Bonjour à tous,

Vous avez sans doute entendu parler de la censure du roman Bien Trop Petit de Manu Causse en juillet dernier par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin qui l'a jugé trop sexuel pour un jeune public [1]. Il s'appuie sur une loi de 1949 qui permet de censurer des écrits à caractère pornographique à destination des enfants et adolescents. En septembre, un recours a toutefois été déposé par la Ligue des Droits de l'Homme et par l'éditeur pour lever cette interdiction. Affaire à suivre...

J'ai récemment écouté un podcast sur France Culture [2] qui développe pourquoi c'est important de parler sexualité avec nos enfants via les livres. À l'ère de la pornographie accessible en un clic, il semble en effet crucial d'avoir des livres parlant de sexualité aux enfants, pour éviter qu'ils n'aillent se renseigner eux-mêmes sur internet. De plus, il est crucial à mes yeux qu'après Metoo, ils apprennent à respecter leur corps et celui des autres pour prévenir les violences et comprendre la notion de consentement.

En fait, il existe toute une ribambelle de livres à ce sujet [3, 4]. Selon l'âge, ils traitent du corps, de comment on fait les bébes pour les plus jeunes, de la première fois, de la notion de consentement, de viol, d'amour romantique etc pour les ados. Il existe aussi des guides à destination des enseignants pour en parler au mieux avec les jeunes [5]. 

Donc que s'est-il passé pour que le roman Bien Trop Petit ait été censuré ? Quelqu'un ici l'a-t-il eu entre les mains et peut donner son opinion ? Les scènes sont-elles "complaisantes" comme le disait Darmadin ? Y a-t-il des scènes super crues dedans ?

J'ai eu une récente discussion avec des ami(e)s en IRL et j'ai été surprise de voir qu'on n'avait pas du tout le même avis là-dessus, ce qui m'a étonnée, moi qui ai lu l'Amant de Duras, les BD érotiques de Serpieri ou même Justine du Marquis de Sade (chipés dans la bibliothèque de mes parents) à 15-16 ans.

Vous en pensez quoi, vous, de la sexualité dans les livres jeunesse ? Qu'il est intéressant pour les enfants et ados de lire des livres abordant la sexualité ou êtes-vous plutôt contre ? Vous en achèteriez pour vos enfants ou vos ados ?

Je me disais que ce serait intéressant d'avoir le point de vue d'auteurs.

Sources :

Spoiler:

Mika a écrit:

(...) c'est important de parler sexualité avec nos enfants via les livres. À l'ère de la pornographie accessible en un clic, il semble en effet crucial d'avoir des livres parlant de sexualité aux enfants, pour éviter qu'ils n'aillent se renseigner eux-mêmes sur internet. De plus, il est crucial à mes yeux qu'après Metoo, ils apprennent à respecter leur corps et celui des autres pour prévenir les violences et comprendre la notion de consentement.

Voilà, ça résume parfaitement mon avis sur la question. J'allais ajouter quelque chose, mais ça ne ferait que paraphraser puisque tout est dit x)

Je n'ai pas lu ce livre qui a été censuré mais je ne fais absolument pas confiance à darmachien ni à sa clique de dégueulasses pour avoir un avis sensé sur le sujet alors à mon avis, s'ils l'ont censuré c'est que c'était un bon texte, mais trop "wokiste" pour leur petits yeux sensibles. A côté de ça on continue de vendre de la dark romantasy au rayon YA et ça ne choque personne. C'est sûr qu'il vaut mieux maintenir les jeunes filles dans l'idée qu'une relation amoureuse doit être hétérosexuelle et construite sur la base d'un rapport dominant-dominée.

Du coup pour répondre à tes questions :

Citation :

Vous en pensez quoi, vous, de la sexualité dans les livres jeunesse ?

C'est indispensable, pourvu que ce soit porteur des bons messages.

Citation :

Qu'il est intéressant pour les enfants et ados de lire des livres abordant la sexualité ou êtes-vous plutôt contre ?

Je suis pour, du coup, encore une fois sous condition que ça ne véhicule pas d'idées nauséabondes ou simplement faussées/éculées.

Citation :

Vous en achèteriez pour vos enfants ou vos ados ?

Si j'en avais, oui. ^^ J'aurais aimé avoir accès aux bonnes infos quand j'étais ado, voire enfant. ça m'aurait aidée sur bien des points, à comprendre bien des choses et à dire non à certaines. Si j'avais des enfants je me battrais pour leur donner cette possibilité.

Le livre c'est vraiment un trop chouette outil pédagogue, vu une enseignante discuter de consentement avec un petit groupe de filles (ct CM1 je crois je sais plus) à la bibliothèque, dans ces moments où les élèves se baladent, après la lecture, et où la frontière enseignant-eleve prend une autre dimension puisque dans un lieu neutre et cozy.

Moi mes parents m'avaient acheté Le guide du zizi sexuel de Zep (vers 8 ans je crois) mais m'avaient laissé autonome avec ça. Je ne me souviens plus trop du contenu, je crois que ct pas trop mal, mais en fait j'aurais aimé préféré pouvoir en discuter ou partager quelque chose, puisque cette initiative m'a pendant fait longtemps pensé (et re-enforcé) l'idée que ct qq chose quand même tabou, que ct un savoir à apprendre par soi même et à garder pour soi, et je crois que j'avais un peu honte aussi - de le recevoir ainsi. Bref je pense personnellement qu'il y a peut-être une part d'autonomie à laisser, mais vraiment un livre ne suffit jamais, il faut une parole, il faut un partage, une transmission, même si on dit juste la même chose que le livre. C'est dur de se sentir seul à cet âge face à ces questions.

Une intervention vite fait, je développerai ce soir, mais dans l'article donné en référence [1], un des extraits incriminés est un fantasme du personnage... et c'est une scène d'agression sexuelle (une personne essaye de s'enfuir, on la retient et on lui arrache son corsage).

On n'est pas sur un texte "trop woke" selon ma définition... x)
Est-ce que le livre dénonce ça plus tard, je ne sais pas, je ne l'ai pas lu, mais sans contexte, je ne suis pas fan.

Flora a écrit:

Une intervention vite fait, je développerai ce soir, mais dans l'article donné en référence [1], un des extraits incriminés est un fantasme du personnage... et c'est une scène d'agression sexuelle (une personne essaye de s'enfuir, on la retient et on lui arrache son corsage).

On n'est pas sur un texte "trop woke" selon ma définition... x)
Est-ce que le livre dénonce ça plus tard, je ne sais pas, je ne l'ai pas lu, mais sans contexte, je ne suis pas fan.

En effet, et c'est difficile à dire, quand le passage est totalement sorti de son contexte et n'était probablement pas prévu pour. Sur ce roman en particulier je ne peux vraiment pas donner d'avis dans un sens ou dans l'autre puisque je ne l'ai pas lu, mais de manière générale, il y a toujours ce deux poids - deux mesures qui devient vraiment insupportable.

Et je suis d'accord avec toi Noxer, l'idéal c'est toujours le partage, mais c'est pas toujours évident, en tant que parent ou simple adulte de l'entourage de trouver les bons mots, de trouver les mots tout court pour cette chose qui reste assez taboue et souvent embarrassante pour pas mal de monde. Et en premier lieu pour les ados, d'ailleurs ! C'est toujours plus confortable de s'informer seul.e, à son rythme, en toute intimité, tout particulièrement dans cette période très délicate du développement.

Pour rebondir sur ton message, Flora, j'avais lu quelques interventions d'auteurices ; l'extrait incriminé est un passage de fanfic (le personnage principal écrit sur internet, comme nous <3 ), et le dispositif narratif fait en sorte, de manière non équivoque, que ces fantasmes soient mis en perspective. Si je me souviens bien, le livre propose une véritable réflexion sur la construction des fantasmes sexuels à l'adolescence, leur intégration d'une grande part de violence et de préjugés. Donc a priori le dispositif narratif fait dire absolument l'inverse de l'extrait.

(Noxer, mes parents avaient eu la même approche ahah – j'étais restée terrorisée à l'idée que le baiser n'était pas, comme je le croyais en voyant des films, un chaste baiser posé sur les lèvres, mais un échange de salives, qui à l'époque me semblait très peu hygiénique – ce livre de Zep aura été l'introducteur à la sexualité d'une part non négligeable de notre génération)

Pasiphae : très intéressant, merci !

Merci pour ton article très bien documenté et référencé.

Dès que le livre a été censuré, on l'a commandé, pour protester de cette décision inique et pour le lire et voir ce qu'il en est (j'ai déjà mon idée mais je voudrais la confirmer).

J'ai prévu de le lire bientôt (pour l'instant il est dans la chambre de mon fils aîné).

Mika a écrit:

Bonjour à tous,
À l'ère de la pornographie accessible en un clic, il semble en effet crucial d'avoir des livres parlant de sexualité aux enfants, pour éviter qu'ils n'aillent se renseigner eux-mêmes sur internet.

Le fait d'en parler ou de mettre des livre à disposition n'a pas évité chez nous qu'ils aillent voir sur internet. L'intérêt c'est qu'ils y vont avec des clés de lecture ce qui leur permet de prendre du recul sur les scènes porno.

La dernière étude publiée par l'ARCOM montre forte progression des fréquentations de sites adultes par des mineurs : +36% en 5 ans. Selon le genre et l'âge: chez les 12-13 ans: 51% des garçons et 33% des filles.
A mon avis, c'est plus compliqué pour les parents de donner des clés de lecture à cet âge là que plus tard (vers 15-16 ans).

Source:

Avec tout ce que j'ai comme problèmes avec mes ados (cf le topic qui va bien) je pense que j'ai plutôt réussi la difficile tâche de l'éducation sexuelle (sécurité, consentement). Avec une maman sage-femme et une grand-mère bénévole au planning familial, je n'ai jamais abordé la sexualité sous le prisme des choux, des roses et des abeilles.
Mes filles osent venir me poser leurs questions, parfois très terre-à-terre, parfois plus philosophiques.
Nous avons un certain nombre de ressources à la maison, mais le livre qui fait référence pour mon ado de 15 ans est :
https://www.fnac.com/a11187166/Chusita-Ceci-n-est-pas-un-livre-de-sexe

(Mais c'est pas pour les 7-8 ans, entendons nous).

Perso, je pense que c'est assez important d'avoir des livres qui traitent de sexualité pour les enfants/ados.

Parce que les jeunes, curieux ou non, vont être exposés a des œuvres traitant de sexualité, c'est un fait. Que ça soit dans les livres vus en cours de français, les bédés, les mangas, les jeux vidéos, les animés, les films mainstream... c'est omniprésent. Et nombre d’œuvres, notamment produites au japon, sont, de fait, des œuvres érotiques/softcore porn à destination des jeunes ados.

Et ça ce n'est que pour ce qui est accessible sans que les parents n'y voient aucun mal parce qu’eux même baignent là dedans.

Par dessus ça, il faut rajouter le porno sur internet qui n'a, pour ainsi dire, aucune barrière, pour être consulté. Perso, j'ai du trouver du porno sur internet autour de mes 12 ans. Et c'était à la campagne, avec un internet qui était une chiasse absolue et sans accès à un téléphone qui peut naviguer. C'était déjà enfantin de trouver du porno pour un gosse en 2006, je vous laisse deviner maintenant.

Et c'est quelque chose que l'on ne peut pas contrôler. Il est impossible de décider de ce à quoi des jeunes qui passent 8-10h par jour entre eux vont être exposés comme média. La seule chose que l'on puisse faire, c'est s'assurer qu'ils y soient préparés.

Autant avoir des œuvres pensés pour eux qui font dans l'éducatif et offrent une certaine rambarde. Une découverte de la sexualité avec des roulettes en somme.


Alors pourquoi cette censure en particulier ? Parceque Darmanin fait du Darmanin, clientélisme réac ou contre feu pour une autre affaire, je ne pense pas que ça soit un projet construit plus qu'une occasion portée à lui et saisie.

Donc oui, vive les initiatives du genre, "Le guide du zizi sexuel" est peut être la plus connue et peut être très utiles pour des jeunes en train de construire leur sexualité.

Maxaler a écrit:

Mika a écrit:

Bonjour à tous,
À l'ère de la pornographie accessible en un clic, il semble en effet crucial d'avoir des livres parlant de sexualité aux enfants, pour éviter qu'ils n'aillent se renseigner eux-mêmes sur internet.

Le fait d'en parler ou de mettre des livre à disposition n'a pas évité chez nous qu'ils aillent voir sur internet. L'intérêt c'est qu'ils y vont avec des clés de lecture ce qui leur permet de prendre du recul sur les scènes porno.

+1, leur donner les outils pour avoir le recul nécessaire face à la pornographie et comprendre qu'il ne s'agit pas de LA sexualité.
Les chiffres ne m'étonnent pas. Je me souviens que petite, dès le CM2, les garçons de ma classe blaguaient/échangeaient déjà au sujet de scènes porno.

Ma curiosité vis-à-vis de mon corps a commencé tôt, à l'âge de 7-8 ans, et je sais que le sexe était un tabou immense pour mes parents. J'aurais aimé avoir facilement accès à des supports à l'école ou ailleurs pour pouvoir me faire mes connaissances de manière autonome.

Finalement, c'est plus tard autour de 13-14 ans, grâce à un feuillet du planning familial trouvé au hasard que cette éducation a pu se faire pour ma part.
(Entre temps, j'avais subi des agressions sexuelles d'un membre de ma famille sans pouvoir les nommer ou me dire qu'elles étaient anormales. L'arrivée de mes règles avait aussi été une honte et un traumatisme.)

Je sais que beaucoup de femmes sont dans ce cas. Et c'est tout sauf normal.

Il me paraît indispensable et sain de parler aux enfants à minima de comment fonctionne leur corps et de consentement pour les protéger. Ah oui, et très important de représenter aussi des personnes non-blanches, que tout le monde se sente inclus.

Quand on sait qu'un quart des auteurs supposés de violences sexuelles sont des mineurs il me semble évident qu'il est non seulement souhaitable, mais nécessaire d'aborder la question de la sexualité chez les jeunes. Et même, quand on sait que la moyenne d'âge des auteurs mineurs est de 14 ans, qu'il est nécessaire de l'aborder chez les enfants. Toute forme de média qui peut se prêter à de la prévention doit à mon sens proposer des oeuvres qui le  fassent.

L'éducation à la sexualité, si elle n'est pas faite dans un cadre éducatif, se fera par le biais de la pornographie ou d'une transmission orale / reproduction d'actes qui proviennent des "grands" dans la fratrie ou a cour de récré.

J'estime que militer contre la représentation encadrée et saine de la sexualité pour la jeunesse est criminel.

Ces livres représentant la sexualité sont bien évidemment à distinguer des saletés perverses que certains auteurs détraqués essaient de faire passer pour de l'art subversif alors que ce n'est qu'un étalage de fantasmes abominables (on les voit, les auteurs bien connus invités à Angoulême protégés dans leurs délire par le milieu, ou les célébrissimes mangakas qui s'étonnent d'être hués en convention ).

Je pense comme vous. Je crois que parler sexe permet d'avoir une sexualité plus saine. D'ailleurs, la plupart des discussions se font justement à cet âge-là (étant mineur), donc autant fournir des informations correctes plutôt que faire son éducation sexuelle avec des vidéos pornos craignos ou des livres pour adultes.

Il existe en effet toujours beaucoup de tabous dans certaines familles (dont la mienne). Avoir ses règles pour la première fois, ça a été la bérézina pour beaucoup d'entre nous. Pourquoi ne pas en parler avant, pourquoi ne pas nous informer, c'est incompréhensible. Il n'y a rien de gênant, au contraire. Et ce n'est qu'un exemple. Je trouve ça bizarre que certaines personnes soient contre ces livres, alors qu'ils permettent au final d'éviter pas mal d'ennuis.

J'ignorais qu'un quart des agressions sexuelles étaient perpetrées par un mineur, j'ai lu l'article, merci pour le partage. Ça montre d'autant plus l'importance de lire des livres à ce sujet à cet âge.

Quand j'étais non-pubère, je lisais beaucoup de livres pour plus grands que moi. La sexualité dans les livres me semblait bizarre, inintéressante. Je captais pas pourquoi on en faisait un tel bazar. Je me disais que c'était un truc sérieux de grands, comme la fiscalité, les romans noirs et le café.
Cette incompréhension était totale, je ne comprenais pas non plus pourquoi la pudeur par exemple. Pourquoi cacher mon sexe et pas ma main ?
Je pense que j'aurais aimé avoir des livres qui en parlent à ma hauteur. Je n'en avais que des échos adultes et adolescents, c'était un autre langage, je ne saisissais pas, et je ne savais même pas ce que je ne saisissais pas.

Concernant ce sale voleur de Darmanin, peut-être qu'il a peur que des enfants mieux éduqués fassent de futures victimes moins faciles

Je voulais partager avec vous cet email reçu il y a peu au sujet de la sexualité dans les livres jeunesse :

(alors pourquoi j'ai reçu ce spam, mystère... )

Pour protéger les enfants, traumatisés par leur cours d'éducation à la sexualité, soit-disant :

Spoiler:

Comme quoi...