autres féministes, à médiatiser leurs combats, à leur donner des sous lorsqu'elles en ont besoin pour une action et à observer dans ma vie quotidienne un comportement adapté aux réflexions qu'elles engagent. Je pense que les luttes sont cumulatives et pas exclusives, et que les bénéfices de l'une rejaillissent sur l'autre.

On ne peut pas être (ou difficilement) sur tous les fronts, mais on peut agir selon nos moyens. Ici, c'est un forum d'écriture, tout le monde écrit. Les mots sont donc l'un de nos moyens, à nous. C'est comme ça que je le vois.

Enirtourenef a écrit:
Souvent, je me dis avec une pointe de culpabilité que "je ne suis pas assez féministe". Mais c'est un contre-sens. Féministe, on l'est, ou on ne l'est pas. Il n'y a ni de "pas assez", ni de "trop", ni de "juste milieux". Il y a juste être ou ne pas être. Et ensuite agir (ou ne pas agir) en fonction de ses valeurs, de sa manière de raisonner, de ce qui nous paraît important.

Là encore, je pensais comme toi. Et puis j'ai changé, parce que je me suis rendu compte que le monde n'était pas aussi joli que je le croyais (et qu'il y avait moins de personnes qui luttaient que je ne le pensais), et que si les gens comme moi ne "participaient pas", ou ne "soutenaient" pas de manière plus marquée (en dehors de mon comportement dans la vie par exemple, de mes interventions ou autres), rien ne changerait jamais.

DC a écrit:

Maintenant on a des manifs centrales avec plusieurs dizaines de milliers de personnes, (100 000 à Paris le 23 novembre; 150 000 en France), ça force à travailler ensemble et ça fait du bien

Clairement cheers
 
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Je ne voulais surtout pas te donner cette impression, et je suis désolée si c'est le résultat. Pour la linguistique, il y a un super bouquin de Laélia Véron et Maria Candea, Le français est à nous, qui synthétise et vulgarise un état du champ, appliqué à plein d'enjeux politiques / sociaux (la question du sexisme dans la langue, mais aussi la francophonie institutionnelle, les "niveaux de langue" appliqués aux classes sociales, la glottophobie (la discrimination par l'accent) ou la notion d'erreur...)

Et je pense avec DC qu'on peut être féministe sans être d'accord sur plein de points secondaires, que tous les féminismes sont légitimes (aussi longtemps qu'ils ne sont pas teintés de racisme ou de transphobie, bref, d'exclusion), et que l'existence même de ce type de débat est super importante pour la vitalité des féminismes.
 
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Sur le fait de ne considérer que son féminisme, je n'aurais pas participé à la discussion si je ne regardais que mon petit nombril Wink

Pasiphae tu n'as pas à t'excuser, tu n'es pas du tout en cause, c'est juste que c'est quelque chose d'ancré en moi donc mes interlocuteurs ne sont jamais en cause, ce sont juste mes perceptions Smile
Merci pour la référence en tout cas Smile


Dernière édition par Enirtourenef le Ven 12 Juin 2020 - 11:24, édité 1 fois
 
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Bardak a écrit:
Mokkimy a écrit:

Il faut apprendre aux hommes qu'ils peuvent être sage-femmes et aux femmes qu'elles peuvent être docteurs.
Et pas expliquer aux hommes qu'ils peuvent être sage-hommes et aux femmes qu'elles peuvent être doctoresses.  

(Le" femme" de sage-femme renvoie à la femme enceinte, pas au sexe de celui ou celle qui l'accouche. Les hommes exerçant ce métier sont donc bien des sages-femmes).

Dans ton exemple, il faudrait choisir un métier dit féminin comme infirmière : il faudrait donc apprendre aux hommes qu'ils peuvent devenir infirmières, et pas leur apprendre qu'ils peuvent devenir infirmiers.

Il vient de ce qu'au Moyen-Age, c'étaient les sage-femmes qui aidaient d'autres femme à accoucher.
Ce même type de "femme sage" qu'on nommait aussi "matrones" (mot hérité de l'antiquité).
Non, le "sage" ne se rapporte pas à la personne à propos de qui il faut avoir des connaissances, du moins étymologiquement (on peut toujours inventer de nouveaux sens aux mots... les glissements sémantiques se font depuis la nuit des temps)

Pasiphae a écrit:
Et je pense avec DC qu'on peut être féministe sans être d'accord sur plein de points secondaires, que tous les féminismes sont légitimes
Mais ils n'ont pas tous le même avis sur un même point
Et il est très vite fait quand on a un point de vue d'accuser celui d'en face de ne pas être féministe


Le débat peut durer très très très longtemps.
Surtout que dans le cadre d'un roman (car ce topic est supposé concerner l'écriture), il s'agit de faire ressentir au lecteur l'univers où se déroule l'histoire, et pas uniquement le nôtre.


Dernière édition par Séléné.C le Ven 12 Juin 2020 - 11:33, édité 2 fois
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Enirtourenef : Ce n'est pas ce que je voulais dire, je parlais aussi de moi, c'est à dire "les points cruciaux selon moi dans le féminisme". On aura toujours des points de désaccords, fort heureusement, mais je me dis qu'il faut parfois voir ce qu'on a en commun avant tout, histoire d'avancer.
 
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Ah oui, d'accord, je comprends mieux Smile
 
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Séléné : j'ai l'impression que ces accusations interviennent souvent quand les dissensions sont très graves. Par exemple, j'estime que les TERFS et les féministes "universalistes anti voile" ne sont pas réellement féministes, puisqu'elles se placent dans une logique d'exclusion très grave et vont dans le sens des logiques de domination qu'elles disent combattre : être féministe, ça devrait être se battre pour toutes les femmes, en gros. Mais je peux avoir un dissensus sur d'autres questions (la langue inclusive, la violence comme moyen de lutte, des questions de terminologie, l'éducation non-genrée etc) sans disqualifier mon interlocutrice !
 

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