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Rask'/ ChériJE® de Mitsu Mar 27 Juin 2017 - 17:30
Sujet intéressant, difficile de répondre en détail à chaque point - d'autant que le champ est vaste et complexe - donc je vais juste donner quelques petits trucs en vrac, quitte à développer et échanger si le débat reprend. NB : je précise que je n'ai pas encore lu le sujet sur le rejet du féminisme, je pars juste de celui-ci). NB2 : ce sera beaucoup de références en anthropologie
Déjà, pour ceux que ça intéresse, je conseille comme introduction au domaine un récent petit livre assez simple et pédagogique, Questions de genre, comprendre pour dépasser les idées reçues, de Perrine Lachenal : succession de mini-chapitre qui constitue une première approche assez complète je trouve.
sommaire:
Alors, puisque ça a été mentionné, le cas de David Reimer, Judith Bulter a écrit dessus dans Défaire le genre, chapitre "Rendre justice à David : réassignation de sexe et allégories de la transexualité". Parle notamment de la politique de vérité de Foucault. Je met en spoiler un petit résumé :
spoiler:
Cas de David Reimer (un temps Brenda ; médiatisation sous John/Joan). Milton Diamond. Gender Identity Institute de John Money.
Succès médiatisé mais succès mensonger. Suzanne Kessler coécrit avec Money puis désavouera la coopération plus tard. Point de vue de Colapinto et Diamond : l'histoire de Brenda/David est désormais utilisée pour réviser et renverser la théorie du développement du genre ; elle fournit maintenant des arguments pour renverser la thèse de Money et soutenir qu'il exister une substance essentielle du genre, liée de manière irréversible à l'anatomie et à la biologie en un sens déterministe. Bien que David affirme préférer vouloir être un homme, il n'est pas sûr qu'il croie lui-même en la force causale déterminante du chromosome Y. Diamond prend appui sur David pour élaborer sa théorie, il n'est toutefois pas certain que celui-ci soit d'accord avec lui.
Chase, fondatrice et directrice de la Société intersexe d'Amérique du Nord, s'est montrée sceptique à l'égard des recommandations de Diamond. Son point de vue, défendu également par Anne Fausto-Sterling, est que, bien qu'il faille assigner un sexe à un enfant afin d'établir une identité sociale stable, il ne s'ensuit pas pour autant que la société doive s'engager dans des pratiques de chirurgie coercitive pour refaçonner le corps selon l'image sociale du genre. Non seulement ces tentatives de « corrections » imposent une violence à l'enfant, mais elles renforcent aussi l'idée que le genre doit être confirmé de façon singulière et normative par l'anatomie. Pour Chase cette chirurgie sert à créer un corps « qui ait l'air normal », mutilations et cicatrices visibles marquant à vie parce qu'ils sont « inconcevables ».
Tandis que le Money Institute engage, au nom de la normalisation, des transsexuelles pour apprendre à Brenda comment font les femmes, les endocrinologues prescrivent le protocole de réassignation de sexe de la transsexualité à David, au nom de la normalisation, et afin qu'il embrasse à nouveau son destin génétique, au nom de la nature.
Autre façon de voir cette histoire, une lecture qui n'infirme ni ne confirme les théories du genre constructivistes ou essentialistes : David comprend qu'il y a une norme, une norme qui indique comment il doit être et à laquelle il n'est pas parvenu à se conformer. Il est implicite que cette norme est la féminité et qu'il n'a pu vivre selon cette norme. Il y a, d'un côté, une norme imposée de l'extérieur et communiquée par un ensemble d'attentes qu'ont les autres par rapport à nous ; il y a, de l'autre côté, le monde du ressenti et de l'être, et ces deux champs sont, pour lui, distincts. Ce qu'il ressent n'est absolument pas produit par la norme, et la norme est autre, ailleurs, elle ne fait pas partie de qui il est, de qui il est devenu, de ce qu'il ressent.
Il semble raisonnable de penser que la raison pour laquelle Brenda peut comprendre son attitude envers les jouets comme une preuve de sa dysphorie de genre, est qu'elle n'a cessé d'être sollicitée par ceux qui utilisent tout ce qu'elle dit de son expérience comme la preuve de son appartenance à tel ou tel genre.
Sur le nombre de sexes, on peut lire Fausto-Streling (Les cinq sexes, pourquoi mâle et femelle ne suffisent pas), qui traite notamment de l'intersexuation. Au XX ème siècle, la communaute médicale a achevé le travail entamé par les juristes, soit l'éradication de toute forme incarnée de sexe non conforme à un schéma mâle-femelle hétérosexuel(le). Les intersexes c'est environ 2-4% des naissances quand même.
J'ai vu que ça parlait aussi ici de génétique, de muscle, de chromosome, etc. Alors là, Anaïs Bohuon, Catégories "dames", le test de féminité dans les compétitions sportives. Tellement à dire... j'en parlerai plus en détail plus tard peut-être. Ça touche aussi à la domination etc évidemment.
Je citerai aussi un article d'Eric Fassin, L'empire du genre, l'histoire politique ambiguë d’un outil conceptuel :
spoiler:
On voit mieux aujourd’hui combien la « valence différentielle des sexes », chère à Françoise Héritier, s’écartera des voies du genre, en relisant Gayle Rubin : « Hommes et femmes sont, bien sûr, différents. Mais ils ne sont pas aussi différents que le jour et la nuit ». La perspective naturaliste est donc renversée : « loin d’être l’expression de différences naturelles, l’identitéde genre est la suppression de similitudes naturelles ». Pourtant, tout en s’appropriant le genre pour dénaturaliser le sexe, les études féministes vont se retrouver en opposition aux travaux de John Money et Robert Stoller sur un point décisif : l’empire médical du genre n’est pas seulement un savoir, c’est aussi, inséparablement, un pouvoir. (...) Pour autant, la notion de genre n’échappera jamais définitivement àcette ambiguité fondatrice : encore aujourd’hui, elle reste prise dans une double logique, potentiellement contradictoire – entre catégorie normative et outil critique. Autrement dit, le genre est, sinon par nature, du moins d’origine, une arme a double tranchant. C’est ce qu’il ne faut jamais perdre de vue pour comprendre l’histoire de sa circulation, comme on le voit lorsqu’on passe du transfert disciplinaire entre discours médical et féministe, au transfert national, d’une rive de l’Atlantique àl’autre. (...) Pourtant, il n’est pas même besoin de l’importer : dès l’école primaire, tous les enfants de France entendent parler de genre, en même temps que de nombre. Et cet usage grammatical n’est pas si éloigné du concept féministe : après tout, pour ne prendre qu’un exemple, quand la lune et le soleil changent de genre lorsqu’on passe du français à l’allemand, c’est bien que l’arbitraire du signe ne renvoie pas à la nature des choses, mais à une convention sociale. Si pour Mona Ozouf le mot est « intraduisible », c’est donc qu’il l’est devenu – non pas en fonction de quelque propriété linguistique essentielle du français ou de l’anglais, ni de quelque trait immémorial de la culture nationale de l’un ou l’autre pays, mais en raison d’une nationalisation des enjeux scientifiques et politiques du genre – bref, du fait d’une histoire. (...) Cette nationalisation culturaliste des clivages politiques porte sur l’ensemble des politiques minoritaires, interdisant en particulier aux descendants d’immigrés d’exister comme sujets politiques, sous peine de contrevenir àl’universalisme censé définir la République : il fallait prévenir la nation française contre tout communautarisme « à l’américaine ». La polémique contre le « politiquement correct » trouvera toutefois un prolongement spécifique dans les attaques contre le « sexuellement correct ». (...) Ce qui ne va pas sans une banalisation, au risque d’émousser ce que Joan W. Scott appelait son « tranchant critique » : en 1999, dans une nouvelle préface de son recueil fondateur, l’historienne s’était en effet inquiétée d’une semblable évolution en langue anglaise : « alors que nous approchons de la fin des années 1990, le “genre” semble avoir perdu sa capacité à nous étonner et à nous provoquer. Aux Etats-Unis, il fait désormais partie de “l’usage ordinaire” : on le propose couramment comme synonyme de femmes, de différence entre les sexes, de sexe. Parfois, il signifie les règles sociales imposées aux hommes et aux femmes, mais il ne renvoie que rarement au savoir qui organise nos perceptions de la “nature” ».
Et le cerveau ? Catherine Vidal, « Cerveau, sexe et idéologie » :
spoiler:
En effet, d’après une analyse rétrospective des mesures tirées de cinquante études publiées depuis 1980, aucune différence significative entre les sexes n’a pu être démontrée. Il est cependant intéressant de noter que la théorie des deux cerveaux, bien que largement dépassée de nos jours, continue d’être citée « en référence » dans les médias. Certaines régions du cerveau présenteraient des différences anatomiques non seulement entre les hommes et les femmes mais aussi entre les hommes homosexuels et hétérosexuels. Il faut souligner que cette opinion est loin d’être partagée par la communauté scientifique, non seulement à cause de ses implications idéologiques, mais surtout parce que la validité des résultats publiés est hautement contestable. Jusqu’à présent, aucun argument scientifique ne permet de dire que l’homosexualitéest due àdes causes biologiques, qu’il s’agisse des hormones, du cerveau ou des gènes. (...) Depuis une quinzaine d’années, les études d’imagerie cérébrale ont permis des avancées spectaculaires de nos connaissances sur le fonctionnement du cerveau. Il est remarquable que, sur plus d’un millier de travaux d’imagerie consacrés aux fonctions cognitives supérieures, seulement quelques dizaines ont montré des différences entre les sexes. La raison principale tient à l’importance de la variabilité individuelle dans le fonctionnement du cerveau. C’est en particulier le cas lorsqu’il s’agit de manipuler en mémoire des représentations mentales pour résoudre un problème, comme le jeu d’échecs ou le calcul mental. Pour des performances égales, différents individus ont chacun leur propre stratégie et donc leur propre façon d’activer leur cerveau. De fait, la variabilité individuelle dépasse largement la variabilité entre les sexes qui, en conséquence, fait figure d’exception. (...) Cependant, la construction du cerveau est loin d’être terminée : 90% des synapses vont se former progressivement dans les 20 premières années de la vie. C’est précisément sur la construction de ces circuits que s’exerce l’influence de l’environnement, issu à la fois du milieu « intérieur » (l’influence des hormones, de l’état nutritionnel, des maladies...) et du milieu extérieur (le rôle des interactions familiales et sociales). On parle de « plasticité » pour qualifier cette propriété du cerveau à se modeler en fonction de l’expérience vécue. Le processus de plasticité se poursuit également chez l’adulte à travers l’expérience et l’apprentissage. (...) L’ensemble de ces arguments plaide en faveur d’un rôle majeur des facteurs socioculturels dans les différences d’aptitudes cognitives entre les sexes. C’est pourtant la position contraire qui est défendue avec acharnement dans certains milieux scientifiques, principalement aux États-Unis et au Canada (Fausto-Sterling, 1992). On y prétend que ce sont les différences innées de capacités mentales entre les hommes et les femmes qui déterminent leur représentation sociale et professionnelle (Kimura, 2001). Ainsi, rien ne sert d’inciter les femmes à suivre des filières scientifiques et mathématiques. Si elles n’y vont pas, c’est que leur tendance naturelle ne les y pousse pas, puisqu’elles y réussissent moins bien que les hommes. (...) Que dit la science dans tout cela ? S’agissant des aptitudes spatiales, verbales et des mathématiques, de sérieux arguments vont à l’encontre des théories sur l’origine innée des différences entre les sexes. Tout d’abord, ces différences ne sont détectables qu’à partir de l’adolescence et pas avant. D’autre part, elles sont beaucoup plus marquées chez les blancs que dans les autres communautés ethniques (noirs, asiatiques). Enfin, la compilation des résultats des tests d’aptitude publiés depuis 20 ans montre une réduction progressive des écarts de performance entre les sexes, ce qui va de pair avec l’intégration accrue des femmes dans la vie sociale et professionnelle (Feingold, 1988)
D'autres trucs en vrac : Priscille Touraille "Pour les biologistes, le sexe c’est d’abord un mode de reproduction qui implique deux types de cellules reproductrices, les gamètes, les unes appelées femelles (les ovules), les autres mêles (les spermatozoïdes), elles-mêmes respectivement produites par les gonades que sont les ovaires et les testicules. Les gamètes et les gonades sont une réalité. (...) Mais quand on parle des individus comme étant des « mâles » et des « femelles », ces termes, en tant qu’ils désignent le tout de l’individu et non les caractères qu’on vient d’énumérer, ne sont pas des réalités : ils sont des catégories".
Thomas Laqueur explique dans La fabrique du sexe, qu'on est passé d'un modèle ancien dans lequel les organes génitaux masculins et féminins sont considérés comme les deux pôles d’un continuum à une seule dimension, à un modèle de la différence des sexes qui s’invente au siècle des Lumières et dans lequel les organes génitaux des deux sexes sont perçus comme ayant chacun une nature distincte et incommensurable. L’affirmation d’une fabrique du sexe peut prêter àconfusion au sens oùil y a une focalisation de manière plutôt moderne sur les organes génitaux (vs Steinberg, conception humorale du corps).
Petit documentaire intéressant, qui veut aborder le genre comme producteur de sexe dans un sens réel et pas discursif, s'intéresse aux traits sexués héritables par voie génétique mais qui pourraient avoir été sélectionnés par des pressions de sélection sociales typiquement issues des représentations inégalitaires de genre. Le doc a des défauts, manque de nuance, n'aborde pas l'intersectionnalité, etc, mais est intéressant :
Sur domination, patriarcat, inégalités, division sexuelle, masculinités hégémoniques : je conseille entre autres les travaux de Paola Tabet, et Bilge et Crenshaw sur l'intersectionnalité. Ce dernier point permet avec le Black Feminism de rebondir sur ce qui a été dit dans ce fil quant à la politisation, l'engagement, le militantisme de certains chercheures : c'est une position qu'on trouve plutôt aux Etats-Unis, avec parfois la revendication d'une part de simplification pour fédérer, pour faciliter l'action collective concrète.
Au niveau drague, la notion de "script sexuel" est intéressante. J'ai pas mal de choses plus généralement sur les violences sexuelles. Par exemple sur l'inceste, il y a une transmission (avec parfois une régularité dans les schémas de parenté assez glaçante): évidemment rien de génétique mais cela s'explique par une socialisation au sein d'un système singulier, qui perpétue des relations familiales biaisées, etc.
Bon, voilà, je m'arrête là histoire que ce ne soit pas trop indigeste.
Nombre de messages : 6963 Âge : 37 Date d'inscription : 03/01/2010
Lo.mel/ Troll hunter un jour, troll hunter toujours Mar 27 Juin 2017 - 17:39
Et chez les mantes religieuses, la taille très inférieure du mâle est-elle le fruit de sélection sociales typiquement issues des représentations inégalitaires de genre ?
(Remarque, chez la guenon ça marche aussi, pour rester dans sii sii la famille)
Nombre de messages : 3844 Âge : 31 Localisation : JE depuis 2007 Date d'inscription : 20/08/2009
Rask'/ ChériJE® de Mitsu Mar 27 Juin 2017 - 17:46
Voyons Lo, tu me déçois à ne te focaliser que là dessus
Nombre de messages : 6963 Âge : 37 Date d'inscription : 03/01/2010
Lo.mel/ Troll hunter un jour, troll hunter toujours Mar 27 Juin 2017 - 19:28
Ha ha, désolé.
Tu as raison (mais cette position m'a un peu fait soupirer).
Nombre de messages : 10122 Âge : 31 Localisation : Paris Pensée du jour : nique la miette Date d'inscription : 22/06/2010
Pasiphae/ Truquage geniphasien Mer 28 Juin 2017 - 11:51
chouette, de la bonne lecture ! Merci Rask
Nombre de messages : 4687 Âge : 34 Pensée du jour : A la recherche du temps à perdre Date d'inscription : 24/04/2008
Volte/ JE's Official GO Mar 4 Juil 2017 - 16:18
J'ose intervenir sur ce sujet. J'ai lu aussi celui sur le rejet du féminisme. Posons un premier point : je ne me suis jamais sentie vraiment concernée, d'une part parce que je suis un petit être égocentrique, de deux parce que j'ai vécu dans un environnement qui a fait que je ne me suis jamais sentie opprimée, oppressée ou empêchée parce que j'étais une fille.
Par contre ce sujet m'interpelle plus et me pousse à réfléchir sur un aspect que je ne percevais pas. En plus, je suis tombée sur un reportage sur France 5 Devenir il ou elle. Entre les réflexions de Lo sur les hormones et leur modification précoce du cerveau et celles dans ce documentaire, je me suis dit qu'il devait y avoir un truc. Je suis partisane du mélange inné/acquis, même si j’ai toujours penché pour du 20% inné / 80% acquis, mais ce débat aurait tendance à rééquilibrer un peu plus la balance.
J'ai toujours eu un "caractère de mec dans un corps de fille", d'après tout le monde ; soit très affirmé, franc, et un peu violent. J'ai vécu dans un environnement plutôt masculin, à jouer avec mon grand frère et mon cousin, et dans des petites classes très déséquilibrées en termes de parité (12 garçons pour 4 filles toute mon école primaire), à porter principalement des vêtements masculins (ceux de mon frère) par manque de choix mais aussi par praticité (pour jouer au foot, vaut mieux pas être en jupe). A la puberté ça a augmenté, puis la pilule l’a fait diminuer. Et j'ai découvert vers 15 ans que je produisais plus de testostérone que je ne devrais, et ce certainement depuis la petite enfance. Elle ne suffit pas à inhiber le travail des hormones femelles, mais si je vois les effets sur mon corps, il doit bien y en avoir sur le cerveau...
Mon frère a au contraire un caractère plus « féminin », très loin au-dessus de tout, calme, avec un super don avec les enfants et une très grosse empathie avec les gens. Pourtant, vus sa carrure de demi de mêlée et sa barbe, je ne pense pas qu’il y ait un quelconque manque dans ses hormones masculines… Et je me dis qu’il a un caractère d’aîné avant d’avoir un caractère de garçon, autant que j’ai un caractère de petite dernière avant d’avoir un caractère de fille.
D’ailleurs, M.Volty est l’aîné de trois garçons. Il a un peu le même caractère que mon frère (coucou Freud), alors que le deuxième et le troisième ont des caractères plus semblables aux miens (un peu plus doux que moi pour le deuxième et un peu moins pour le troisième). Oui, tout ceci est ma life, je suis désolée. Mais je me voyais mal en tirer les observations suivantes sans vous montrer les postulats de départ.
Une chose que je vois souvent revenir dans ce genre de débat c’est que l’environnement familial/social etc nous façonne, mais à mon sens il est biaisé de perdre de vue l’idée que nous le façonnons en même temps. J’ai en quelques sortes façonné mon frère à sa place de grand frère, autant que sa douceur a permis à mon caractère de s’affirmer. Nous nous sommes mis tous les deux inconsciemment dans une relation gagnant-gagnant (avec de la chance), ou du moins suffisamment "accordée" (dans le sens de la musqiue). Et malgré ce caractère affirmé, nul doute que si j’avais eu un petit frère ou une petite sœur j’aurais été plus attentive aux autres en général (cf égocentrisme du début), malgré le taux d’hormones. C'est comme la loi de l'attraction gravitationnelle, la pomme aussi attire la Terre, même s'il n'y a souvent aucune équité dans ces échanges.
Et ce façonnement part à mon sens forcément de prédispositions de départ : mon frère avait certainement cette inclination à s’occuper des autres, comme dans la théorie de l’évolution darwinienne, et ce caractère a trouvé matière à s’exprimer, comme j’avais quelque part cette capacité à m’affirmer. Mais cette capacité à s'affirmer, est-ce dû à cette fameuse hormone ? J'aurais aussi bien pu avoir les yeux bleus, il y en a plein des deux côtés de ma famille ; mais je ne saurais jamais si la testostérone en plus ou la couleur de mes yeux ont réellement joué un rôle dans ma vie... D'ailleurs, le reportage dit qu'ils cherchent des "dispositions" du cerveau à la dysphorie de genre, qui n'est a priori pas liée aux hormones...
Comme le jeune Lucas dans la vidéo qui dès qu’il a été accepté comme transgenre a développé des attitudes plus « mec que mec » (langage, attitudes...), pour marquer la différence, alors qu’il admet lui-même être plus calme malgré la prise de testostérone, je pense qu’il s’agit surtout de la place qu’on veut prendre (la place du grand frère ou le refus de la place de petite dernière, dans mon cas) qui définit notre comportement, et ainsi celui des autres. Quelqu’un qui reste effacé ne pourra pas avoir les mêmes « ambitions » que quelqu’un qui adore le regard des autres ; il lui faudra s’adapter s’il désire la même place, et les autres devront s’adapter à cette nouvelle distribution des rôles. En fait, je rejoins assez Lo sur sa vision. Et c’était mieux dit. Pardon, tout ça pour ça.
Et au final, peut-être que la chose qui peut déranger dans ce genre de débat (je m’en rends compte en écrivant) c’est une sorte de négation de l’identité entière, qu’il y a forcément un moment où on sera jugé par rapport à des petits bouts de nous. Dire « tu es comme ça parce que dans ton cerveau… » ou « dans ton environnement… », c’est quelque part de la vivisection, et ce n’est jamais vraiment agréable.
Nombre de messages : 3844 Âge : 31 Localisation : JE depuis 2007 Date d'inscription : 20/08/2009
Rask'/ ChériJE® de Mitsu Mer 5 Juil 2017 - 14:36
Volte a écrit:
J'ai toujours eu un "caractère de mec dans un corps de fille", d'après tout le monde ; soit très affirmé, franc, et un peu violent. J'ai vécu dans un environnement plutôt masculin, à jouer avec mon grand frère et mon cousin, et dans des petites classes très déséquilibrées en termes de parité (12 garçons pour 4 filles toute mon école primaire), à porter principalement des vêtements masculins (ceux de mon frère) par manque de choix mais aussi par praticité (pour jouer au foot, vaut mieux pas être en jupe). A la puberté ça a augmenté, puis la pilule l’a fait diminuer. Et j'ai découvert vers 15 ans que je produisais plus de testostérone que je ne devrais, et ce certainement depuis la petite enfance. Elle ne suffit pas à inhiber le travail des hormones femelles, mais si je vois les effets sur mon corps, il doit bien y en avoir sur le cerveau...
Je rebondis rapidement sur ce paragraphe : les caractéristiques associées aux "garçons" et aux "filles", ce sont justement des productions sociales et culturelles, qui ont un impact sur les individus mais qui ne correspondent à aucun gène etc. Et d'ailleurs, selon les sociétés, des attitudes ou traits de personnalités "masculins" peuvent être considérés ailleurs comme féminins, ou ne pas être genrés.
Sur la testostérone, c'est un grand sujet dans le sport, qui évidemment nuit aux athlètes femmes et pas aux hommes comme l'a montré Anaïs Bohuon. Or, il peut y avoir plus de différences de taux de testostérone entre deux hommes qu'entre un homme et une femme. Les institutions se focalisent sur cette hormone mais c'est absurde. Et des femmes intersexes en produisent moins que certaines femmes répondant à tous les canons (en général occidentaux hein) de la féminité etc. C'est pas une hormone magique qui fait qu'on est champion(ne).
Quand j'aurai le temps je ferai une synthèse de son livre sur les tests de féminité, c'est vraiment intéressant.