À mon tour de te donner mon humble avis sur « Nalki, Matricule 307 » – trois ans après sa publication.
Si j'ai attendu si longtemps, c'est qu'avant, je ne touchais pas à la littérature jeunesse. C'est Delf qui, la première, a suffisamment piqué ma curiosité sur ce genre avec son « Nous sommes ceux du refuge » pour que je me laisse tenter. Puis j'ai lu autre chose, le temps a passé… et un jour, je me suis dit : tiens, Molly a écrit des trucs qui ont l'air pas mal intéressants, pourquoi je n'en essaierais pas un ? Alors je me suis procuré « Matricule 307 », parce que quand je commence à lire une auteure, je préfère lire ses romans dans leur ordre d'écriture. Cela me permet de mieux suivre son développement dans la poursuite de son art, et puis les tomes plus anciens n'ont pas à souffrir d'une comparaison un peu injuste avec ceux écrits avec le bénéfice d'une expérience plus approfondie.
Bon, ben, trêve d'introduction (trop longue
) : dans l'ensemble, j'ai bien aimé « Matricule 307 ».
L'intrigue est logique et bien menée. Pas de moment ennuyeux, pas de temps mort. Même au camp de rééducation, là où la monotonie de ce que vivent les personnages aurait pu déteindre sur la narration, tu as mis assez de mouvement avec les conflits entre détenus (Rave et cie), l'entrée des Feyn dans l'orchestre, puis le développement de la relation avec Vladàn, pour qu'on ne s'ennuie pas. L'évasion est bien racontée, avec assez de rebondissements et d'imprévus pour nous tenir en haleine.
Le développement parallèle de la fuite des évadés vers Kolpou et de l'enquête de Vladàn est ingénieux. Tout se termine sur un « cliffhanger » classique mais on ne peut plus efficace : bien sûr, j'ai envie de connaître la suite. Alors bon travail de ce côté-là.
Mais la force principale de ton roman, c'est la psychologie des personnages. Ils sont tout à fait crédibles. Nalki pense, agit et réagit comme un ado, Perle comme une enfant à l'aube de l'adolescence, Vladàn est superbement ambigu. La relation entre Nalki et Vladàn est particulièrement réussie, avec la manipulation du colonel, l'alternance entre la révolte et la soumission de Nalki, les visées malsaines du colonel et de sa fiancée sur l'adolescent…
Ça donne froid dans le dos ! Mais ton dosage est parfait, on suit, on y croit, alors qu'une exagération de ce côté aurait pu nous faire décrocher.
Ton style est beau. Il a une certaine sobriété tout en nous offrant de belles nuances. On tourne les pages sans se lasser.
Le seul bémol que j'aurais est dû au genre de lecteur que je suis. Il concerne le début du roman. J'ai eu de la difficulté à embarquer dans ton histoire pour deux raisons. Primo, je suis le genre de lecteur qui a besoin de repères assez bien établis pour se plonger dans une histoire. Si je connais déjà le contexte (disons historique) de l'intrigue, genre « ça se passe dans l'Allemagne nazie », j'ai pas besoin qu'on me fasse un dessin. Mais si je ne connais pas au départ, j'aime bien avoir quelques pages d'événements et de descriptions qui vont m'aider à m'orienter dans le monde qu'on me présente. Or, tu nous présentes un monde inventé, donc sans repères préétablis, et j'ai eu du mal à m'y retrouver.
Bien sûr, tu nous as donné les détails nécessaires – dictature, tensions avec le pays voisin, etc. – pour qu'on suive les événements, mais j'aurais personnellement eu besoin d'un peu plus de temps pour me familiariser avec la Serdane, le contexte politique oppressant et la façon de vivre des gens, pour vraiment embarquer à fond au moment de l'arrestation.
Deuxio, et cela est relié avec primo, j'ai besoin de connaître un personnage pour m'intéresser à son sort, sauf si je peux m'identifier à lui (parce qu'alors j'ai inconsciemment l'impression de le connaître). Le vieux croulant que je suis
ne pouvant s'identifier à Nalki, j'ai dû apprendre à le connaître avant que les coups du sort qu'il subissait ne puissent me faire ressentir quelque chose. Encore là, l'arrestation est venue un peu trop vite pour moi : Nalki était encore un étranger à mes yeux, Perle encore moins connue, les parents déjà disparus du portrait… cela aurait facilité les choses pour moi si j'avais pu assister à quelques scènes familiales avant que les sbires de l'état ne leur tombent dessus à bras raccourcis. Bon, il faut dire que ton public-cible adolescent n'a sûrement pas eu les mêmes problèmes que moi à ce niveau, parce qu'il n'aura eu aucune difficulté à s'identifier avec les personnages dans cette tranche d'âge. Alors ce commentaire de ma part est à prendre avec un grain de sel.
Et puis j'ai trouvé cela quand même assez intéressant pour persévérer dans ma lecture. À mesure que j'ai appris à connaître Nalki et les autres, à mesure que je me suis familiarisé avec Blache, j'ai découvert que j'avais de plus en plus de plaisir à lire ton roman. Je vivais avec les personnages, je me laissais de plus en plus toucher par ce qu'ils ressentaient, j'embarquais de plus en plus dans l'intrigue…
et je me mettais à remarquer plein de nuances dans ton style, auxquelles j'étais aveugle lorsque j'étais encore occupé à trouver mes repères.
Somme toute, malgré ce bémol qui en dit peut-être plus sur mes besoins particuliers en tant que lecteur
que sur la qualité de ton écriture, j'ai bien aimé lire "Matricule 307", et je peux te dire qu'il m'a donné envie de lire tes autres petits chefs d'œuvres.
J'ai déjà fait de la pub pour ton roman dans le groupe Facebook "Accro aux livres" (près de 50 000 membres, ça ne peut pas faire de tort
). Je vais aller de ce pas lui donner 5 étoiles sur Amazon (si, si, il les mérite) et le partager sur mon site d'auteur (pour le bénéfice de mes 19 abonnés
).