Hey ! Je me permets de réveiller un peu ce topic . Je ne sais pas trop si ça se fait. ( Ayez pitié de moi, je suis plus ou moins nouvelle. ) J'ai l'audace de croire que mon expérience pourrait être intéressante ici.  

La plupart des gens de mon entourage savent que j'écris. Ils sont au courant que c'est une composante de ma vie, quelque chose qui me prends du temps, de l'énergie, de l'amour et que sais je encore...( Généralement quand je commence à copiner avec quelqu'un je lui dis que c'est ma passion. ) Mais je ne leur demande pas toujours, pas souvent même, de lire ce que je fais. Pas que j'aie honte, bien au contraire, mais j'aurais l'impression de leur faire perdre leur temps, de les gaver. Je mets ça sur le compte de mon éternel manque d'assurance...Mais passons.
Donc mes parents et mes amis me demandent souvent des nouvelles de mes écrits. Ils savent comment se passent mes tentatives de publication, etc...Et c'est plutôt cool. Quand j'ai commencé à écrire ( j'étais très très petite, je devais avoir dix ans à tout casser ) mon père était beaucoup derrière moi. Il savait que c'étaient les histoires imparfaites d'une gamine mais il faisait l'effort de me les corriger pour que je puisse les retrouver et les relire sans trop de honte plus tard. Mes deux premiers romans étaient assez...Buh...Chelous. Mais je suis contente parce que quand j'ai envie de m'y replonger aujourd'hui, je me rappelle avoir eu l'aide de mon père pour les corriger. Quand je veux avoir accés, au caca de mon enfance je trouve du caca bien présenté.  
Heureusement mes écrits se sont améliorés au fil du temps. J'ai mis sur pied de meilleures histoires et c'est à ce moment là qu'est arrivé un petit incident porteur d'un gros malaise. C'est là que j'en viens à l'aspect autobiographique évoqué au début de la discussion. Tout le monde a des fantasmes, des réflexes, des délires scénaristiques inconscients. Ne sous estimons pas le coté pervers de la pensée humaine, surtout le coté pervers de la pensée en construction d'une adolescente.  
Vers mes quatorze ans j'ai bouclé la première version d'un gros roman de science fiction, ma première oeuvre réellement cohérente, et j'ai naturellement demandé au paternel de passer par derrière. Dans ma fièvre littéraire j'avais peut être oublié un détail. La sensibilité d'un père est différente de la sensibilité d'un lecteur lambda:study: . Il est tombé sur une scène en particulier dont je ne penserais pas qu'elle le traumatiserait ( tout de suite les grands mots.) Evidemment je l'avais réfléchie dans le cadre de l'histoire, sans penser à un lecteur en particulier. Je ne pense pas qu'il aurait été choqué s'il 'avait lu cette scène dans un roman dont il ne connaissait pas personnellement l'auteur. Bref, le passage en question c 'était la description d'une scène de viol.
Pour moi c'était juste un ressort scénaristique et en plus j'en étais assez contente. Quand le moment fatidique est arrivé ( nous avions pour habitude de corriger ensemble, assis sur un petit banc devant l'ordi familial en mettant du Era et du John Williams en fond musical ) je me suis rappellé que la séance de correction du jour risquait de tourner bizzatement. J'ai pressenti la catastrophe et j'ai tenté de l'éviter mais en vain. J'ai dit à mon père de sauter une page mais il ne l'a pas fait, croyant que j'avais honte de lui montrer un passage trop culcul la praline:roll: . Il a lu le passage en silence, j'ai vu son visage se décomposer:affraid: . Il a continué de corriger la ponctuation du chapitre puis est allé se coucher, en silence. J'ai essayé de lui en parler le lendemain matin et il a reconnu que c'était un passage essentiel au scénario. Je n'ai pas réussi à lui faire verbaliser sa gêne cependant. Je l'ai comprise bien plus tard. J'étais arrivée à un âge où le sujet de la sexualité n'était plus tabou pour moi, j'en parlais dans mes écrits et avec mes amis sans jamais l'évoquer à la maison pour épargner mes parents. (Nous avons tous ce réflexe de ne PAS mêler nos parents à ce genre de choses.)  Cette histoire de viol a été une véritable claque pour mon père parce qu'il a compris du jour au lendemain que sa fille n'était plus une petite fille, que les histoires qu'elle écrivait étaient mêlées de ce qu'elle entendait, ce qu'elle voyait, qu'elle n'aurait plus jamais la même vision du monde que lui. Il m'avait vue grandir en un seul paragraphe et c'était assez choquant. ( Sans compter que la scène de viol était assez hardcore. ) Je pense que cette question du coté autobiographique s'est posée pour lui. Il n'a pas osé me le demander tout de suite mais je pense qu'il était inquiet que je prône ou que je trouve normale une sexualité basée sur le viol:evil: . Evidemment je n'avais pas du tout ce genre d'idée en tête quand j'ai écrit la scène, je pense que les histoires d'abus et la culture du viol étaient déja une partie de mon univers mental parce que malheureusement j'y étais confrontée depuis toujours avec les infos, les histoires, les faits divers, etc...Je  voulais créer un élément traumatisant pour mon héroÏne et j'avais trouvé ça parfait parce que justement c'est ce qui se fait de plus violent. ( Ne nous mentons pas, nous sommes beaucoup à parler de viol dans nos écrits. C'est un thème très utilisé. Je n'excuse pas l'acte pour autant. Je le cautionne encore moins. ) Je n'ai jamais subi de viol ou d'agression sexuelle quelconque ( et j'en suis très contente    ) mais il n'empêche que la figure du viol était présente dans mon esprit. Mon père a dû s'imaginer tout un tas d'horreurs, il en a d'ailleurs discuté avec ma mère et je le soupçonne de s'être imaginé que je lui avais peut être caché quelque chose.  
Bref avec cette histoire mon père a compris qu'il ne toucherait plus jamais du doigt ce qu'il y avait dans ma psyché, que mon imagination était nourrie par ma façon de penser, et que malheureusement j'avais déja acquis des réflexes propres au monde adulte. Il a compris pourquoi j'étais devenue plus mature, plus sombre aussi, pourquoi ma nature était assez pessimiste et je pense que même si ça lui fait de la peine il comprends cette façon de penser.  Il ne lit plus mes romans parce que je sais qu'il a peur de se poser encore plus de questions sur ma façon de penser et de voir l'univers...Mais il y a quand même un avantage.
Depuis cette histoire de scène de viol il respecte mon style. La description, le rythme, le vocabulaire employés dans cette scène ont été suffisants pour le plonger dans l'horreur. ( On ne peut rien contre une nature de papa n'est ce pas ?) Donc je pense qu'il est secrétement fier de moi. Il continue de m'encourager et surveille mes aventures dans ma quête d'une M. E  mais de loin.

Je suis quand même heureuse d'avoir un entourage compréhensif et je me dis que si mon paternel a été aussi chamboulé c'est avant tout parce qu'il m'aime et s'inquiète pour moi.