Nombre de messages : 80 Âge : 32 Localisation : Sur les terres de Guillaume... Pensée du jour : “Le diable est un compagnon de débauche qui ne reste jamais jusqu'à la fin.” Date d'inscription : 11/05/2016
Judie/ Pippin le Bref Dim 14 Mai 2017 - 15:55
Holopherne a écrit:
Je ne pense pas que le concept de "biopouvoir" soit très pertinent ici: le biopouvoir désigne des techniques de pouvoir s'appliquant aux corps biologiques et à la vie; je ne vois pas trop en quoi le féminisme pourrait être lié à ça.
Le concept est beaucoup plus large. Il inclut "les techniques spécifiques du pouvoir s'exerçant sur les corps individuels et les populations" selon Foucault, qui dépassent le cadre du juridique. Je t'invite à lire le cours donné par Foucault sur le sujet, au Collège de France. En concevant le corps comme un lieu d'exercice du pouvoir, il devient l'espace et l'expression de rapports de pouvoir. Mais même dans ton acception plus étroite du concept, qui n'est pas spécifiquement foucaldienne, on peut travailler le corps comme un lieu d'espace et d'expression du pouvoir. Comme féministe, je m'intéresse au corps de la femme et à la maîtrise qu'elle en a, à travers les pouvoirs s'exerçant sur le corps de la prostituée, sur le corps de la femme enceinte, sur le corps qui avorte, sur le corps soumis à des normes sociales de beauté, sur le corps scarifié, tatoué, percé, sur le corps féminin face à la vieillesse et à la fin de vie, et caetera. On peut tout à fait approcher autrement le bio-pouvoir. J'apprécie surtout l'apport d'Agamben, notamment la notion d'usages du corps, tirée d'Aristote.
J'ai peur de dévier du sujet : veux-tu discuter d'Homo Sacer par messages privés ?
Holopherne a écrit:
Je pense que le féminisme génère plutôt, en plus d'un projet politique, une idéologie, c'est à dire un ensemble de croyances et valeurs, qui effectivement valorisent certains comportements dans la sphère privée et de fait poussent les gens à les adopter.
C'est tout à fait ma perception.
Mâra a écrit:
Par contre j'ai conscience que je devrai, dans la société actuelle, fournir des efforts supérieurs. C'est pourquoi j'apprécie l'idée du CV neutre. Ca me semble une meilleure solution. Même si cela n'est pas toujours applicable.
J'ai l'impression qu'il y a des idées à prendre du côté des concours d'accès à la fonction publique. Enfin, rien n'est généralisable, en raison de la variété des métiers.
Mâra a écrit:
Il n'y a pas de solution parfaite mais, bien qu'il soit encore et encore très énervant de constater les énormes inégalités de représentation des hommes et des femmes, j'en tape cinq à Judie pour sa conception de l'honneur et je la partage avec elle.
J'ai plaisir à la partager. Je ne veux pas être un quota dans la vitrine, tout comme Azouz Begag, qui avait eu le prix de l'humour politique en disant je ne suis pas l'Arabe qui cache la forêt !
Pasiphae a écrit:
Nos impressions divergent peut-être parce que nous ne parlons pas des mêmes milieux sociaux. Dans ma famille, le féminisme contemporain se résume (à peu près) aux Femen ; ils connaissent un peu les mouvements féministes qui ont permis d'obtenir le droit de vote des femmes au XXe siècle, et fantasment un âge d'or du féminisme (raisonnable, qui ne se battait pas pour des vétilles). Aborder le féminisme avec eux, c'est se heurter à des résistances vraiment primaires, spontanées ; ils ne se figurent même pas ce dont tu parles comme d'une intrusion dans la sphère privée.
J'ai tenté de balayer tous les rejets de tous les milieux. J'ai théorisé des rejets sans doute restés sous une forme instinctive en certains milieux sociaux, mais c'est aussi l'intérêt de l'échange. J'ai précisé qu'une ou deux formes de rejet travaillent le milieu de la recherche en particulier, sans se répandre excessivement dans le reste de la population. Si je compare, comme toi, ma famille et mon cercle d'amis, leur rejet n'est pas le même, en effet. Je pense qu'il y a un effet générationnel là-dedans, s'ajoutant aux différences socio-économiques. Du reste, entre un féminisme exercé dans la pratique et un féminisme limité à une posture en public, il y a un monde, et je pense qu'il y a des gens susceptibles de défendre une idéologie tout en refusant une étiquette, et d'autres susceptibles de mendier leur étiquette en refusant de défendre une idéologie.
Pasiphae a écrit:
Et je ne pense pas que le féminisme dispose aujourd'hui d'assez de pouvoir pour prétendre s'immiscer dans la vie privée des couples et des familles ; à la rigueur, certaines femmes peuvent peut-être s'appuyer sur des parutions / des arguments féministes, du fait de leur légitimité, pour revendiquer un meilleur partage des tâches dans leur couple, mais ces choses ne sont pas imposées de l'extérieur, elles sont plutôt utilisées et revendiquées par un élément du couple – ce qui peut agacer les hommes !
Je pense avoir répondu plus haut, en revenant sur le mode d'expression du bio-pouvoir.
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Pasiphae/ Truquage geniphasien Dim 14 Mai 2017 - 16:02
Le fameux "Je ne suis pas féministe, mais", analysé par Delphy dans le documentaire du même nom (divergence étiquette / pratiques).
Par contre pour le bio-pouvoir je ne comprends toujours pas. J'ai bien plus l'impression que les pressions exercées sur le corps des femmes (celles que tu évoques) sont justement des pressions antagonistes aux féminismes, et que la plupart des féminismes plaident pour leur abolition bien plus que pour un remplacement par de nouvelles pressions.
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Mahendra Singh Dhoni/ Slumdog pas encore Millionaire Dim 14 Mai 2017 - 16:04
Bon en gros tu n'as pas lu Foucault.
(par ailleurs je reprends mes notes sur naissance de la biopolitique au cas où Foucault se serait un moment contredit -ça lui arrive souvent après tout- ce n'est pas le cas)
Quoi que tu dédaignes mes réponses ; ce lien https://methodos.revues.org/131 te permettrait peut-être de voir à quel point tu parles d'autre chose ; combien tu confonds disciplinarisation (action sur les corps, prélèvement de la vie ; mise en quarantaine ; en somme surveillance) et bio-pouvoir proprement dit (dans lequel s'intègre la disciplinarisation mais qui n'est qu'une modalité, moindre, du pouvoir) : gestion de la vie au sens purement biologique, c'est à dire perpétuation de l'organisme, le traitement collectif de cette "vie" son qui a, en dernier terme, une action sur les corps individuels, sur la subjectivation politique des individus, mais qui n'est que la conséquence du traitement COLLECTIF. Pour le dire plus précisément, c'est la logique "assurantielle" c'est à dire que le (bio-)pouvoir garantit la vie, la préserve, la protège, prévient les risques, et par là même contrôle sa population à l'intérieur de laquelle il y a des individus. Mais qui sont seconds. Qui s'auto-contrôlent et minorent le besoin de surveillance généralisée.
Ce serait genre cool que tu le lises vraiment...ou que tu m'expliques comment tu as pu arriver à ses conclusions (citation de passage ou démonstration)
Bon sur la sexualité par contre...tu as vraiment dit des folies, mais Foucault en reprend l'essentiel dans naissance de la biopolitique. C'est exactement le contraire de ce que tu dis.
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Judie/ Pippin le Bref Dim 14 Mai 2017 - 17:58
Pasiphae a écrit:
Par contre pour le bio-pouvoir je ne comprends toujours pas. J'ai bien plus l'impression que les pressions exercées sur le corps des femmes (celles que tu évoques) sont justement des pressions antagonistes aux féminismes, et que la plupart des féminismes plaident pour leur abolition bien plus que pour un remplacement par de nouvelles pressions.
Le corps de la femme est bien le lieu de rapports de pouvoir. Dans l'exemple de la prostitution, un féministe est fondé à dire je rejette la prostitution, parce que la femme y perd la maîtrise de son propre corps, tandis qu'un autre est fondé à dire j'accepte la prostitution, parce que la femme fait ce qu'elle veut de son propre corps, mais je refuse le proxénétisme ; et le premier reprend, par exemple, en disant la femme est dans l'illusion d'une maîtrise, puisqu'elle est poussée à la prostitution, puisqu'en fin de compte elle cède l'usage de son corps, à la façon de l'esclave antique (notion de chresis, liée au bio-pouvoir chez Agamben). Les discours normatifs sont l'émanation, non plus d'une structure juridique, mais d'un mouvement idéologique, et le corps se présente comme un lieu de pouvoir. Les pressions s'exercent toujours, se voulant libératrices souvent, parfois même contre le gré des intéressées, qui, inconscientes de ce qui se joue, selon les idéologues, sont sommées d'agir dans un sens ou dans l'autre.
N'hésite pas à m'envoyer un message privé si tu veux que je t'envoie les cours de Foucault au Collège de France, et deux ou trois trucs sur la notion de bio-pouvoir chez Foucault et Agamben.
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Svetlana/ Homme invisible Dim 14 Mai 2017 - 18:13
Judie a écrit:
Pasiphae a écrit:
Par contre pour le bio-pouvoir je ne comprends toujours pas. J'ai bien plus l'impression que les pressions exercées sur le corps des femmes (celles que tu évoques) sont justement des pressions antagonistes aux féminismes, et que la plupart des féminismes plaident pour leur abolition bien plus que pour un remplacement par de nouvelles pressions.
Le corps de la femme est bien le lieu de rapports de pouvoir. Dans l'exemple de la prostitution, un féministe est fondé à dire je rejette la prostitution, parce que la femme y perd la maîtrise de son propre corps, tandis qu'un autre est fondé à dire j'accepte la prostitution, parce que la femme fait ce qu'elle veut de son propre corps, mais je refuse le proxénétisme ; et le premier reprend, par exemple, en disant la femme est dans l'illusion d'une maîtrise, puisqu'elle est poussée à la prostitution, puisqu'en fin de compte elle cède l'usage de son corps, à la façon de l'esclave antique (notion de chresis, liée au bio-pouvoir chez Agamben). Les discours normatifs sont l'émanation, non plus d'une structure juridique, mais d'un mouvement idéologique, et le corps se présente comme un lieu de pouvoir. Les pressions s'exercent toujours, se voulant libératrices souvent, parfois même contre le gré des intéressées, qui, inconscientes de ce qui se joue, selon les idéologues, sont sommées d'agir dans un sens ou dans l'autre.
N'hésite pas à m'envoyer un message privé si tu veux que je t'envoie les cours de Foucault au Collège de France, et deux ou trois trucs sur la notion de bio-pouvoir chez Foucault et Agamben.
J'ai suivi toutes tes interventions...et je ne comprends pas ! Tu mobilises beaucoup de concepts...et tu en changes selon les critiques. C'est très difficile de suivre ta conception du bio-pouvoir ! Les discours normatifs dépassent le cadre juridique...mais ils restent la "voix du pouvoir" non ? Je suis un peu perdue. Si tu as des passages précis en tête pourraient tu les citer ? Ou m'orienter vers des articles plus...conformes à ta lecture ? J'ai été lire le lien posté plus haut. Il ne va pas du tout dans ton sens. Je n'y comprends rien !
Nombre de messages : 604 Âge : 56 Pensée du jour : Misanthrope humaniste Date d'inscription : 17/04/2013
Joyo/ Hé ! Makarénine Dim 14 Mai 2017 - 21:11
Je pourrais me lancer dans un nouveau grand pavé où je risque de me répéter. Je vous propose plutôt cette vidéo, car je défends la majorité des idées avancées par cette youtubeuse.
Nombre de messages : 6963 Âge : 37 Date d'inscription : 03/01/2010
Lo.mel/ Troll hunter un jour, troll hunter toujours Dim 14 Mai 2017 - 21:17
Mâra a écrit:
Il serait très intéressant de comparer nos visions du féminisme avec le milieu dans lequel nous évoluons
Je me rends compte qu'à une époque ma vision du féminisme se télescopait avec une certaine vision de lutte des classes (l'impression d'un discours bourgeois) parce qu'une cause peut en invisibiliser une autre.
Maintenant je me rends compte que ce sont seulement deux luttes parallèles.
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Svetlana/ Homme invisible Lun 15 Mai 2017 - 13:25
Je ne veux pas créer de conflit...Mais j'ai fait suivre les interventions de plusieurs membres à un doctorant spécialiste de Foucault et...la conception du bio-pouvoir de Judie est "idéologie" et faussée.
Judie a écrit:
Le vieux pouvoir juridique n'étendait pas son emprise sur le gouvernement des masses biologiques, ni sur la sphère intime. En mutant, le pouvoir rentre dans la sphère intime, et même mentale. À la loi succède la norme et au châtiment succède le contrôle. On a compris la pertinence du concept foucaldien du bio-pouvoir sur la bourgeoisie du dix-neuvième et du vingtième, en étudiant ses comportements les plus privés. Après une phase de libération, non seulement sexuelle, il y aurait une tentation d'édicter un nouveau discours normatif féministe, et d'exercer un contrôle social féministe, en fliquant les pensées et les arrières-pensées, et les comportements les plus privés.
Voilà ce qui m'a été répondu :
- la phase de contrôle = disciplinarisation = police généralisée. Phase préalable à l'instauration du bio-pouvoir. Le biop fonctionne en tandem avec toutes les autres techniques de gouvernementalité. Il ne contrôle pas.
- "On a compris la pertinence du concep(...) comportements les plus privés" ne signifie rien + est faux. Il n'y a jamais d'immixtion dans la sphère privée. Seulement une dissémination d'énoncés.
- Le bio-pouvoir appartient au pouvoir. Peut passer par autre chose que ses instit mais lui sert à la fin. Ne peut pas appartenir à un groupe minoritaire.
- "fliquage+bio-pouvoir" = contre-sens. Le bio-pouvoir c'est l'auto-régulation. Confusion entre XIXe et XXe. Police-surveillance contre Pouvoir caché bienveillant-total.
J'espère que ces éléments auront permis d'éclaircir un peu le débat...
Nombre de messages : 3357 Âge : 33 Pensée du jour : "Who cares if it doesnt make sense as long as it works ?" Date d'inscription : 30/01/2015
Arkash/ Didon de la farce Lun 15 Mai 2017 - 13:58
Dernière édition par Arkash le Lun 15 Mai 2017 - 19:21, édité 1 fois
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Judie/ Pippin le Bref Lun 15 Mai 2017 - 19:14
Svetlana a écrit:
Mais j'ai fait suivre les interventions de plusieurs membres à un doctorant spécialiste de Foucault
Tu m'as dit hier, dans ton message privé :
Svetlana a écrit:
Je suis en doctorat et je travaille sur Foucault et la littérature. Précisément le bio-pouvoir !
Ce n'est donc plus toi, la spécialiste du bio-pouvoir ? À moins que tu maîtrises si peu ta spécialité qu'il te faille un avis d'un autre spécialiste ?
Tu peux t'ouvrir un troisième compte, et même un quatrième, mais tu ne pourras rien modifier à la conceptualisation du bio-pouvoir. N'importe qui peut la trouver très facilement, de la page Wikipedia du bio-pouvoir, pour les plus pressés, jusqu'à la lecture de La Volonté de savoir, pour les plus perfectionnistes. Chacun fera son profit, entre ces deux extrêmes, de n'importe quel article sur la notion de bio-pouvoir. Certains sont accessibles en ligne, comme celui de Frédéric Keck "Biopower Today", BioSocieties, 2006, n°1, p. 195-217. J'en cite un extrait court, mais suffisamment définitoire.
Keck a écrit:
Le concept de bio-pouvoir désigne un plan d’actualité devant inclure, au minimum, les éléments suivants :
– un ou plusieurs discours de vérité sur le caractère "vivant" des êtres humains, et un ensemble d’autorités considérées comme compétentes pour énoncer cette vérité. Ces discours de vérité peuvent ne pas être eux-mêmes "biologiques" au sens contemporain du savoir disciplinaire : ils peuvent par exemple être des hybrides de styles de pensée biologique, démographique ou même sociologique, comme c’est le cas dans les discours contemporains de la génomique, coulés dans le nouveau langage de la prédisposition. [Note : on peut trouver dans le discours féministe un souci de la dignité de l'être en tant qu'il est vivant, et en tant qu'il est humain. Ce discours s'appuie sur les "styles de pensée" précités.]
– des stratégies d’intervention sur l’existence collective au nom de la vie et de la santé, initialement adressées à des populations qui peuvent être ou non territorialisées dans le cadre de la nation, de la société ou de la communauté, mais qui peuvent aussi être spécifiées en termes de formes émergentes de biosocialité, ou en termes de race, d’ethnie, de genre ou de religion, comme c’est le cas dans la citoyenneté génétique ou biologique. [Note : le bio-pouvoir n'est pas nécessairement la continuation d'un pouvoir national de type étatique. On comprend bien l'influence de mai 1968 sur l'optique foucaldienne d'une libération vis-à-vis du discours normatif d'une culture dominante, et tenant les leviers de la répression, mais le bio-pouvoir n'est pas réductible à cette situation. Voir le réemploi du concept par Agamben, notamment.]
– des modes de subjectivation par lesquels des individus sont conduits à travailler sur eux-mêmes, sous certaines formes d’autorité, en relation à certains discours de vérité, par le moyen de techniques de soi, au nom de la vie ou de la santé d’eux-mêmes, de leur famille ou d’un autre collectif, voire au nom de la vie d’une population toute entière. [Note : le discours féministe intègre en effet des modes de subjectivation, visant à amener les individus à travailler sur eux-mêmes, notamment sur leurs pratiques corporelles, cela au nom d'un collectif. On ne dit pas qu'il s'agit d'un danger absolu, mais qu'il existe un rejet du féminisme, puisque c'est le sujet du fil, fondé sur la crainte de cette subjectivation intrusive et le refus de travailler sur soi-même.]
Je ne peux pas montrer avec plus d'évidence le lien entre le rejet du féminisme et le bio-pouvoir. Les lecteurs de bonne volonté s'en satisferont sans doute.
Je continue à échanger sur le sujet du féminisme et du bio-pouvoir par messages privés ; si certains souhaitent terminer la discussion, je leur propose de rejoindre l'échange, afin de ne pas s'éloigner davantage du rejet du féminisme sur ce fil. Ils sont les bienvenus. S'il s'agit simplement de faire de la mousse et du bruit, la patinoire est ouverte.
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Pasiphae/ Truquage geniphasien Lun 15 Mai 2017 - 19:31
Il est possible également d'ouvrir un nouveau sujet sur cette question qui, personnellement, m'intéresse.
Nombre de messages : 1173 Âge : 31 Pensée du jour : nique ta mère Date d'inscription : 12/09/2016
Mahendra Singh Dhoni/ Slumdog pas encore Millionaire Lun 15 Mai 2017 - 20:04
Bon si tu m'associes à Svetlana ça va vite être débile. Je la connais. Bien. Mais je suis encore autonome. Svetlana te fera sa propre réponse j'imagine.
un ensemble d’autorités considérées comme compétentes pour énoncer cette vérité."
Ensemble ; Autorités ; Compétentes
Je ne vais pas procéder avec des Note :
Mais : l'autorité institutionnelle et l'autorité non-institutionnelle (par exemple les chercheurs) ne se distinguent qu'idéalement. En réalité L'autorité discursive est toujours validée par une autorité institutionnelle (l'université pour les chercheurs). Et les institutions énoncent des discours de vérité et donc d'autorité (les mots et les choses).
Le "féminisme" (avec en plus toute sa diversité) aura du mal à être cette autorité. Ce qui ne signifie pas que certains porteurs de ce discours ne tentent pas de s'exprimer dans un cadre institutionnel.
"des stratégies d’intervention sur l’existence collective" il n'est nulle part fait mention de "le bio-pouvoir n'est pas nécessairement la continuation d'un pouvoir national de type étatique" simplement la variété des destinataires des stratégies d'intervention. Ce n'est pas parce que les énoncés débordent le cadre de l"Etat qu'ils ne sont pas en lien avec le pouvoir (comme le dit Foucault : la dissémination des énoncés normatifs mais qui sont toujours une modalité du pouvoir et ce pouvoir n'est jamais totalement distinct de l'Etat).
"
"le discours féministe intègre en effet des modes de subjectivation, visant à amener les individus à travailler sur eux-mêmes, notamment sur leurs pratiques corporelles, cela au nom d'un collectif. On ne dit pas qu'il s'agit d'un danger absolu, mais qu'il existe un rejet du féminisme, puisque c'est le sujet du fil, fondé sur la crainte de cette subjectivation intrusive et le refus de travailler sur soi-même."
Ici je ne sais pas si je te suis.
L'enjeu du féminisme est-il de travailler sur soi ou de transformer les représentations ? Est-ce qu'agir sur une image et une perception générale, donc depuis l'autre, est encore un souci de soi et une pratique corporelle ? Est ce que la lutte contra la ségrégation raciale et plus généralement le racisme ; c'est à un dire la formulation d'un discours contre-hégémonique sont des techniques du corps ? Est-ce que la prise de conscience de son traitement différencié est une subjectivation ? Est-ce le féminisme ou le pouvoir ?
Et il y a un débat sur ce terme d'autorité, mais je suis prêt à souscrire à ces autorités atomisées dont Houseman cause très bien dans ses travaux sur le développement personnel et que tu sembles sous-entendre. Je ne suis pas certain que le féminisme en soi une (mais que des groupes se revendiquant du féminisme oui). Mais c'est encore un autre sujet.
Mais je crois qu'ici je te comprends mal tu ne fais que passer un discours "les gens pensent que...et donc rejettent le féminisme".
Par ailleurs Agamben et Foucault ne disent pas la même chose ; c'est donc dérangeant quand tu passes de l'un à l'autre comme s'ils étaient des mêmes. Je n'en disqualifie aucun ; je n'y suis pas apte. Mais ça rend le débat difficile puisque les termes ne cessent de varier. Par ailleurs je ne comprends pas ton obstination à traiter identiquement le discours hégémonique et le discours de la contestation.
Mais effectivement aller plus loin devient inutile et se transformera en logomachie.
Invité/ Invité Mar 6 Juin 2017 - 9:44
Je n'ai pas tout lu, donc désolé si je me répète, mais j'ai une longue expérience de discussions avec des féministes. Je suis un homme, qui sur le plan théorique est tout à fait féministe, mais qui s’énerve dès qu'il croise une militante. (je me suis même aperçu, à ma grande frayeur, que plus je parlais avec elles plus je devenais macho...)
Le problème vient, selon moi, d'abord de la méthode de communication des dites militant avant le féminisme lui-même. Quand une féministe vient me parler, elle sait qu'elle a raison, qu'elle est opprimée, et que je suis le méchant qui doit m'écraser. Sauf que: > Dans la plupart des cas, je ne pense pas être un méchant. Donc je dois choisir entre "je suis un méchant depuis le début sans le savoir" et "c'est une hystérique, bien sûr que je ne suis pas un méchant". Vous devinez quel choix est fait en général, alors qu'il pourrait être différend si le discours était plus délicat. > Une absence de dialogue. La militante sait qu'elle a raison, et ne prend donc pas la peine d'écouter mes arguments, et donc ne peut pas y répondre efficacement. > Des simplification idéologique. Cela rejoint un peu le point précédent, pas mal de féministes que j'ai croisé nous livrent une vision du monde hyper simplifié où tout tourne autour de l’oppression homme / femme. Forcément, le monde est plus complexe, mais vu qu'on ne peut pas en discuter avec elles... > Des attaques pseudo-moralisatrices. Ce sont des attaques comme le point godwin, qui consistent à balancer une attaque ad-hominem simpliste et extrêmement violente dès que votre adversaire n'est pas d'accord avec vous. C'est bien évidement un coupe débat très efficace, par contre rien de tel pour confirmer qu'il ne faut pas vous écouter...
En bref, on retrouve les mêmes problèmes que dans les idéologies : simplification, refus du dialogue, agressivité, imposition de sa vérité. Pour moi ces raisons expliquent très bien le rejet du féminisme de la part d'un très grand nombre de personnes.
Invité/ Invité Mar 6 Juin 2017 - 14:16
En discutant sur la CB tout à l'heure - notamment à partir de l'intervention de Bzh0 que je trouve assez juste - j'en suis arrivé à penser que le rejet du féminisme procède certainement d'un problème plus vaste qui ne se cantonne pas à la question féministe en elle même.
La norme de la coolitude contemporaine consiste à se considérer par défaut comme ouvert d'esprit - et cette ouverture d'esprit est un package commis d'office qui contient: le non-racisme, le gay-friendly, le féminisme et tout le toutime - c'est du all-inclusive. De fait, on a une quantité hallucinante de personnes qui se considèrent par défaut comme 'ouvertes d'esprit', parce que c'est fun, et font de cette décision prise à l'emporte pièce une sorte de fierté. Fierté qui, non content d'être mal placée, est aussi immédiatement mise à mal dés lors qu'un de ces auto-proclamés open-minded se trouve face à l'une des minorités qu'il prétend tolérer, mais que l'un d'eux sort du lot pour lui expliquer "Ah, eu, en fait, je n'aime pas quand tu dit chinetoque c'est péjoratif pour moi - asiatique - je trouve ça raciste". Dans 50% des cas, après ça, on est parti pour la prise de tête sans fond - et vasy que ça prône la liberté d'expression, et vazy que ça se sent brimé dans ses libertés fondamentales, et on a droit à deux heures de ping-pong "Oui mais quand je le dis, ce n'est pas raciste, puisque je ne suis pas raciste" (ping) "Oui mais pour moi c'est raciste, car ce mot résonne dans ma tête comme une insulte" (pong) - et parfois même, si c'est une discussion en public on peut ajouter pang avec un A entre les deux, parce qu'il y a ceux qui vont intervenir pour dire "ça va c'est qu'un mot, c'est pas si raciste que ça" (pang) circulez, y en a pour un moment...
On ne peut bien sûr pas reprocher aux gens de vouloir être ouverts d'esprits, en soit, c'est une excellente chose, mais comme le dit le proverbe: l'enfer est pavé de bonnes intentions. De fait, cette fierté à être ouvert d'esprit et tolérant transformée en mécanisme de braquage systématique qui amène à des rejets et bloque tous les moyens psychologiques qui pourraient amener à de véritables remises en question devient très vite une sorte de désherbant surpuissant et toxique bien comme il faut - à la Roundup -qui tue toute possibilité de dialogue à la racine. Et c'est pour ça, qu'on en arrive à de l'homophobie à longueur de journée, provenant pourtant de personnes qui n'estiment pas avoir une dent contre les homosexuels, c'est pour ça qu'on en arrive à du racisme de la part de personnes qui ne s'estiment pas racistes pour deux sous, et c'est donc aussi pour ça que quand le discours féministe essaie de passer, ben même régime que pour les autres: ça casse. Parce que dans une société où la norme c'est "sois ouvert parce que c'est cool" personne n'a envie d'entendre "oui alors en fait, tu te plantes, mec, t'es pas si ouvert que ça", "et puis tu vois tous les comportements que tu prétends rejeter, ceux dans lesquels tu te reconnais pas? ben en fait si tu es pareil".
Je pense qu'il faut, pour partir sur de bonnes bases, commencer par regarder certaines choses sous un autre angle - et plutôt que de considérer qu'il y a quelque victimes de ci de là, essayer de se dire que nous sommes tous victimes d'une même chose: nous avons une culture violente, qui nous a appris à penser et parler violemment. Quand j'étais enfant et adolescent, mes parents soufflaient constamment derrière moi quand je regardais la télévision et ça me soûlais parce que je ne voyais pas où était le problème - je baignais dans tout ça et je n'avais jamais vu autre chose. Maintenant que j'ai grandi, et qu'avec internet j'ai lâché la télé, lorsque je la rallume et que j'entends le niveau de vocabulaire, que je vois les images, je repense immédiatement à mes parents, et ce que je vois me désole... Il y a une étude statistique qui serait très intéressante à faire: Prendre n'importe quel film populaire mainstream merdique lambda et se concentrer uniquement sur le vocabulaire familier voir vulgaire puis essayer de trouver les grandes catégories. Je pense que le résultat sera assez similaire d'un film à l'autre: on va avoir aux alentours de 60% de "pute" et "salope" - puis, un petit 15% de "tarlouze" ou "pédale" - 15% de "negro", ou "bougnoule" - pour finir par un melting pot de "merde" ou "chier" à hauteur de ce qui reste, c'est à dire du zéro virgule pas grand chose. Mais bon, il faut pas critiquer ça, ça fait tellement réactionnaire! C'est pas du racisme: c'est de l'humour! C'est pas du sexisme: c'est de la dérision! C'est pas de l'homophobie: c'est des p'tit' blagounettes, pour se marrer entre potes
Sauf que, quand on balance cet humour, et qu'on en fait une norme, qu'on abreuve avec ça tout une culture, pendant des années, et des années - des films, des séries, des livres, des pubs, et ben ça fait des générations entières d'individus qui ont binge watché de la xénophobie et du sexisme en mode Orange Mécanique du début à la fin de leur enfance et de leur adolescence - mais il ne faut pas leur dire que ça les a rendu cons, ils se vexent direct, parce que si d'une main on les abreuve de discours et d'images violentes, de l'autre on les a aussi persuadé qu'ils ne correspondaient à rien de tout ça (ça ferait une belle théorie du complot d'ailleurs: on voudrait faire en sorte que rien n'évolue dans la société qu'on ne s'y prendrait pas autrement). Et pourtant les faits - même si ils sont bien cachés - sont là et il n'est pas difficile de les débusquer: un jour j'étais à un atelier sur les discriminations, et l'animateur pour nous sensibiliser à tout ça a lancé un jeu à réponses cachées. Il nous a demandé, dans plusieurs situations différentes, quelle serait l'insulte qu'on sortirait (à un ami, pour rigoler, pour exprimer notre colère, etc). Il a pris toutes les réponses écrites sur des papiers et les a classées en deux catégories: à gauche les insultes au masculin, à droite au féminin. Inutile de dire qu'il n'y avait que des "putes" "chienne" "connasse" et consort, et tous les post-it sont allés à droite. En fait, le féminin est une insulte, plus que les insultes elles mêmes - et pourtant, aucun des participants de l'expérience ne s'estimait fondamentalement sexiste. Donc il y a quand même bien une très forte xénophobie, et un très fort sexisme qui persistent aujourd'hui de manière particulièrement sournoise parce que perpétré dans une grand majorité des cas sous une forme d'inconscience partielle extrêmement trompeuse. Mais comme tout le monde s'est auto-persuadé et s'est auto-congratulé d'une tolérance et d'une ouverture d'esprit à toute épreuve, forcément, aucune objection - si justifiée soit-elle - ne passe sans heurt virulent.
De fait, pour en finir avec le rejet du féminisme, mais aussi pour en finir avec toutes les formes de xénophobies inconscientes persistantes, je pense qu'il faut tout d'abord s'attaquer à casser en règle le mythe de l'Homo Open Mindus - admettons simplement que vous sommes tous potentiellement sexistes, potentiellement raciste, potentiellement homophobe, potentiellement transphobe et même, et pourquoi pas, potentiellement antisémites. Admettons qu'il est nécessaire d'être à l'écoute de toute réclamation, et se tenir prêt à toute remise en question - et admettons aussi qu'il y a ce système, cette norme du "tous ouvert" qui fait que la remise est cause est très fortement compromise et que, de fait, toute communication intrusive, moralisante ou même un tantinet agacée mènera forcément à un rejet catégorique - sauf cas exceptionnel. Il est donc nécessaire de trouver des formes de communication non violentes de sensibilisation, même face aux réactions les plus stupides - sans quoi: aucune de ces luttes ne mènera à quoique ce soit de concret.
Invité/ Invité Mar 6 Juin 2017 - 14:21
En fait, de manière plus générale, il faudrait que l'Homme admette qu'il puisse avoir tort, c'est pas gagné... (mais cela vaut autant pour les deux partis)
L'Homme déteste être mis devant ses propres contradictions, qui déclenchent une série d'effet psychologique bien connue (biais de confirmation, dissonance cognitive...). D'où l'importance d'un dialogue serein, et je parle bien d'un dialogue et non d'un monologue. Effectivement, comme tu l'as bien dit les normes actuelles nous imposent d'être ouverts d'esprit. Mais du coup, quand j'ai une pensée "pas bien-pensante", plutôt que de l'exprimer et d'être >contredit, ce qui me permet de savoir que c'est faux >confirmé, mon intervention a donc fait progressé la société. je garde pour moi des choses fausses ou qui auraient pu faire avancer la réflexion de tous...