- Tim a écrit:
- Du coup, le problème pourrait ne pas être le féminisme mais les discussions Internet :'-)
Peut-être oui.
Je pense que se trouver face un individu, et non à un représentant d'un sexe, abstrait, change pas mal de choses.
Mais bien sûr, il faut aussi deux personnes qui se comprennent, font l'effort de vouloir se comprendre.
- Tim a écrit:
- Du coup je me pose cette question: tu te présentais en tant qu'homme en abordant la discussion ? Je me demande, car ici tu as l'habitude de changer régulièrement le sexe de ton profil, et à vrai dire avant aujourd'hui j'avais encore du mal à être certain du genre auquel tu t'identifiais.
Je n'ai même pas de vrai souvenir précis où j'ai discuté avec une femme féministe, je ne discute de ce genre de choses qu'avec les gens que je connais, les fois où je l'ai fait, j'ai du préférer oublier.
De toute façon, j'ai toujours senti qu'il était inutile de trop tatillonner sur un ressenti, qu'il soit fondé sur une réalité ou non, d'ailleurs (c'est pour ça que j'ai posé cette problématique et non une autre).
Je ne veux pas non plus prendre le rôle qu'on me donne, celui d'oppresseur. Je fais parti d'un système d'oppression, je suis une pièce du système, une pièce oppressive, mais je ne suis pas UN oppresseur.
J'ai pu être momentanément un oppresseur. Je redeviendrai un oppresseur.
Mais je ne suis PAS un oppresseur davantage qu'un ou une autre.
Mais sur le fond, le peu d'expérience que j'ai de discussions en ligne rejoignent la tienne.
Jamais de dispute franche, déjà parce que je suis acquis à la cause. C'est autre chose qui me dérange.
J'interviens peu dans les discussions féministes, même si j'ai du donner mon avis sur un point particulier ça et là, sur l'Horloge Parlante. J'observe beaucoup.
J'essaye de rester objectif, mais à un moment quand je vois certaines discussions, il arrive que je m'identifie au mec qui tente d'expliquer quelque chose, certes maladroitement, mais rarement avec de mauvaises intentions (il y en a beaucoup qui trollent sur le féminisme, s'en moquent, le rejettent franchement, mais dans ce cas c'est inintéressant, je ne m'y attarde pas).
Et par empathie, certainement parce que je me sens aujourd'hui "homme", j'ai souvent de la peine pour l'homme en face, parce que j'ai l'impression qu'on s'attarde sur son discours, et non sur ce qu'il tente d'exprimer. Parfois même, on le réduit à une verge sur pattes, profondément animale, peu capable de sensibilité, et plutôt attardé. Et aussi, un prédateur. C'est vraiment l'image globale qui ressort de tant de débats internet dans les milieux féministes. De ce que j'en perçois.
En tant que témoin, je ressens et subis cette violence.
Ne dites pas "non ce n'est pas vrai" ou "non, c'est parce que tu comprends mal."
NON. Vous n'êtes pas non plus à ma place. Merci de ne pas tenter de m'expliquer mon propre comportement. Que ce soit irrationnel ou non (c'est certainement des deux), le problème est là.
Peut-être aussi pour ça que je m'épargne habituellement d'entrer dans ces débats, sauf quand je me sens en confiance : quand je sais que je communique avec des individus qui eux même me voient comme un individu, et que l'ensemble est très loin de se résumer à un ou des hommes/femmes contre une ou des femmes/hommes.
Malheureusement ce sujet est trop sensible, INTIME, trop emprunt de vécu pour que je puisse espérer obtenir, et fournir, uniquement des réactions rationnelles : un mot mal adapté, on se comprend mal, le débat se tend, on se prête de mauvaises intentions et puis ça termine avec une aggressivité vraiment dégueulasse des deux côtés.
Mais voilà, cette violence reçue, quand je suis simple spectateur, je la ressens comme une injustice.
Déjà parce que je ne me sens pas "un homme", mais "un individu" à part entière qu'on ne peut pas englober dans la masse. Je ressens certainement un peu la même violence que ressentent les musulmans quand on balance un discours dans le ton du "Vous ne faites pas le ménage entre vous, vous êtes des terroristes potentiels, au moins par passivité.".
Ensuite, parce que je ne me sens pas "homme". Si, en ce moment je me sens "homme". Mais ça n'a pas été le cas dans la majeure partie de ma vie. Dans l'enfance, je me sentais assez non-sexué, comme beaucoup d'enfants je pense.
Dans l'adolescence et jusqu'à récemment, je me sentais intersexué, et même parfois franchement féminin. Pas FEMME, mais féminin, et en tout cas, vraiment pas homme, vraiment pas en phase avec cette dénomination.
Il y avait bien sûr mon ressenti perso, mais il y avait aussi l'image projeté par les autres, à travers des blagues plus ou moins bien ou malveillantes, des comportements, des remarques, etc. J'avais les cheveux très longs, blonds, on me disait d'ailleurs souvent "madame" quand on me regardait vite fait (c'est dur à croire aujourd'hui) des traits enfantins donc doux, une émotivité particulière, certainement des "manières" d'après ce qu'on m'a renvoyé, et je me rends compte que, malgré mon indépendance d'esprit, je choisissais certains de mes amis pour leurs qualités viriles et paternelles, protectrices. Bref, je me reconnaissais beaucoup dans le stéréotype qu'on a dressé de la féminité.
Je ne sais pas comment exprimer ça. Toujours est-il que je ne me sentais pas faire partie de ce groupe des "Ôms" et j'ai eu, et j'ai encore, une relations particulière de camaraderie avec les femmes.
Même si j'en ai eu au moins autant avec les hommes, c'était différent. C'était parmi les femmes que je me sentais le plus entier, compris, épanoui.
Même dans le couple, j'ai eu parfois l'impression que je me retrouvais dans la partie féminine du duo, et ma copine dans la partie masculine. Pas pour tout, mais dans bien des situations.
Aujourd'hui, je me sens plus masculin que féminin. Je n'explique pas pourquoi.
Mais j'ai retrouvé des amis de maternelle / primaire récemment, et même si la franche camaraderie est toujours là, il arrive qu'une personne moins fine insinue que je porte encore une part de féminité. Moi ça me va très bien, je l'assume si elle existe, c'est une bonne chose dans l'absolu. J'ai beaucoup de femmes en haute estime. J'aime les femmes, je veux dire platoniquement surtout, pour tout ce qu'elles sont, comme j'aime les hommes, pour tout ce qu'ils sont. Dans les deux cas, pour leurs fragilités, leur besoin de consolation, leur vision du monde, leurs forces, leur capacité à lutter ou à désespérer, à rire et à parvenir à s'en foutre. Bref, pour tout ce qui fait qu'ils sont des êtres de souffrance, de joie, de questionnement, toute leur humanité.
Je ne peux pas hiérarchiser la valeur d'un homme ou d'une femme, ni sa souffrance, ni rien.
Enfin bref. "Homme", "oppresseur", ce sont des étiquettes que je n'arrive toujours pas à endosser.
Parce que dans les situations décrites, j'ai senti des hommes oppressifs, et aussi des femmes oppressives envers moi et envers d'autres. Parce que quand, dans l'intimité on me raconte des choses, je constate que les histoires de mes amis mâles et femelles n'ont pas cette binarité homme / femme. oppresseur / oppressé, que rien n'est si simple. Rien n'est jamais simple, dans la réalité.
Alors voilà, sentiment d'injustice, d'incompréhension, parfois de colère, et ça me fait souvent du bien de parler à des filles qui m'exposent leurs difficultés sans chercher particulièrement un coupable, j'entre à nouveau en empathie avec elles et la "cause".
Cette oppression systémique est anormale, le sentiment d'insécurité (particulièrement sexuel) est révoltant. Mais le système, ce n'est que la somme des actions positives ET négatives des individus, des hommes et des femmes.
Si je n'avais que le discours féministe, si je n'avais pas eu de mère, de soeur, d'amies, de copines, probablement, j’interprèterais l'ensemble du féminisme comme un machisme inversé, comme une parole militante uniquement, c'est à dire une mauvaise perception intellectuelle, biaisé et incapable d'empathie avec "l'autre", celui qui n'est pas tout à fait identifiable à un archétype féminin dont on se revendiquent.
Parce qu'on a beau dire "féminisme = antisexisme = antipréjugés" etc, ce n'est pas la réalité dans l’application.
Beaucoup de discours dressent un mur entre hommes et femmes, et enfilent des casseroles à ceux qui ne se reconnaissent pas aussi aisément dans les nouveaux stéréotypes et dans la nouvelle binarité.
Je suis un homme blanc, hétérosexuels, cisgenre, et j'ai ressenti que ni "le système patriarcale" ni "le féminisme" ne reconnaissait mon cas, que je n'étais pas privilégié dans le premier (édit : parce que je n'étais pas reconnu vraiment en tant qu'homme à part entière à mon sens, j'échappais aux standards), omis dans le second malgré la théorie, et globalement toujours illégitime dans les faits. Check your privileges, OK, mais à un moment, l'individu prend le dessus sur la condition sociale, le blanc / noir n'est plus possible, et on peut tout à fait être un homme blanc hétérosexuel cisgenre, et ne pas comprendre en quoi on doit se reconnaître dans ces quatre mots, quand on a toujours été en décalage avec plusieurs d'entre eux.
On ne peut pas dir d'un côté "LA femme n'existe pas, chaque femme est un individu, les sexes doivent atteindre l'égalité", et de l'autre "Ton illégitimité est due à ta condition d'homme blanc hétérosexuel cisgenre, donc de privilégié" car à ce moment là, on nie l'individu et on réhabilite un stéréotype.
D'où une colère qui a pu naître à une époque, il y a quelques années, et un gros travail sur moi pour séparer le bon grain de l'ivraie dans tout ça : reste la seule chose de réelle (les bouddhistes comprendront) : la douleur des femmes, qui reste même si on a critiqué l'ensemble des méthodes et du dogme, et qui mérite qu'on continue d'y travailler. Mais le discours n'est pas le féminisme. Le féminisme, pour moi, c'est ça : lutter contre ce malaise des femmes et par la même occasion : veiller à ne pas créer de nouveaux malaises illégitimes.
La méthode (le dogme parfois) n'est pas le féminisme, comme le pinceau n'est pas le tableau. J'ai le droit de ne pas accepter tout dans le discours ou la méthode, tant que je retiens que derrière ces barricades se cache la douleur qui elle, est
incontestable, et à laquelle je tente, à ma petite échelle, de participer toujours moins.
Je ne m'excuse plus pour l'étalage, vous y êtes habitués
Dernière chose, car c'est le plus essentiel : si vous ne l'avais pas perçu, je ne cherche pas à comparer mes difficultés et celles des autres, juste à faire comprendre qu'un discours très borné, extrêmement codifié derrière des concepts monolithiques n'est pas le seul moyen légitime de lutte contre l'oppression systémique, et son tort est que dans les faits, nous sommes certainement nombreux à ne pas le ressentir comme réellement beaucoup plus universel que celui du dominant. Bien sûr on rafistole, on s'en défend, on ajoute des concepts et on s'occupe des approximations, mais le problème au fond, c'est que c'est un tonneau des Danaïdes : on ne pourra pas rassembler, réconcilier, prendre soin des uns et des autres tant qu'on continuera à mettre une barrière entre les deux dans le discours, une classification, une opposition certainement involontaire, mais perçue, j'imagine, par bien d'autres que moi.
L'intention derrière ce pavé moche, c'est qu'on puisse laisser le bénéfice du doute au prochain qui exprime un rejet du féminisme. Il y a des chances qu'il ne soit ni malveillant, ni même aveugle du problème, et qu'échanger (donc ouverture d'esprit + écoute + parole sincère) avec lui permettra de faire évoluer la compréhension mutuelle dans les deux sens.
Une personne rejetée du débat est une personne qu'on braque. Il faudra alors énormément de temps et d'énergie positive pour que sa carapace se brise et qu'il s'ouvre à nouveau à l'échange, et donc à l'évolution de sa manière de voir les choses.
- Spoiler:
P.S. : je remets mon message parce que, même si je n'admets pas la réaction déplacée et "à côté" à mon sens d'Holopherne, son intention est bonne et il mérite une recontextualisation afin de lui éviter un mauvais procès. Il y a évidemment matière à malentendu dans mon message, c'est d'ailleurs (je pense) le fond de ce fil.
Et enfin, je n'ai pas le droit de kidnapper le débat à cause d'un coup de sang.