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 Écrire sur le deuil

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Ozu, enfantin ? Eh bien par exemple^^.

Vous aimez la sensiblerie, pourquoi pas. Cette position n'est pas une question de goût mais de bon goût. Ce que vous décrivez est affreusement vulgaire et n'a d'intérêt que pour les petites filles aux goûts misérables, attirées par le miel, le sucré et le coloré. Si vous pensez qu'il y a encore un intérêt à décrire "la psychologie" du deuil, pourquoi pas, mais pensez à ne faire lire vos écrits qu'à des petites filles de votre âge. Il faut certes de la "littérature" pour tous.
 
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Je rejoins la conversation, d'une certaine façon je serais plutôt d'accord avec Float.

Racou a écrit:
Bien sûr, il y a une limite à l'acceptable. Je ne vois pas pourquoi le deuil devrait être traité différemment de toute autre situation, pour lesquelles on tente de dépeindre une image fidèle qui permet au lecteur d'extrapoler son propre vécu et de vivre des choses nouvelles et différentes de son quotidien, qui l'amènent à réfléchir et à apprendre. Si tu vois une réponse autre que c'est un sujet tabou, alors éclaire-moi.
Tu as toi même conscience qu'il y a une limite et effectivement, elle ne sera pas la même pour tous.
D'un autre côté mettre en avant les détails les plus gras, et les surligner pour amener la compassion du lecteur, chez moi ça produit l'effet inverse. Je préfère la suggestion, quelque chose qui reste dans une certaine dignité et n'empêche pas l'émotion de passer pour autant.

Tu parles de réalisme, mais la fidélité d'une image est toujours un peu altérée, d'autant plus dans l'écrit, puisque tu mets forcément en scène, on est pas dans le cadre d'une conversation spontanée, les mots sont réfléchis, pesés. Donc à mon sens, le réalisme ne peut pas servir de prétexte fourre tout.

Devant certains détails, vient l'interrogation du choix, et ses choix dénotent forcément de l'intention de l'auteur.

Forcé le trait du sordide, ce n'est pas témoigner, ce n'est pas donner, c'est chercher à produire de l'émotion et je ne suis pas sûre que cela fonctionne forcément.

Après c'est aussi une question de dosage, et il faut voir l'agencement de l'ensemble, mais sur quelque chose de moche, déjà perçu comme moche, je ne vois pas l'utilité de forcer encore le truc et je ne vois pas ce que cela apporte au lecteur en fait.









 
Aventador
   
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Aventador  /  Iphigénie in a bottle


Je rejoins ce topic pour y apporter mon expérience.

Dans mon roman "Shooting Brake" (qu'Hélio connaît bien :mrgreen: ), le deuil est en filigrane, il détermine psychologiquement mes personnages, leurs failles émotionnelles (l'un d'eux est véritablement cassé) et commande parfois leurs réactions. Mais je ne l'aborde que rarement de front. Donc axer tout un roman là-dessus me paraît difficile, et assez indigeste peut-être pour le lecteur, assez voyeuriste même.

Et je rejoins ce qui a été dit : chacun vit le deuil de manière très différente en fonction des personnes et des circonstances. Personnellement, je n'ai fait le deuil de ma mère que 21 ans plus tard, le soir de mes noces. Auparavant, rien, absolument rien ne pouvait m'affecter. Mais tout cela vient du contexte.
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Ce qui compte quand on est une grande personne dans une œuvre, c'est le regard, l'angle porté de l'auteur sur une situation, le ton. Faire partager ses ressentis d'une trivialité affligeante, c'est se placer comme spectateur de ses propres émotions, comme un acteur qui se regarde jouer et oublie de s'adresser au public. Les petites filles n'ont que l'émotion à la bouche : elles veulent avoir peur, elles veulent rêver de dragons et de princes charmants, et elles veulent qu'on leur tienne la main quand leur grand-mère ou leur hamster est mort. L'empathie, c'est bien gentil, mais le niveau supérieur du bon goût passe par le sens. C'est à dire le regard qu'on porte sur ces événements de la vie. Si on prend la parole pour dire "mon hamster est mort, comme c'est triste", on est dans la complaisance, la sensiblerie, et on peut s'attendre à lire plus loin "si tu likes pas, c'est que t'es un monstre". Et ça fait du ton sur ton du plus mauvais effet. Mort + c'est triste. Regard très intéressant de l"'auteur"... Si on est capable de me sortir une œuvre majeure ayant adopté cet angle (ou ce non-angle), d'accord*. Sinon ça vaut n'importe quel témoignage partagé en attente de réconfort et d'empathie. C'est fort joli, mais ça c'est le cadre privé, ça ne s'adresse pas à un public.

Après, vais pas chercher à convaincre plus que ça. Si des auteurs aiment le confort d'une écriture dégoulinante apte à attirer la compassion tout en se demandant pourquoi leurs récits n'ont aucune valeur artistique, not my problem. Il y a ceux qui donne à voir et ceux qui regardent. C'est un choix de se mettre du côté du spectateur tout en prenant la plume, mais c'est une expérience personnelle qui n'a rien à offrir au monde. "Mon hamster est mort, comme c'est triste. J'existe, puisque je suis émue de cette petite mort, comme c'est réconfortant."

* et notez que pour moi, même Love Story, par son lyrisme, ses excès, a une valeur artistique, un regard, un sens (même si c'est à la limite : on enlève la musique et tous les excès de pathos propres aux mélodrames, ça devient une merde sans nom -- et c'est la perception de la majorité des gens).
 
Racou
   
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Racou  /  Autostoppeur galactique



    Bon! Réponse tardive, mais réponse quand même.

    Je ferai fi de ta première réaction, Float, parce que niveau arguments, c'est plus ou moins convainquant.

    Alors, c'est une jolie caricature, l'histoire du hamster. Mais on ne peut simplifier bêtement toute mort de cette manière. Tu prends la situation de décès la plus anodine possible et tu m'affirmes que parce qu'il n'y a rien de valable à tirer de celle-ci, il n'y a nécessairement rien à tirer de toute autre situation. La logique est douteuse, avouons-le.

    Mettons ton exemple en rétrospective : un enfant voit son père marcher sur une mine et être réduit en charpie. Est-ce que son expérience se résumera à « Je suis ému de cette petite mort, comme c'est triste » ? Non, je ne pense pas. D'où l'intérêt d'approfondir. On ne parle pas obligatoirement de mort anodine, ici. Dans des cas de tragédie grave, les répercussions psychologiques sont bien trop importantes et hors de la portée du commun des mortels pour être ignorées. Après, libre à toi de prétendre que de s'intéresser aux comportements humains dans ces cas de crise est une gaminerie, mais honnêtement, je trouve que ça frôlerait le ridicule. Tout auteur qui se respecte a besoin d'un minimum de connaissance en la matière pour écrire quelque chose de potable, et d'ailleurs si on écrit, c'est bien parce que ça nous attire tous un peu.

    Et même s'il s'agit d'une mort anodine, il y a toujours plus à en tirer que l'évidence, comme avec n'importe quel sujet. Je comprends votre point de vue : où est l'intérêt de marteler le lecteur de choses qu'il sait déjà? Mais justement, ça n'a pas à être ainsi, parce que comme tu l'as souligné, Hel, chaque personne vit le deuil de manière différente. Donc nécessairement, certaines choses sont hors de notre portée si l'on se fie seulement à sa propre expérience. Il faut savoir se pencher sur les bons détails, tout simplement, et c'est là la qualité d'un bon écrivain, selon moi - dénicher, déterrer et présenter ce que le lecteur ignore, pousser plus loin que les autres avant lui. Tout le monde a déjà été amoureux, et pourtant à travers le temps les écrivains, non même, les artistes ont trouvé mille manières d'en faire des œuvres inoubliables et intelligentes.

    Je comprends le charme de la subtilité, mais trop, c'est comme pas assez, et à voir où tu situes ta frontière, Float (la nouvelle de Patricia Douce), je pense que ton propre goût se situe plutôt dans ce que je considère comme « pas assez », et je t'explique pourquoi : je ne vois pas l'intérêt de me coller au visage mon propre vécu quand je lis justement pour m'en détacher; pour l'extrapoler, comme dit plus tôt. Et puis, la mort, quoi de plus intriguant, n'est-ce pas le sujet dont nous sommes tous secrètement le plus curieux? Je sais très bien ce que j'en pense, ce qui m'intéresse c'est de connaître la vision d'un autre pour élargir la mienne. Et si tu affirmes que l'approche directe fait de l'écrivain un spectateur, alors je te réponds que l'approche détournée fait du lecteur un spectateur, incité qu'il est à contempler passivement son passé plutôt que de se projeter dans l'expérience d'un autre. À mon avis, la dernière perspective est bien plus enrichissante.

    Au contraire de toi, je crois que l'écrivain qui déleste son ressenti ne le fais pas pour lui mais pour les autres, ou du moins certains d'entre eux, ceux qui n'écrivent pas pour attirer la pitié en tout cas - ce sont ceux comme moi qui pensent que ce qu'ils ont appris dans le processus pourrait se révéler utile à d'autres, et donc le partagent.

    Peut-être as-tu cette opinion car tu crois qu'un tel approfondissement ne peut être destiné qu'à provoquer de vaines émotions fortes. J'espère t'avoir convaincu du contraire.
 
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idmuse  /  Blanchisseur de campagnes


Je n'ai pas lu le post (maman qui a les yeux tout le tour de la tête), mais j'ai fait l'exercice en plongeant directement dans le sujet. J'étais le personnage et je décrivais mon désarroi, ma colère et ma confusion.
Plonger, pour moi, c'est le seul moyen.
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Je veux bien concéder que je manque peut-être un peu d'objectivité, en même temps si l'exemple qui me laisse à penser que, revient toujours sur le tapis, je pense que ma porte va rester fermée.

Citation :
Il faut savoir se pencher sur les bons détails, tout simplement, et c'est là la qualité d'un bon écrivain, selon moi - dénicher, déterrer et présenter ce que le lecteur ignore, pousser plus loin que les autres avant lui.
Après il y détail et détail, même si certains sont avérés d'expérience, cette expérience ne justifie pas à les mettre en scène, d'autant plus s'ils n'apportent rien.

En plus quelque part, je trouve la démarche peut-être présomptueuse, si tu pars du principe que le lecteur ignore un truc dont il va avoir la grande révélation en te lisant, puisque tu ne peux pas présager de ces connaissances ou non.

Et pousser plus loin, c'est pousser où, dans la recherche de détails graveleux?
Parce que moi le : Maman est morte, j'ai fais caca. (oui je schématise grossièrement, quoique)
Non seulement ça ne m'apporte rien mais en plus niveau ressenti à la lecture c'est plutôt ça: ?!!
Tu parlais de bon détails, bah on a les pieds dedans.
Les détails pour justifier d'une émotion de douleur, ils se doivent d'être abordés autrement que dans le détail, ce que te disais Float tel que je l'ai compris en parlant de cette approche frontale.

Citation :
Et puis, la mort, quoi de plus intriguant, n'est-ce pas le sujet dont nous sommes tous secrètement le plus curieux?
Heu non. Je ne vais te faire ce détestable parallèle rapport d'âge et d'expérience, mais bon perso je trouve ça assez moche pour en avoir la curiosité moi je suis curieuse de la vie!

Intriguant n'est vraiment pas un mot approprié.

Après que par le biais de l'écriture certains essaient de se délivrer d'un poids, d'exprimer un ressenti, et que  ce ressenti s'inscrive dans une démarche de partage et d'apaisement, ou de justifier par cette expérience comment ça les amenés d'un point A à un point B, ok.

Mais l'étaler pour satisfaire à la curiosité de l'autre? Malsain.

 Tu essayes de te justifier et d'argumenter, je trouve ça très bien, mais pour ma part je ne suis pas convaincue.
 
AbImoPectore
   
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Pour le deuil, c'est plus facile de le raconter losqu'on l'a vécu, mais la manière de retracer ce cap à franchir dépend du caractère de tes personnages... Meursault n'aura pas la même réaction que Yanek et ce dernier n'aura pas la même Jean-Baptiste Clamence, pour reprendre des exemples simples et connus en citant Camus. Il s'agit-là de personnages très typés, monstrueux et marginaux dans leur genre et leur manière de réagir doit être en accord avec leur caractère, il n'y a pas de dépassement de soi, au contraire dans ces moments-là, il n'y a que de la sincérité, nous sommes mis à nu devant le drame.

Maintenant si tu emploies le commun des mortels, réfère-toi à ta propre expérience... Ou bien imagines-le aux yeux d'une personne que tu as connu. D'abord l'annonce de la nouvelle et la crise de pleurs et de refus. S'ensuivent souvent une dépression, une volonté plus fort que tout de donner sa vie à la place de celle de l'autre, une sensation de vide, un déchirement moral et physique, le coeur brisé, un refus d'accepter le décès même des années après, une volonté de ne rien faire, de s'enfermer ou de partir très loin, le manque. C'est ma propre expérience du deuil.

Pour le vocabulaire, un dictionnaire analogique est fort utile. N'hésite pas à donner l'accent sur les émotions, les sensations, les perceptions, le manque. Les petits détails qui nous rappelle le souvenir de cette personne-là (une odeur, une manière de faire les choses, une voix, un regard, un souvenir,...) sont fort importants aussi.
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Racou
   
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Racou  /  Autostoppeur galactique


Hel a écrit:
Tu essayes de te justifier et d'argumenter, je trouve ça très bien, mais pour ma part je ne suis pas convaincue.

    Je « n'essaie » pas. ^^ Ce que j'ai dit n'est rien d'autre que ma vision de la chose en toute sincérité, et non pas une sorte de galérage pour avoir absolument raison bien que la conviction se soit mise à vaciller, comme beaucoup ont tendance à faire. Si cela ne suffit pas, je n'ai pas grand-chose à rajouter. Après, on me dira que ce point de vue est probablement une conséquence de mon âge, et d'accord, je l'accepte en grinçant un peu des dents. Si on y réfléchit, c'est logique, et ce n'est pas tant une question de maturité qu'une question de bon sens; quand on est jeune on n'a pas beaucoup vécu, on sait qu'on ignore tout de la vie et on veut y remédier, curieux de tout, on veut savoir et on veut apprendre. En vieillissant, la tendance va en s'inversant, on est plus tourné vers soi, on accumule l'expérience et on a parfois besoin de faire le point dessus.

    Nous lisons probablement pour des raisons très différentes, aussi, alors nos attentes de nos lectures ne sont pas les mêmes.

    Par contre j'avoue qu'il y a certains de tes arguments que je n'ai pas très bien compris.
    Citation :
    si l'exemple qui me laisse à penser que, revient toujours sur le tapis, je pense que ma porte va rester fermée.
    Et le rapport de « Maman est morte, j'ai fait caca », je ne comprends pas. C'est une dérision de « pousser plus loin »? Ok... Et ça prouve quoi?

    Et tu dis être curieuse de la vie plutôt que de la mort, mais la mort fait partie de la vie. En fait, d'explorer le processus de deuil c'est justement s'intéresser à la vie, parce que la vie ce n'est pas toujours joyeux, dans la vie il y a aussi des trucs moches qui arrivent, mais on se relève et on continue. C'est ça la vie, c'est cette alternance de hauts et de bas, donc si la mort rentre dans la catégorie « bas » elle en fait partie.

    Je me suis probablement mal exprimée vis-à-vis du contexte, en parlant de « mort » plutôt que de « deuil »,  et c'est vrai qu'intriguant n'était pas très représentatif de ce que je voulais dire.

    Et j'ajouterai que ce n'est pas parce qu'on s'attarde sur la douleur du deuil qu'on envoie nécessairement un message d'apathie et de désintérêt de la vie. Seulement, pour représenter justement cette difficile ascension, cette remontée vers la lumière que représente le travail de deuil, il faut d'abord exposer la situation au fond du trou. Et puis il y  a un processus, ça s'améliore tranquillement, parce que la vie est ainsi faite.

    Bref, je sais que je ne te convaincrai pas, et ce n'est pas plus grave que ça. Je voulais simplement préciser ma pensée. Smile
 
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C'est presque même pas de la dérision, c'est rapport à l'exemple, extrait, donné qui me laisse penser que non, on peut pas tout raconter sous prétexte que vécut. Et je n'ai fais que schématisé mon ressenti à la lecture.

Maintenant si on ne prend que point de vue du détail, il se passe plein de choses à un instant x, est-ce pour autant que tout les détails ont un rapport de pertinence vis à vis du sujet ?

Oublions l'âge, parce que je ne suis pas sûre que se soit gage de quelque chose, celons les uns et les autres en effet.

En y réfléchissant encore, je reste ouverte malgré tout, je pense qu'il y a aussi pour moi une question de pertinence de l'ensemble, des détails qui passeront mieux dans un ensemble qui se tient et à des qualités littéraires, un ton, que dans un texte déjà  creux.

En gros je suis plus à penser qu'on peut tout faire, mais tout dépend comment.

Citation :
Et j'ajouterai que ce n'est pas parce qu'on s'attarde sur la douleur du deuil qu'on envoie nécessairement un message d'apathie et de désintérêt de la vie. Seulement, pour représenter justement cette difficile ascension, cette remontée vers la lumière que représente le travail de deuil, il faut d'abord exposer la situation au fond du trou. Et puis il y  a un processus, ça s'améliore tranquillement, parce que la vie est ainsi faite.
Non c'est sûr, mais c'est quelque chose d'universellement perceptible, donc s'attarder comme tu dis, c'est laisser sous-entendre que le lecteur l'ignore, enfin bon on peut confronté longtemps des impressions comme ça. On a pas les mêmes.

Je vais attaquer ton roman, donc on en  reparlera peut-être au moment où je lirais le traitement que tu en as fait toi ...
 
Racou
   
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Racou  /  Autostoppeur galactique



    Oui, c'est sûr qu'avec un exemple concret c'est déjà beaucoup plus facile d'en débattre. Dans mon roman, je cherche encore l'angle de vue, je tâtonne un peu dans toutes les directions et j'attends les retours, pour trouver la limite d'une majorité de lecteurs. Reste que cette conversation a bien répondu à ce que je voulais savoir, et je garde vos remarques en tête pour le traitement du sujet. Smile

    Et d'ailleurs, merci AbImoPectore pour tes conseils ^^
 
Patricia Douce
   
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Patricia Douce  /  Pour qui sonne Lestat


Parler du deuil est très personnel pour chacun de nous. Il n'existe pas de deuil plus ou moins facile. Il y a juste des deuils qu'on accepte et d'autres pas. Le fait d'en parler peut être une porte de sortie vers un mieux être et c'est bien le principal. Faire son deuil n'est jamais facile et je me donne le droit de le transcrire de la meilleure façon pour moi... C'est un travail... et il n'est jamais facile.
http://patricia.douce.free.fr/
 
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Citation :
Tu prends la situation de décès la plus anodine possible et tu m'affirmes que parce qu'il n'y a rien de valable à tirer de celle-ci, il n'y a nécessairement rien à tirer de toute autre situation. La logique est douteuse, avouons-le.
Tu n'as pas vraiment saisi ce que je disais en fait. La logique c'est : tu peux parler de la mort, tous les sujets sont bons, mais ce qui compte, c'est l'angle adopté.

Que tu parles de la mort de ton Hamster, de celle de Dracula ou de celle de ta femme assassinée devant tes yeux après avoir violée, c'est la même chose. C'est pas telle ou telle mort qui serait bonne ou mauvaise à traîter. Tout est bon... si c'est fait comme il faut. Et aborder de front le sujet, être dans l'émotion, le témoignage, ce n'est pas de la littérature, c'est à dire une écriture qui s'adresse à quelqu'un qu'on ne connaît pas, c'est à dire un texte derrière lequel on s'efface, même dans un récit. Rousseau, Chateaubriand ou Proust, quand tu les lis, ils ont un regard, une distance, qui permet de partager des éléments personnels d'une vie tout en restant dans la bienséance et le bon goût. Alors qu'une auteure comme Patricia, on le voit encore avec cette dernière intervention, la question technique d'aborder un sujet pour être efficace, ce n'est pas ce qui l'intéresse. Elle veut faire partager, elle est dans le témoignage, dans l'appel à l'émotion ou à la sympathie. C'est un "moi je" personnel, quand il y a des "moi je" qui arrivent à une certaine "universalité" parce que ce sont des faux "je". Quand on lit Patricia, quand on lit "je", on sait que c'est "elle". On ne s'identifie pas à elle. Si elle ne met pas de distance avec nous lecteur, c'est le lecteur lui-même qui la mettra. Soit en étant dégoûté ou désintéressé, soit an ayant une sympathie de circonstance pour elle, jugeant "ce qu'elle a vécu", plutôt que ce qui est écrit. Alors que dans la littérature (même un roman de gare), quand on lit "je", c'est un "je" assez vague pour permettre une identification. Et de fait, ce "je", deviens notre "je". On se met à la place du narrateur. L'art d'un écrivain n'est pas d'être dans l'abandonce psychologique pour être crédible en créant une sorte de Golem cohérent ; son art, c'est de donner les éléments essentiels qui vont ouvrir l'esprit du lecteur, et faire en sorte qu'il se mette à la place de ce "je". Le détail, la précision, tuent le roman. Ce qui fascine et permet l'identification, c'est une part d'évocation et une autre de contradiction. L'évocation déclenche l'imagination du lecteur, et la contradiction l'entretien parce qu'il cherchera à comprendre la cohérence du personnage. C'est à lui d'expliquer. Si le romancier lui bouffe tout les détails, s'il est dans la surrenchère, il lui mâche le travail et le lecteur ne tire plus aucun plaisir. Le romancier ne fait que créer des boîtes vides que le lecteur se chargera de remplir. Ce pouvoir d'imagination du lecteur tient de notre capacité à trouver, à chercher, à voir, entre deux événements, des idées, une correspondance. On cherche partout les rapports de cause à effet, est-ce que ceci implique cela, etc. On apprend dans la vie à limiter ces rapprochements ou en tout cas à leur donner un cadre. Quand on casse se cadre, cela produit des maladies mentales comme la paranoïa ou la schizophrénie : le mec perçoit différents faits, il va chercher des liens entre eux, et parce qu'il n'a plus de barrière, de cadre, il verra des correspondances grossières et c'est là que sa maladie va se manifester. Eh bien pour le lecteur, c'est exactement le même processus : l'imagination, c'est laisser son esprit chercher des connexions entre les choses. L'auteur suggère donc A et B, et c'est le lecteur qui va imaginer de lui-même le rapport entre les deux. Et il éprouve du plaisir à imaginer la correspondance parce que ça peut éveiller tout un tas d'images dans sa tête. La différence avec un témoignage ? L'auteur va s'appliquer à décrire lui-même le lien qui existe entre A et B, parce qu'il est dans l'explicatif et ça a un sens pour lui que ses lecteurs sachent qu'il y a un rapport (ou non). Parce que son but, c'est d'être compris, d'être pris en sympathie. L'auteur de littérature, lui, il se fout d'avoir été compris comme il a écrit son histoire ; au contraire, il sait rester dans l'évocation, pour que le lecteur se fasse son film lui-même.

Citation :
On ne parle pas obligatoirement de mort anodine, ici. Dans des cas de tragédie grave, les répercussions psychologiques sont bien trop importantes et hors de la portée du commun des mortels pour être ignorées.
D'accord, donc ça revient à dire que plus l'événement, le deuil, est extra-ordinaire, plus il a de valeur. On est bien dans la grossièreté et la surrenchère des détails. Non seulement, c'est vulgaire, c'est facile (tout le monde peut se faire une idée de ce qui est "le plus") et ça n'a aucun intérêt. La réaction sera toujours "Oh ! comme c'est incroyable !" Et la littérature s'intéresse à autre chose.

Citation :
et d'ailleurs si on écrit, c'est bien parce que ça nous attire tous un peu.
Donc tu écris bien comme un spectateur. Tu ne te questionnes pas sur l'efficacité ou la pertinence de ce que tu écris pour le lecteur, mais seulement si ça te donne du plaisir ou si ça t'intéresse. Je m'intéresse à la disco, je vais pas en faire un roman.

Citation :
Tout auteur qui se respecte a besoin d'un minimum de connaissance en la matière pour écrire quelque chose de potable
Bien sûr, mais ce n'est pas son niveau de "connaissance" qui dira sur sa capacité à raconter quelque chose. Mais la maîtrise de son écriture.

Citation :
Et même s'il s'agit d'une mort anodine, il y a toujours plus à en tirer que l'évidence, comme avec n'importe quel sujet.
C'est donc le regard porté sur le deuil qui a son importance, pas le deuil en lui-même. Si tu dis, "le deuil c'est triste", c'est ça une évidence. Et la plupart de ces textes sont dans la description de ce tristesse, de ce douleur... Anodine ou non, c'est toujours le point de vue.

Citation :
Il faut savoir se pencher sur les bons détails, tout simplement, et c'est là la qualité d'un bon écrivain, selon moi - dénicher, déterrer et présenter ce que le lecteur ignore, pousser plus loin que les autres avant lui.
On est d'accord. Mais "se pencher sur les bons détails", c'est quoi sinon choisir un angle ?

Citation :
chaque personne vit le deuil de manière différente
S'il est question de "vire" oui, plutôt que de "ressenti". Ensuite, l'écrivain qui est dans le témoignage ramenera toujours cette nouvelle vie au deuil. Si A est l'événement "deuil" et que B est la situation après A, il ne fera pas mystère du lien entre les deux, parce qu'il est dans l'explicatif. Un auteur qui s'y débrouille pas mal, une fois que A (le deuil) a été évoqué, il passe à autre chose : BCDE...^^ Et c'est le lecteur toujours qui fera le lien avec A. C'est la magie des histoires : tout n'y est pas dit, on ne peut être que dans les suppositions. L'auteur laisse la place aux interprétations -- ce que ne fait pas un auteur de "témoignages".
Citation :

Et puis, la mort, quoi de plus intriguant, n'est-ce pas le sujet dont nous sommes tous secrètement le plus curieux?
Ah non... En quoi la mort est-il un sujet intriguant ? T'es malade, t'as un accident, t'es vieux, tu te fais tuer... tu meures. Point. Il y a quoi de fascinant là-dedans ? Et si tu voulais parler du dueil, même chose. Qu'il y ait une fascination dans les usages de cérémonie d'accord. Mais la douleur de perdre une personne proche, non, il n'y a rien de fascinant là-dedans. C'est de la pornographie. Chaque personne vit sa sexualité de manière différente, on ne peut pas dire que ça ait remplis des volumes et des volumes de littérature. C'est ce qui tourne autour qui est intéressant.

Citation :
ce sont ceux comme moi qui pensent que ce qu'ils ont appris dans le processus pourrait se révéler utile à d'autres, et donc le partagent.
Eh bien ce n'est pas de la littérature. Tu fais soit un témoignage, soit une thèse. Mais la littérature n'impose rien, et si elle a des leçons à donner, elle ne fait que les suggérer. On écrit pas des manuels de bien vivre.

Citation :
Peut-être as-tu cette opinion car tu crois qu'un tel approfondissement ne peut être destiné qu'à provoquer de vaines émotions fortes.
C'est un peu ça. Sauf que je ne le crois pas, c'est pas une croyance. C'est un fait non ? Quand on témoigne uniquement des moments douloureux de sa vie, c'est pour attirer une compassion non ?
 
Racou
   
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Racou  /  Autostoppeur galactique



    Flaot a écrit:
    C'est un peu ça. Sauf que je ne le crois pas, c'est pas une croyance. C'est un fait non ? Quand on témoigne uniquement des moments douloureux de sa vie, c'est pour attirer une compassion non ?
    Absolument pas! Tiens, par exemple, pourquoi sommes-nous en train de débattre du sujet en ce moment? Est-ce que c'est parce que nous voulons attirer le respect et l'admiration des autres devant notre « intelligence » et nos beaux discours? Pour le plaisir d'écraser un autre et d'affirmer la justesse indiscutable de nos opinions? Bien sûr que non, ou du moins en théorie. Il y a un but plus noble derrière, il y a un goût pour l'interrogation, la réflexion, pour l'échange entre êtres humains, ce n'est pas une simple question de « moi, moi et moi ». Comprends-tu le parallèle? Je pourrais dire : quand une personne défend ses opinions, c'est pour avoir l'air intelligente, parce qu'elle veut avoir raison et paraitre supérieure. Mais non, on comprend que c'est plus complexe que ça.

    Citation :
    tu peux parler de la mort, tous les sujets sont bons, mais ce qui compte, c'est l'angle adopté.
    Là, je suis d'accord, et oui, bien sûr qu'il faut choisir un angle de vue - c'est bien ce que j'entendais pas « savoir déterrer les bons détails ». Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il n'y a pas que deux angles de vue : la sensiblerie ou le détourné. C'est ce qu'on déduit de ton argumentation puisque tu dis que l'angle de vue détourné est le seul qui puisse être adopté, que tout autre est nécessairement vulgaire. Par la suite tu as défini ce que tu considères comme grossier, inapproprié : écrire pour rechercher la compassion. Mais justement, si on aborde le deuil de front ce n'est pas nécessairement pour cette raison, et ça j'en suis fermement convaincue. Entre ta définition de vulgaire et ta définition de bon goût, il y a aussi un entre-deux qui n'est pas non plus sans valeur.

    Avec ce entre-deux, il est certain que l'approche tient plus de la « pédagogie » (dans le sens où on est dans une idée d'apprentissage) que de l'art, mais ça n'en fait pas quelque chose de vulgaire. En fait, à certains égards - à certains égards, je dis bien -, ça peut se rapprocher de la philosophie. On ne fait pas appel à l'imagination du lecteur, certes, mais on fait appel à sa jugeote, on l'invite à penser et à remettre en question.

    Enfin voilà, pour ma part ce serait les raisons qui me pousseraient à écrire un témoignage si je devais le faire un jour. Faut dire qu'on s'est un peu égarés du sujet aussi, mais ce n'est pas grave. Je comprends mieux le point de vue de ton parti. Et merci pour la jolie définition de la littérature. Wink
 
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Citation :
Absolument pas! Tiens, par exemple, pourquoi sommes-nous en train de débattre du sujet en ce moment? Est-ce que c'est parce que nous voulons attirer le respect et l'admiration des autres devant notre « intelligence » et nos beaux discours? Pour le plaisir d'écraser un autre et d'affirmer la justesse indiscutable de nos opinions? Bien sûr que non, ou du moins en théorie. Il y a un but plus noble derrière, il y a un goût pour l'interrogation, la réflexion, pour l'échange entre êtres humains, ce n'est pas une simple question de « moi, moi et moi ». Comprends-tu le parallèle? Je pourrais dire : quand une personne défend ses opinions, c'est pour avoir l'air intelligente, parce qu'elle veut avoir raison et paraitre supérieure. Mais non, on comprend que c'est plus complexe que ça.
Hum ? Parce qu'on parle du deuil là ? On ne parle pas du deuil (m'en tape moi du deuil), on parle de la pertinence ou de moyen d'en parler dans un texte. Ça n'a rien à voir.

Mais d'accord, apparemment, y a pas consensus là-dessus... c'est donc pas en fait.^

Je vois pas le rapport du reste du paragraphe pour être honnête. Il n'y a pas à être meilleur qu'un autre. Chacun son point de vue, même si visiblement, on ne parle pas de la même chose. Tu parles du deuil, je parle de comment parler du deuil dans un texte (parce que c'est une question technique, le deuil en lui-même je le répète, je m'en tape).
Citation :

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il n'y a pas que deux angles de vue : la sensiblerie ou le détourné.
Là sensiblerie c'est pas un point de vue. Pour adopter un point de vue, il faut prendre ses distances avec son sujet, alors que dans la sensiblerie on est dans le sujet pour mieux être dans l'émotion. Où est la distance ? Soit t'es auteur, soit t'es spectateur. Si tu décides d'être dedans, dans l'émotion, et tu es spectateur de tes propres émotions. Et ça, ça a une valeur littéraire nulle.
 

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