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 La Vanité

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Érème  /  /quit



En homme apaisé et satisfait que je suis, j'éprouve souvent le sentiment de "vanité" et je me demandais si vous connaissiez cette impression, ce sentiment, qui vous pousse à penser, à un moment donné, que le monde n'a strictement aucun sens, aucune raison d'être et que préserver avec lui est une forme d'aberration qu'il est difficile de justifier. Sans aller jusqu'à noircir le tableau à ce point là, en se la jouant Cioran de bas étage - et on peut se demander s'il était déjà bien haut lui-même -, j'ai parfois l'impression que ce sentiment de vanité qui me traverse est une forme de lucidité (ou de fausse lucidité) dont il est impossible de se défaire totalement une fois qu'elle vous a traversé l'esprit. Je ne pense pas que l'on puisse revenir sur ces pas et l'absurdité qui peut se dégager une fois la vanité venue ne peut pas être ramenée à l'envoyeur.

Au final, peu de choses me permettent vraiment de ne pas penser à ça, ou du moins de ne plus trouver cette impression si insistante et si pesante (l'amour et l'écriture peut-être). Au niveau de l'écriture même parfois la vanité contamine et je ne peux pas m'empêcher de m'interroger sur la pertinence de ce que je fais lorsque j'écris un poème ou autre chose. On dit qu'on écrit pour être lu, mais pourquoi ? On peut reprocher à celui qui pose ce "pourquoi" de poser une question de trop, d'aller trop loin dans son délire et, finalement, de faire des choses peu catholique avec des mouches, mais je ne pense pas que l'on puisse balayer totalement cette question en répondant juste que la question est idiote, absurde ou illégitime. Le fait est, je crois, que cette question est fondamentalement légitime parce qu'elle peut se poser, parce qu'elle n'est pas qu'une question et qu'elle habite véritablement celui qui la formule...

Bref ! Je ne sais pas si certains auront un avis / une réaction sur tout ce que je viens de dire, ou si mon sujet est une tribune aussi vaine que la/les questions que je me pose, mais bon... qu'importe.
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Pianitza
   
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Pianitza  /  Effleure du mal


Ces questions que tu te poses témoignent de ton ouverture d'esprit. Ce sentiment qui te prend à la gorge c'est le malheur d'être éveillé et d'avoir compris une vérité qui prime, ou qui au moins scintille comme une évidence triste : Le monde n'a aucun sens et tout ce que nous bâtissons, sculptons, disparaîtra un jour où l'autre. Tu as conscience de ça (et en réalité, c'est une chose qui ne vaudrait mieux pas savoir). La vanité t'est nécessaire pour survive, ou sinon quelle utilité d'agir ? Autant se laisser dépérir. Puisque que toute façon dans quelques milliards d'années le soleil s'éteindra... Puisque dans deux cent ans on t'aura oublié...
La vérité (selon moi) c'est qu'il n'existe aucune pertinence. La pertinence, c'est les institutions, les courants de pensées, les justices qui les créent. Il ne faut donc pas penser par pertinence quand on écrit, mais plutôt se tenir au plus près de la force, l'énergie, la douleur interne qui somnole en toi. Douter sur la valeur de tes écrits est une bonne chose, c'est une preuve de perfectionnisme. Mais tu dois casser ce frein et laisser ton cœur parler. Il n'y a finalement que ça qui vaille. D'être lu ou pas n'est pas le problème. Le problème, c'est les barrières et les classements. Ils n'aident en rien sinon à diviser. Ceux qui "écrivent pour être lus" n'écrivent pas, ils se prostituent.
Mon seul conseil serait : vis et écrit à travers ta vanité.  Very Happy
 
Érème
   
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Érème  /  /quit


Je ne sais pas si je cherchais vraiment des conseils, mais merci quand même !

Je ne sais pas si la vanité m'est nécessaire pour survivre, je pense même que, d'une certaine manière, elle empêche parfois une forme de simplicité qui est tout aussi "nécessaire" que la conscience de la vanité. D'ailleurs, pour tout dire, je ne serais pas capable de dire s'il s'agit vraiment "d'avoir conscience de quelque chose" ; je ne sais pas si ce sentiment a un sens (enfin, s'il en avait un, ça serait paradoxal, mais bon).

Quant à être lu, j'ai beau admettre rationnellement l'idée qu'on ne peut pas simplement écrire pour être lu, il n'en reste pas moins que nous sommes tous ici sur un forum où nous postons nos textes, où nous cherchons des avis, des retours ou peut-être juste la confirmation, peut-être pas si dénuée de sens que cela, que l'on peut justement être lu. Peut-être que l'écriture est une forme de prostitution (si je reprend ce terme), que je ne fais que vendre ou offrir des mots pour que quelqu'un les prenne, les lise, me dise juste : "oui, j'ai lu". Quoi qu'il en soit, s'il y a une dignité particulière à ne pas écrire pour être lu, je suis incapable de dire pourquoi, je suis incapable de dire pourquoi il vaudrait mieux écrire par soi, pour soi, plutôt que d'écrire pour les autres, et uniquement pour eux.

Écrire ça me semble juste être le meilleur moyen que j'ai trouvé (et que d'autres ont peut-être trouvé aussi) pour tenter de susciter une émotion chez quelqu'un, une émotion qui soit commune à celle que j'éprouve en écrivant ou qui, sans être commune, me rapproche de ce lecteur que je connais pas. Finalement, c'est juste une soumission au sens, au besoin de signification ; en écrivant un texte et en espérant qu'un œil autre le lise, j'espère sans doute que l'on me dise "oui, j'ai lu", mais plus encore "oui, j'ai compris". Les auteurs qui me fascinent et me touchent particulièrement sont justement ceux chez qui, comme lecteur, j'ai senti cette proximité étrange. Lorsque je ressens l'absurdité, Kafka me parle, lorsque je cherche de la beauté dans un paysage trop connu, certaines pages de Camus me parlent, etc.

Bref, je ne sais pas où tout ce que je raconte me mène. Il est trop tard, sans doute, pour écrire brièvement, sans s'étendre. Je me tais !
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Le Condor des Andes
   
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Le Condor des Andes  /  Rapace du monde


Citation :
La vie n’est qu’une ombre errante ; un pauvre acteur
Qui se pavane et s’agite une heure sur la scène
Et qu’ensuite on n’entend plus ; c’est une histoire
Racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur,
Et qui ne signifie rien.

C'est dans Macbeth.

On sait que la capacité à nommer les choses est l'un des traits déterminants de notre espèce, de nos civilisations, de nos intelligences. La réalité n'existe pas au-delà des noms que nous lui donnons, des mots que nous employons pour la décrire.

Avoir conscience de cela, c'est se donner la possibilité de modifier la réalité. Dès lors, si tu estimes devoir dépasser ce vide, cette absurdité, il te suffit de mieux choisir les mots que tu emploies. Tu ne t'en sentiras pas forcément moins lucide, d'ailleurs.

En d'autre terme, les choses n'ont d'autre valeur que ce que tu leur donnes. Si tu estimes que ta poésie n'a pas de valeur autrement qu'en étant lue, peut-être effectivement vaut-il mieux cesser d'écrire des poèmes et te poser des questions sur ce qui, pour toi, a de la valeur.

En évitant le piège du nihilisme (et de la vérité).
 
Ô
   
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Ô  /  Autostoppeur galactique


une fois que plus rien n'est sérieux on peut commencer à rire, et à traquer la joie partout où elle se trouve. Je pense que c'est la plus elle chose du monde que d'être né à une époque où l'on peut vivre libre, débarrassé de tout devoir être et de tout dogmatisme, et rire de tout, et désespérer. Et si l'on veut vraiment du sens, il y a toujours la religion à disposition. à disposition : c'est merveilleux!
 
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Invité  /  Invité


Reconnaître une certaine vanité dans ce qu'on fait parfois est parfois un signe de bonne santé mentale. N'y trouver aucune issue est dramatique, car sa propre vanité confine alors à la fatuité, paradoxalement. En principe, on ne résout pas un problème en restant enfermé dans le problème. Il y a donc toujours une voie. Il faut juste la trouver.
 
Shub
   
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Shub  /  Roberto Bel-Agneau


Très bien comme question: sans doute le prélude et préalable nécessaire pour écrire qq chose d'intéressant pour les autres.
En premier, ne pas donner de leçons, sorte d'impératif catégorique à la Kant et ensuite, ensuite... Ne pas se priver d'aller chercher au fond de soi, des émotions, des pensées des fois noires ou tristes et chercher à les communiquer au lecteur sous forme de question ou de questionnement, terme plus global ou globalisant ? Pourquoi pas ?
L'humour sous toutes ses formes (ironie, cynisme, dérision, moquerie) est très bien dans l'écriture: ça fait passer des choses qui seraient sans doute déprimantes dites ou écrites crûment. Encore que je n'ai rien contre... La crudité, le brut, c'est intéressant aussi et beaucoup d'écrivains (nes) ne s'en sont pas privés.
Quant au sentiment que l'écriture est une prostitution ou une forme, eh oui! Je ne peux que souscrire!
Mais la prostitution c'est aussi donner du plaisir aux autres, non ?
 
cathyfou
   
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cathyfou  /  Gloire de son pair


Je comprends, c'est pour ça que je n'écris pas.

La vanité, je la sens moins comme celle du monde que comme ce dont je suis faite, et j'ai constaté que paradoxalement, plus j'agis, j'apprends et je m'affirme, plus je suis semblable à une coquille vide ... Et il n'y a rien qui puisse dissiper ce sentiment.

Je pense qu'il y a des écrivains et des cinéastes qui s'en sont nourris, et dont les oeuvres consistent non à dissimuler ce vide, mais à le représenter, ce qui est en soi quelque chose d'impossible. Comment représenter le silence et la perte du sens? Les " post-modernes " errent souvent, à mon avis, en créant des artifices pour rendre la perte de sens qui ne sont que d'autres caches-misères - si bien que, finalement, disent-ils mieux l'absence et le silence que les romantiques ou certains modernes ?

L'autre problème, c'est qu'en ne voulant représenter que l'absence de sens, on crée une oeuvre assez pauvre. Il y a des artistes qui arrivent néanmoins à faire naître quelque chose, une certaine beauté, une certaine affirmation de la vie, à partir d'un acte pourtant radical de refus du sens et du bourdonnement des représentations traditionnelles.
 
Shub
   
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Shub  /  Roberto Bel-Agneau


Attention à "trop" d'introspection! C'est utile , c'est nécessaire mais ça ne doit pas entraver ni paralyser l'écriture.
En toute modestie ce conseil , hein...
 
Érème
   
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Érème  /  /quit


Citation :
Je peux remplir toutes mes pages blanches avec les plus belles combinaisons de mots que puisse imaginer mon cerveau. Étant donné que je cherche à m’assurer que ma vie n’est pas absurde et que je ne suis pas seul sur la terre, je rassemble tous ces mots en un livre et je l’offre au monde. En retour, celui-ci me donne la richesse, la gloire et le silence. Mais que puis-je bien faire de cet argent et quel plaisir puis-je prendre à contribuer au progrès de la littérature – je ne désire que ce que je n’aurai pas : confirmation de ce que mes mots ont touché le cœur du monde. Que devient alors mon talent si ce n’est une consolation pour le fait que je suis seul – mais quelle épouvantable consolation, qui me fait simplement ressentir ma solitude cinq fois plus fort !

Cet extrait est tiré d'un texte que Stig Dagerman a écrit alors qu'il devait être en lutte contre son besoin de mourir. Le texte en question finit paradoxalement par une note d'espoir :

Citation :

Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus qu’une consolation et plus grande qu’une philosophie, c’est-à-dire une raison de vivre.

Ce texte est vraiment bouleversant, je trouve, parce qu'il ne cherche pas de consolation dans l'idée que l'on peut, nous même, donner du sens au monde ou que la conscience de son absurdité nous donne un pouvoir sur lui, une capacité à le changer. Je comprends ce que tu dis Monsieur Barthélémy, lorsque tu écris que le réel ne va pas au-delà des mots que l'on a pour le nommer, mais je ne sais pas si cette idée-là, indépendamment de sa force, nous offre véritablement quelque chose de plus pour échapper ou vivre avec la vanité. On peut être kantien et supposer l'existence du réel, en dessous, mais alors on a le sentiment d'un irréductible distance avec lui, d'un terrible enfermement dans soi-même et dans sa manière de l’apercevoir, ce monde qui se voile.

Bref, j'apprécie vos manières de tourner l'absurde de façon positive, mais j'ai parfois l'impression que moi-même lorsque je cherche à me faire croire que la vanité peut être postive, que je ne fais rien d'autre que jouer avec les mots, que manipuler de l'idée, du concept et que dans les faits je suis juste seul avec ce manque de sens que je cherche à combler. Parce qu'accepter l'absence de légitimité ou de justification des choses, tout en tentant de rendre cette absence positive, c'est déjà montrer notre besoin de significations et que ce besoin de signification, si on le prend au sérieux, je ne sais pas s'il peut tout à fait se contenter de l'écriture comme garde-fou à l'absurde.
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Shub
   
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Shub  /  Roberto Bel-Agneau


Tu peux jouer avec ça quand tu écris. Avec tout ça, avec tout ce que tu dis!


Tu es pas obligé d'écrire ou réécrire l'Homme révolté ou le mythe de Sysiphe: une bonne raison déjà pour ne pas le faire, c'est que ça a déjà été fait!


Jouer, un maître-mot en somme !!!

Bon WE
 
Pianitza
   
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Pianitza  /  Effleure du mal


Merci pour tous ces témoignages nourrissants. Aomphalos, je ne voulais pas avoir l'air moraliste. J'avais simplement eu l'impression que tu cherchais quelques réponses. Wink
Quand je parlais de prostitution, je voulais dénoncer l'essence même de la démarche du "vouloir écrire pour être lu", qui selon moi, et par expérience, est une démarche qui ne trouve ni sens ni satisfaction (mais cela dépend des cas). Le fait d'écrire pour écrire n'est pas pour moi support d'une prostitution. C'est une démarche plus noble qui va au-delà du souci de trouver son lectorat. C'est se livrer âme découverte au papier, dans le bain de sa propre vanité, sans attendre les hochements de tête. C'est s'amuser sans tabou. La démarche n'est pas exactement la même.
Tout dépend de ce que l'on écrit aussi. Quand il est question de pensée ou de poésie, on est vraisemblablement en quête d'une essence noble, un truc qui gargouille au fond de nous. Tandis qu'un scénario, aussi bon qu'il soit, est résolument, peut-être, objet d'une nécessaire prostitution. Puisqu'on cherche à happer, à produire de la surprise chez le lecteur. On écrit forcément pour lui. Pour le passionner.
Attention à ne pas entendre le mot prostitution comme un mot sale, mais plutôt, shub l'a souligné, comme une note du plaisir (consentante).

Et je rejoins totalement Ô. Nous avons la chance d'évoluer dans une époque où il est possible de rire de tout et de désespérer de tout.
Je suis heureux d'être né dans une France où les artistes peuvent s'exprimer, s'approprier les dogmes, l'histoire, et les déformer...
Bien que ça n'ait pas l'air en passe de durer (Les dogmatiques comprendront de quoi je veux parler).
 
Lo.mel
   
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Lo.mel  /  Troll hunter un jour, troll hunter toujours


J'ai d'abord lu et écrit en quête de vérité. Et puis j'ai compris qu'il n'y en avait pas, alors j'ai continué à lire pour trouver des auteurs à m'approprier, pour les rapprocher de moi, trouver leur humanité dans la mienne et réciproquement.

Je n'écris plus. Et quand j'écris quand même, c'est juste pour hisser mon petit pavillon d'humanité, dès fois qu'un mec voudrait y laisser un sourire entendu.

L.C:

Au départ, c'était un geste désespéré, et puis c'est devenu presque désintéressé. J'exprime une souffrance, mais c'est en forme de haussement d'épaule.

Je ne suis pas croyant, je ne suis pas nihiliste, je pense qu'il n'y a de sens que celui que l'intelligence donne, et donc potentiellement : aucun. Je suis une machine biologique, entièrement guidée par des lois universelles. Je ne deviendrai probablement jamais "personne" que la majorité des bouches puisse qualifier de "quelqu'un".

Mais je vais bien quand même. Je vais mourir un jour, et tout ce que j'ai fait s'estompera jusqu'à se noyer indistinctement dans tout le reste. Je suis un morceau de mouvement dans le grand mouvement. Et quand je serai mort, je ne serai même plus là pour m'en réjouir ou m'en lamenter. Je donne de l'importance à la vie, je la respecte au dessus de tout, tout en sachant que la mienne, la sienne, la vôtre n'en a pas plus que ça.

Quand je vois, dans des salons kitschs ou des plateaux télé, des écrivains, des philosophes, des intellectuels parler avec une voix pincée et un accent emprunté (à qui d'ailleurs ? Il a du être content de s'en défaire), de choses qu'ils jugent importantes pour leur vie, leur rang, leur survivance (voire pire, celles des autres...), j'éprouve davantage de pitié que d'admiration. Ces mecs là en sont encore à chercher ce que j'ai depuis longtemps classé sans suite, avec beaucoup de soulagement. Et le poids de tout ça semble les avoir déformés. Trop de gens aigres chez les intellectuels, c'est aussi comme ça que j'ai compris que la littérature était un cul-de-sac, on peut s'y promener pour tout un tas de bonnes raisons, mais y chercher une forme de salut, c'est une bonne manière de finir sa vie avec l'aura d'une bouteille de vinaigre.

Une fois de temps en temps, je tombe sur un mec qui a écrit dans un élan d'humanité, peut être dans une optique de consolation. Un mec qui n'était pas dupe. Alors je sens qu'un mur se brise, c'est une communion, un cœur à cœur. Je l'ai reconnu, certainement m'a-t-il reconnu aussi, non comme un individu identifié, mais comme un pair sans nom, parmi ceux qui ont existé ou qui sont à naître. Une rencontre que seule la littérature permet. Cela me suffit pour y voir une noble discipline.

La vanité est un concept négatif. Je me sens vivre dans une neutre vacuité, et je m'en préoccupe de moins en moins. J'évolue dans une liberté immense que je découvre et que j'apprends à dompter laborieusement. Les gens sont formidables, souvent malgré eux. La vie... c'est absolument tout, alors j'ai renoncé à y mettre des mots. Et chaque jour, j'apprends à le voir. Et je plains sincèrement ceux qui cherchent et cogitent encore.

Voilà pour mon petit témoignage. Je m'étale un peu, mais...
 
Érème
   
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Érème  /  /quit


Merci pour ton "petit témoignage".

Je vois ce que tu dis, je comprends, je crois. Le problème, il me semble, c'est que tout ça n'a rien à voir avec un choix ou la liberté. D'un côté ou de l'autre, je ne crois pas que ce que l'on fait, ou ce que je fais moi, de cette vanité, dépend de moi-même. Peut-être qu'il faut effectivement plaindre ceux qui cherchent et cogitent encore, mais ce qui est particulièrement difficile c'est qu'ils ne cherchent pas, ne cogitent pas pour le plaisir, ils ne choisissent pas de penser encore à tout ça et trouver une justification n'est pas une occupation comme une autre, c'est juste... un automatisme ? Enfin je ne sais pas si le terme automatisme convient, mais je n'en vois pas d'autre.

Tu dis que tu n'écris plus, mais le problème pour moi c'est que je suis strictement incapable de ne plus écrire. Je ne sais pas si tu as choisis de ne plus écrire, ou si ça c'est fait tout seul. Mais, je sais en tout cas pour moi que je ne peux pas choisir de ne plus écrire, parce qu'écrire est l'exact contraire d'une liberté que j'aurais. C'est pour cela aussi que, même si je comprends ce que les autres disent sur le caractère positif de la vanité, je n'y crois pas parce que je ne crois pas qu'il soit possible véritablement d'orienter les choses, de choisir une raison au geste qui consiste à marquer des trucs sur une feuille. Je peux savoir que la littérature (si ce qu'on fait à notre petit niveau consiste en cela) est un cul-de-sac, cela ne change rien et c'est d'ailleurs de là que vient l'impression de vanité. Enfin je ne sais pas...

Pour résumer, je comprends ce que tu dis Lo.mel et tout ce que j'écris au-dessus est du baragouin qui cherche simplement à cacher le fait qu'il n'y a absolument rien à dire, absolument rien à penser et absolument rien à faire. Pendant que je donne mes cours de philosophie souvent je me demande, en même temps que je blablate sur Leibniz ou un autre, qu'est-ce que je dis vraiment et qu'est-ce que je fais vraiment là, avec eux qui m'écoute. Le seul problème qui subsiste consiste pour moi à réussir à tenir en même temps mon sentiment de vanité et ce "respect" de la vie dont tu parles, parce que fondamentalement il n'y a rien qui tienne la vie en respect, sinon une pétition de principe, une idée qui doit aller contre un sentiment. Au final, on peut pas échapper à un paradoxe complet : la vanité pourrait nous conduire à ne respecter que la vie comme telle, mais l'idée de ce que j'appelle la "vie", de ce que j'appelle "respect" sont toutes deux rongées par le sentiment initial, par l'impression de base qu'au fond l'ensemble des choses n'ont pas de sens.
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Dernière édition par Aofsu le Dim 25 Mai 2014 - 5:02, édité 1 fois
 

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