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 [L'Immeuble - appartement 601] - Imanuel Davis Ferreira

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Chamanii
   
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Chamanii  /  Il voulait un rang


[Imanuel Davis Ferreira]

Imanuel voit le concierge entrer dans la mansarde. S’il s’est, une seule fois, sentit chez lui dans ce misérable appartement, ça n’est plus le cas désormais. L’espace qu’occupe le vieil Umberto n’est pas seulement du fait de son corps et de son visage, de cet aspect de branche noueuse et dure ; c’est aussi par son immense feuillage de souvenirs qu’il investit le vide. Du regard que le maître des lieux promène ici, Imanuel comprend que ce n’est pas seulement sa loge, ni même la 601 qui sont tapissées d’automne, mais l’immeuble dans son entier ; chaque mur, chaque pierre du bâtiment, est infiltré du lierre que fut la vie d’Umberto Carballar.
— “Je ne dors jamais, mais je rêve éveillée quand tu n’es pas là. Je fais des rêves, ou des cauchemars, dans lesquels tu apparais“, murmure Imanuel.
L’interrogation l’a plongé dans ses pensées. Qu’avaient été ces derniers jours d’enfermement, si ce n’était des rêves éveillés.
— Je dors bien, monsieur Carballar ! Je veux dire… je ne fais pas de cauchemars – je ne sais pas – je dors… comme celui qui s’abandonne à la mort, avant de s’être abandonné à l’alcool. Il n’y a… rien. Il n’y a que les poétesses et puis… rien. Elles sont tendres ; comme ma maman. Elles parlent au-dessus de moi. Vous savez – c’est quand les paupières sont si proches l’une de l’autre que l’on se croit sous l’eau. Le flou coloré, les voix étouffées. Dans le lit d’une rivière.
 
Le Concierge
   
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Le Concierge  /  Barge de Radetzky


Umberto se retourne vers Imanuel. Un court instant, alors qu'il murmure une phrase presque incompréhensible, dans la lumière oblique du crépuscule qui vient, le visage du trompettiste ne semble plus lui appartenir ; masque blanc, fixe, semblable à une empreinte de cire, à une ombre. Une seconde plus tard, comme revenant à lui : "Je dors bien, monsieur Carballar..., etc."

— Vous buvez Monsieur Ferreira ? Vous buvez beaucoup ? Qui parle au-dessus de vous ? Vous...

Umberto Carballar s'interrompt. Comme saisit par un doute ou par une peur. Comme revenant en arrière et jetant autour de lui un coup d'oeil :

— Qui parle au-dessus de vous Monsieur Ferreira ?


Dernière édition par Le Concierge le Jeu 2 Nov 2023 - 0:21, édité 1 fois
 
Chamanii
   
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Chamanii  /  Il voulait un rang


[Imanuel Davis Ferreira]

— Les poétesses, monsieur Carballar ! Vous allez dire que je suis fou ou que l’alcool me fait voir des choses. Vous savez… il y a longtemps que je bois et que je ne vois plus rien du tout ; ni saoul, ni sobre. Avant, je le voyais, le chemin à parcourir ; je le voyais, l’avenir radieux ! Je voyais ma femme qui m’attendait, là, dans la foule du public parfois, ou bien en descendant du train, ou encore, souriante, éclatante, sous le soleil de la baie d’Aguacope. Maintenant, je ne vois que le noir de la nuit… qu’est-ce que je raconte « de la nuit » ! De mon âme, monsieur Carballar ! De mon âme… Et des fantômes… Je suis à la frontière, monsieur Carballar. J’entends déjà les morts qui m’appellent. Et… je dois dire… qu’ils sont moins effrayants que je ne l’imaginais. Ils… Elles sont plutôt apaisantes. Oh, il y a de la tristesse et de l’amertume dans leurs paroles ; et dans leurs chants ; mais elles sont comme un voile doux, comme une eau tranquille, comme un flux argenté inexorable vers… vers… je ne sais pas vers où, ni vers quoi ! Elles sont formées – ces eaux, ces poétesses – elles sont formées des averses passées, passé tragique, l’histoire d’une famille – je ne sais pas – l’histoire de… et bien tout simplement de leur histoire, de poétesses, mortes ; l’histoire de deux enfants qui parcourent la vie et le monde sur les rives d’un fleuve.
 
Le Concierge
   
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Le Concierge  /  Barge de Radetzky


_ Je ne dis pas que vous êtes fou. Je ne le dis pas. Mais, vous savez qu'il n'y a pas de baie à Aguacope Monsieur Ferreira ? (Umberto secoue la tête, passant rapidement à autre chose.) Enfin, vous n'êtes pas fou. Vous êtes malin peut-être, et vous buvez aussi, cela ne fait pas bon ménage, croyez-moi. Mais... des poétesses, oui... j'ai connu des poétesses moi-aussi... écoutez... (Umberto suspend sa phrase, cherchant ses mots), écoutez je ne sais pas pourquoi je suis venu vous voir Imanuel, ce n'était pas votre histoire de trompette, mais autre chose. J'ai eu une pensée, oui, cela m'arrive à moi aussi. Et maintenant, je crois que je me trouve avec vous à la frontière, peut-être, à la limite de quelque chose de très précis et de très important. Je voudrais que vous m'en parliez plus des poétesses mortes : vous parle-t-elle, que disent-elles et surtout à quoi ressemblent-elles ? Si vous pouviez me dire comment sont ces enfants cela pourrait compter, je ne veux pas soulever les histoires qui dorment dans les murs car je suis un vieillard fatigué, oui, un vieillard épuise à vrai dire, non pas que je n'ai plus rien à faire ici, non, mais si peu de chose... si peu de chose... Il faut que vous sachiez que j'ai connu, enfin... oui... qu'ici, je veux dire, là où nous sommes vivait... enfin dites moi qui sont ces poétesses, vous n'êtes pas fou Monsieur Ferreira.
 
Cesarea & Lupe Madero
   
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Cesarea & Lupe Madero  /  Petit chose



Cesarea & Lupe a écrit:
Il faut que je te dise, petit poisson… Quelques jours – peut-être une semaine – après avoir… après m’être …séparée… ou plutôt… après n’avoir pas voulu cet enfant… je n’arrivais pas à me reposer ; dehors, sous la pergola, je feignais de lire – je me souviens que c’était la poésie de Dickinson, poésie qui m’échappait et dont je n’arrivais pas à percer le voile mystique ; je n’arrivais pas à entrer dans le paysage d’une autre, entièrement tournée vers moi-même, dans le cocon de ma torpeur. J’étais dans l’ombre donc, tandis que le soleil rayonnait à l’extérieur, et seule – je ne sais pas où tu étais – quand Fernando Cazoni est venu me voir ; prendre des nouvelles de mon état. Il ne s’inquiétait pas tant, mais par précaution, par décence peut-être, il m’a demandé comment j’allais. Je n’ai pas su lui mentir assez bien et il m’a demandé la permission de s’assoir. Il m’a parlé du Déluge – celui de la Bible. Il m’a dit que le Déluge avait été perçu par bien des gens comme une forme de malédiction, prononcée par Dieu ; ce qui – selon lui – n’a pas tellement de sens, puisque – selon lui – Dieu a prononcé toutes choses et qu’il prononcera toutes choses sans notions de bien ou de mal. Il m’a dit que le Déluge avait été perçu aussi comme une forme d’épreuve, qui n’aurait laissé le soin de vivre qu’aux plus forts ou aux meilleurs ; laissé seulement aux plus bons d’entre nous le droit à l’existence ; et il réfutait cela car il avait foi en un jugement après la mort et non pas sur Terre. Je lui ai demandé où il voulait en venir, je me suis agacée qu’il tourne autour du pot. Il a vu mon empressement, mais a continué à prendre le temps d’élucubrer son propos. Lorsqu’il était petit, m’a-t-il dit, il craignait le Déluge, il craignait qu’une tempête arrive, et si violente qu’elle emporterait tout sur son passage, toute sa vie de petit Fernando qu’il était ; c’était une peur qui se rappelait souvent à lui. Plus tard, mais alors qu’il était toujours enfant, il perdit sa mère. Il ne s’en rendit pas compte immédiatement, mais son angoisse d’être englouti par les eaux avait cessé de le tourmenter. Il avait vécu le déluge ; un déluge, m’a-t-il expliqué. Il m’avait dit, quelques jours auparavant, qu’il ne craignait pas la colère divine ; c’était parce que sa mère – une sainte – était morte qu’il arrêta d’avoir peur. C’était parce que sa mère était morte qu’il se sentit libéré de la peur de Dieu. Il y a, dans la vie, une multitude de déluges, a-t-il continué. Il y a eu tant de déluges sur Terre qu’il y en a des traces partout autour du globe, et ce sont ces mêmes déluges qui ont creusé la terre, érigé des îles et des montagnes, fait naître les rivières que l’on aime tant ; dans nos cœurs aussi, il y a les traces de nos ravages. Notre vie entière est traversée de cataclysmes ; que ce soit au fond de nous, autour de nous ou à l’échelle d’un continent, les vibrations sont et seront terribles. J’ai été décontenancée par son discours, jusque-là je ne comprenais pas ce qu’il pouvait y avoir de réconfortant à ce qu’il me disait. Je lui en ai fait part et il m’a répondu que le réconfort ne viendrait que plus tard, si je le choisissais. Voici la promesse qu’il m’a faite : toutes les catastrophes ont un écho contraire, à travers l’espace et le temps ; un jour, la vague viendra, si tu es patiente et si tu l’acceptes, tu pourras en faire une force, tu pourras faire germer, d’un champ de lave, les bourgeons d’un monde meilleur. Si je saisissais son intention, je n’en demeurais pas moins lasse et irritée. Comment pouvait-il comprendre ce que je ressentais ? J’avais moi-même provoqué mon malheur, lui ai-je dit ; d’abord en initiant l’acte charnel, puis en décidant de ne pas garder l’enfant ; ce n’était pas un accident du destin, j’avais fait un choix. A demi-mot, il m’a traitée d’imbécile et il m’a rétorqué que ce choix m’avait été imposé, qu’une personne de mon âge était naturellement encline au désir, que je ne m’étais pas, moi-même, soumise à ce désir. Le déluge réside dans le fait que, parfois, il n’y a pas de juste décision ; ne t’ai-je pas dit que nous sommes les premiers à nous punir ? acheva-t-il.
— Pourquoi tu me racontes cette histoire, Cesarea ?
— Pour te demander pardon, petit poisson. Et je me demande si les « échos contraires » , dont il parlait, transcendent la mort. Si nous pouvons encore changer le monde. Si nôtre destin funeste laissera sa marque, nôtre signature, comme un fleuve sur la Terre. Combien de temps devrons-nous attendre ?
— Je ne t’en veux pas, Cesarea ; il n’y avait pas de juste décision ; et je t’aime.
 
Cesarea & Lupe Madero
   
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Cesarea & Lupe Madero  /  Petit chose



Cesarea & Lupe a écrit:
 
Cesarea & Lupe Madero
   
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Cesarea & Lupe Madero  /  Petit chose



Cesarea a écrit:
Luna pourrait être une figure héroïque. Elle pourrait être une sauveuse, une sainte, une image vénérée du peuple ; un peu de cette manière qu’elle avait d’admirer ma mère. Ma mère qu’elle ne connaissait pas ; que personne ne connaissait d’ailleurs, pas même moi ; seule son histoire nous était parvenue. Oui, petit poisson, je vais te raconter. Comme je te l’ai dit, je n’ai pas connu ma mère ; mais, toute mon enfance, on m’a répété son parcours, comme on peut raconter la légende d’un héros grecque, ou, plutôt, comme un devoir que tous avaient, envers celle qui avait si bien servi la cause, même lorsque ce n’était pas tout à fait la leur. Il y avait ce type : Sebastian Sotelo, par exemple, qui passait de temps en temps, voir le père, et à chaque fois qu’il avait la chance de me croiser, il me parlait de ma mère. Il était argentin comme elle, et de ces courants de gauche nationaliste, ce qui lui donnait fierté, mais aussi obligation, à raconter la vie d’une de ses compatriotes qu’il estimait. Par la suite, c’est moi qui ai continué cette tradition, auprès de Luna, pour l’impressionner ; et cela a si bien marché qu’elle en a fait un modèle imaginaire vertueux. En vérité, ma mère n’était pas une héroïne. Elle a seulement participé, comme beaucoup, aux luttes populaires ; elle défendait simplement des idéaux humanistes dans une époque oppressive, mais, morte assez jeune, on a fait de sa vie un mythe. Avec Luna, elles avaient en commun d’être nées dans la rue ou presque. Ma mère, elle, vivait à Cordoba. Elles avaient aussi en commun d’avoir été poussées, peut-être par la précarité, à être brillantes et studieuses dans leurs études, ainsi qu’à s’émanciper jeunes, intellectuellement. A seize ans, ma mère est partie à Buenos Aires, où elle a vécu dans un squat à Once. Elle a suivi des cours de sciences politiques à la faculté, mais en 1966, le jeune professeur avec lequel elle entrenait une relation, a été incarcéré, pour « atteinte à l’ordre moral ». Elle-même a été arrêtée, puis rayée des listes universitaires, comme ce fut le cas pour des centaines d’étudiants. Loin d’étouffer les aspirations de liberté des jeunes porteños, ces exactions militaires ont rassemblé et poussé la mosaïque de courants de gauche, et parfois même de droite, à s’organiser autour de manifestations interdites ou d’opérations de sabotage ou de communication. Cela a mal tourné pour ma mère, qui a été inscrite sur une liste restreinte : un petit groupe qui n’avait en commun rien d’autre qu’une fausse accusation de meurtre – une tuerie violente – perpétré sur deux militaires. Elle s’est exilée à la frontière brésilienne – grâce notamment à Sotelo – a rejoint Porto Alegre, puis Sao Paulo et finalement Rio de Janeiro, où elle a pu compter sur un groupe clandestin d’opposition marxiste, pour subvenir à ses besoins. Ce dernier a été démantelé peu de temps après son arrivée et elle a été capturée par la police anti-communiste de Branco. Je sais peu de choses sur cette période, si ce n’est que ma mère a été, un temps, emprisonnée à l’école militaire et qu’elle a subi des interrogatoires, lors de formations pour de futurs officiers contre-révolutionnaires ; le peu de détails que j’ai eu des tortures sont : l’isolement prolongé, la pendaison par les bras durant des heures et des chocs électriques. Elle a été vite relâchée car insignifiante ; elle n’avait rien à apporter aux services de renseignement. Sa chance fut que l’instabilité politique en Argentine était telle qu’elle n’a pas été extradée ; et elle s’est retrouvée miraculeusement en liberté. Pourtant, après cet épisode difficile, elle a continué la lutte. Je me dis que cette violence a, plus que tout, renforcé ses convictions à combattre les doctrines anti-démocratiques ; et il y avait de quoi faire. Seulement, au Brésil, le combat était difficile, pour elle en particulier, car elle était identifiée – se faire capturer à nouveau se serait traduit par une exécution sommaire ou une remise en main propre aux escadrons de la mort argentins. Ainsi, le mouvement international a financé son voyage vers l’Europe et elle a rallié le Portugal en 1972. Là-bas, la junte militaire était déjà fragilisée par des mouvements protestataires de toute-part – l’armée elle-même se fragmentait. Ma mère s’est éloignée des groupes radicaux et leur a préféré des moyens d’action pacifiques, de long terme, comme la rédaction de manifestes, ou la participation à des conférences de politiques décoloniales ou pro-démocratiques, voire même internationalistes. Elle a vécu à Lisbonne en faisant des petits boulots et a travaillé dans le restaurant de Celeste Caeiro, qui l’a prise sous son aile ; elle a été aux premières loges pour distribuer les œillets de la révolution. Par la suite, elle a rencontré un homme : Hugo Moreno, dont elle est tombée profondément amoureuse ; partisan d’une cause marxiste-léniniste, et argentin, lui aussi, avec sensiblement le même parcours que ma mère. C’était un orateur, aux opinions politiques forgées d’expérience, il était passionné ; mais c’était aussi un charmeur, volage et elle a fini par souffrir terriblement de cette relation ; au point de vouloir quitter Lisbonne. Elle a décidé de visiter l’Europe et a choisi l’Italie comme prochaine destination, où le parti communiste était en pleine progression. Elle est allée à Rome – où elle a fait la connaissance de Clémence Votler – la sœur de Judith Votler, la poétesse – avec qui elle a entretenu une correspondance, tout le reste de sa vie, jusqu’ici à Aguacope – mais elle n’est pas restée très longtemps dans la capitale italienne, dont elle a peu apprécié le climat particulièrement violent des conflits entre extrémismes ; pour avoir côtoyé quelques membres des brigades rouges, elle a pris conscience de son attachement à la lutte douce. En 1976, elle a pris un avion pour Paris – qu’elle fantasmait sous l’influence de Clémence Votler – où elle a été employée comme libraire à la Fnac, un repère pour les ressortissants de gauche qui parfois arrivaient de l’étranger, notamment d’Amérique du sud. Je crois que cela a été les plus belles années de sa vie. Elle y a fait ses armes en tant que féministe politique, ce qui lui a valu l’inimitié surprenante de quelques activistes de son entourage. C’est pourtant à Paris qu’elle a rencontré "papa-papa" – une sorte de coup de foudre – c’est allé vite ; lui n’était que de passage en France et il a réussi à la convaincre de l’accompagner sur son retour à Aguacope. En 1978, elle est devenue la plus jeune professeure de la récente université d’Aguacope – en science politique et anthropologie – puis elle est tombée enceinte, en 1979. Elle a mis un point d’honneur à donner ses cours aussi longtemps que possible, malgré toutes les recommandations ; si bien que je suis née dans un amphithéâtre. Je peux même te dire quel cours elle était en train de donner ; l’intitulé était : « le collectivisme, notion fondamentale de l’être humain ». Elle est morte d’une leucémie, un an plus tard. Je crois… qu’elle a bu de l’eau empoisonnée.
 
Chamanii
   
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Chamanii  /  Il voulait un rang


[Imanuel Davis Ferreira]

— A moi ? Non ! Elles ne me parlent pas, les poétesses. Mais, elles m’entendent. Elles m’entendent jouer ; ça, je le sais. Maintenant que j’y pense… je n’ai jamais essayé de leur parler. Vous savez, monsieur Carballar, je dis que je ne suis pas fou, mais… je ne sais plus. Je ne sais plus, si je suis fou, ou pas. Tout semble si réel ! Non ! Pas « réel » …authentique ! Leur histoire… Je l’entends. Ce sont des choses que je ne peux pas inventer ! La plus grande des deux, elle nous parle. Elle raconte la vie des gens qu’elle a connus ; lorsqu’elle était… là, parmi nous ! C’est à sa sœur qu’elle dit les choses, en fait ; à petit poisson. La petite perd la mémoire et… Oui ! Il y a une chose qu’elles répètent souvent, un chant : elles sont mortes empoisonnées ! « Nous avons bu l’eau empoisonnée » La grande a tué sa petite sœur …c’est tragique n’est-ce pas ? « Je ne t’en veux pas, Cesarea… ». Cesarea ! C’est son nom !
 
Cesarea & Lupe Madero
   
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Cesarea & Lupe Madero  /  Petit chose



Le rêve de Lupe a écrit:
 
Le Concierge
   
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Le Concierge  /  Barge de Radetzky


— Mortes empoisonnées tu dis ? Qu'est-ce que c'est que cela encore... (Umberto Carballar s'approche du visage d'Imanuel) Ecoute-moi bien, je peux te dire, moi, si tu es fou ou si tu ne l'es pas, je peux le savoir, moi, si tu me racontes ce qu'elles te disent, ce qu'elles te répètent et ce qu'elles ne t'ont dit qu'une fois : je veux tout savoir, c'est très important mon petit, c'est très important pour moi et pas seulement pour moi. (Le vieil homme s'interrompt, incertain puis, après une seconde, comme s'il s'était décidé :) Tu ne connais pas ma fille, bien sûr, ma fille Luna, Luna Carballar-Murillo, les deux noms comptent crois-moi, sinon je ne le dirais l'autre, l'autre nom je ne le prononcerais pas, je te le dis droit dans les yeux, mais les deux noms comptent alors souviens t'en, ils comptent vraiment. Donc Luna, ma fille, elle a avoir avec des histoires qui ont eu lieu ici, dans ton appartement, le 601, c'est pour ça que j'ai frappé à la porte alors que je ne supporte pas tes airs de trompette, sais-tu que je sais moi-même en jouer, ça et d'autres instruments, tu charango par exemple, et que je trouve que tu ne joues pas si mal et en même temps que c'est insupportable, ça tape sur le système, comme vous dites vous autres, donc quelque chose a eu lieu ici et je m'en suis souvenu assez fort sur le palier pour frapper à ta porte, tu comprends cela dis-moi ? Je crois que c'est cette vieille folle du cinquième qui me met des idées terribles dans la tête. N'essaie jamais de revenir sur tes pas, si j'ai un conseil de vieil homme à te donner c'est celui-ci, même si pour toi c'est trop tard : tu as déjà des fantômes plein la tête... mon pauvre (Il secoue la tête, comme s'il était réellement très peiné d'un coup). Luna et tes mortes empoisonnées, une surtout, elles ont été très proches et... tu sais qui est Luna Carballar-Murillo non ? tu lis les journaux quand même ? Ceux que je dépose dans le hall le matin, ils parlent souvent de ma Luna, tu le sais cela au moins ? Bon.. je dois lui écrire et peut-être que ce que tu as à me dire, au sujet de ton délire... non non attends, peut-être que c'est autre chose qu'un délire, il se passe de drôles de choses dans notre ville damnée parfois... ce que je pourrais lui dire à ce sujet pourrait la faire venir... et... (Il hésite)... et c'est ce que je veux, qu'elle vienne... alors si tu pouvais me dire ce qu'elles te disent, les poétesses, les empoisonnées, tout ce qu'elles te disent, alors ça pourrait nous servir, tu comprends cela mon petit ?
 
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Chamanii  /  Il voulait un rang


[Imanuel Davis Ferreira]
Imanuel, avec son air perdu, comme s’il sortait tout juste d’un sommeil profond, fouille la pièce du regard. Il y dégotte une bouteille de sous un meuble et en sert un verre. Il le pose devant Umberto Carballar.
— Sirotez-le ; il n’y en a plus beaucoup.
Il en remplit un autre qu’il vide d’un trait ; et son regard change. L’homme de la 601 semble différent. Il redresse son interminable corps de squelette enchemisé. Ses yeux sont traversés d’un horizon de feu, comme s’ils voyaient au-delà de tous les mondes ; leur vision se perd d’abord, glissant sur l’océan de la mémoire, puis, d’un seul coup, vient se ficher dans les prunelles de son hôte. D’une assurance nouvelle et d’un ton grave, posé, honnête, il dit, en frottant sa barbe naissante :
— Comme le disait ma femme : « Les secrets, on les met au congélo et on les oublie ; mais, il y a un moment… où il faut savoir les passer à la poêle. »
Il se lève, tout en continuant de parler et se dirige vers la fenêtre, comme si de rien était ; il en ouvre l’accès au gamin téméraire qui s’accrochait au fer forgé.
— Entre ; j’allais justement raconter une histoire.
Tout en regardant au plafond, il s’échauffe les mains, comme s’il était en train de modeler la matière de son récit à venir.
— Bien. Je vais vous raconter : tout ce que je sais à propos des poétesses ; car je sais tout et plus encore. Ce que personne ne sait, je le sais. Elle m’a tout dit, Cesarea. Elle m’a tout dit, et c’est incroyable : elle ne m’en aurait pas dit autant si j’avais passé mille ans ici, et si je n’avais pas été moi : Imanuel Davis Ferreira.
Il pointe un doigt en l’air pour prévenir d’un dernier impératif et se dirige à l’autre bout de la pièce, vers un tourne-disque que la nuit des temps avait déposé là. Un vinyle pivote entre ses mains expertes, avant de s’embrocher sur la plateforme circulaire :

— Je vais vous raconter l’histoire des poétesses ; mais tout d’abord… (il fait une pause) je dois vous parler de ma femme :
Ah ! Ma femme ! Si vous l’aviez connue… si belle, si douce ; calme et intelligente, ma femme. Je l’aimais – je l’aime ! – tant, ma femme. Elle… ne m’aime plus. Mais, elle m’a aimé ! Vraiment ! Oh oui… Elle m’a aimé, mais savez-vous pourquoi elle m’a épousé ? Ce pourquoi elle a pu m’épouser ? Eh bien c’est sa mère – car, en fait, c’est de sa mère dont je veux réellement vous parler ; et de mon père aussi. Voyez-vous, la mère de ma femme était une de ces vieilles sorcières – c’est ainsi, qu’avec ma femme, nous l’appelions affectueusement – bien que nous la respections ; et aussi que nous la craignions. Vous savez, ces lumières, ces fameuses « lumières d’Aguacope », que l’on voit, à la nuit tombée : ce sont des lanternes. Des lanternes qu’allument des femmes… d’un certain âge – il me semble – bref, des vielles sorcières, et la mère de ma femme – doña Donaji – faisait partie de celles-ci. Ne me demandez pas ce qu’elles font avec ces lumières, je n’en ai pas la moindre idée, mais une chose est sûre : elles sont liées au fleuve et elles sont liées aux ténérios. Lorsque doña Donaji a su que sa fille voulait épouser un homme, elle a d’abord dit « Non. C’est moi qui choisirai ton mari. » Puis, elle a rencontré mon père. Je ne sais pas quel hasard les a mis sur la route l’un de l’autre – je crois, moi, que c’est la Donaji qui est allée le chercher – toujours est-il qu’ils ont passé de nombreuses journées à discuter et à fumer, à boire le mate ou que sais-je… Mon père, ce vieil homme brisé par la vie, et cette mystique ont passé leurs vieux jours ensemble, à, comment dirais-je… se réconforter ? se tenir compagnie ? Doña Donaji a accepté que j’épouse sa fille car elle a su qui était mon père. Davis : le nom que j’ai reçu ; ce n’est pas un vrai patronyme – pour moi, oui, mais pas pour mon père. Lui, on l’appelait O’tanene – et avant cela, je ne sais pas – « O’tanene » signifie celui qui s’est extirpé du fleuve, ou rejeté par le fleuve. C’était un nom de disgrâce à ses yeux. Mon père est un enfant ténério qui est parti de chez lui. Et vous savez pour quelle raison il a abandonné son peuple, pourquoi il est sorti du fleuve ? (Imanuel affiche un sourire nostalgique) Oui : pour jouer de la trompette. Ainsi, j’ai hérité d’un sang ténério, mais ce n’est pas cela qui est important… Mon père, lui qui est tombé amoureux des cuivres de la Nouvelle-Orleans et plus tard de Miles Davis, a toujours gardé en lui les rythmes ténérios, les rythmes du fleuve ; et il me les a transmis naturellement. En fait – je dois vous dire – on ne peut pas s’extirper du fleuve. Comprenez… le « Ténorio », cela, on le traduit par « le capricieux », mais il y a aussi un double-sens à ce terme, ou plutôt, un sens contigu, que l’on pourrait exprimer comme : celui qui ne s’est jamais arrêté ou celui qui restera toujours. Je le formule ainsi car, justement, il n’y a ni passé ni futur, dans la langue ténérii. Le fleuve est à la fois le mouvement et l’espace (le lieu). Mon père était – sera – une branche du fleuve, une défluence du fleuve ; et c’est cela qui a séduit doña Donaji. C’est pour cette raison que j’ai pu épouser ma femme ; et ce sont les remous, les flux de ma musique qui m’ont lié au monde des esprits.

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Chamanii
   
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Chamanii  /  Il voulait un rang


[Imanuel Davis Ferreira]
— Je vais vous raconter l’histoire des poétesses ; mais avant cela… (il fait une pause) je dois vous parler de votre femme :
Ah ! Monsieur Carballar ! Votre femme, monsieur Carballar ! Vous l’avez connue… votre femme. Je ne dirai rien sur sa beauté ou son intelligence – déjà légendaires – mais quelle femme ! La boucle parfaite d’un méandre distendu ; vers l’est ; tout juste avant que n’arrive votre fille qui, elle, se courbe vers l’ouest. Liées, elles étirent, chacune de leur côté, le bassin fluvial ; elles appartiennent au fleuve. Maya Murillo, Ma-ya Mu-ri-llo – écoutez bien – Maya Murillo. Maya-Murillo-Maya-Murillo-Maya-Murillo. Vous comprenez ? Le rythme du fleuve. Votre fille : Luna Acuña – anciennement « Acuña » ; c’est beaucoup plus… vers l’ouest ; et un tout petit peu plus rapide, un peu plus serré, comme virage. Avant, votre femme s’appelait Raetrë ou encore Raeltri ou bien Ro’oma, Lo’oma, Toma, Dohoutrë, Dolë, Zotraetrë, Zotra, Zoët, Kossien, Dapradi, Do’pradi, Doëm’pradi, Kossië, Dokossië, Dokossië – déjà une première fois – Azti, Do’Azti, Atsi, A’Atsi, A’Abh, Adabh, Ada, Fohem-fohem, Fohem, Fohtë, At’fohtë, At’zot, At’zakli, At’li, Aahtli, Macat, Macatli, Baztli, Baztl, Baba, Ba’hab, et elle a porté bien d’autres noms qui se sont accordés au Fleuve ; en fait, ce ne sont pas des noms, ce sont des souvenirs laissés, des traces de pas qui étaient imprimés dans la boue du temps, avant même que votre femme ne mette ses pieds dedans. Vous savez, ce qui est important n’est pas que votre femme ait été argentine ou aguacopienne, ténério ou ait appartenu à un peuple quel qu’il fut ; ce qui est important, c’est son amour du rivage. Elle fut, elle est et elle sera la protectrice du fleuve et de la vie du fleuve. Elle a déjà été cette guerrière et ses armes furent multiples.
 
Le Concierge
   
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Le Concierge  /  Barge de Radetzky



Umberto Carballar ne souhaitait pas interrompre le flot bizarre et saccadé de l’homme du 601, bien que ses paroles troublaient profondément son cœur acrimonieux et nerveux. Il se sentait, devant le discours d’Imanuel comme devant certains évènements du monde qui paraissent à nous à la fois comme prodigieux et extrêmement fragiles ; semblable, par exemple, à l’aléatoire trajectoire d’une bulle de savon dans un jardin d’été. Umberto savait qu’il suffirait d’un rien pour interrompre le récit de son interlocuteur. Il arrive quelques fois, quand des circonstances particulièrement exceptionnelles surgissent du continuum de l’Histoire, que même des êtres comme Umberto Carballar deviennent capables de ne plus rien dire, de se tenir prêts et mutiques, tapis dans le silence comme une bête fauve, pour observer, de loin, naître les miracles. A vrai dire, le vieux concierge ne tranchait pas encore sur la nature du monologue d’Imanuel Davis Ferreira et ce n’est que plus tard, longtemps après, peut-être dans une de ces nuits d’insomnies qui offrent aux esprits cartésiens le loisir de s’éloigner, au moins un peu, de leur port d’attache, qu’Umberto songea que cette nuit-là, devant l’occupant du 601, il avait assisté à une véritable épiphanie et non pas simplement au troublant délire d’un fou. Le fait était que, dans les élucubrations du trompettiste, la vérité et l’erreur se mélangeait inextricablement. Mais, plus important encore, certaines erreurs, qui devaient confirmer la nature psychotique du discours d’Immanuel, ressemblaient moins à des erreurs qu’à des mensonges. C’est le souvenir de cette vive impression qui distilla, d’ailleurs, dans l’esprit d’Umberto Carballar le poison le plus puissant ; s’il est permis, en effet, à un fou de dire quelques vérités au milieu de son délire, comme si, s’épuisant, le délire laissait affleurer, sous ses vagues, quelques roches solides de certitudes établies, il ne lui est pas permis, normalement, de mentir, c’est-à-dire de savoir doublement, de connaître doublement les choses, car celui qui ment doit non seulement avoir la vérité dans son cœur, mais aussi la lucidité et la volonté de la dissimuler aux yeux des autres. D’où venait à Umberto l’impression qu’Imanuel ne se trompait pas, mais mentait réellement, cela il lui était impossible de le dire et justement, des années plus tard, quand le travail de deuil commença, c’est cette incertitude qui, par sa nature, par sa forme insupportablement oblique, piqua l’âme du concierge jusqu’à le rendre lui-même presque fou, indécis jusqu’à la fureur, répétant en son for intérieur cette question : mentait-il ou se trompait-il simplement ? Toutes ces pensées vinrent à l’esprit d’Umberto Carballar alors que l’autre parlait, mais elles passèrent si vites dans son cerveau normalement fatigué qu’elles ne rompirent pas l’attention du vieillard et qu’il ne cessa jamais d’écouter l’histoire qu’Imanuel racontait. Seulement, alors qu’Imanuel évoquait les multiples noms supposés de Maya, son ex-femme, Umberto s’autorisa un mot :


_ Monsieur Ferreira, continuez je vous en prie, continuez vraiment, laissez venir ce qui doit venir, ce que vous me dites m’intéresse plus que ce que vous imaginez peut-être, mais ne dites pas ces noms-là, ceux que vous avez chuchotés à l’instant, ne les dite pas, écoutez, je n’y comprends pas grand-chose, Maya était plus experte que moi sur le sujet, elle l’est encore, mais, la langue ne peut pas tout porter, c’est ce qu’elle me disait, notre langue je veux dire, notre langue est comme Aguacope : pourrie, rance et déformée. Ne les dites plus, s’il vous plait, je vous le demande et parlez-moi des poétesses maintenant, je veux savoir ce que vous avez dans la tête Monsieur Ferreira, mêmes des éclats suffiront, même des riens.

Toute cette tirade avait été dit d’une voix étrange et que ce vieil homme normalement acariâtre ne prenait jamais, une voix presque suppliante, presque implorante et particulièrement la dernière phrase qui résonna entre les murs de l’appartement 601 comme une incompréhensible prière d’église.
 
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[Imanuel Davis Ferreira]
Qu’avez-vous fait, monsieur Carballar ! Votre vie durant, sur les rives de Maya Murillo ? Que vous êtes-vous caché ; à vos yeux, que vous ne vouliez pas voir ?  Comme ceux qui écoutent avec leurs oreilles ou ne lisent que des mots ? La poésie – trop souvent, elle est pensée comme une musique faite de sons, monsieur Carballar, mais non ! C’est une musique faite de sens ! C’est pour cela que la poésie du caprice est importante ! On ne l’entend pas cette musique, on la voit, on la sent, on la vit, tout à la fois ! Qu’avez-vous fait, monsieur Carballar ? De vous être enfoui, ici, dans cet immeuble, à un centimètre des trésors du Ténério ? Il y a, juste à votre droite, les poèmes de Valerio, et, là, juste à votre gauche, les poèmes de Murillo (ses images) ; mais si ce n’était que ça ! Il y a, partout autour de vous – il n’y a qu’à ouvrir et fermer le poing – la rivière est pleine d’or – partout, Cesarea Madero est là, Socrates Soria, petit poisson, Acuelbo, Xichtali Popo, Teófano Riviera, La Puerta, Javier Wilderson, Paolo Acebes, Luisa et Raul Tassis, Eliana Vagas, Débora Lain, Rimaldo, Exteberia Secundo, Janeta, Maria-Lucia Lima, et combien d’autres ? Vous vous souvenez de Conception Valerio ? Oui, vous vous souvenez – tragique, tout le monde en parlait. Vous vous souvenez, mais l’avez-vous lu ? Cette jeune poétesse – elle commençait déjà à être connue, par ici, lorsqu’elle est morte. Bien sûr, sa noyade n’y est pas pour rien dans sa renommée, mais certains de ses textes sont particulièrement intéressants – ils préfiguraient déjà le déjectisme ; et aussi, ils illustrent le propos que je tâchais de vous faire entendre. Par exemple :

Conception Valerio a écrit:

El río es la sangre del mundo
Si pesco el pececito ~ que me lo como
Estoy aquí ~ Soy yo ~ y me como yo mismo

Recuerdo el sabor de Aguacope
Cuando no existía

Si lo recuerdo ~ si lo olvido
Yo soy las piedras de Aguacope
Y su agua, y su luz

Yo también soy su pueblo
Cuando no existía

Caminando las orillas
Debajo las hojas
para siempre existia
Invisible de las horas
 
Chamanii
   
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Henri Jacquetot a écrit:
Trouvé devant sa porte, Henri a d'abord hésité à frapper. Le sac en plastique vert était vide, mais trainait toujours sur le paillasson de Mr. Davis Ferreira. Et puis, peut-être ne savait-il plus lui même ce qu'il était venu dire à son voisin.

Sans qu'il n'ait rien pu faire, la porte s'ouvrit d'un coup. Je vous attendais, dit Imanuel. Jacquetot, tout bas mais assez fort pour qu'Imanuel puisse entendre, marmonna : j'ai fait un rêve..


 
   
    
                         
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 [L'Immeuble - appartement 601] - Imanuel Davis Ferreira

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