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 Récit de Bullshitjob

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Alina L.
   
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Alina L.  /  Gloire de son pair


Mon pire bullshitjob : un centre d'appel où je devais poser à des gens des questions sur la Skoll, afin d'affiner le marketing ou que sais-je encore.

Je suis professeur de français et, parfois, j'ai l'impression que c'est un bullshit job de base. Apprendre l'orthographe aux gamins : de toute manière les méthodes sont mauvaises, entre ce qui leur servira plus tard et ce qui leur servira pour le brevet, il y a parfois un écart. Les sensibiliser à la littérature : fantastique, est-ce que moi même la littérature m'a vraiment sauvée de quoi que ce soit? Sans compter la discipline de fer qu'on doit sans cesse exercer sur eux pour leur soutirer de précieuses minutes d'attention...Parfois je pense à la réorientation. Sauf que : pour faire quoi? Comment trouver le temps de la formation? Est-ce qu'à mon âge avancé l'apprentissage est encore possible? Serais-je capable de renoncer à mon modeste niveau de vie et de repartir au RSA le temps de me réorienter? Père approuverait-il ma décision?

Je suis sûre que plein d'occupants de bullshits jobs se posent exactement ces mêmes questions.
 
Nuage-Rouge
   
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Nuage-Rouge  /  Tapage au bout de la nuit


Citation :
Est-ce qu'à mon âge avancé l'apprentissage est encore possible? Serais-je capable de renoncer à mon modeste niveau de vie et de repartir au RSA le temps de me réorienter? Père approuverait-il ma décision?

Je suis sûre que plein d'occupants de bullshits jobs se posent exactement ces mêmes questions.
Force à toi, à mon avis il faut prendre ce qui fait sens et le reste, il faut le mettre à distance critique, le resignifier pour soi même après la désillusion, changer la perspective et l'idéal, comme une lanceuse d'alerte, une journaliste, une sociologue qui étudierait son propre milieu en tant que partie prenante. Prendre sa part de responsabilité et laisser sa part à l'institution qui nous oblige. L'étude critique devenant un moteur de sens en elle même, dans le non sens apparent du travail ou de certains aspects. Un objet d'intérêt en soi.  Jusqu'à trouver un nouvel équilibre, ou possiblement trouver une autre voie ou alors que ce compromis ne soit vraiment plus tenable et rompre. En tout cas il faut trouver une manière de donner un sens à ses contradictions. Il ne faut pas non plus se sacrifier de manière irraisonnée je pense, on peut se dire que la place qu'on occupe n'est pas folle, est paradoxale (qui ne l'est pas ? : "Ne pas tenir compte outre mesure de la duplicité qui se manifeste dans les êtres. En réalité, le filon est sectionné en de multiples endroits. Que ceci soit stimulant plus que sujet d’irritation" écrit un poète), mais avec la conscience et la lucidité désabusée, c'est p-e toujours mieux que ce soit soi qui l'occupe que quelqu'un d'inconscient de cette réalité et d'irresponsable vis à vis d'elle. C'est p-e insatisfaisant mais ça peut permettre de tenir bon, un peu... Et après ? Il n'y a pas d'âge pour apprendre.
 
Mariolo
   
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Mariolo  /  Tapage au bout de la nuit


Mardi a écrit:
J'ai fait de la distribution de pubs aussi pendant deux-trois semaines quand j'étais étudiante et je plussoie, c'est vraiment un bullshit job par excellence. ça n'apporte rien à personne et je pense même que ça a plutôt un côté nocif que simplement neutre, sur plein d'aspects.

Sinon, j'ai travaillé quelques années dans l'assurance qualité en industrie. Je ne considère pas ça comme un bullshit job parce que c'est un maillon indispensable de la chaîne mais clairement, il y a plein de bullshit tasks dont on pourrait largement se passer, et la plupart sont induites par les obligations de certification CE et ISO. Là encore, certains aspect de ces certifications revêtent un caractère indispensable à la sécurité des travailleurs et des produits finis mais on pourrait enlever un bon trois quarts des exigences de chaque norme ISO sans que ça affecte négativement les process (au contraire, y'a certains chapitres, on voit vraiment qu'ils ont été pondus par des purs bureaucrates qui n'ont jamais mis les pieds dans une usine... ou même dans la vraie vie. Je pense qu'on pourrait aller sérieusement creuser de ce côté pour trouver des bullshit jobs).

Merci pour le témoignage, c'est chouette parce que justement c'est ce genre de taf qui moi me sont complètement étrangers. J'aime bien le terme Bullshit task.
Tu crois que tu pourrais nous en dire plus, être plus précis, avec un exemple peut être.

À priori ton témoignage révèle plusieurs choses, notamment le rôle des petits chefs et le fameux clivage public/privé.
Tu parles de normes, ou de certification, et je pense que pour bcp, ils seraient tentés de dire : fait chier l'État, à cause de lui on doit faire ci ou ça. Alors que éventuellement une norme ou une certification est légiféré par l'État, mais ne vient pas de lui à 100%. Tu parles de sécurité du travailleur, y'a pas que l'État qui s'en soucie, chez nous au taf, c'est surtout l'assureur qui s'en soucie.
Pareil pour les normes en électricité par ex, peut être que c'est l'État qui les impose, peut être aussi les assureurs, peut être aussi les industriels pour vendre plus de trucs, ou avoir un prétexte pour faire un produit plus cher...
En fait y'a une telle intrication du public et du privé, que la croyance populaire et un peu aussi l'idéologie libérale de plateau télé, qui disent que la bureaucratie est du fait de l'état est au minimum un mensonge, au mieux un non sens.
Par contre Graeber estime que éventuellement, ds le public, un bullshitjob sera moins surveillé que ds le privé, en gros, ds le privé, y'a plus de contrôle, de surveillance, ça sera plus compliqué et plus stressant, il faudra faire semblant de bosser, ds le public, y'a plus moyen de passer du temps sur Jeunes Écrivain.es que ds le privé.

Donc ds le genre bullshit task, si tu pouvais nous en dire plus ça serait cool.
L'un des problème des petits chefs, c'est le côté : fo justifier sa place et son salaire, du coup, quand un manager arrive quelque part (et ds certaines milieu à certains niveaux, chef d'atelier chez nous, manager de magasin chez Lidl par ex, y'a un changement de manager tout les cinqs ans- on pourrait revenir sur l'intérêt de faire ça), il va être tenter de modifier des trucs, de faire quelque chose, d'agir quoi, et parfois juste pour montrer qu'il sert à quelque chose. Et ça, ça doit jouer à tout les niveaux hiérarchiques. Est ce que tu crois que certaines bullshit task ont comme cause, la volonté de montrer qu'on sert à quelque chose de la part d'un responsable hiérarchique ?

Édit : la pub, le démarchage commercial, téléphonique, les études de marché... Le nombre de gens qui ont l'impression comme vous d'être profondément nuisible, pas forcément de servir à rien, mais de surtout, concrètement, servir à faire chier les gens, ou participer à leur manipulation.
 
Mariolo
   
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Mariolo  /  Tapage au bout de la nuit



@nuage rouge. Salut camarade spécialiste des pavé numérique (albatard des fois) ET dialectique.

##### Perso j'ai déjà eu cette sensation de bullshit job dans plusieurs circonstances. Et je pense que le concept doit permettre de qualifier des situations "bullshit" plus que des jobs en particulier, car ce sentiment peut arriver selon les circonstances et les injonctions liées au fait que pratiquement personne, dans l'économie capitaliste, n'est maitre de son travail, de la manière de le faire et d'en rendre compte, parasité par les employeurs qui décident avant tout des conditions d'exercice. ####

Oui je suis d'accord que le concept s'applique aussi bien à un taf ds son ensemble, qu'à une partie d'un taf : bullshitisation (comme souvent dénoncé ds l'enseignement supérieur -recherche) ou les bullshit task comme dit Mardi
Après le truc plus complexe c'est les jobs utile pour des trucs complètement inutile, comme les agent.es d'entretien pour les centres d'appels téléphoniques, ou même un ou une RH
pour le même centre. Si eux, ne peuvent se dire BSJ parce qu'iels sont utiles (ménage ou versement des paies ), il n'empêche qu'iels viennent gonfler la part de l'économie, la part de temps humain consacré à des activités inutiles ou surtout nuisibles.


Herbes folles:

Donc un de mes premiers boulots a été de tondre un immense terrain vague pour l'entreprise dans laquelle le père d'un pote avait une bonne place. C'était du terrain inutilisé qui jouxtait l'usine de composant, dans laquelle mon pote avait lui aussi un petit boulot d'été.#####

Un mélange de larbin et de cocheurs de case, je dirais non ? À la fois tu donnes du prestige au keum qui te donne des ordres, et à la fois tu valides son utilité, sa légitimité, keum qui est sans doute un petit chef.


#####Le café clandestin:
Sinon j'ai fait aussi "gardien d'immeuble" l'été dans un quartier HLM. ça consistait à passer dans les étages des immeubles tous les jours pour vérifier qu'il n'y avait pas d'ampoules grillées, sans avoir pour autant le droit de les changer le cas échéant. Bien évidement il est très peu probable qu'une ampoule, et encore moins plusieurs, grillent d'un jour à l'autre si bien qu'une vérification aussi régulière parait assez vite vide de sens. Aussi c'était laver les poubelles, vite fait, en fait passer de l'eau et balancer une dosette de produit chimique odorant. Normalement c'est une fois par semaine, mais comme on avait vite fait le tour ça arrivait qu'on lave plus que ce que les gardiens titulaires ont l'habitude de faire. D'ailleurs il parait que certains se contentaient de jeter des dosettes. Sinon enfin à laver quelques parties communes et veiller au non encombrement des caves.
On en a même profité pour effectuer des tâches de débarrassage d'encombrants qui s'étaient accumulés dans un hangar de stockage pendant plusieurs mois ou années, et désencombrer quelques point d'accumulation dans certaines caves. Certains gardiens laissaient plus que d'autres s'accumuler des trucs dans les caves dont ils ont la responsabilité si je me souviens bien.
Les habitants nous disaient parfois que ça faisait bizarre de voir autant les gardiens et que les poubelles sentent bon etc.

Bref, certains gardiens titulaires avaient la réputation de "ne rien faire", mais avec des tâches aussi redondantes, insignifiantes et ingrates, peut on leur reprocher ? Moins il y a à faire, moins il y a de sens à faire, et moins on en fait, surement. Nous on était là ponctuellement, on avait l'énergie de ceux qui découvrent le milieu, qui sont là pour passer, et qui ont encore la foi de bien faire le peu qu'il y a à faire, le peu qui fait sens.

Une fois qu'on avait fait ça on passait plus de temps dans les locaux de gardiens, dans les caves à boire des cafés solubles et discuter de rien. Ca et le fait que chaque journée commençait globalement par 1h de pause café, et finassait souvent en pause café dans une cave (sans oublier auparavant la pause café d'après pause déjeuné), on buvait des cafés de local en local en changeant de cave, puis enfin, on sortait pour attendre au lieu d'embauche et débauche, attendre l'heure pile où on pouvait partir, devant l'horloge.
Cette impression d'être prisonnier du temps de travail à rien faire juste pour pouvoir revendiquer une paye, alors qu'on aurait pu passer tout ce temps à faire autre chose, à partir plus tôt ou arriver plus tard, notre travail n'aurait pas été moins bien fait. Absurde. Bullshit pour une grande part donc.######

Il est plus compliqué celui la, parce que clairement y'a une part importante et utile, qui ne nécessite pas d'être occupé toute la journée, mais est ce que vous deviez vous cacher pour glander, ou une fois votre taf effectué, vous pouviez très bien bouquiner ou autre ?
Ça, ça va nous conduire vers une grande partie de développement de Graeber, c'est comment on est arrivé d'un système ou un travailleur vend son travail, à un système ou un travailleur vend son temps à un autre individu, concept qui aurait paru totalement absurde à une certaine époque.


######
Projet d'animation : pas moyen mais passion...:
Dans un autre registre, en animation périscolaire j'ai ressenti un peu de bullshit dans les injonctions des directions à justifier formellement les animations qu'on proposait, à justifier le caractère ludique ET pédagogique (MDR), sans jamais vraiment être clair sur comment concilier ces deux aspects plutôt contradictoires. Une manière de se donner des airs d’accueil éducatif dans la continuité de l'école, plutôt que de vulgaire loisir. Aussi à établir des temps de préparations toujours insuffisamment quantifiés, jamais accordés de manière pratique, en amont ou en fin des temps (pour ranger ou préparer par ex), devant se faire sur le lieu de travail mais sans espace dédié au périscolaire dans l'école par exemple, avec aucune flexibilité dans la possibilité d'acheter ou se faire rembourser du matériel, juste en commandant 2 fois dans l'année dans un catalogue, des trucs sur le mode "ça pourrait servir"..., en devant pondre des programmes d'animation pour tout un trimestre en 2h, alors qu'on sait tous et toutes qu'on prépare nos activités chez nous devant l'ordi, souvent d'une semaine à l'autre voire de la veille pour le lendemain, ce qui n’empêche pas que l'activité soit réussie et qu'elle plaise aux enfants.
Mais il y a toujours ce truc de flicage qui fait qu'on ne veut pas payer un animateur ou une animatrice à faire du travail chez elle, qu'on veut qu'il justifie l'intérêt de son animation comme si l'animation ne pouvait pas se justifier par elle-même, par le fait qu'elle fonctionne. Non elle doit s'inscrire dans un "projet" d'animation blabla que la mairie vend aux parents pour faire passer la pilule du coût exorbitant de l’accueil, sans que les conditions de mise en oeuvre soient vraiment réunies, ou alors elles reposent sur le bénévolat et le dévouement des animateurs et animatrices, voire sur une forme de loyauté, de devoir qu'ils se font envers les enfants. Alors que ce sont déjà des travailleurs mal considérés, sous payés, contraints au temps partiel complétement éclatés sur l'ensemble de la journée. Il faut être dispo toute la journée mais pour être payé seulement quelques heures. Il faudrait s'investir complètement alors qu'on y est que partiellement. De quoi faire perdre un certains sens du travail, de quoi rentrer en résistance, faire oui oui d'un côté mais s'auto-organiser de l'autre et baisser les attentes.

Bref, pas mal de bullshit dans le périscolaire, pas dans le fait d’accueillir des enfants et de leur proposer des activités, mais dans la manière dont l'encadrement cherche à contraindre, planifier et contrôler le travail d'animation, tout en ne donnant pas de moyens matériels et humains d'exercer dans de bonne condition, et très peu de considération et de rémunération. La précarité à tous les niveaux.######

Oui, bullshitisation par l'injonction du projet, parce juste faire passer du bon temps au gosse c'est pas un projet qui mérite un financement, et comme il faut bien donner une utilité à toute une hiérarchie de coordinateurs, de chef de service, de projet, de ceux qui analysent les projets pour accorder les subventions et de leur chef à eux... Tout un secteur de gens titulaire d'un master ou autre truc d'animation en ingénierie social, tout un pan de l'éducation supérieure dépend de ce système de projet et de concurrence entre structure.


#####
...En quelque sorte on habitue, même si c'est pas volontaire, les étudiants au bullshit dans les job qui les attendent...######

Ah mais tellement, le côté disciplinaire des bullshitjob, qui ajoute l'humiliation à la pénibilité.
Graeber cite un témoignage à un moment : des ouvriers agricoles qui n'ont pas toujours de quoi s'occuper, et par rage de les voir rien foutre, leur patron les faisait ramasser des cailloux ds un champ. Juste pour pas les payer à ne rien faire.


 
Mardi
   
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Mardi  /  Panda de Bibliothèque


Bon alors... tu me demandes d'aller chercher dans des souvenirs qui remontent à plus de dix ans, le challenge Laughing

Il faut que je commence par rectifier mes propres propos : la certification CE est une obligation avant la mise sur le marché de n'importe quel produit sur le territoire européen, par contre les certifications ISO sont volontaires. Mais bon, si tu veux être pris au sérieux et certifier la qualité de tes produits, t'es quand même quasi obligé de passer au minimum par la case ISO 9001 et, dans le cas de mon premier employeur qui fabriquait des dispositifs médicaux, l'ISO 13485.
ça fait une décennie que je n'ai pas mis le nez dans ces textes (et j'ai pas envie de sortir mon classeur de 15cm d'épaisseur qui m'a été fourni lors de ma formation d'auditrice What a Face ), mon dernier job en qualité ayant été très porté sur le terrain et la relation client et pas du tout sur la certification à proprement parler, alors je ne saurais plus de dire exactement quels chapitres relevaient du bullshit.
Par contre, je me souviens quand même de quelques bullshit tasks de type :
- passer tous les ans des semaines entières à auditer chaque service (qu'on appelle processus dans le cadre des certifications ISO) pour s'assurer qu'ils suivent bien, point par point, toutes les exigences de la norme (des deux normes que nous suivions, d'ailleurs, mais qui se rejoignaient sur pas mal de points, ouf). ça donnait lieu ensuite à des rapports d'audit interminables, très répétitifs, et à des plans d'action à faire signer par chaque acteur du processus, les chefs, le patron et la responsable AQ. Plans d'actions dont personne n'avait rien à cirer parce que les trois quarts des points d'amélioration était aussi wtf que le chapitre de la norme dont ils étaient issus. Du coup, l'année suivante, quand on repartait en audit, ô surprise on retrouvait les mêmes faiblesses dans le processus, on réécrivait le même rapport et on partageait le même plan d'action, et ainsi de suite ad vitam.
- toutes les x années (je ne sais plus si c'est 2 ou 5 ans), un organisme extérieur de certification venait nous faire exactement le même audit que ce que nous faisions tous les ans pour nous dire exactement les mêmes choses que nous nous disions nous-mêmes tous les ans.
- nous-mêmes allions régulièrement (parfois même jusqu'en Chine) chez nos fournisseurs de matières premières pour les auditer et leur dire comment faire leur boulot lol (nous faisons clairement office de petits chefs, dans ce cas précis What a Face )
- la norme ISO 13485 exigeait que la moindre création et même modification de produit passe par tout un processus de R&D ultra documenté. Genre, nous fabriquions entre autres des compresses de gaze pour le bloc opératoire stérilisées à la vapeur. Nous avions des versions en simple emballage et en double emballage. Si nous souhaitions créer, par exemple, une version simple emballage avec 10 compresses dedans alors que nous n'avions jusque-là que les versions 2 et 5 compresses, c'était le même processus de A à Z que de créer de toutes pièces une trousse opératoire spéciale chirurgie cardiaque. Donc, pour créer un paquet de compresses en tous points identique à une dizaine de nos produits sauf qu'il y avait 10 compresses au lieu de 5, je devais passer trois jours à documenter tout un dossier de création de référence produit, à faire signer à chaque étape par chaque personne concernée (aka le demandeur, le chef du demandeur, moi, ma cheffe (la responsable AQ), le directeur des ventes et le directeur général What a Face ). C'était vraiment passionnant.
- en cas de réclamation client (nos clients étaient essentiellement des hôpitaux, côté bloc opératoire, donc en général, nous avions des coups de fil d'infirmières de bloc très vénères parce qu'elles s'étaient fait pourrir par des chirurgiens très vénères parce qu'il y avait un microfil qui dépassait d'une compresse. Alors oui, c'était de l'invasif donc très sensible, mais bon, y'avait vraiment zéro mesure entre la gravité du défaut et l'ampleur du mécontentement, la plupart du temps... bref), le moindre micro-défaut, même cosmétique (ce qui était le cas la plupart du temps, j'exclus ici les défauts critiques mettant en jeu la bonne marche d'une chirurgie et/ou la santé du patient), devait faire l'objet d'un investigation en bonne et due forme, d'un rapport de non-conformité pour signaler aux opératrices qu'elles avaient laissé passer un micro-défaut sur les kilomètres de gaze qu'elles voyaient défiler chaque jour, d'un courrier d'explications et d'excuses au client (qui n'en avait rien à foutre mais ils avaient l'obligation de signaler tout défaut, tout comme nous avions obligation de leur répondre), avec éventuellement un paquet de compresses gratos joint au courrier (lol). Enfin dans l'absolu le dossier de traitement de réclamation était indispensable à la traçabilité de nos produits mais dans les faits, les 99% du temps c'était vraiment que du blabla et de la perte de temps sur des défauts qui n'avaient absolument aucun impact potentiel sur la santé des patients (tableau de gestion des risques à l'appui, là aussi on avait un processus contenant 75% de bullshit).
Voilà, je pense qu'on est pas mal en termes d'exemple ^^
Pour le marquage CE qui lui est obligatoire, c'était un peu le même principe sauf que c'est une auto-certification. En gros, il suffit de pondre plein de mots sur plein de feuilles de papier et hop, t'as ta certification. y'a des vérifications bien sûr, mais... vraiment, la certification CE, dans les faits ce n'est pas un gage infaillible et objectif de qualité. Dans certains cas, nous devions recevoir l'aval de l'AFSSAPS / ANSM, mais à part ça, c'est essentiellement de la paperasse en interne.

Citation :
Est ce que tu crois que certaines bullshit task ont comme cause, la volonté de montrer qu'on sert à quelque chose de la part d'un responsable hiérarchique ?
Pas dans ce cas, non, on était vraiment esclaves des normes et règlements et du coup notre temps était bien rempli par ça, pas besoin de se trouver de fausses tâches pour donner l'impression que nous méritions notre salaire, la sacro-sainte norme ISO s'en occupait pour nous Laughing

Par contre, il n'y avait pas de "petits chefs", mais nous étions aussi une structure relativement réduite (80 personnes dont un bon trois quarts en production. Clairement, on n'avait pas la place et les moyens pour les petits chefs, à part peut-être le DG, qui arrivait comme une fleur à 10h, repartait à 16h, entre temps se promenait à travers les services (et tripotait deux trois jeunes femmes à son goût au passage What a Face ) et, au final, servait surtout à rendre des comptes aux actionnaires).

Pour le clivage public/privé, je n'ai jamais travaillé dans le public donc je n'ai pas d'avis à ce sujet. Hormis sur les obligations réglementaires, nous ne ressentions pas vraiment la pression de l’État dans notre travail quotidien. On parlait très peu d'assurances également, mais on le ressentait peut-être dans la pression que les hôpitaux, eux, avaient dans cette obligation de montrer qu'ils avaient identifié le fautif d'une potentielle complication avant même qu'il y ait un problème (et sur les quelques années de réclamations clients que j'ai à mon actif, jamais une complication post-op ne nous a été remontée).


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Ta gueule, c'est cosmique.
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 Récit de Bullshitjob

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