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 Comportements genrés: construction et héritage

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Rask'
   
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Rask'  /  ChériJE® de Mitsu


Sujet intéressant, difficile de répondre en détail à chaque point - d'autant que le champ est vaste et complexe - donc je vais juste donner quelques petits trucs en vrac, quitte à développer et échanger si le débat reprend.
NB : je précise que je n'ai pas encore lu le sujet sur le rejet du féminisme, je pars juste de celui-ci).
NB2 : ce sera beaucoup de références en anthropologie

Déjà, pour ceux que ça intéresse, je conseille comme introduction au domaine un récent petit livre assez simple et pédagogique, Questions de genre, comprendre pour dépasser les idées reçues, de Perrine Lachenal : succession de mini-chapitre qui constitue une première approche assez complète je trouve.
sommaire:

Alors, puisque ça a été mentionné, le cas de David Reimer, Judith Bulter a écrit dessus dans Défaire le genre, chapitre "Rendre justice à David : réassignation de sexe et allégories de la transexualité". Parle notamment de la politique de vérité de Foucault. Je met en spoiler un petit résumé :
spoiler:

Sur le nombre de sexes, on peut lire Fausto-Streling (Les cinq sexes, pourquoi mâle et femelle ne suffisent pas), qui traite notamment de l'intersexuation. Au XX ème siècle, la communaute médicale a achevé le travail entamé par les juristes, soit l'éradication de toute forme incarnée de sexe non conforme à un schéma mâle-femelle hétérosexuel(le). Les intersexes c'est environ 2-4% des naissances quand même.

J'ai vu que ça parlait aussi ici de génétique, de muscle, de chromosome, etc. Alors là, Anaïs Bohuon, Catégories "dames", le test de féminité dans les compétitions sportives. Tellement à dire... j'en parlerai plus en détail plus tard peut-être. Ça touche aussi à la domination etc évidemment.

Je citerai aussi un article d'Eric Fassin, L'empire du genre, l'histoire politique ambiguë d’un outil conceptuel :
spoiler:

Et le cerveau ? Catherine Vidal, « Cerveau, sexe et idéologie » :
spoiler:

D'autres trucs en vrac : Priscille Touraille "Pour les biologistes, le sexe c’est d’abord un mode de reproduction qui implique deux types de cellules reproductrices, les gamètes, les unes appelées femelles (les ovules), les autres mêles (les spermatozoïdes), elles-mêmes respectivement produites par les gonades que sont les ovaires et les testicules. Les gamètes et les gonades sont une réalité. (...) Mais quand on parle des individus comme étant des « mâles » et des « femelles », ces termes, en tant qu’ils désignent le tout de l’individu et non les caractères qu’on vient d’énumérer, ne sont pas des réalités : ils sont des catégories".

Thomas Laqueur explique dans La fabrique du sexe, qu'on est passé d'un modèle ancien dans lequel les organes génitaux masculins et féminins sont considérés comme les deux pôles d’un continuum à une seule dimension, à un modèle de la différence des sexes qui s’invente au siècle des Lumières et dans lequel les organes génitaux des deux sexes sont perçus comme ayant chacun une nature distincte et incommensurable. L’affirmation d’une fabrique du sexe peut prêter àconfusion au sens oùil y a une focalisation de manière plutôt moderne sur les organes génitaux (vs Steinberg, conception humorale du corps).

Petit documentaire intéressant, qui veut aborder le genre comme producteur de sexe dans un sens réel et pas discursif, s'intéresse aux traits sexués héritables par voie génétique mais qui pourraient avoir été sélectionnés par des pressions de sélection sociales typiquement issues des représentations inégalitaires de genre. Le doc a des défauts, manque de nuance, n'aborde pas l'intersectionnalité, etc, mais est intéressant :


Sur domination, patriarcat, inégalités, division sexuelle, masculinités hégémoniques : je conseille entre autres les travaux de Paola Tabet, et Bilge et Crenshaw sur l'intersectionnalité. Ce dernier point permet avec le Black Feminism de rebondir sur ce qui a été dit dans ce fil quant à la politisation, l'engagement, le militantisme de certains chercheures : c'est une position qu'on trouve plutôt aux Etats-Unis, avec parfois la revendication d'une part de simplification pour fédérer, pour faciliter l'action collective concrète.

Au niveau drague, la notion de "script sexuel" est intéressante. J'ai pas mal de choses plus généralement sur les violences sexuelles. Par exemple sur l'inceste, il y a une transmission (avec parfois une régularité dans les schémas de parenté assez glaçante): évidemment rien de génétique mais cela s'explique par une socialisation au sein d'un système singulier, qui perpétue des relations familiales biaisées, etc.

Bon, voilà, je m'arrête là histoire que ce ne soit pas trop indigeste.
 
Lo.mel
   
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Lo.mel  /  Troll hunter un jour, troll hunter toujours


Et chez les mantes religieuses, la taille très inférieure du mâle est-elle le fruit de sélection sociales typiquement issues des représentations inégalitaires de genre ?

(Remarque, chez la guenon ça marche aussi, pour rester dans sii sii la famille)
 
Rask'
   
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Rask'  /  ChériJE® de Mitsu


Voyons Lo, tu me déçois à ne te focaliser que là dessus Wink
 
Lo.mel
   
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Lo.mel  /  Troll hunter un jour, troll hunter toujours


Ha ha, désolé.

Tu as raison (mais cette position m'a un peu fait soupirer).
 
Pasiphae
   
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


chouette, de la bonne lecture ! Merci Rask
 
Volte
   
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Volte  /  JE's Official GO


J'ose intervenir sur ce sujet. J'ai lu aussi celui sur le rejet du féminisme. Posons un premier point : je ne me suis jamais sentie vraiment concernée, d'une part parce que je suis un petit être égocentrique, de deux parce que j'ai vécu dans un environnement qui a fait que je ne me suis jamais sentie opprimée, oppressée ou empêchée parce que j'étais une fille.

Par contre ce sujet m'interpelle plus et me pousse à réfléchir sur un aspect que je ne percevais pas. En plus, je suis tombée sur un reportage sur France 5 Devenir il ou elle. Entre les réflexions de Lo sur les hormones et leur modification précoce du cerveau et celles dans ce documentaire, je me suis dit qu'il devait y avoir un truc. Je suis partisane du mélange inné/acquis, même si j’ai toujours penché pour du 20% inné / 80% acquis, mais ce débat aurait tendance à rééquilibrer un peu plus la balance.

J'ai toujours eu un "caractère de mec dans un corps de fille", d'après tout le monde ; soit très affirmé, franc, et un peu violent. J'ai vécu dans un environnement plutôt masculin, à jouer avec mon grand frère et mon cousin, et dans des petites classes très déséquilibrées en termes de parité (12 garçons pour 4 filles toute mon école primaire), à porter principalement des vêtements masculins (ceux de mon frère) par manque de choix mais aussi par praticité (pour jouer au foot, vaut mieux pas être en jupe). A la puberté ça a augmenté, puis la pilule l’a fait diminuer. Et j'ai découvert vers 15 ans que je produisais plus de testostérone que je ne devrais, et ce certainement depuis la petite enfance. Elle ne suffit pas à inhiber le travail des hormones femelles, mais si je vois les effets sur mon corps, il doit bien y en avoir sur le cerveau...

Mon frère a au contraire un caractère plus « féminin », très loin au-dessus de tout, calme, avec un super don avec les enfants et une très grosse empathie avec les gens. Pourtant, vus sa carrure de demi de mêlée et sa barbe, je ne pense pas qu’il y ait un quelconque manque dans ses hormones masculines… Et je me dis qu’il a un caractère d’aîné avant d’avoir un caractère de garçon, autant que j’ai un caractère de petite dernière avant d’avoir un caractère de fille.

D’ailleurs, M.Volty est l’aîné de trois garçons. Il a un peu le même caractère que mon frère (coucou Freud), alors que le deuxième et le troisième ont des caractères plus semblables aux miens (un peu plus doux que moi pour le deuxième et un peu moins pour le troisième).
Oui, tout ceci est ma life, je suis désolée. Mais je me voyais mal en tirer les observations suivantes sans vous montrer les postulats de départ.

Une chose que je vois souvent revenir dans ce genre de débat c’est que l’environnement familial/social etc nous façonne, mais à mon sens il est biaisé de perdre de vue l’idée que nous le façonnons en même temps. J’ai en quelques sortes façonné mon frère à sa place de grand frère, autant que sa douceur a permis à mon caractère de s’affirmer. Nous nous sommes mis tous les deux inconsciemment dans une relation gagnant-gagnant (avec de la chance), ou du moins suffisamment "accordée" (dans le sens de la musqiue). Et malgré ce caractère affirmé, nul doute que si j’avais eu un petit frère ou une petite sœur j’aurais été plus attentive aux autres en général (cf égocentrisme du début), malgré le taux d’hormones. C'est comme la loi de l'attraction gravitationnelle, la pomme aussi attire la Terre, même s'il n'y a souvent aucune équité dans ces échanges.

Et ce façonnement part à mon sens forcément de prédispositions de départ : mon frère avait certainement cette inclination à s’occuper des autres, comme dans la théorie de l’évolution darwinienne, et ce caractère a trouvé matière à s’exprimer, comme j’avais quelque part cette capacité à m’affirmer. Mais cette capacité à s'affirmer, est-ce dû à cette fameuse hormone ? J'aurais aussi bien pu avoir les yeux bleus, il y en a plein des deux côtés de ma famille ; mais je ne saurais jamais si la testostérone en plus ou la couleur de mes yeux ont réellement joué un rôle dans ma vie... D'ailleurs, le reportage dit qu'ils cherchent des "dispositions" du cerveau à la dysphorie de genre, qui n'est a priori pas liée aux hormones...

Comme le jeune Lucas dans la vidéo qui dès qu’il a été accepté comme transgenre a développé des attitudes plus « mec que mec » (langage, attitudes...), pour marquer la différence, alors qu’il admet lui-même être plus calme malgré la prise de testostérone, je pense qu’il s’agit surtout de la place qu’on veut prendre (la place du grand frère ou le refus de la place de petite dernière, dans mon cas) qui définit notre comportement, et ainsi celui des autres. Quelqu’un qui reste effacé ne pourra pas avoir les mêmes « ambitions » que quelqu’un qui adore le regard des autres ; il lui faudra s’adapter s’il désire la même place, et les autres devront s’adapter à cette nouvelle distribution des rôles. En fait, je rejoins assez Lo sur sa vision. Et c’était mieux dit. Pardon, tout ça pour ça.

Et au final, peut-être que la chose qui peut déranger dans ce genre de débat (je m’en rends compte en écrivant) c’est une sorte de négation de l’identité entière, qu’il y a forcément un moment où on sera jugé par rapport à des petits bouts de nous. Dire « tu es comme ça parce que dans ton cerveau… » ou « dans ton environnement… », c’est quelque part de la vivisection, et ce n’est jamais vraiment agréable.


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Rask'
   
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Rask'  /  ChériJE® de Mitsu


Volte a écrit:
J'ai toujours eu un "caractère de mec dans un corps de fille", d'après tout le monde ; soit très affirmé, franc, et un peu violent. J'ai vécu dans un environnement plutôt masculin, à jouer avec mon grand frère et mon cousin, et dans des petites classes très déséquilibrées en termes de parité (12 garçons pour 4 filles toute mon école primaire), à porter principalement des vêtements masculins (ceux de mon frère) par manque de choix mais aussi par praticité (pour jouer au foot, vaut mieux pas être en jupe). A la puberté ça a augmenté, puis la pilule l’a fait diminuer. Et j'ai découvert vers 15 ans que je produisais plus de testostérone que je ne devrais, et ce certainement depuis la petite enfance. Elle ne suffit pas à inhiber le travail des hormones femelles, mais si je vois les effets sur mon corps, il doit bien y en avoir sur le cerveau...

Je rebondis rapidement sur ce paragraphe : les caractéristiques associées aux "garçons" et aux "filles", ce sont justement des productions sociales et culturelles, qui ont un impact sur les individus mais qui ne correspondent à aucun gène etc. Et d'ailleurs, selon les sociétés, des attitudes ou traits de personnalités "masculins" peuvent être considérés ailleurs comme féminins, ou ne pas être genrés.

Sur la testostérone, c'est un grand sujet dans le sport, qui évidemment nuit aux athlètes femmes et pas aux hommes comme l'a montré Anaïs Bohuon. Or, il peut y avoir plus de différences de taux de testostérone entre deux hommes qu'entre un homme et une femme. Les institutions se focalisent sur cette hormone mais c'est absurde. Et des femmes intersexes en produisent moins que certaines femmes répondant à tous les canons (en général occidentaux hein) de la féminité etc. C'est pas une hormone magique qui fait qu'on est champion(ne).

Quand j'aurai le temps je ferai une synthèse de son livre sur les tests de féminité, c'est vraiment intéressant.
 

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