- Pasiphae a écrit:
- Oh oui, ta description rend trop curieux·se !
Merci ! En voici deux, le premier surtout est assez représentatif du ton de nombreux poèmes du recueil.
*
tenir tous les sens en éveil, la chaleur de l'été jusqu'à plus soif.
l'aile de soie du papillon rôtie en un tournemain, tout comme
une année : une valse de procédures en suspens.
juillet, apogée, pure lumière, depuis la clôture déjà
ce sentiment d'être chez soi : les roses la roue solaire...
à l'arrière on souffle sur les braises. un frisson sirupeux sur
les étendages, parfums de grillades et couleurs crues, le bleu
d'un pantalon de jogging plutôt, au loin tu vois les groseilles
briller. tu inspires la sciure, le bois, tu inspires la poussière.
balayé cet ultime espoir de voir se lever le vent. il y a des
contacts il y a des absents et parfois tu sens palpiter en toi
cette intuition, comme si au fond de la bouteille apparaissait
leur visage : effacé d'un trait, un sanglot sans paroles, plus rien
ne perle à la langue devenue mate. plus de bière, plus de schnaps.
plus d'histoires. le lit doucement tiédi par l'air nocturne, pourtant
aucun d'entre nous ne dort. une fois encore nous brassons notre
rami et luttons sans relâche contre les nuées de moustiques
les yeux rivés sur la braise rouge jusqu'à la clarté des cendres.
le soir part en fumée, un matin neuf commence à poindre sur
les fermes. dans un rêve la chute des oiseaux noirs.
*
ma chère nadjarepasse donc encore une fois ce soir. la pluie
aura sûrement cessé et puis les enfants seront
sans doute endormis. le châtaignier peut-être
frissonnera doucement, tu ne sentiras rien...
tout sera tranquille par ailleurs. reviens donc
et fais le tour des lieux. personne ne saurait te le
garantir, mais avec un peu de chance tu verras
encore une fois les escaliers et la toile cirée...
nous avons laissé la tranchée ouverte, va y jeter
un œil sans hésiter et entre aussi à la cuisine
si tu le veux. mais fais attention s'il-te-plaît à la lampe et puis tu pourras déjà t'asseoir à table.
les œufs sont encore au poulailler. le café est tout
fraîchement moulu. si tu as envie d'une confiture
tu peux aller regarder dans le cellier. ma chère
nadja, ce n'est rien, nous avons tout simplement été
interrompus tout-à-l'heure. dans le cas où tu reviendrais
ce soir, nous repartirions de là si le cœur t'en dit encore.
Nadja Küchenmeister,
Sous le genévrier (trad. Natacha Ruedin-Royon).