Sujet très intéressant, et le pipi de vache me semble effectivement bien ironique.
Pour ajouter à ce qu'ont déjà répondu des personnes très bien renseignées, j'aimerais parler d'actualité.
Si le haiku traditionnel est effectivement en 5-7-5 mores , qu'il implique notamment des mots de saison spécifiques quasiment inutilisés dans le japonais moderne, ainsi qu'un tas de codes bien répétitifs, ce n'est pas le cas du haiku "moderne".
Dans les haiku que j'ai pu traduire, il y avait certes des formes classiques, mais aussi des dérives, des éléments modernes. Par exemple, le poète Natsuishi Banya a composé des séries de haiku très avant-gardistes : suppression de la métrique en 5-7-5, pour s'axer exclusivement sur la rythmique, réinterprétation des mots dits "de saison" qui parfois sont bien étranges pour l'occidental ("têtard", par exemple, est un mot de saison), sujets d'actualité sur le traumatisme de Fukushima.
En traduction, on a deux écoles : l'une, classique, veut que l'on respecte la métrique en français, bien qu'elle ait une certaine valeur "accessoire", puisqu'il est physiquement impossible de traduire des siècles de poésie traditionnelle d'une langue à une autre sans en faire une thèse. L'autre, assez récente, qui veut que le sens prime sur la structure et que l'on reste, certes, sur un format court, mais sans s'occuper de compter les mores. Enfin, les syllabes. Et puis on évite au maximum les articles, qui polluent le sens. Les phrases nominales sont aussi souvent bienvenues.
Il faut aussi savoir que certains haikus n'exploitent absolument pas le système de situation + situation = ce qui en découle. Le côté contemplatif de bien des haiku implique une chute littéraire, mais pas forcément ce qui découle d'une description.
Vaste sujet en tout cas et, aujourd'hui, chacun est assez libre d'appeler haiku ce qu'il a envie de considérer comme un haiku. Si cela ne convient pas à un éditeur, on peut réfléchir sur les défauts potentiels, mais il ne faut pas non plus trop s'y attarder.
De plus, le haiku est devenu une activité poétique assez fréquente en France, et les éditeurs doivent, à mon avis, recevoir beaucoup trop de poèmes de ce type. Beaucoup de gens, également, ont une très piètre opinion de cette poésie qui est connue mais souvent mal interprétée. La finesse de la langue japonaise et de ses héritages littéraires n'est évidemment pas perceptible en français, qui est une langue qui aime s'étendre. Rendre l'instant présent de façon si succincte, dans une langue aussi ampoulée que le français, est extrêmement difficile et, quoi que l'on fasse, on n'aura jamais le même effet.
Je me permets de suggérer "L'empire des signes" de Roland Barthes à ce sujet, qui propose des analyses très intéressantes entre autres sur le haiku, et qui n'est pourtant qu'une interprétation d'occidental sur un pays encore mal connu. Mais c'est justement là qu'est l'intérêt.
D'autre part, pour les initiés au japonais, il y a des ouvrages sur le "bungo" (langue classique) qui devraient les éclairer sur bien des points, et pour se renseigner sur les analyses actuelles, vous pouvez lire Alain Kervern et Jacqueline Pigeot.
A mon humble avis, ce que l'on prétendra être du haiku en français sera toujours bien loin du haiku tel qu'on l'idéalise, et encore plus du haiku tel qu'il a été écrit par Bashô. Par contre, la littérature ayant vocation à évoluer, ce que l'on en fera ne sera jamais une insulte au passé
Bon courage à tous les poètes !