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 Uncreative writing

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Pasiphae
   
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


Salameche : merci pour cette super présentation de Théorie ! (directement traduit en plein de langues à sa sortie en plus, un autre geste fort)

mirasoleou : juste petite remarque très annexe, le discours produit ici n’est pas de la langue française écrite mediée par un forum (cf la linguiste Marie-Anne Paveau) mais un technodiscours produit au sein de l’écosystème forumactif qui intègre les dimensions techniques et humaines plutôt que l’une ne soit mediée par l’autre (Paveau critique ce pan des infocoms qui parle de médiation par le support pour penser une coconstruction du discursif)

Je ne suis par ailleurs pas du tout d’accord avec le fait que les gens écrivent ici comme iels écriraient sur le papier. C’est le tout le sujet de ma thèse et la notion de technodiscours est une piste pour le penser. L’uncreative writing n’est pas le seul moyen d’écrire dans un monde converti par le numérique.

Il ne faut pas non plus oublier que Goldsmith écrit un manifeste et comme tel appelle à un changement rapide et radical des usages. Notre insertion dans l’écosystème JE convertit DÉJÀ la notion d’auctorialité par rapport aux usages de l’imprimé qui avait développé durant des siècles une conception du droit d’auteur étroitement liée au monde du livre (avec ce système éditeur imprimeur auteur livre-objet, qui appelait la notion de droit d’auteur pour que chacun-e puisse exister dans ce système).
Tout ça est profondément reconfiguré par le numérique et nous aurions beaucoup à apprendre des musicien-nes qui ont été plus rapides que nous (les littéraires sont toujours les plus conservateur-oves des artistes devant les grandes évolutions techniques Wink )
Mais bref je trouve que tu caricatures dans l’autre sens puisque l’auctorialité ici ce n’est déjà plus du tout comme dans le monde de l’imprimé. Il suffit de voir comme nous nous « plagions » facilement, comme les motifs poétiques et les petites formes sont reprises et modulées de façon memetique et même comme certaines expérimentations pluri-auctoriales diluent la responsabilité de chacun-e dans l’œuvre finale.

Sinon bien vu le dépassement faire / produit achevé (même si la philosophie aristotélicienne postule quand même le juste milieu comme à peu près inatteignable, on ne finit jamais vraiment de le poursuivre en s’en rapprochant)

Il y a beaucoup d’œuvres de poésie numérique d’ailleurs qui utilisent ce rapport à la temporalité (œuvres non fixes, à évolution programmée ou non)

Ps : c’est rigolo parce que c’est aussi ce que j’avais dit mais peut être sans le préciser en commentaire, les poèmes écrits étaient meilleurs que la matière première et ça c’est un beau comble
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Cloris
   
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Cloris  /  Barge de Radetzky


Dis donc, on en apprend des choses sur JE. Je n'ai toujours pas compris ce qu'est l'uncreative writing, mais en tout cas ça m'intéresse.

Sinon, je vais peut-être passer pour un sale progressiste mais je ne peux pas m'empêcher de remarquer que Pasiphae, visiblement thésarde sur un sujet approchant, ultra-calée et faisant preuve d'un langage redoutablement articulé, à la fois limpide et très précis, est obligée de se défendre contre des attaques lancées uniquement par des mâles qui ont pris le temps de lire une page Wikipédia.
 
Pasiphae
   
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


Ici, un article très intéressant nommé "Uncreative Writing, Close Reading ? À propos de Vanessa Place et Kenneth Goldsmith ", où Michel Murat met bien en perspective à la fois les prétentions de l'uncreative writing et ce qui, selon lui, donne réellement consistance à ses œuvres. Cela mérite débat !

Cloris : heureusement, ou malheureusement, je crois (alors même que je suis moi-même une sale progressiste et donc encline à être sensible à ces dynamiques dans la conversation) qu'il s'agit plutôt ici d'un rejet viscéral et viscéralement exprimé pour une forme de création qui a pour elle de briser des attentes esthétiques. On en revient à Jauss !
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Pasiphae
   
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Je suis en train de lire un essai passionnant, Factographies, dans lequel l'autrice (Marie-Jeanne Zenetti) analyse des œuvres littéraires au fonctionnement à peu près analogue à celles de l'uncreative writing. Je vais donc essayer d'expliquer succinctement la manière dont ces œuvres fonctionnent selon la chercheuse.

En fait, elle analyse un corpus d'œuvres du XXe siècle :
- Testimony, de Reznikoff (montage versifié des récits circonstanciés des faits qui précèdent le jugement)
- Récits d'Ellis Island, de Perec, listes et notations de faits concernant son tournage à Ellis Island avec Bober
- Journal du dehors, d'Annie Ernaux, notations de scènes vues
- Stalingrad, d'Alexander Kluge (montage de documents hétérogènes sur la bataille de Stalingrad, qui vont du compte-rendu d'état-major aux articles de presse en passant par les témoignages des combattants)
- Faits, de Marcel Cohen, notation d'anecdotes, scènes vues

Pour chacune d'elles, il y a un double geste. Prélèvement + recontextualisation par le montage (en fait le geste des cinéastes). On prend du contenu discursif (ou pas, dans le cas d'Arnaux et Cohen, il y a reformulation de choses vues, avec cette utopie du langage neutre), on choisit puis on réarrange dans le contexte littéraire. Le travail formel est celui du montage (et de la versification chez Reznikoff).

Ce qui est déroutant pour lea lecteurice, c'est, comme dans le ready made, la carence créative du matériau de base, ou plutôt son affiliation à un domaine extra-littéraire (administratif, documentaire, la plupart du temps). Il doit alors en tant que lecteurice, parce que le contexte littéraire l'y invite, formuler une interprétation littéraire de quelque chose qui lui paraît à première vue extra-littéraire, donc concilier deux discours aux fonctionnements distincts, hétérogènes (discours littéraire / discours documentaire).

Donc ces œuvres fonctionnent comme des dispositifs, parce qu'elles programment leur fonctionnement sur lea lecteurice ; il semble y avoir un effacement auctorial, puisque son geste d'intervention est minoré (travail de montage, donc travail presque machinique, technique), mais en réalité si l'auteurice disparaît, c'est pour donner un intervalle de jeu d'autant plus grand au lecteurice ; il programme une pluralité interprétative.

Dans le même temps, le geste de montage / recontextualisation du matériau documentaire n'est pas anodin et conserve une dimension créatrice (les cinéastes le savent, lorsqu'iels travaillent à partir d'images qu'iels n'ont pas filmées ; c'est un geste constitutif de la modernité artistique, d'ailleurs, le collage / montage d'éléments hétérogènes et extra-artistiques) ; l'intervention peut être plus ou moins grande. Quand Reznikoff, poète objectiviste, versifie les petits récits qu'il reprend, il appuie sur certains mots, sur certains rythmes. On le voit en lisant attentivement la manière dont parfois il isole un mot seul, ou crée des anaphores qui étaient à peine visibles dans le texte originel. Kluge, lui, en décidant de partir des versions officielles pour mettre à la fin de son ouvrage les témoignages de combattants, déstabilise l'interprétation première qui pouvait être faite de la bataille, et fait se concurrencer des régimes de discours, où on voit où il veut arriver.

Donc si on comprend bien le geste de l'uncreative writing (prélever dans la masse immense des discours qui nous entourent, dans cette société de l'information / communication, puis réarranger ces discours), comme un geste de montage qui tire la littérature vers le cinéma, je pense qu'on peut mieux l'apprécier. Le discours des œuvres produites par ce genre de dispositifs n'est jamais univoque, et ne se trouve pas dans les mots même (ce qui peut dérouter les littéraires), mais dans l'agencement de discours hétérogènes, divers, et la manière dont en s'articulant ils créent des effets de sens.

Pfiou !
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