Je n'ai pas du tout accroché à Gardien.
Il y avait de bonnes idées, mais le rendu est maladroit, je trouve.

Piège est plus intéressante. Tu as quelques lourdeurs à certains moments, mais les images sont sympas, et la métaphore filée est chouette, avec quelques belles originalités. La chute est un peu en-dessous, je trouve, même si je comprends que tu as voulu faire dans l'absurde, je trouve que ça ne fonctionne pas tant que ça.

Je m'aperçois au fil de cet exercice que les textes "anciens" extraits de leur contexte (court roman ou série) fonctionnent moins bien que les textes écrits dans le cadre de ce Scriptober. Le seul qui a bien marché, c'est Vent, sans doute, outre ses qualités intrinsèques, parce que c'est le début de ce court roman.

Pour en revenir à celui du jour, Piège, je traîne depuis longtemps un gros doute sur ce que tu exprimes ici.

LÉA a écrit:

La chute est un peu en-dessous, je trouve, même si je comprends que tu as voulu faire dans l'absurde, je trouve que ça ne fonctionne pas tant que ça.

Il faudrait que je prenne le temps de me repencher dessus. Si l'absurde a du mal à passer hors de contexte, je crains que ce ne soit pire dans le contexte lui-même, qui est assez dramatique, en fait.
Ta remarque confirme mon gros doute, et je pense que c'est aussi l'une des raisons pour laquelle je ne l'ai pas publié alors que la couverture est prête depuis 2 ans.

25 octobre : Mission

Citation :

Jade, ma fille, a 6 ans. Le bon âge, me dis-je, pour sa première mission ! La boulangerie est juste au coin de la rue, sur le même trottoir que la maison.

— Voilà un billet de 5 euros. Tu achètes un pain, et avec le reste, tu prends ce dont tu as envie.

Ma petite bat des mains. Elle enfile son manteau, chausse ses bottines à pompon et sort en sautillant, comme une petite mésange joyeuse.

Je la regarde un instant par la fenêtre du salon puis un coup de téléphone accapare mon attention. Un client colérique, une conversation qui n’en finit plus. Je serre les poings. Je marche de long en large dans le couloir. Je me retiens de ne pas l’envoyer au Diable. Jade me semble longue à revenir. Je jette de temps en temps un coup d’œil à la fenêtre.

Enfin, je la vois ! Je clos l’appel. J’ouvre la porte à ma fille, les joues barbouillées de chocolat.

— Papa, c’était bien, j’ai mangé plein de bonbons au chocolat !
— Oui, je vois ça Jade. Mais …
— Mais quoi, Papa ?
— Le pain, tu n’as pas ramené de pain ?
— J’avais pas assez d’argent, la dame m’a dit. Alors, avec le reste, comme tu m’avais dit, j’ai acheté un dernier bonbon qui me faisait envie.

coucou
J'ai bien aimé "piège", l'atmosphère, les images, les métaphores d'animaux, m'ont bien plu mais je n'ai pas trop compris la fin: ça arrive comme un cheveu sur la soupe. De ce que je comprends c'est un extrait, du coup je crois que c'est pour ça. Après je ne sais pas si dans le contexte du livre ça ne serait pas moins bizarre, à voir...

"Mission" a un petit coté frais, même si j'ai eu peur qu'il arrive quelque chose à la fillette à un moment donné. La fin arrive un peu trop vite à mon goût. Il manque un petit quelque chose qui nous fasse comprendre à un moment comment la petite a interprété la consigne à sa manière. Là j'ai dû relire plusieurs fois pour être sûre qu'elle ne s'était pas faite arnaquée par la boulangère.

Sinon, bravo pour ta constance, tu fais partie de ma lecture du jour sur le forum, même si je ne commente pas à chaque fois.

Liréo a écrit:

Tu fais partie de ma lecture du jour sur le forum

Merci beaucoup, ça me touche vraiment... dommage que le Scriptober ne dure qu'un mois

Liréo a écrit:

J'ai bien aimé "piège", l'atmosphère, les images, les métaphores d'animaux, m'ont bien plu mais je n'ai pas trop compris la fin: ça arrive comme un cheveu sur la soupe. De ce que je comprends c'est un extrait, du coup je crois que c'est pour ça. Après je ne sais pas si dans le contexte du livre ça ne serait pas moins bizarre, à voir...

C'est un extrait, oui, mais j'ai un doute, depuis longtemps. C'est l'histoire d'Armance Desnoizel (de tous mes personnages, c'est celle qui porte le nom le plus abouti !), elle a 40 ans et attend son premier enfant. Son médecin, et son mari, Pascal, souhaitent qu'elle fasse une amniocentèse. Elle hésite beaucoup "et après?", demande-t-elle, sans être vraiment écoutée.

Liréo a écrit:

"Mission" a un petit coté frais, même si j'ai eu peur qu'il arrive quelque chose à la fillette à un moment donné.

Haha oui, c'était un peu voulu de ma part. Faire monter malgré tout cette petite pointe d'angoisse, quand on laisse partir son enfant la première fois seul.e quelque part.

Je pense que c'est un peu normal, cette impression que les textes écrits spécialement pour Scriptober collent mieux au thème, parce que tu écris ton histoire autour de ce thème, plutôt que de fonctionner à la manière du concours d'extraits.

Et je pense que oui, la chute est probablement à revoir. On ne sait pas trop d'où cette histoire de sixième doigt de pied sort, ni pourquoi il doit se déchausser devant le grand patron, c'est un peu trop absurde, surtout si le reste du texte ne l'est pas. Tu peux garder cette fin, mais alors il faut l'étoffer.

Mission était mignonne, mais comme Liréo, je pense que tu aurais gagné à préciser un peu mieux ta chute, que je n'ai pas vraiment comprise de prime abord non plus. Elle aurait mérité d'être un peu plus développée et expliquée, tu avais la place.

26 octobre : Esprits

Citation :

Je me suis aperçu très tôt, vers l'âge de 5 ou 6 ans, qu'il m'était aussi facile d'entrer dans l'esprit d'une autre personne que de sortir de la maison et marcher pieds nus sur la pelouse du jardin.

Cette faculté s'avérait d'une grande utilité pour simplifier mes relations avec maman. Elle avait fait le choix d'abandonner sa carrière professionnelle pour me dédier ses journées et il me semblait important que son sacrifice fût le plus efficace possible. Dès que je voyais se dessiner dans son esprit un projet de dessert, il me suffisait ensuite d’orienter son choix d’une manière tout à fait innocente.

— Dis, maman, cette nuit, j’ai rêvé d’une tarte au citron.
— Ha tiens! je me demandais justement ce que j’allais faire comme dessert pour ce soir.

Ou alors, les jours de pluie, ou de flemme, quand des envies de promenades se baladaient dans la tête de maman, je me mettais à tousser, à me plaindre de la gorge, à geindre parfois dans les grandes occasions, le ventre plié en deux, les yeux remplis de larmes. C’était drôle de voir ce moment fugace où ses idées d’évasion se transformaient d’un coup en angoisses maternelles.

Vers l’âge de dix ans, sans doute lassée de ce jeu cruel dont elle ne maîtrisait aucune règle, maman m’abandonna pour un emploi subalterne dans un bureau crasseux. Mon père s’en plaignit, son esprit bourdonnait, dans un mélange de colère et d’incompréhension. Ils firent appel à Jenny, une jeune galloise, pour m’aider dans mes devoirs, me tenir compagnie et m’apprendre quelques rudiments d’anglais.

C’était la première fois que je visitais un esprit étranger, et, chose étrange, je n’avais guère de mal à le comprendre. Il s’agissait d’un esprit encombré, avec tout un tas de filles et de garçons. Malgré mon jeune âge, je notais toutes ses hésitations, l'esprit de Jenny allait de bras en bras, de bouche en bouche, de corps en corps. Au fil des semaines et de mon apprentissage de l’anglais, je constatais que l’esprit de la Galloise se vidait de plus en plus, les filles et les garçons s’évaporaient les unes après les autres, jusqu’au jour où seules, deux figures, en occupèrent tout l’espace.

Néanmoins, je n’en saisis pas tout de suite la signification, et j’en fus assez perturbé.

Un soir de mai, sur le canapé, mon père, qu’on aurait pu croire plongé dans sa lecture de l'Équipe, avait l’esprit vagabond sous le soleil printanier et longeait la Seine au bras de Jenny.

Maman ne se doutait de rien, elle feuilletait les pages d’un livre de recettes, qu’elle connaissait toutes par coeur pour les avoir déjà essayées chacune mille fois. Sa concentration était ailleurs, tout son esprit, je le sentais bien, moi qui m’y promenais comme sur une pelouse d’herbe fraîche, tout son esprit n’était tendu que sur un seul objet, le corps jeune et tendre et doux de la jeune fille au pair.

Ce texte est vraiment chouette, Le Rosier.
J'ai eu envie un peu de secouer le cruel gamin qui oblige sa mère à rester à la maison, comme si le carcan de la femme au foyer n'était pas assez étroit, mais j'ai aimé la suite, et la chute.

Petite coquille:

leasaurusrex a écrit:

Ce texte est vraiment chouette, Le Rosier.

       

Et merci pour la coquille, corrigé !

27 octobre : Ombres

Citation :

Quand j'ai commencé à jouer aux ombres chinoises comme tous les enfants de mon âge, je m'amusais du chat en boule sur la cheminée, du chien qui aboyait ou du canard qui claquait du bec. Mais très vite, je me lassais de ces ombres animalières.

Je tentais d'autres expériences.

Je me levais au cœur de la nuit, quand la maisonnée sombrait dans des rêves profonds, et j'ouvrais sans bruit les persiennes de ma chambre pour y laisser entrer la clarté de la lune. Un terrain de jeu immense s'ouvrait alors au-dessus de mon lit, sans autres limites que les frontières de mon imaginaire. Des villes inconnues naissaient de mes mains, grouillantes d'ombres affairées. Bordées de boutiques aux mille trésors, des rues en pente dévalaient vers le port ; sur les quais, la foule acclamait une armada venue de l'autre côté du monde. Une princesse de mon âge, vêtue de soie d'or et coiffée d'un diadème serti de pierres précieuses, descendait avec grâce d'une nef aux voiles immenses. Son ombre lumineuse se dirigeait vers moi, et d'un sourire, elle me tendait la plume magique d'un oiseau légendaire.

Je m'endormais heureux et rêvais jusqu'au matin, réveillé par le grincement des persiennes ouvertes.

Avant de descendre pour le petit déjeuner et retrouver ma famille, je vérifiais, comme chaque jour, que l'ombre de la plume qu'elle m'avait offerte restait bien à sa place, cachée sous mon oreiller.

Oh! Tout en douceur et en légèreté le texte d'aujourd'hui. J'aime bien.

Liréo a écrit:

Oh! Tout en douceur et en légèreté le texte d'aujourd'hui. J'aime bien.

une histoire dans laquelle j'aimerais bien me glisser...

Je plussoie Liréo, de l'onirisme et du merveilleux en quelques mots à peine, c'est très doux à lire, et bien maîtrisé.

Merci Léa  

28 octobre : Malédiction

Citation :

En parcourant mon jardin ce matin, sous le soleil de cette belle matinée d'octobre, une nouvelle idée de roman m’est venue à l’esprit. Mon imagination s’échauffe. Mon cerveau bouillonne. Des personnages m’apparaissent. Un monde se dessine. L'arène se construit. Une atmosphère. Une héroïne plus vraie que nature. Une quête impossible. Des ressorts dramatiques qui s'enchaînent. Un rythme échevelé. Je prends des notes à toute vitesse sur mon carnet Moleskine. Les pages se noircissent. Je suis surexcité. Mon cœur bat la chamade. Enfin, je le tiens, mon futur chef d'œuvre.

Par acquit de conscience, je sors mon portable et je vérifie sur Babelio. "Malédiction".

Quoi ?

Je rafraîchis la page avec fébrilité, pour en être sûr. Je lis bien : 3308 livres associés au thème malédiction !

Je jette mon carnet de notes et je me recouche. Jusqu’à la prochaine idée.

Haha, ce texte tape un peu trop près de la maison, bien vu.

Coquille: