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| Survie du "deadname" après transition | |
| | Nombre de messages : 73 Âge : 26 Localisation : Par ris Date d'inscription : 24/07/2024 | Ranish Kadjah / Clochard céleste Lun 14 Oct 2024 - 14:46 | |
| Bonjour, Je me renseigne actuellement sur les questions trans, identité, luttes, progrès, reculs... ; je fais des recherches dans mon coin, et j'ai envie de savoir autant de choses que possible, au sujet du "deadname", qui sans doute n'est pas un sujet facile pour les personnes trans. Et un sujet fluctuant, aussi. Evidemment le fait que j'en aie envie n'oblige personne à me répondre ; simplement, si quiconque souhaite parler de son rapport au deadname, j'ai pensé qu'il serait plus facile (?) de le faire sur un forum +/- anonyme, que de demander à ceux de mes amis qui, justement, n'ont pas envie de mentionner leur deadname auprès de connaissances.
J'écrivais récemment un journal intime fictif, et je me suis demandé comment une personne trans écrirait son enfance, dans une autobiographie ? Un homme transgenre dira-t-il "Quand j'étais petite" ? Ou "j'étais petit" ? Le deadname a-t-il tendance à s'effacer sous la transition ?
Je questionne donc : - Deux, cinq, dix ans après, que reste-t-il du deadname dans la pensée propre de la personne trans ? Je ne parle pas de son entourage, de l'administration... Mais, réellement, d'elle-même et de ses souvenirs.
- Le temps permet-il, après un long moment de transition, de considérer son moi passé comme quelqu'un d'un peu dissemblable, ou au contraire comme la même personne, que soi-même ?
- Une personne trans, mettons, 5 ou 10 ans après sa transition. Comment évoquera-t-elle son moi enfant ? Quel genre utilisera-t-elle ? Préférera-t-elle appliquer sa transition sur toute sa vie ?
Je ne poste ce sujet qu'en espérant qu'il s'agisse d'un sujet dont certains veulent parler. Je me limite à la question du deadname et de l'identité "passée" ; je ne cherche pas à déranger ou à débattre. Si l'on me répond que c'est trop sensible, trop personnel, j'en resterai là et j'irai chercher seul dans des essais ou des documentaires... Je tente ! (notamment, je ne me rends pas bien compte du degré d'anonymat / d'intimité sur ce forum, ou, moi, je ne connais encore personne).
(et dernière précision, je n'essaie pas d'atteindre des généralités : chacun aura un vécu unique, et il ne s'agit pas pour moi de dire "ok toutes les personnes trans ont donc vécu ci ou ça". Je veux plutôt lire des expériences, autour du deadname.)
Merci pour les réponses que vous m'apporterez
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| | Nombre de messages : 193 Âge : 24 Pensée du jour : à jamais overbooked, aaaaaaaaaaaaaah Date d'inscription : 08/03/2024 | chevalierrr / Tycho l'homoncule Mar 15 Oct 2024 - 23:22 | |
| Salut Ranish !Je me permets de te répondre, ayant pas mal de liens avec la communauté queer et trans spécifiquement. J'ai décidé aussi de répondre en publique car c'est une partie du club LGB TQ souffrant de bien trop de tabou et préjugés erronés ou malhabiles, donc je me dis que ça peut toujours servir pour les autres aussi. Déjà, il faut noter qu'il y a un rapport différent au deadname en fonction de si c'était un nom "passe-partout" mixte ou """genrable""" facilement. Il y a plusieurs exemples de personnes trans qui ont gardé leur nom d'origine car unisexe (Camille, Lou) ou qui ont simplement modifié l'orthographe pour le genrer correctement (Morgane => Morgan // Louis => Louise) Il y aussi un rapport différent au nom si la personne est non-binaire. Le terme transgenre est ce qu'on appelle un terme parapluie, qui regroupe d'autres situations que le "homme trans" et "femme trans". Là dessus je m'épancherais pas trop parce que même dans la communauté, ça se bagarre sur les termes à utiliser, qu'est-ce qui est respectueux ou non etc... Au final, chacun fait comme ça lui convient le mieux et il y a autant de genres qu'il y a de gens sur Terre. Maintenant, je vais partir du principe que tu te pose des questions sur la personne trans """classique""" binaire, avec un prénom très marqué féminin ou masculin, qui passe de bonhomme à gente dame, ou inversement. - Citation :
- Deux, cinq, dix ans après, que reste-t-il du deadname dans la pensée propre de la personne trans ? Je ne parle pas de son entourage, de l'administration... Mais, réellement, d'elle-même et de ses souvenirs.
Le deadname fait partie entière de l'identité de genre qu'on a essayé d'imposer à la naissance à la personne trans. C'est un symbole de tout ce que la personne a dut subir dans sa vie et de cette part d'elle qu'on a associé de force avec elle, mais avec laquelle elle n'a aucune attache. Il n'est donc bien souvent même pas naturel pour quelqu'un de trans d'envisager sa personne sous le deadname, et d'ailleurs c'est la plupart du temps une souffrance de se faire rappeler ce deadname. Certaines personnes, même en n'ayant pas encore changé le nom officiellement ou n'ayant pas encore transitionné au grand jour, oublient qu'elles portent le deadname tellement c'est étranger. C'est juste pas lié. C'est comme si tout le monde s'obstinait à t'appeler "le grand blond" alors que tu es petit et brun ; c'est tout simplement pas de toi qu'on parle! - Citation :
- Le temps permet-il, après un long moment de transition, de considérer son moi passé comme quelqu'un d'un peu dissemblable, ou au contraire comme la même personne, que soi-même ?
Je n'ai pas l'impression qu'il y ait une dissociation dans l'expérience trans par rapport à l'enfance, qui serait plus particulière que ce qu'on peut retrouver chez les cis (cis = gens pas trans, pour info). Il y a un rapport un peu différent, puisque potentiellement tu repenses à tels ou tels moments de ta vie et tu réalises qu'en fait tu as agit comme ça à cause de ta transidentité, mais il n'y a pas d'idée que le "moi enfant en pantalon" est une autre personne du "moi adulte trans qui porte des robes". Au contraire, c'est une façon de penser qu'on retrouve souvent chez les gens voyant d'un mauvais oeil la transition de quelqu'un et qui vont l'opposer à son soi de l'enfance en mode "quand t'avais 5 ans tu portais un pantalon et tu n'étais pas triste donc c'est faux t'es pas trans et tu trahis ton toi du passé". Comme si le soi du passé n'avait pas lui aussi eu cette transidentité en lui. - Citation :
- Une personne trans, mettons, 5 ou 10 ans après sa transition. Comment évoquera-t-elle son moi enfant ? Quel genre utilisera-t-elle ? Préférera-t-elle appliquer sa transition sur toute sa vie ?
L'idée de la transidentité, c'est pas que t'étais cis jusqu'au jour où tu es devenu trans. Le principe, c'est que de tout temps, t'as jamais été réellement en phase avec ce genre initial qu'on t'as donné à la naissance. Tu as toujours été trans, il y a toujours eu des signes, mais tu ne t'en rends compte que maintenant/que il y a 10 ans etc. Le gamin était déjà trans, il n'avait tout simplement pas les mots pour le dire ni le cadre favorable pour l'exprimer. Si quelqu'un t'as fait son coming out trans il y a 5 minutes, tu vas pas lui dire "ça fait que 5 minutes que t'es trans" ! Nan, c'était là avant. Imaginons que t'es un gars, tu es sûr que t'es un gars il n'y a pas de problème là-dessus, mais pendant une période de ta vie on t'a malgré toi désigné comme une fille et fait porté des robes et du maquillage. Est-ce que tu irais parler de cette période en te genrant au féminin, juste parce que les gens autour de toi se sont trompés ? Non. Bah là c'est pareil. C'est pas une transition ""en clignotant"" où on respecte le genre choisi, sauf dans ce cas-ci, dans ce cas-là... Il n'y a pas d'exception, et c'est encore moins le cas si on a affaire à une autobiographie. Tu transitionne pas pour après te genrer quand même avec les mauvais pronoms, bon sang ! D'ailleurs, les textes écris par des gens cis, on les voit venir à des kilomètres parce qu'on va avoir la mention du deadname, parce que on va avoir le fameux "machin est né dans le mauvais corps", "truc bidule était un homme et il est devenu une femme" etc qui font sensation dans un synopsis et qui paraissent mélioratifs pour des gens qui sont pas concernés, mais qui vont perpétuer des conceptions pas très justes pour les personnes dont il est question. En conclusion, dans un récit autobiographique, même évoquant une période avant la transition sociale et/ou médicale : un homme trans utiliserait son nom choisi Louis en disant "quand j'étais petit" et une femme trans utiliserait son nom choisi Louise en disant "quand j'étais petite". ((( Là encore, je répète que je me mets dans l'optique de l'expérience trans """classique""" homme à femme binaire etc ))) En tout cas, je trouve que ton message était formulé respectueusement, bien tourné dans ses phrases, n'a insulté personne au passage et témoigne d'une volonté d'en apprendre plus -- c'est assez rare de nos jours pour que ça ait le mérite d'être souligné ! J'espère que mes réponses ont éclairé tes points de questionnement et si d'autres gens veulent rapporter leur expérience, hésitez pas ! |
| | Nombre de messages : 276 Âge : 35 Date d'inscription : 24/05/2023 | Le vent l'emportera / Autostoppeur galactique Mar 15 Oct 2024 - 23:40 | |
| Je te conseille d'écouter les témoignages de Bambi (madame Pruvot). |
| | Nombre de messages : 73 Âge : 26 Localisation : Par ris Date d'inscription : 24/07/2024 | Ranish Kadjah / Clochard céleste Jeu 17 Oct 2024 - 18:56 | |
| Merci beaucoup Chevalierr je suis notamment en train de découvrir ce fait que la personne trans ressent avoir autrefois été ce qu'elle n'était pas, juste pour correspondre au genre imposé et ressembler à ce quon voulait d'elle. Merci d'avoir pris ce temps pour une réponse si détaillée.
Et donc ça confirme que le deadname est vraiment voué à disparaître, parce qu'il n'a jamais vraiment "été" le nom. Tout comme l'identité, il appartient non pas à un passé lointain, mais à un passé autre, parallèle, qui n'était pas le bon
Cependant ça reste un vrai mystère pour moi, lorsqu'on m'explique qu'il y a une certitude (certitude d'être gay, d'être trans), même à des âges prépubères. D'où vient cette certitude si puissante ? Si tôt ? Comment la ressent-on ?
Donc la sexualité et la puberté ne sont pas forcément synchrones ; et le genre encore moins.
Merci aussi au Vent l'emportera, je cherche les témoignages de Bambi et je les écouterai. |
| | Nombre de messages : 193 Âge : 24 Pensée du jour : à jamais overbooked, aaaaaaaaaaaaaah Date d'inscription : 08/03/2024 | chevalierrr / Tycho l'homoncule Ven 18 Oct 2024 - 22:45 | |
| Pas de problème @Ranish !
Pour continuer sur l'enfance, il y a certaines personnes qui disent que leur passé pré-transition leur paraît lointain comme dans un brouillard et qu'elles ne s'en souviennent plus tellement, tandis que d'autres n'ont pas de problèmes à montrer des photos pré-transition et à en parler. Donc ça dépend des expériences de chacun j'imagine.
En fait, je pense qu'il ne faut pas voir la certitude d'être gay ou d'être trans comme quelque chose de spécial par rapport au reste de l'existence humaine, et qui doit sûrement être régis par des forces obscures et inconnues. Si tu es sûr d'être bien dans ton genre et hétéro à 8 ans, pourquoi ne serais-tu pas sûr d'être trans et gay au même âge ? Déjà très tôt, les enfants montrent une attirance pour les sciences, ou les arts, ou les camions, ou les vélociraptors... Pourquoi ne remarqueraient-ils pas qu'ils ont plus envie de ressembler à des filles plutôt qu'à des garçons (ou inversement) ? M'est avis qu'un enfant a une palette d'émotion tout aussi diversifiée qu'un adulte, seulement il ne les ressent pas avec la même intensité et n'a pas les même mots pour les exprimer.
Aussi, on parle de "sexualité", "identité sexuelle" mais tu n'es pas obligé d'avoir une vie sexuelle active de post-pubère pour être touché par ça. A partir du moment où un humain peut tomber amoureux, il peut aussi remarquer qu'il préfère les garçons aux filles (ou inversement). Dès la primaire, les gamins se font des bisous innocents ou sortent avec leurs camarades pendant 2 jours et demi pour voir ce que ça fait. A partir du moment où un humain est conscient qu'il est socialisé en temps que garçon et pas en temps que fille (ou inversement), il peut remettre en question son genre assigné. Apparemment, dès 5 ans cette distinction est assimilée et les garçons comprennent qu'on attend d'eux qu'ils aiment le foot et le bleu, tandis que les filles se destinent au tutu et au rose.
Après, tu as des cas où dès 7 ans l'enfant va dire "ze veux pas être un garçon zveux être une fille" et d'autres cas où la personne met 47 ans pour s'en rendre compte. |
| | Nombre de messages : 325 Âge : 30 Localisation : France Pensée du jour : Écrire est un travail Date d'inscription : 01/12/2020 | Sasha Dahanramsar / Tapage au bout de la nuit Dim 20 Oct 2024 - 17:12 | |
| Je me permets de répondre, étant moi-même trans non binaire. Déjà, je trouve ça cool que tu essayes de te renseigner, Ranish Kadjah. Je suis en pleine période de coming out et franchement, des gens qui ont aucune envie de se renseigner, j’en ai croisés beaucoup trop et c’est vraiment douloureux. Comme Chevalierrr, j’ai l’impression que tu essayes de le faire de manière plutôt respectueuse. Parce que, ça aussi, des gens qui se montrent particulièrement invasifs sous prétexte de « se renseigner », j’en ai croisés des tonnes, pour mon plus grand malheur. Effectivement, c’est encore un sujet délicat, en raison de la transphobie encore bien vivace, et c’est sûr que toutes les personnes trans voudront pas te répondre. Mais tu as l’air au clair avec ça, donc c’est cool. Sujet fluctuant aussi, pas faux, au fur et à mesure qu’on réfléchit et qu’on comprend de plus en plus de choses sur le genre, les discours des associations changent lentement au fil des décennies, comme pour les autres sujets. Donc ce qui va être dit là pourra en partie rester tel quel et pourra en partie avoir changé dans dix ans, vingt ans, trente ans… Après, les questions que tu poses sont à mon sens des questions sociologiques : c’est impossible de répondre pour toutes les personnes trans ! Parce que chacune aura son propre vécu, et plusieurs peuvent même avoir des vécus complètement opposés, même si y a énormément de vécu commun aussi. Donc je peux te répondre pour mon ressenti, mais c’est clairement pas applicable à l’ensemble des personnes trans. De ce que j’ai compris et ressenti dans mon parcours de transition pour le moment, parler de l’enfance est souvent difficile pour une personne trans, parce que ça renvoie à une époque où on vivait sous la mauvaise identité. Je mets ma main au feu que la plupart (sinon l’écrasante majorité) des personnes trans parleraient de leur enfance sans se mégenrer. Après, dans des cas très très particulier, ça peut arriver qu’une personne trans parle d’elle au passé sous son genre assigné, mais c’est vraiment dans un contexte hyper spécifique. En général, on parle de soi sous son vrai genre, tout simplement parce qu’on a toujours été ce genre, peu importe l’assignation. Après, sur la question du deadname… ça s’appelle pas deadname pour rien. Après, encore une fois, pas de généralités, que des subtilités. Toutes les personnes trans ne changent pas de prénom. Toutes ne détestent pas leur deadname. En revanche, je remets ma main au feu : désigner une personne trans par son deadname est toujours douloureux, parce que ça la renvoie à son assignation, ça nie son identité, indépendamment de la relation qu’elle entretient avec son deadname. Pour ça, je vais prendre mon propre exemple (qui est UN exemple) : j’adore mon deadname. Je le trouve trop beau. J’ai jamais éprouvé beaucoup d’amour pour moi-même, mais j’ai toujours adoré mon prénom assigné. Je suis pas fâchae avec lui, je l’ai même personnifié sous la forme d’une entité, un déguisement vivant, qui est d’accord avec moi pour dire que le moment est venu que je l’enlève. Je l’apprécie tellement que (attention, je vais révéler un truc assez intime) je l’ai choisi comme deuxième prénom pour mon changement de prénom. Fait assez rare je pense, la plupart des personnes trans choisissant plutôt d’effacer le deadname une bonne fois pour toutes. MAIS, pas de méprise : si on me désigne avec mon deadname, ça me fait TRÈS mal. J’en pleure, ça ravive la dysphorie, c’est très douloureux. Je me sens réassignae, niae, bref, extrêmement déplaisant. C’est pour moi hors de question de laisser qui que ce soit utiliser mon deadname. Mais voilà, ça c’est mon vécu. Y a des personnes trans qui vont garder leur prénom. D’autres qui vont broyer, brûler et enterrer leur deadname. D’autres qui vont le modifier en prenant un prénom proche. Tout est possible. Y a des personnes trans qui détestent leur deadname, viscéralement. D’autres qui l’adoraient. Mais ce qui me paraît sûr, c’est qu’aucune n’apprécie qu’on l’appelle avec. Tout simplement parce que le problème, c’est pas le prénom en lui-même : c’est l’assignation, à laquelle il renvoie, c’est le fait que l’utiliser veut dire ne pas reconnaître l’identité. C’est ça qui fait mal. Indépendamment du prénom, en fait. C’est presque pareil que d’appeler une personne par une injure. C’est pas le mot le problème, c’est l’intention derrière. Je dis presque, parce que pour le deadname, y a une dimension supplémentaire particulière en plus, celle qu’il renvoie à toute une assignation, une histoire personnelle et une histoire partagée avec la communauté, bref, c’est beaucoup plus lourd de signification qu’une insulte random. Pour ce qui est du moi passé, pareil, ça va tellement dépendre des personnes. Et là-dessus, j’avoue que j’ai trouvé très très peu de littérature. Sans doute parce que évoquer son passé pré-transition est assez douloureux. Donc je peux seulement te parler de mon ressenti, mais pour celui-là, j’ai aucune idée d’à quel point il est partagé par les autres personnes trans. Moi, je vois mon moi passé comme mon moi présent mais coincé dans un déguisement. On parle souvent de masque, mais pour moi, c’était tout un déguisement, une combinaison intégrale, et pas le costume de théâtre que tu enlèves une fois la représentation terminée, non, celui-là, impossible d’en sortir. Je vois mon moi passé comme une personne non binaire tellement coinçae dans une assignation qu’al ne savait même pas qui al était ! Je me vois comme une personne non binaire qui a essayé pendant des années de se conformer à son assignation, qui en a testé des trucs, qui en a kiffés certains et détestés d’autres, et qui a découvert tout un univers au moment de son coming in. Je me vois comme une personne non binaire qui ne savait pas. Je pense que chaque personne trans aura sa façon à elle de parler de son enfance, que faut se garder de généraliser une règle et que dans le doute, quand on parle soi-même de l’enfance d’une personne trans, faut toujours en parler sous son vrai genre et pas son genre assigné, question de respect pour son identité. Pour donner mon exemple particulier, je parle de mon passé au neutre. Et si une personne parle de mon passé sous mon genre assigné, je n’entendrai pas qu’elle parle de mon passé, j’entendrai qu’elle parle de moi en me mégenrant au présent. Je rebondis aussi sur la question très particulière « Préférera-t-elle appliquer sa transition sur toute sa vie ? ». Ça m’a fait réfléchir, et je trouve ça pas si irréfléchi de parler de transition sur toute la vie. Actuellement, on parle de transition pour désigner la période où la personne fait les démarches pour cesser de vivre sous son genre assigné et pour vivre sous son genre réel. C’est donc une période relativement définie et surtout qui ne commence a priori pas avant le coming in de la personne. Toutefois, une transition, ça ne comporte pas que des actions dans le sens actif du terme. Une transition, ce sont des actions actives, mais aussi beaucoup de questionnements et d’attentes. Et finalement, est-ce que toute cette période avant coming in n’était pas une forme d’attente ? Est-ce qu’on n’est pas de fait en transition dès lors que l’assignation est erronée ? Bon, là, c’est un débat carrément philosophique sur le sens du mot transition. Mais je dis ça surtout pour casser un peu cette idée reçue autour d’un changement brutal. Y a un avant et un après transition, c’est indéniable. En même temps, la transition vise moins à changer la personne que la façon dont elle est perçue par les autres. Si je puis me permettre une analogie : quand on s’est rendu compte que la Terre était pas plate, on n’a pas considéré qu’avant elle était plate et maintenant elle est ronde. Elle a toujours été ronde. Juste, avant, on savait pas. Mais maintenant on sait, alors on peut en parler correctement. (Et oui, je sais, c’est pas une sphère parfaite, c’est pour l’image.) Sur la question de l’anonymat, j’ai des doutes. En tous cas, en ce qui me concerne, je me cache pas vraiment sur ce forum. Après, c’est parce que j’ai à la fois envie de me faire connaître en tant qu’écrivainx et sous ma vraie identité. Ceci dit, ça me paraît sûr que sur un forum, les gens ont le choix de pas répondre, ce qui est plus difficile si tu demandes directement à tes amix. Je pense que y aura des personnes qui auront pas envie d’en parler et d’autres qui auront envie, pour des raisons différentes. Mais effectivement, je pense que c’est important que ça reste du témoignage et pas du débat, dans le cadre de ce forum. Je rejoins la quasi totalité de ce que dit Chevalierrr. Sur la question de la certitude, je me permets de prendre le risque de nuancer, en supposant que y a pas de transphobes dans les parages. C’est tout le paradoxe de la transidentité (qui s’applique à d’autres identités d’ailleurs) et qui se résout très facilement en prenant en compte la transphobie de la société. Je parle pour moi, mais je pense que beaucoup de personnes trans ressentent ça (tout simplement parce que j’ai lu beaucoup de témoignages en ce sens) : y a à la fois une certitude et un doute. Le doute, et je dirais même le doute trans, c’est cette infinie litanie de questions que les personnes trans se posent à l’abri des regards et des oreilles (principalement pour ne pas alimenter la rhétorique anti-trans, mais pas seulement) : suis-je vraiment trans ? Suis-je assez trans ? Est-ce que je fais un caprice ? Suis-je légitime ? Quel est mon genre ? Qui suis-je ? Etc. C’est le questionnement, part essentielle de la transition, et c’est aussi et surtout de la transphobie intériorisée. Je prends mon exemple, je ne sais pas si toutes les personnes trans ressentent ça : j’alterne entre des phases où je suis sûrx de moi, de mon genre, de mon prénom, de mon pronom… et des phases où je sais plus qui je suis, où je me demande si je devrais pas retourner à mon genre assigné, si je me suis pas trompae, etc. Je vous laisse deviner dans quels moments je ressens chaque phase. Je casse le suspense tout de suite : les phases de certitude surviennent quand l’euphorie est là, quand tout va bien, quand on me genre correctement ; les phases de doute viennent pendant les crises de dysphorie, quand on m’a mégenrae ou morinommae, quand je rencontre un obstacle dans ma transition, quand ça va pas. La réponse à ces doutes ? Oui, tu es trans, oui, tu es non binaire, oui, c’est la société qui est transphobe. La société transphobe nous pousse avec une force démesurée à douter de nous-mêmes. Pourquoi ? Parce qu’elle veut pas qu’on transitionne ! Et en même temps, malgré tous ces doutes, y a cette certitude, qui ne se forme pas d’un seul coup ni dès le plus jeune âge, mais qui se construit progressivement et qui repose sur deux choses à mon sens (d’autres personnes trans pourront être en désaccord, je donne mon expérience) : la dysphorie et l’euphorie. Ces deux sœurs sont là pour envoyer deux messages essentiels : « ça, c’est pas ton genre » et « ça, c’est ton genre ». Si on les écoute pas, principalement pour échapper aux discriminations transphobes (à mon sens), ouais, on doute sévère, parce que c’est pas parce que tu restes dans ton déni que la dysphorie va lâcher l’affaire. Mais si tu les écoutes, elles mentent pas. Elles te disent la vérité. Et elles sont d’une constance assez ébouriffante dans leurs messages (dans mon expérience en tous cas). Après, l’âge auquel survient la certitude dépend à mon avis de l’éducation. Je développe : si tu sais pas que la transidentité existe, si tu as pas les mots pour parler de ce que tu ressens, comment tu peux te dire trans ? Stone Butch Blues en donne une formidable illustration : Jess voit bien que quelque chose ne va pas, mais iel n’a aucun mot, aucune représentation pour parler de son vécu. C’est tout l’enjeu de la représentation. Moi, clairement, j’ai fait mon coming in qu’à partir du moment où j’ai su que la transidentité existait. Et je pense pas être lae seulx. Mais si je l’avais su plus tôt, est-ce que j’aurais fait mon coming in plus tôt ? Certainement. Parce que, que tu saches ou pas, la dysphorie et l’euphorie sont là dès le début. Seulement elles sont complètement intériorisées. Le site intitulé La Bible de la dysphorie : c’est la dysphorie pour info explique ça merveilleusement bien. Il prend l’analogie du poisson : le poisson ne voit pas l’eau, il vit dedans. De même, la personne trans ne se rend pas compte de la dysphorie, elle vit dedans, ça lui paraît normal. Jusqu’au jour où elle tombe sur des gens comme elle, sur des témoignages qui expliquent ce qu’elle ressent et qui mettent des mots, où elle se rend compte que non, tout le monde ressent pas ce malaise ! Et pourquoi ce malaise est là depuis le début ? Le site explique ça mieux que moi, mais pour résumer : qu’on te considère comme un autre genre que le tien, quels qu’ils soient, ça fait mal. Le site, d’autres sites d’assos et Chevalierrr l’expliquent très bien : si on a la certitude, en tant que personne cis, d’être une femme ou un homme, pourquoi on aurait pas la certitude de son genre, même en tant que personne trans ? Cette certitude trans qui te paraît si bizarre, en fait, tu l’as aussi ! Tu as la certitude de ton genre ! Simplement, tu te poses pas la question, parce que, en tant que personne cis, y a pas de décalage, donc pourquoi se poser des questions si y a pas de problème ? N’empêche que si une personne appelle une femme cis monsieur ou un homme cis madame, la réaction va être immédiate et assez peu (pour pas dire pas du tout) teintée de doute. Chevalierrr a raison, le genre et même l’orientation, ça va tellement au-delà de la génitalité ! Voilou, j’ai répondu un peu en vrac au fil de ma (re)lecture, j’espère que j’ai su faire preuve de clarté =) |
| | Nombre de messages : 73 Âge : 26 Localisation : Par ris Date d'inscription : 24/07/2024 | Ranish Kadjah / Clochard céleste Lun 21 Oct 2024 - 13:32 | |
| Wow merci
C'est vraiment intéressant de lire des explications aussi détaillées, qui cherchent à la fois l'individuel et le général. Tu vois la notion de deadname, je n'avais pas réfléchi à cet amour-haine paradoxal, que certain.es peuvent éprouver. On m'avait toujours raconté qu'un deadname, ça s'oublie, pour le bien de la personne trans.
Et donc, l'analogie terre plate-ronde fonctionne particulièrement bien : un savant qui, après 20 ans de "terre plate", la découvre ronde, cessera très vite de la croire plate... et de se référer à elle comme plate, même s'il parle de son passé. Il ne dira pas "Quand j'avais 8 ans la terre était plate". Je continue de me demander si une personne trans, racontant ses Mémoires par exemple, pourrait dire qqch comme : "Quand j'étais enfant, j'étais une fille, à force de le croire. Puis, j'ai compris et accepté que j'étais non binaire." Tu vois, ce "à l'époque, mon identité dominante était la mauvaise, mais j'étais cette identité malgré tout." Question sans doute très personnelle et variable.
Pour la question de la certitude, c'est peut-être là que je dois préciser le fond de ma pensée : En fait, moi (homme cis actuellement) je ne suis sûr que de mon appartenance au sexe biologique que le hasard m'a donné, et que la société conforte. J'ai lu plusieurs fois qu'il n'y avait pas véritablement de genre biologique assigné : et, néanmoins, je n'ai pas été questionner très loin le caractère "masculin" de mon pénis, qui est un pénis, et voilà. Pour ça, je suis pas trop dans le doute. Mais la fameuse "féminité", si une telle chose peut encore être conçue, je suis sûr d'en avoir une bonne dose ; par plein d'aspects. Autrement dit, puisque je n'adhère pas à la notion de "féminité" / "masculinité", je pourrais dire que mon genre (masculin) est mêlé de féminin, càd, qu'il n'est pas un genre masculin. Ça ne fait pas de moi une personne non-binaire, mais, clairement, la notion d'être "homme masculin" se mêle de doutes et les frontières se brouillent. Tant mieux ; et quand on me prend pour une femme, ou qu'on croit que j'ai 16 ans alors que j'en ai 26 tellement je suis imberbe, ça ne me fait aucun mal, c'est qui je suis.
Pour la sexualité par contre, voilà le centre de la question (me concernant) : c'est que les doutes, eux, ne cesseront jamais. Ou pas avant longtemps. Je ne suis pas hétérosexuel, ça me semble évident ; je n'ai pourtant eu que des expériences hétéros. Par acceptation d'un modèle dominant, clairement ; et par inquiétude vis-à-vis du doute existentiel. Je ne vois pas trop en quoi la bisexualité me ferait du tort ; mais pour le moment c'est pas venu et je redoute qqch d'inconnu. Je ne suis pas allé la chercher en moi. Donc, je suis régulièrement traversé d'incertitudes, qui me donnent envie de rompre ou de semi-disparaître. Voilà ce que je voulais ajouter, en bref : des personnes cis qui doutent, il y en a des dizaines de millions, j'en suis sûr. Et qui se sentent placées là où n'est pas leur vraie place. Alors que, quand je parle à une personne LGBTQ+, elle décrit une sorte de certitude : La certitude de ne pas correspondre au moule. Le fait qu'une personne lgbtq+ ne corresponde pas au moule, lui apporte un lot de souffrances et de doutes, évidemment. Mais, ce qu'elle cherche à travers sa lutte, c'est la certitude d'être qui elle veut être ? Qui elle doit être ? Et voilà donc la question profonde, qui, pour le coup, est loin d'être résolue :
Les personnes cis et sûres de l'être, tiennent leur identité d'un moule. (Pour faire court). Les personnes LGBTQ+ et sûres de l'être, cherchent et trouvent leur identité dans un anti-moule.
Mais en quoi les unes ou les autres pourraient être sûres de leur identité, au fond ? Pourquoi le fait d'être anti-moule donnerait une meilleure appréhension de la vérité profonde ? Est-ce qu'on est plus libre de ses mouvements lorsqu'on s'évade de sa maison de naissance, alors que cette évasion elle-même pouvait être déterminée, et pas vraiment libre ?
À y penser, et à vous lire, je vois clairement que les personnes trans n'échappent pas au doute, loin de là. Au final, on est tous en train de se demander qui on est. Ce qui rend ma question encore plus sincère : Qui, sur cette terre, est sûr de son identité ? (Je répondrais personne, pour l'instant)
Je voulais attendre un peu avant d'en venir là, parce que, posée brut, cette question me semble source d'incompréhensions. Mais elle est sincère, et je crois qu'elle n'est pas trop idiote. Voilà donc aussi pourquoi je suis intéressé par les expériences trans, qui me semblent aussi être des efforts vers une identité au sens large, pas seulement sexuelle. C'est un peu comme ça que je cherche à m'expliquer des certitudes homosexuelles, chez des enfants de 8 ans, par exemple. Ou pas ? Je sais pas. J'ai envie en tout cas de lire des témoignages, peut-être des biographies ; j'ai l'impression que, plus on pense à la transidentité, plus on réalise qu'on y est tous.
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| | Nombre de messages : 276 Âge : 35 Date d'inscription : 24/05/2023 | Le vent l'emportera / Autostoppeur galactique Lun 21 Oct 2024 - 13:53 | |
| Bonjour, je voudrais poser une question sur la transidentité et la non-binarité car j’ai compris que c’était des notions en conflit théorique (binarité de la transexualité) quoiqu’en alliance pratique (convergence des luttes). Est-ce résolu par la nécessité d’une transition vers la non-binarité pour les identités concernées ? |
| | Nombre de messages : 193 Âge : 24 Pensée du jour : à jamais overbooked, aaaaaaaaaaaaaah Date d'inscription : 08/03/2024 | chevalierrr / Tycho l'homoncule Lun 21 Oct 2024 - 22:32 | |
| (ici, j'utilise "sexualité" comme terme général englobant l'identité de genre et l'attirance. J'ai pas d'autres mots déso je ne connais pas la bible de la queer community)
@Ranish kadjah je sais pas si ça répond à tes questionnements mais je pense PAS qu'il faut choisir une sexualité parmi tout le panel existant et décider "maintenant je suis comme ça et ça change pas". ça découle d'abord d'un constat dans sa vie réelle : "bah j'ai remarqué que j'étais pas du tout attiré par ça, donc je dois être ceci", pas l'inverse. Et d'ailleurs, il n'y a pas de notion ancrée dans le marbre, c'est fluide (d'où le terme gender fluid). Tout comme beaucoup de personnes gardent toute leur vie la même sexualité, beaucoup d'autres personnes passent par plusieurs sexualités au cours de leur vie. On te demande pas de te mettre une étiquette sur le crâne pour les 60 ans à venir ; qui sait quelle personne tu sera dans 10, 15, 20 ans ? L'important c'est ce que tu ressens factuellement sur le moment, et non pas d'essayer de coller à l’appellation que tu as donnée à ce que tu ressens. Le but c'est pas de quitter un moule pour essayer de rentrer à tout prix dans un autre moule ("gay", "bi", "trans"...). Je sais que c'est compliqué de réaliser ça, parce que même dans la commu queer il y a des gens qui essayent de dicter la sexualité des autres. Je pense qu'il y a aussi une grosse part du "syndrome de l'imposteur" qui veut faire croire qu'on ne peut pas """réellement""" s'identifier à telle sexualité parce qu'on n'aurait pas coché toutes les cases associées à cette sexualité dans l'imaginaire collectif.
Pour illustrer ce que je dis et pour faire le lien avec autre chose, j'ai des soucis d'hypersensibilité sensorielle. J'ai toujours enduré les bruits et la lumière en serrant les dents, même si ça me rendait clairement de mauvaise humeur et m'empêchait de faire des choses, parce que les "gens normaux" n'avaient pas de problème avec ça. Je ne voulais pas faire les démarches pour améliorer ma qualité de vie parce que c'était "un truc de gens neuroatypiques" et "moi je suis neurotypique et donc j'agis comme un neurotypique". Jusqu'au jour où je me suis rendu compte que je prenais le problème à l'envers : si j'ai effectivement de l'hypersensibilité sensorielle, c'est pas en le niant que ça va disparaitre. Les faits sont là ! Je ne suis pas sûr d'être réellement neuroatypique (on revient sur le syndrome de l'imposteur, haha). Et au final, je m'en contrefous ! Si je me sens mieux en utilisant telle ou telle astuce de neuroatypique, c'est comme ça. Et j'ai pas besoin d'arrêter un diagnostique officiel et viable jusqu'à la fin de mes jours qui atteste que effectivement je me sens mieux comme ça.
Après, tout ça demande un vrai effort sur soit-même pour déconstruire les biais non seulement des autres mais aussi ceux qu'on a intériorisé. |
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