Arrivé au quatrième étage je me dirige au fond du couloir comme on me l'a indiqué. Jpder ! Paco ça pue l'herbe dans tout l'immeuble on peut pas vraiment dire que tu sois discret. Au moins pas de doute c'est forcément cette porte il y a de la fumée jusque dans le couloir.

*Toc Toc Toc*

"Paquito! Tu es là? Ou t'es encore en train de roupiller?"

*"Paquito! Tu es là? Ou t'es encore en train de roupiller?"*

Cette voix ! Ca ne peut-être que Carmen!

"Carmenita!"
Je peine a caché la joie que j'ai dans la voix.

" Excuse moi... Sacha c'est ça? C'est Carmen c'est une très bonne amie à moi, j'espère que ça ne te dérange pas."

Je jette le mégot de pétard dans le cendrier et accours a la porte.
La poignée couine

"¡Hola guapa! J'étais sans nouvelle depuis que le barrage a pété! Comment tu m'a retrouvé? Entre! Entre! Je suis sur que tu as des tas de chosese a raconter."

J'avais complétement oublié ces moments que peuvent partager les individus les uns avec les autres quand ils s'aiment. 

- Bonjour Carmen ! Oh c'est assez gênant d'être là pour moi, après j'avoue avoir en curiosité ce qui peut arriver de l'extérieur, mais c'est gênant...

Je salue le jeune homme assis sur le canapé de Paco. Il a l'air un peu perdu. Stressé peut-être?

"Mi Paquito j'ai tant de choses a te raconter. C'est la panique a Vides Muertas. Ma paillotte a pris l'eau, je n'ai plus nulle part où dormir. C'est aussi le cas pour de nombreuses personnes de la zone. Une exode a commencé vers la colline. A voir si il seront bien accueilli ou pas mais j'en doute, la haute de Aguacope ont toujours méprisé les bas quartiers. Mais... *Je regarde l'invité de Paco* Ce n'est peut-être pas le moment d'en parler... ?"

- Les coïncidences c'est toujours assez étrange, j'étais en train de demander à votre ami s'il connaissait quelqu'un prêt à occuper un logement vacant, ce n'est pas vraiment une question d'argent, c'est un service, je n'ai pas envie que cet appartement soit squatté, il faut quelqu'un dedans... C'est quelques rues plus haut, l'appartement 4 au 79 rue des Fontaines, vous seriez plus proches l'un de l'autre. 
D'accord pour qu'il y ait quelques fêtes mais rien de trop illégal s'il vous plaît, qu'on ne vous vire pas ce serait dommage.


Carmen, prenez les clefs, l'appartement est meublé. C'était à la mère de mon oncle Angel, une très vieille dame, il lui reste de jolies robes dans les placards. J'ai prévenu le concierge que quelqu'un allait venir occuper le logement, qu'il vienne me voir s'il y a un souci.

Les clefs me tombent dans la main.

" Paco, qu'est-ce que c'est encore que ce plan?"

Il me réponds en secouant les mains et en haussant les épaules. Je ne sais pas vraiment comment réagir. Ce type viens juste de me donner les clefs d'un appartement dans un des beaux quartiers de la ville alors qu'il viens a peine de me rencontrer.

"... Merci ?"

Il est étrange ce garçon mais il a quelque chose de déterminé qui me plait bien. Encore faut-il voir si les clefs ouvre bien les portes de ce fameux appartement.

"Tu n'imagine pas à quel point ça tombe a pic... Toujours dans les bons plan Mi Flaquito à ce que je vois. Par contre j'ai des choses importantes a te dire. Ton ami va rester longtemps?"

Paco attrape la bière de son invité et le pousse doucement jusqu'a la porte en s'excusant

"-Désolé mon gars. Sacha c'est ça? Nous avons une discussion très importantes à avoir avec mon amie. C'est super pour l'appartement et tout ça on en prendra grand soin ! Tu peux garder la bière t'en fais pas c'est moi qui offre. Et rappel toi, si tu as besoin de quoi que ce soit tu frappe 2 coup à la porte, puis 1. Comme ça je saurais que c'est toi. Allez a très  bientôt!" *Clac*

Il soupire...

"Dios mios Paco tu aurais pu faire un effort. Il viens de nous offrir un logement ! Tu as entendu l'adresse ? C'est pas n'importe quel quartier ! Tu aurais pu être un peu plus correct!"

Paco hausse les épaules.

"-tu me désespère des fois.
- Donc ... Tu as des choses a me dire c'est bien ça? Attends moi juste un instant..."

Paco fouille dans une caisse et en sors un cd qu'il glisse dans le lecteur de sa chaine Hi Fi.



"-On sera plus tranquille comme ça, les voisins sont pas tout net... Je le sens."

On entends vaguement un bruit de briquet au loin, juste avant que la musique emplisse entièrement la pièce.

La musique défile sur la petite chaine Hi Fi de l'appartement 401, laissant transparaître quelques bribes de conversation :

Qué más da
Si el tiempo sigue siempre andando sin piedad
Y qué importa
Qué más da

"Les choses vont changer pour toi tu sais. La protection que t'apporte ton père va devenir désuète."


Dentro de ti estoy yo
La diferencia es que yo soy tú
No espero

"Regarde... Toi aussi il t'en faut un... Tout le monde en a un de nos jours..."

Siento sin pensar
Si quiero el sol
Lo voy a buscar
Sin rezar
Sin rezar que del cielo
Solo cae agua

" -J'suis prêt."

Del cielo, solo cae agua

"-Laisse moi les colis quelques temps Paco, si tu as besoin tu passera me voir"

......

"Avec cette agitation, on a peut-être une chance. Une chance inespérée. Mais faut que tu marche avec nous !

Qué más da
Si el tiempo sigue siempre andando sin piedad
Y qué importa
Qué más da

"De toutes façon sans nous t'es perdu Paquito."


Dentro de ti estoy yo
Si tú no saltas no salto yo
Recuérdate que al final
No va a quedar
Na da

"- J'ai plus le choix.
"- Tu sais personne n'a le choix désormais."

Sal sal sal salta
Sal sal sal salta

"El Graso va venir te voir. Il t'en apportera un. Il t'expliquera tout le reste. Il y a beaucoup de nouveautés dans l'organisation de notre petite affaire."


Qué más da
Si el tiempo sigue siempre andando sin piedad
Y qué importa

"On s'en fait un dernier?"

Qué más da
Si el tiempo sigue siempre andando sin piedad
Y qué importa

"On s'en fait un dernier."

Qué más da

Je ne sais pas trop quelle heure il est mais la lumière du jour ne perce pas encore à travers les volets. Paco ronfle et son canapé n'est pas vraiment confortable. Et puis, si je traine il va encore vouloir me jouer de la guitare. Ce n'est pas tant qu'il joue mal mais ce n'est pas du tout le moment adapté... On vit une période compliquée, il s'en rendra bien compte très bientôt et là il n'aura d'autre choix que de laisser derrière son insouciance de gamin. Je rallume le mégot du pojo de la veille et doucement, a pas de velours, je me prépare pour partir. J'ai écris un petit mot pour que Paco ne s'inquiète pas a son réveil. J'ai aussi laissé quelques paquets que j'ai glissé à l'intérieur de sa guitare. Ainsi il n'aura pas de mal a les trouver. J'ai aussi laissé une bouteille d'alcool sur la table, au moins il pourra boire quand il n'aura plus rien à fumer. Je range le reste des paquets dans la valise avant de filer. Sur la pointe des pieds, je traverse la pièce. La poignée de la porte couine. Paco marmonne dans son sommeil. Je m'extirpe de l'appartement en essayant de ne faire aucun bruit.

Je descends les marche en repensant au garçon qui était là hier et qui m'a confié les clefs de son appartement. Je me demande si il est idiot ou inconscient. En tout cas c'est une opportunité de taille. Je vérifie que les clefs sont bien dans ma sacoche. C'est la première étape ce matin, mettre la valise en sureté. J'espère que le concierge ne sera pas aussi matinal que moi, j'aimerais éviter de le croiser. Deuxième étape, apporter le double de la boite au lettre de Paco chez El Graso.

Je descends les escaliers précautionneusement, les marches sont à moitié brisées et le jour n'est pas encore levé alors je n'y vois pas grand chose. Soudain quelque chose file entre mes jambes. Je n'ai pas pu voir ce que c'était mais sans doute un chat. Trop petit pour être un chien et trop gros pour être un rat. Peu importe, ne nous attardons pas ici. Je traverse le couloir de l'entrée et quitte l'immeuble en refermant délicatement la porte.

La cacophonie de la trompette résonne jusque dans mon appartement. Une mouche vole dans toute la pièce. Se pose sur mon nez, au coin de ma bouche. C'est comme si tout le monde s'était donné le mot pour m'empêcher de dormir. Bon. Tant pis, la grasse matinée ce sera pour une prochaine. Je me relève en me frottant les yeux encore lourd de sommeil. Je me lève de mon lit en chancelant un petit peu et me dirige vers la cafetière. Je met le feu sur la gazinière et prépare le café. Pendant que l'eau chauffe je me roule un pojito matinal. Juste à coté du cendrier il y a un petit mot de Carmen. Je n'avais même pas remarqué qu'elle était partie.

" Hola mi Paquito, j'ai du filer aux aurores, j'ai à faire. Je t'ai laissé une bouteille de Mezcal et quelque "provisions" Si tu ne les trouve pas tu n'a qu'a m'écrire une nouvelle chanson. *clin d'oeil*
On se voit bientôt. Besos."

PS: La bouteille de Mezcal je l'ai ramenée de la cave de la abuela, je sais pas si c'est buvable mais c'est cadeau."

Sur la table, une bouteille remplie d'un liquide jaunâtre et dont le fond est tapissé de petits vers. En effet, ça ne donne pas très envie. Au moins je saurais quoi servir si j'ai des invités malvenus.

Le café est prêt. Je saisie ma guitare, elle semble plus lourde que d'habitude et fait un drôle de bruit quand on l'agite. Je comprends maintenant le petit mot de Carmen. Et moi qui cherchait ou planquer les colis j'aurais du y penser tout de suite au lieu de laisser trainer la valise dans un coin de la pièce. Ca aurait pu poser problème. Je m'installe dans le canapé, bois une gorgée de café. Le pojo dans le cendrier fume. La pièce se rempli de volute. J'essaye de trouver quelques accords sur les cordes. Je suis un peu distrait par la trompette qui résonne dans l'immeuble mais l'effet du pétard me monte à la tête et finalement les fausses notes me bercent un peu. La juana se consume, le café refroidit. La journée s'annonce bien.

Un peu stone, Paco se dit qu'il lui faudrait une trompette sur sa prochaine compo.

Une fois dans l'appartement de Paco, Henri reste immobile et regarde attentivement autour de lui. Sur la table basse, des mégots. Sur le canapé, des mégots. Sur les étagères, des mégots. Henri se dit qu'il est au bon endroit. Il a vu juste !

— En effet, je voulais vous proposer quelques rondelles de charcuterie. J'y tiens ! Servez-vous, prenez tout ce que vous voudrez, elles viennent du meilleur charcutier que je connaisse. Non, je ne vous dirais pas où je les ai achetées ! Elles sont délicieuses en tout cas. Vous savez, j'ai été apprenti dans une charcuterie de Besançon entre septembre 1972 et octobre 1976, je sais de quoi je parle. Par ailleurs, je suis bon cuisinier. Vous aimez cuisiner ?

Paco semble confus. Ne sait pas trop où veut en venir le vieil Henri. Il a soudain cette empathie graveleuse qu'on a pour les vieux dont on sait que plus rien chez eux n'est à sauver. Il tend la main vers un morceau de saucisson qui le dégoûte presque immédiatement par son aspect desséché.

— Merci.. Il dit.

En le portant à sa bouche, Paco manque de vomir.

"-Attendez moi monsieur Jacquetot, j'en ai pour un instant"

Je file a la cuisine cracher ce que je viens de manger. C'est immonde ! Le meilleur charcutier ? c'est une blague. J'attrape la bouteille ce mezcal de la abuela et en bois de grandes goulées pour me désinfecter la bouche. Le mélange entre la viande avariée et les petits vers dans le mezcal me donne envie de rendre. Je ne sais pas ce que veux ce vieux bizarre, mais sa charcuterie est infecte.
Je prends deux bières dans le frigo et la bouteille de la abuela.

De retour dans le salon je lui demande.

"-Dites moi ? Vous n'êtes pas venu ici juste pour me proposer de la charcuterie ? N'est-ce pas ?"

Jacquetot reste silencieux.

"Asseyez vous. Vous préfèrez une bière ou un peut-être un peu de Mezcal? C'est une très vieille bouteille qui je suis sur vous ravira les papilles."

Qu'est-ce qu'il me veut, je vais lui faire cracher le morceau moi !

Henri Jacquetot s'installe sur le canapé. Un mégot s'accroche à la poche arrière de son pantalon.

— J'ai préparé cette planche de charcuterie tout spécialement pour les habitants de l'immeuble ! J'ai prévu de faire tous les étages. Je vous prendrais bien un peu de Mezcal, c'est gentil de proposer. L'hospitalité se perd. Vous ne trouvez pas ?  Question d'éducation. Ce sont des qualités que j'apprécie particulièrement, Paco. On ne les trouve pas chez tout le monde.

Paco sert un grand verre de Mezcal à Henri. Puis sans rien dire, s'allume une cigarette. Henri sent alors tout le poids du regard de Paco sur ses épaules osseuses et fragiles. Pour s'opposer au silence, il frotte ses mains sur son jean et fait mine d'épousseter son veston avec un vieux mouchoir qui trainait dans sa poche. Presque immédiatement, il se ressert un verre de Mezcal sans demander.

— J'ai une très bonne opinion vous concernant. De bonnes intuitions. Je l'ai toujours pensé. Toutes les fois où je vous ai croisé dans les couloirs j'ai pensé : cet homme-là, je voudrais le connaitre ! Et voilà que cette histoire de charcuterie m'en donne l'occasion. À propos, il parait que Mr. Armando a caché dans la cave toutes sortes de charcuterie. Quand même ! Je sais que les temps sont durs mais ça ne justifie pas tout.

Une bonne opinion ? Je me demande si il a vraiment quelque chose à me dire ou si il est pas juste fou ou sénile. Il s'exprime pourtant très bien pour un français. Est-il vraiment français ? Jacquetot ça ne peut-être que français. Il y a vraiment beaucoup de français dans cet immeuble. Quelle idée de venir s'installer à Aguacope en ce moment même moi je n'y comprends rien. C'est peut-être lier aux récents évennements

"Hé! Monsieur Jacquetot! Doucement sur la boisson! C'est un cadeau d'une amie, Il faut pas tout siffler comme ça."

J'imagine qu'il reçoit les nouvelles et les tracts de Miranda lui aussi. Il a sans doute senti l'odeur qui viens d'ici et il s'est dit qu'il pourrait avoir des contacts de ma part. D'ailleurs ils veulent tous nous désarmer. Personnellement je n'ai aucune arme a part mon couteau de cuisine. Il est d'ailleurs a moitié émoussé, même couper un oignon n'est pas chose facile. Pour faire du mal avec ça il faudrait que je le plante bien entre les côtes et de toutes mes forces. Pas d'armes... Carmen m'avait prévenu que El Graso avec quelques affaires pour moi. Il faut que je prévienne Carmen pour cette histoire d'arme. Et puis ils vont sans doute faire quelque descente chez les habitants de l'immeuble, il faut que je planque l'herbe.

" Je vais mettre un peu de musique monsieur Jacquetot. Vous aimez la musique brésilienne ?"

Je me lève pour aller jusqu'a la petite chaine Hi Fi. Purée ça tangue beaucoup. Et d'ailleurs je réfléchis beaucoup plus que d'habitude. J'ai comme un genre d'ivresse qui semble différente de celle de l'alcool ou  de la marijuana... Est-ce ce drole de mezcal? Ou est-ce cette immonde charcuterie que je n'ai pas osé retoucher depuis tout à l'heure. Jacquetot, lui, en a mangé quelques morceaux... Il va finir malade c'est sur. Je fouille dans mes CDs, la couleur des pochettes, toutes bariolées d'illustrations et de photos, semble vibrer dans des intensités différentes. On dirait presque qu'elles s'animent légèrement. Non ça ne peut pas être? Carmen m'aurait prévenu ... Je glisse le CD dans la fente.



Alors que la musique commence doucement les murs et les meubles se mettent à danser. Le lattes du parquets chantent en rythme. Dans le canapé je vois Jacquetot qui se ressers un grand verre de mezcal. Je sens que la suite va être compliquée pour lui. Déjà que c'est pas évident pour moi en général ce genre de voyage. Les cactus ont des épines. Et quand on s'y frotte, on s'y pique. Seul les indigènes avait réussi à maitriser ces substances. Bon j'espère que Jacquetot ne va pas se mettre à communiquer avec les dieux sinon ça va être coton. J'ai l'impression que mon visage fait un peu des vagues en suivant le flux de mes pensée. J'entends un bruit sourd au loin. Les murs vibrent. Ca doit être mon imagination. Le déclic comme ils appellent ça. Après ce moment, tout n'est que vague, volute, motifs et couleurs. Plus rien du monde ne semble vraiment important si ce n'est l'instant présent et la connexion entre toutes choses. Du moins les acides font ça. Le cactus je ne sais pas.

"Monsieur Jacquetot préparez vous au grand plongeon ! Et je ne parle pas de se noyer dans ce mezcal, bien qu'il est vraiment délicieux !
Tenez je vous offre une cigarette. Vous aimez l'herbe?"