Je crois que Joncour doit pas kiffer AirBNB parce qu'il a écrit Chien-Loup cette année qui y fait penser aussi.

Citation :

Je crois que Joncour doit pas kiffer AirBNB parce qu'il a écrit Chien-Loup cette année qui y fait penser aussi.

Ah ? Merci pour le tuyau ! (En fait, j'ai moi-même envie d'écrire un truc en rapport avec airbnb - autant mettre ma "colère" à profit, mais avant je veux lire ce qui a déjà été écrit sur le sujet, forcément... et comme en plus Joncour écrit bien, c'est tout bénef)

Je dis plus ça pour rire en fait, mais ça parle d'un couple de Parisiens qui loue un châlet dans une forêt un peu glauque... Donc y a un côté AirBNB :p

Je viens de commencer TAIPEI de TAO LIN mais bon le style est un peu décevant pour l'instant (trop d'adjectifs et trop longues phrases). Faut peut-être que je m'acclimate.

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Je lis A Modern Family de Socrates Adams - en version originale mais je jure de me procurer un jour la traduction aux fameuses éditions Premier Degré. J'ai beaucoup de mal à m'habituer au style pour l'instant, c'est très différent de ce que j'ai pu lire dans ma vie, je vais voir sur la durée.

La Maison des feuilles, Mark Z. Danielewski, que Sarah Froidure m'avait prêté il y a quatre ans. J'ai dû l'épousseter dans un premier temps. L'envie m'en est venue parce que Tanneur Quarante-Cinq parle, dans Je range mon bureau 33, de l'immense série que l'auteur est en train d'écrire, The Familiar, (plus de 20 tomes), dont quatre tomes sont déjà parus et qui est tentaculaire, pleine de personnages, de couleurs et de jeux typographiques (avec des personnages qui ne reviennent qu'au bout de 300 pages). La conclusion du youtubeur, c'est que La Maison des feuilles c'est sage à côté, donc bon, voilà, j'ai eu envie d'aller un peu plus loin que cette page attrapée à la volée il y a trois ans où un fils parlait avec sa mère, je crois, c'était sublime mais très flou dans ma mémoire.

Sinon je viens d'achever deux courts romans de Mme de Duras, téléchargés sur ma liseuse, Edouard et Ourika. Ils sont parus au début du XXème siècle (c'est rigolo parce que quand elle parle de la Révolution, elle utilise à peu près les mêmes éléments de langage que BFM pour les gilets jaunes, à cette nuance près qu'on peut lui pardonner facilement puisque son père a été guillotiné pendant la Terreur). Elle met en scène dans ces deux romans des jeunes gens que leur appartenance sociale empêche de s'intégrer au cercle / au mariage auxquels iels aspirent. Edouard est un jeune bourgeois qui parvient jusqu'aux salons de la noblesse grâce à une amitié de son père, et qui ne se plaît que dans les cercles les plus distingués de Paris ; Ourika est une jeune fille noire, recueillie par pitié par une femme noble alors qu'enfant elle allait être embarquée sur un négrier. Cette femme lui donne la meilleure éducation possible à l'époque pour une jeune femme (lettres, chant, danse en gros), mais la jeune fille apprend au détour d'une conversation à laquelle elle n'aurait pas dû assister que sa couleur de peau la marginalise et qu'au-dehors du cercle fermé et cultivé de sa mère adoptive, elle n'a pas droit de cité. Les deux jeunes gens sont entraînés vers un destin tragique (bon c'est un peu guimauve sur les bords), à cause de cette inadéquation entre leur situation dans le champ de leur époque et leurs aspirations, fruit de personnes qui sans doute voulaient faire le bien (la mère adoptive, l'ami du père) mais n'ont créé que des souffrances. La Révolution, par ce qu'elle aurait pu apporter, éveille quelques espoirs chez Ourika, qui se rend bien vite compte que les configurations sociales n'ont bougé que pour une minorité de personnes. Finalement c'est très fin même si c'est le thème du mariage d'amour qui sert à mettre en scène ces tensions entre (grossièrement) la personne dans sa valeur sociale / dans sa valeur "réelle". La question ne se poserait pas tout à fait en ces termes aujourd'hui, puisque la sociologie est passée par là, encore que Claire de Duras illustre bien la toute-puissance de l'éducation : éduqué·es en-dehors de leur cercle d'origine, les deux jeunes gens agissent et pensent bien comme des nobles.
Ces romans appartiennent au domaine public et sont facilement trouvables dans leur version électronique. Il est remarquable que ces thèmes soient traités par une femme qu'on dit précurseuse du féminisme et qui tenait l'un des salons les plus côtés de son époque.
edit : j'ai été amenée à Ourika je ne sais plus dans quel contexte, mais parce qu'il s'agit d'un des premiers romans français mettant en scène un personnage noir discriminé

Je me suis faite chier devant "Paris est une fête" d'Hemingway. J'ai lu "Que le diable m'emporte" de Mary MacLane, c'est quelque chose. "Tout est affaire d'imagination" de Gay Talese, ça m'a bien plu.

Et là j'alterne entre Le Seigneur des Anneaux (nouvelle traduction) et les "Carnets" de Goliarda Sapienza.

DC a écrit:

Et là j'alterne entre Le Seigneur des Anneaux (nouvelle traduction)

Tiens, je peux te demander ce que tu en penses, par rapport à l'ancienne ? J'avais uniquement parcouru les premières pages, c'est bien insuffisant pour se faire une idée fiable (d'autant que je l'ai beaucoup lu dans sa traduction première), sans que cela me semble particulièrement convaincant (ni d'ailleurs particulièrement haïssable, simplement... dispensable.)

DC a écrit:

J'ai lu "Que le diable m'emporte" de Mary MacLane, c'est quelque chose.

je viens de le terminer aussi, on me l'avait offert à Noël ! je recopie ce que j'ai écrit sur ma liste SC
Il s'agit du journal écrit sur trois mois d'une jeune américaine de 1900 ; pas un journal intime, puisqu'elle l'écrit dans l'intention de le publier, et apostrophe sans cesse son lecteur. Mary MacLane est peut-être un peu folle mais elle est surtout née à la mauvaise époque, et on est affreusement triste face à cette intelligence vive mais indomptée, laissée en jachère dans une affreuse petite ville bourgeoise où rien ne pouvait lui convenir. On retrouve l'orgueil de l'adolescence, mais décuplé par la maladive solitude de cette jeune fille dont la seule amie fut une prof de français, rapidement affectée ailleurs, loin d'elle.
Il y a de très belles pages sur les promenades dans les environs, mettant en scène le "sable stérile", formule incantatoire ; de très belles pages également sur les sens, et notamment le goût (5 pages sur la dégustations d'une olive, et quelques-unes sur le bœuf bouilli aux oignons nouveaux). Des pages étonnantes sur le plaisir du ménage, le foie à toute épreuve... et la colère, la tristesse qui reviennent sans cesse, avec cette absence du diable qui est absence de la vie, de l'amour, bref, solitude. Mary n'est peut-être pas le génie qu'elle se prétend être, mais elle a une vivacité, une sensibilité étonnantes, et qu'elle affirme avec assurance, du haut de son corps jeune.

Pasiphae a écrit:

DC a écrit:

J'ai lu "Que le diable m'emporte" de Mary MacLane, c'est quelque chose.

je viens de le terminer aussi, on me l'avait offert à Noël ! je recopie ce que j'ai écrit sur ma liste SC
Il s'agit du journal écrit sur trois mois d'une jeune américaine de 1900 ; pas un journal intime, puisqu'elle l'écrit dans l'intention de le publier, et apostrophe sans cesse son lecteur. Mary MacLane est peut-être un peu folle mais elle est surtout née à la mauvaise époque, et on est affreusement triste face à cette intelligence vive mais indomptée, laissée en jachère dans une affreuse petite ville bourgeoise où rien ne pouvait lui convenir. On retrouve l'orgueil de l'adolescence, mais décuplé par la maladive solitude de cette jeune fille dont la seule amie fut une prof de français, rapidement affectée ailleurs, loin d'elle.
Il y a de très belles pages sur les promenades dans les environs, mettant en scène le "sable stérile", formule incantatoire ; de très belles pages également sur les sens, et notamment le goût (5 pages sur la dégustations d'une olive, et quelques-unes sur le bœuf bouilli aux oignons nouveaux). Des pages étonnantes sur le plaisir du ménage, le foie à toute épreuve... et la colère, la tristesse qui reviennent sans cesse, avec cette absence du diable qui est absence de la vie, de l'amour, bref, solitude. Mary n'est peut-être pas le génie qu'elle se prétend être, mais elle a une vivacité, une sensibilité étonnantes, et qu'elle affirme avec assurance, du haut de son corps jeune.

En vrai je me dis que si c'est un mec de 19 ans qui affirme haut et fort son génie, qui disserte sur son corps, il ne subira pas cette "présomption de folie", on va même sous le prétexte que des phrases sont bien écrites ou que des images sont magnifiques accepter sa proclamation comme quoi il est un génie.

Sinon ce journal c'est aussi un cri de liberté, c'est la seule façon qu'a une jeune femme dans une société aussi corsetée que la sienne de s'émanciper, d'affirmer son individualité...

Silence écrit a écrit:

DC a écrit:

Et là j'alterne entre Le Seigneur des Anneaux (nouvelle traduction)

Tiens, je peux te demander ce que tu en penses, par rapport à l'ancienne ? J'avais uniquement parcouru les premières pages, c'est bien insuffisant pour se faire une idée fiable (d'autant que je l'ai beaucoup lu dans sa traduction première), sans que cela me semble particulièrement convaincant (ni d'ailleurs particulièrement haïssable, simplement... dispensable.)

Ce qui me marque surtout c'est la différence dans les noms propres, sinon c'est bien.

En ce qui concerne ces derniers, ca colle plus à mon gout.

Ce n'est plus par exemple les cousins Sacquet de Besace, mais les Bessac-Descarcelle (Sackville-Bagginses), les Brandibouc (au lieu de Brandebouc, pour Brandybuck); Barbebois et plus Sylvebarbe..

Je ne dis pas qu'elle est folle, mais que ce qu'elle subit en tant que femme distord complètement son intelligence, qui se serait exprimée de façon plus acceptable (socialement) si elle avait pu poursuivre son éducation et rencontrer des personnes qui l'auraient sortie de sa solitude intellectuelle. Il y a quelque chose d'un peu monstrueux chez elle, mais c'est le monstre que génère l'humain lorsqu'il laisse dépérir les siens, les musèle et ne leur donne pas les moyens de s'exprimer. Et non, je ne la trouve pas géniale, bien qu'elle ait un sacré style. Elle en avait tout le potentiel, mais c'est un potentiel gâché, et c'est ce qui rend horriblement triste. Dire ce n'est pas faire, et écrire "je suis un génie, j'ai une sensibilité exacerbée, une intelligence énorme" à longueur de page, ce n'est pas prouver ces trois termes (sinon le deuxième : les pages sur sa sensibilité sont magnifiques). Elle est pleine d'intuitions vagues, on est nombreux·ses à avoir connu ça adolescent·es, ce sentiment de mener des réflexions géniales à partir d'un langage insuffisant, mais à mon sens on se rend vite compte qu'il ne suffit pas d'avoir l'impression de réfléchir pour le faire vraiment. Et il lui manque tout un outillage conceptuel pour réfléchir avec force, manque aisément compréhensible avec sa position de dominée.

Pasiphae a écrit:

Je ne dis pas qu'elle est folle, mais que ce qu'elle subit en tant que femme distord complètement son intelligence, qui se serait exprimée de façon plus acceptable (socialement) si elle avait pu poursuivre son éducation et rencontrer des personnes qui l'auraient sortie de sa solitude intellectuelle. Il y a quelque chose d'un peu monstrueux chez elle, mais c'est le monstre que génère l'humain lorsqu'il laisse dépérir les siens, les musèle et ne leur donne pas les moyens de s'exprimer. Et non, je ne la trouve pas géniale, bien qu'elle ait un sacré style. Elle en avait tout le potentiel, mais c'est un potentiel gâché, et c'est ce qui rend horriblement triste. Dire ce n'est pas faire, et écrire "je suis un génie, j'ai une sensibilité exacerbée, une intelligence énorme" à longueur de page, ce n'est pas prouver ces trois termes (sinon le deuxième : les pages sur sa sensibilité sont magnifiques). Elle est pleine d'intuitions vagues, on est nombreux·ses à avoir connu ça adolescent·es, ce sentiment de mener des réflexions géniales à partir d'un langage insuffisant, mais à mon sens on se rend vite compte qu'il ne suffit pas d'avoir l'impression de réfléchir pour le faire vraiment. Et il lui manque tout un outillage conceptuel pour réfléchir avec force, manque aisément compréhensible avec sa position de dominée.

Je n'ai pas que tu avais dit qu'elle était folle.

Je disais et me disais juste qu'on a des biais qui font qu'on va avoir plus tendance à définir comme folle une femme qui s'autoproclame géniale qu'un homme dans la même situation. Il faut voir aussi quelque part la fascination pour Joe Gould de Joseph Mitchell et une bonne part du milieu littéraire et artistique new yorkais..

Pour le reste je suis d'accord.

Oui, tu as raison ! mais elle a aussi cette force de finir par conquérir le lecteur. On finit par être absorbé par cette prose circulaire, incantatoire, où l'attente du diable résume la vie. Je me demande ce qu'en penserait un lecteur mascu