Bonjour,
D'abord merci pour le temps que vous accordez à nos questions, c'est tout à votre honneur. J'espère que vous allez lire mon 2e message même si le 1er vous a apparemment agacés.
Je commence aussi par dire que, comme nous sommes sur internet, vous m'avez peut-être pris pour un bête gêneur, qui pose des questions embarrassantes afin de faire son intéressant. Je crois que ça n'est pas le cas. Mais internet érode la patience des gens, donc je ne peux pas vous en vouloir d'avoir légèrement pris la mouche. Voilà une réponse-question un peu construite, que vous lirez peut-être si vous avez le temps ?
- Editions Zéro a écrit:
Nous parlons littérature, vous répondez idéologie. Nous vivons dans des univers différents et ne pourrons donc pas nous comprendre.
Ça déjà, soyons d'accord pour dire que vous étiez un peu emporté ; parce que, comme
ça n'est pas vrai, ce serait vraiment dommage qu'une ME l'affirme.
Ou alors, Christine de Pizan, Deschamps, Rabelais, tous les humanistes, Racine, Rousseau, Diderot, Hugo, Vigny, Balzac, Sand, Dostoïevski, Tolstoï, Tourgueniev, Rimbaud, Claudel, Barbusse, Beauvoir, Senghor, Simon, ce n'était pas de la littérature. Et je parle bien de leurs
livres, qui, oui, défendaient des idéologies de façon biaisée, subjective.
Donc, peut-être, au lieu de dire : "Un livre ne défend aucune idée ni aucun point de vue sur son époque", vouliez-vous dire : "Nous nous intéressons davantage aux livres détachés de leur temps, mais qui nous parlent de l'humanité."
Type Montaigne, Mallarmé, Ponge, Bataille... (et encore, c'est à interroger, mais je mets des auteurs qui portent cette étiquette de "détachés du politique local").
Là au moins, on pourrait discuter et s'interroger. Voir s'il est possible, pour un humain vivant en 2024, de raconter une histoire en laquelle son être, son cerveau, sa vie propre, n'expriment
aucune idée subjective, ni ne prennent aucun parti de façon biaisée.
Je conçois qu'aujourd'hui, avec les divers mouvements libertaires qui fleurissent, et leurs conséquences qui fleurissent, ce type de questionnement est dérangeant. Mais faites gaffe, parce que, dans votre réponse, on avait l'impression que ça vous dérangeait.
Alors que : - Editions Zéro a écrit:
- Notre démarche est purement artistique ; derrière le côté "cri du cœur" et l'esthétisme de la maison, ce qui nous intéresse sincèrement est de recevoir des œuvres qui veulent dire quelque chose et qui mettent en avant une certaine idée de l'art, de la beauté, de l'humain.
Nous ne parlons à aucun moment d'orientation politique, idéologique et/ou religieuse. Cela ne nous intéresse absolument pas. Un texte réactionnaire minable n'en devient pas bon, ça reste un texte minable.
Ok ! Là, vous apportiez des bouts de réponse.
Donc, liberté d'expression ; critères
esthétiques, et non pas
politiques, d'accord.
Ça me donne très envie de vous demander quels sont vos critères esthétiques, mais on verra ça dans vos premières publications, c'est le jeu.
Et des livres qui parlent de la beauté, de l'humain, top. Comme ceux de Woolf, par exemple, qui n'était heureusement pas féministe, ou de Baldwin et Césaire, qui n'exprimaient jamais rien contre les racistes.
C'est intéressant de se questionner quand même ! Plutôt que de dire "on peut pas se comprendre", autant chercher à se comprendre ? Je suis pas un protozoaire, ni vous une roue de tracteur, on doit pouvoir solliciter des réflexions en nous qui nous amènent plus loin.
Et ma question était fondamentalement :
"Comment questionnez-vous le biais qui puisse faire prendre un texte réactionnaire,
donc dérangeant et sombre, pour un texte original et beau,
parce que dérangeant et sombre ?"
Question qui, à mon avis, passera par la tête de beaucoup de gens en visitant votre site. Chose que j'avais faite, bien sûr. C'était justement devant quelques phrases bien méprisantes lues là-bas, que je m'étais interrogé.
Alors, ça vaut peut-être le coup d'être un peu humbles, et de prêter attention à vos biais éventuels ? Aux sources
idéologiques (houh) de vos choix de ME ?
Honnêtement, vous m'avez intéressé, au début. Ça fonctionne, de dire "Venez à nous, Bannis, Proscrits !" Donc je n'ai vraiment pas envie d'être agressif ; j'ai utilisé soixante-sept pincettes ; j'aimerais juste que vous constatiez qu'il y a un sujet de questionnement.
Qu'on ne peut pas dire : "Tout ce qui est consensuel, c'est inintéressant", et dire aussi : "Tout ce qui est politique, idéologique, c'est inintéressant". Je sais pas trop ce qu'il vous restera. D'ailleurs, je suis sûr qu'il y aura de l'idéologie dans vos publications. L'humanisme, l'antiracisme, l'antiélitisme, le féminisme, l'anticapitalisme, ce sont des idéologies. Comme le fascisme, comme le racisme, comme l'élitisme, la misogynie, et le capitalisme. Pour citer les grandes actuelles. C'est pas un gros mot, idéologie. Ça veut dire qu'on partage un courant d'idées avec d'autres gens.
(
Je ne dis pas bien sûr, qu'il faut afficher des opinions ostentatoires dans les livres. Plutôt, que ces opinions vont s'y faire ressentir. Et qu'il faut donc les questionner avant de publier.)
Ça serait un débat finalement intéressant : une Maison d'Édition doit-elle afficher, ou au moins en filigrane, une position idéologique ?
Je ne sais vraiment pas. Mais autant se gratter la tête là-dessus.PS : Ah décidément, quel sujet passionnant que l'idéologie en littérature !
Un autre questionnement : on dit souvent que l'auteur écrit son livre, qu'il le libère, ensuite, et que ce livre ne sera que ce qu'en feront les lecteurs. Faisons confiance aux lecteurs. Ou plutôt, ce que les lecteurs en font, ne nous regarde pas, nous, auteurs.
C'est vrai, à la limite, pour un livre. Mais dans l'ensemble, ça devient plutôt faux. Prenons l'exemple (
tout à fait théorique) d'une société comptant 10 000 auteurs au total. Sur ces 10 000 auteurs, 9950 publient un livre marqué par une idéologie misogyne normalisée. Est-ce qu'on peut continuer de dire : "Laissons les lecteurs se faire leur opinion" ? Ou est-ce qu'on peut tenter un : "Encourageons les ME à valoriser les 50 auteurs restants !"
C'était un exemple. Mais admettez qu'il y a de quoi se questionner, quand même. Et je ne parle pas de vous !! Vous n'avez rien publié, ce serait très injuste. Non, je parle de se questionner.