Connaître vos droits en tant qu’auteur.e
De la façon dont vous allez arrêter de vous faire avoir, et dont vous allez faire frémir toutes les maisons d’édition louches qui vous proposeront des contrats flous.
Écrire, c’est merveilleux. Romans, nouvelles, poèmes et que sais-je, sans parler de tous les genres littéraires existant à ce jour… vous avez de quoi vous éclater. Et puis, une fois vos œuvres rédigées, il vous vient l’envie de les offrir (enfin, les vendre) au monde, de trouver des lecteurs aux quatre coins du pays et au-delà. Pour ça, il existe plusieurs solutions, dont les deux grandes principales sont l’autoédition et la
publication en maison d’édition (ci-après "
ME").
Le souci, c’est qu’il y a des
pièges. Certains seront dus à votre ignorance de la matière juridique, d’autres à un flou volontaire de la part l’éditeur dans le contrat, ou carrément à un mélange des deux : l’éditeur prenant avantage de votre ignorance supposée pour vous faire signer un contrat comprenant des clauses très
borderline, faites pour vous désavantager ou même, parfois, totalement illégales.
Autrement dit, le monde de l’édition, c’est une guerre constante. Autant avoir les armes juridiques nécessaires pour ne pas partir avec un handicap. Les informations que vous trouverez dans ce topic sont
purement légales et/ou jurisprudentielles, avec bien évidemment un peu de
doctrine ou de ma propre
vulgarisation pour que vous compreniez le tout, même sans avoir fait de droit dans votre vie.
Les informations que vous trouverez ci-dessous sont valables pour des ouvrages que vous avez écrits seul.e, dont vous êtes l’unique auteur.e. Il existe des règles particulières pour les co-auteur.es, qu’il me prendrait trop de temps de détailler ici (et puis, ça risque de devenir confus si je mets des règles contraires dans tous les sens). Si vous avez des questions à ce sujet, toutefois, je pourrai tenter d’y répondre en fouillant une fois de plus dans le Code de la propriété intellectuelle (ci-après "
CPI").
Je précise également que si beaucoup de ces informations sont
générales, celles étant un peu plus visées (concernant le contrat d’édition, par exemple) concernent les auteur.es souhaitant être publié.es en
maison d’édition. Je ne me suis pas aventurée sur les particularités de l’autoédition, qui est encore « neuve » en France et me demanderait trop de recherches. Encore une fois, cependant,
même les auteur.es autoédité.es devraient pouvoir trouver des informations utiles ici.Je n’ai travaillé que sur le
droit français : amis suisses, belges, canadiens et autres francophones, cet article ne vous concerne malheureusement pas.
Enfin, vous ne trouverez
pas l’intégralité du droit de la propriété intellectuelle ici. C’est une quantité astronomique d’informations, qui auraient nécessité un ouvrage entier pour être toutes expliquées/vulgarisées. J’ai également découpé certains articles cités dans ce topic, notamment par rapport aux dispositions en matière de succession. Le droit, c’est souvent très (trop) long. Je n’ai gardé que les morceaux vraiment susceptibles de vous intéresser, pour réduire la taille de ce très (trop) long topic.
Si jamais vous vous posiez la question de ma propre légitimité à rédiger ce topic : je suis une
jeune juriste en 3e année de licence de droit. Pas de diplôme en poche encore, mais vous pouvez être certain.e que les textes de loi, je sais les lire et les comprendre.
JE RAPPELLE EN REVANCHE QUE JE NE SUIS PAS ENCORE PROFESSIONNELLE DU DROIT. Si vous êtes en plein litige avec une ME,
contactez un.e avocat.e. Dans le cas où vos revenus ne vous permettraient pas de régler les frais d’un.e professionnel.le « privé.e », il existe en France ce qu’on appelle
l’aide juridictionnelle. Il s’agit d’un service qui vous permettra, selon vos revenus, de diminuer vos frais légaux, voire de ne rien payer du tout. N’hésitez pas à vous renseigner sur internet, vous y trouverez toutes les informations dont vous avez besoin.
Je peux néanmoins peut-être répondre à certaines questions, notamment les questions de compréhension concernant ce topic. Encore une fois, ce dernier n’a qu’un but purement
informatif, pour vous aider à mieux cerner l’aspect légal du monde de l’édition.
Sommaire :
La propriété intellectuelle de l’auteur.e
L’œuvre
- Article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle:
L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
Autrement dit, à partir du moment où vous
créez quelque chose, cette chose vous
appartient. Pleinement. Votre bouquin est à vous, et personne ne peut se prévaloir de sa propriété mis à part vous.
« Opposable à tous » signifie qu’étant propriétaire de votre œuvre, vous pouvez faire valoir ce droit de propriété devant
n’importe qui.
- Article L111-2 CPI:
L'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur.
Ainsi, même si vous n’avez écrit qu’
un seul chapitre, même si vous n’en êtes qu’à la
préparation, votre œuvre est
à vous. Point final.
Un exemple bête : votre
JdB préparatoire sur ce forum, dans lequel vous détaillez votre progression, est à vous. Les détails que vous mettrez sur ce JdB concernant votre œuvre vous appartiennent. Personne ne peut écrire ce livre à votre place sans votre accord, sous prétexte que vous ne l’avez pas fini et que les éléments dévoilés dans le JdB lui ont plu.
- Article L113-6 CPI:
Les auteurs des œuvres pseudonymes et anonymes jouissent sur celles-ci des droits reconnus par l'article L. 111-1.
Ils sont représentés dans l'exercice de ces droits par l'éditeur ou le publicateur originaire, tant qu'ils n'ont pas fait connaître leur identité civile et justifié de leur qualité.
Vous pouvez être Batman
undercover et refuser de dévoiler votre identité dans vos livres, ils vous appartiennent quand même. La raison est simple : quand vous signez un contrat d’édition,
vous êtes obligé de le signer de votre véritable nom. L’éditeur sait donc précisément à qui appartient le livre qu’il va publier.
Vous pouvez, par contre, demander à rester anonyme, ou à utiliser un pseudonyme dans votre livre. L’éditeur sera alors l’interlocuteur de vos lecteurs et du reste des intervenants du monde de l’édition, et vous pourrez continuer votre petite vie pépouze en empochant vos droits d’auteur, sans perdre votre propriété sur votre œuvre.
Si c’est pas beau, ça.
Le titre
- Article L112-4 CPI:
Le titre d'une œuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'œuvre elle-même.
Nul ne peut, même si l'œuvre n'est plus protégée dans les termes des articles L. 123-1 à L. 123-3, utiliser ce titre pour individualiser une œuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion.
Pour faire simple :
le titre aussi vous appartient. Vous n’êtes pas en droit de reprendre le titre de quelqu’un d’autre pour votre bouquin, sous prétexte qu’il vous a plu. Personne ne peut reprendre votre titre pour son propre bouquin sous prétexte qu’il lui a plu.
Si le livre n’est plus protégé (voir conditions juste après), vous pouvez éventuellement reprendre le titre. Cependant, attention : la
confusion entre votre livre et celui dont vous avez repris le titre doit être
impossible.
Ainsi, si vous écrivez une romance avec des vampires et que
Twilight n’est plus protégé, vous ne pourrez pas appeler votre bouquin
Twilight. C’est le même genre, ça porte à confusion. Par contre, vous pourrez appeler un recueil de poésie
Twilight. On ne pourra pas confondre les deux,
puisqu’ils n’ont en commun que le titre.
Il y a également le
critère d'originalité : si le titre de votre livre est banal, il y a des chances pour que sa reprise soit autorisée (c'est au cas par cas, souvent). Par exemple : "Les Ombres". Ce n'est pas original, quelqu'un pourra sans doute le reprendre. Par contre, "Les Ombres de Jolly Jumper", c'est original, et donc bien mieux protégé. La possibilité pour que quelqu'un puisse reprendre votre titre est faible, voire nulle.
- Article L123-3 CPI:
L'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire.
Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent.
Pour ce qui est des vieux bouquins, qui ne sont plus protégés : ce cas n’intervient que si l’auteur est
mort depuis plus de 70 ans. Avant, le livre est protégé. Conclusion : même pour un recueil de poésie, il va falloir oublier
Twilight.
(Bon, Twilight est un mauvais exemple car bouquin étranger donc les règles peuvent changer, mais je pense que vous avez saisi l’idée. Enfin, j’espère.)
Les droits moraux
- Article L121-1 CPI:
L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.
Ce droit est attaché à sa personne.
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Autrement dit, personne n’a le droit de vous retirer votre statut d’auteur, de changer votre nom sur la couverture, de modifier votre œuvre. Et ce, à jamais. Regardez Émile Zola : il est mort depuis un bon paquet de temps, mais il est toujours l’auteur des
Rougon-Macquart, et le texte est identique à lors de sa première parution.
- Article L121-2 CPI:
L'auteur a seul le droit de divulguer son œuvre. Sous réserve des dispositions de l'article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.
Personne ne peut envoyer votre bouquin en maison d’édition à votre place sans votre accord. Personne ne peut publier votre bouquin sur JE sans votre accord.
Vous êtes l’unique personne en droit de décider ce qu’il adviendra de votre œuvre. (L’article 132-24, dans lequel sont exposées des exceptions, ne concerne que les œuvres audiovisuelles et musicales. Pas vous, donc.)- Article L121-4 CPI:
Nonobstant la cession de son droit d'exploitation, l'auteur, même postérieurement à la publication de son œuvre, jouit d'un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il ne peut toutefois exercer ce droit qu'à charge d'indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. Lorsque, postérieurement à l'exercice de son droit de repentir ou de retrait, l'auteur décide de faire publier son œuvre, il est tenu d'offrir par priorité ses droits d'exploitation au cessionnaire qu'il avait originairement choisi et aux conditions originairement déterminées.
Miam, tous ces mots compliqués.
En vrai, c’est tout bête. Quand vous signez un contrat d’édition, vous ne cédez
que les droits d’exploitation de votre livre, à moins de dispositions contractuelles contraires et clairement explicitées. Autrement dit, le droit d’en faire un livre, un ebook, de faire de la pub, de le vendre. Votre droit de propriété intellectuelle reste à vous, pleinement.
Votre livre vous appartient, même après publication.Donc, sachant cela, il vous est possible de décider d’un coup que vous ne
voulez plus céder vos droits d’exploitation. Que vous voulez rompre le contrat, quoi. Le cessionnaire, c’est la
maison d’édition. Si vous décidez de rompre le contrat de cession de droits (d’exploitation), vous devrez
indemniser (verser une compensation, généralement monétaire) la maison d’édition si cette dernière a subi un
préjudice (que ça lui a causé des soucis, en gros) à cause de la rupture du contrat.
Si, un peu plus tard, vous revenez sur votre décision et décidez de
céder vos droits à nouveau, la maison d’édition avec laquelle vous aviez préalablement signé est
prioritaire, et est en droit de vous proposer exactement le même contrat qu’auparavant. Autrement dit, avant d’aller voir chez Gallimard si vous aviez signé avec Flammarion, il faudra d’abord re-proposer votre livre à Flammarion. S’ils vous envoient bouler, vous pourrez le proposer à Gallimard.
Exploitation des droits
- Article L131-1 CPI:
La cession globale des œuvres futures est nulle.
On ne peut pas vous faire signer un contrat stipulant que vous écrirez un livre, et il appartiendra totalement à quelqu’un d’autre. Nope. Vos droits se cèdent
sur le moment, après création de l’ouvrage, via des
contrats spécifiques, et avec votre consentement éclairé uniquement. Sinon, nullité du contrat. Autrement dit, il n’est pas valide, il ne produit pas d’effet, vous restez propriétaire de tout.
- Article L131-2 CPI:
Les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exécution.
Les contrats par lesquels sont transmis des droits d'auteur doivent être constatés par écrit.
Un peu de formalisme, ici. Votre contrat d’édition ne peut pas être un accord oral. Il doit être
écrit, pleinement écrit, et signé à l’écrit (ou par signature électronique, mais ça revient au même). Il doit avoir une
existence physique, même si vous cédez vos droits à titre gratuit (pour un recueil de nouvelles dont les bénéfices seront reversés à une œuvre de charité, par exemple).
- Article L131-3 CPI:
La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
Plus simplement : on ne peut pas vous faire signer un contrat qui ne mentionnait que la cession du droit d’exploitation, mais pas celle de la cession des droits de propriété intellectuelle, et vous dire : « oh, mais vous nous avez cédé vos droits de propriété intellectuelle avec ce contrat ». Eh non. Il faut que ça soit
écrit, pour que vous sachiez à quoi vous vous engagez quand vous signez.
Il faut aussi que
le lieu, la durée, le pourquoi du comment et le à quel point de la cession soient mentionnés. Concrètement, ce qu’il faut retenir, c’est qu’un contrat doit être
précis. Et si vous avez un doute, vous posez la question avant de signer. Toujours.
On ne signe un contrat que quand on est complètement certain de son contenu.
Le contrat d’édition
Définitions et généralités
Dans les topics épinglés, vous trouverez
cet excellent article expliquant la signification de nombreuses clauses. Je ne reviendrai donc pas précisément sur ces dernières, mais je veux juste m’assurer que vous puissiez reconnaître les contrats flous, qui manquent de clauses essentielles.
- Article L132-1 CPI:
Le contrat d'édition est le contrat par lequel l'auteur d'une œuvre de l'esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion.
La définition du contrat d’édition. Simple, claire, précise. C’est un contrat, par lequel vous
cédez vos droits de fabriquer votre livre, avec un certain nombre d’exemplaires papier et/ou une réalisation numérique (ebook). L’éditeur doit s’occuper de la publication et de la diffusion du livre.
- Article L132-7 CPI:
Le consentement personnel et donné par écrit de l'auteur est obligatoire.
Autrement dit, pour être valable, le contrat doit être
signé. Eh ouais.
- Article L132-8 CPI:
L'auteur doit garantir à l'éditeur l'exercice paisible et, sauf convention contraire, exclusif du droit cédé.
Il est tenu de faire respecter ce droit et de le défendre contre toutes atteintes qui lui seraient portées.
Si vous avez signé, vous vous engagez à
respecter les stipulations du contrat. L’éditeur fait son job, vous vous assurez de ne pas lui mettre des bâtons dans les roues. Bien entendu, si l’éditeur ne fait pas son job, vous disposez d’un droit de
recours (autrement dit, du droit de lui taper dessus dans un tribunal).
- Article L132-9 CPI:
L'auteur doit mettre l'éditeur en mesure de fabriquer et de diffuser les exemplaires de l'œuvre ou de réaliser l'œuvre sous une forme numérique.
Il doit remettre à l'éditeur, dans le délai prévu au contrat, l'objet de l'édition en une forme qui permette la fabrication ou la réalisation de l'œuvre sous une forme numérique.
Sauf convention contraire ou impossibilités d'ordre technique, l'objet de l'édition fournie par l'auteur reste la propriété de celui-ci. L'éditeur en est responsable pendant le délai d'un an après l'achèvement de la fabrication ou de la réalisation sous une forme numérique.
Si vous avez signé le contrat, vous devrez
remettre le manuscrit à l’éditeur. Évidemment. Sauf si le contrat dit l’inverse,
vous restez propriétaire de votre ouvrage. Normalement, dans un contrat d’édition, vous ne cédez que les droits d’exploitation et de reproduction de l’œuvre. Normalement. Selon le contrat, ça peut changer. Quant aux droits d’adaptation, ils doivent faire l’objet d’un contrat annexe (voir clauses obligatoires, un peu plus bas).
- Article L132-10 CPI:
Le contrat d'édition doit indiquer le nombre minimum d'exemplaires constituant le premier tirage. Toutefois, cette obligation ne s'applique pas aux contrats prévoyant un minimum de droits d'auteur garantis par l'éditeur.
Assez clair, cet article. Si l’éditeur, dans le contrat, vous dit « je vous donnerai 10 000€ » (on peut toujours rêver), pas besoin du nombre d’exemplaires du premier tirage dans le contrat. Sinon, oui.
- Article L132-11 CPI:
L'éditeur est tenu d'effectuer ou de faire effectuer la fabrication ou la réalisation sous une forme numérique selon les conditions, dans la forme et suivant les modes d'expression prévus au contrat.
Il ne peut, sans autorisation écrite de l'auteur, apporter à l'oeuvre aucune modification.
Il doit, sauf convention contraire, faire figurer sur chacun des exemplaires ou sur l'œuvre réalisée sous une forme numérique le nom, le pseudonyme ou la marque de l'auteur.
A défaut de convention spéciale, l'éditeur doit réaliser l'édition dans un délai fixé par les usages de la profession.
En cas de contrat à durée déterminée, les droits du cessionnaire s'éteignent de plein droit à l'expiration du délai sans qu'il soit besoin de mise en demeure.
L'éditeur pourra toutefois procéder, pendant trois ans après cette expiration, à l'écoulement, au prix normal, des exemplaires restant en stock, à moins que l'auteur ne préfère acheter ces exemplaires moyennant un prix qui sera fixé à dire d'experts à défaut d'accord amiable, sans que cette faculté reconnue au premier éditeur interdise à l'auteur de faire procéder à une nouvelle édition dans un délai de trente mois.
Autrement dit,
l’éditeur doit respecter le contrat autant que vous. Il n’a
pas le droit de supprimer des morceaux de votre œuvre, d’en
rajouter ou d’en
modifier sans votre accord. Il doit vous
identifier comme étant l’auteur sur chaque exemplaire (vrai nom ou pseudonyme). Sauf si le contrat prévoit une sortie dans 10 ans (ou autre), l’éditeur doit publier le bouquin dans un
délai raisonnable. Si le contrat est un CDD, il s’achève à la date prévue et vous récupérez vos droits. Malgré tout, s’il reste des exemplaires en stock, il est en droit de les vendre (et devra vous verser vos droits d’auteur, bien sûr).
- Article L132-12 CPI:
L'éditeur est tenu d'assurer à l'œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession.
Ce n’est pas parce que votre livre est sorti il y a 5 ans (ou autre) que l’éditeur a le droit d’arrêter de le vendre ou de l’imprimer (sauf stipulation contraire dans le contrat).
- Article L132-13 CPI:
L'éditeur est tenu de rendre compte.
L'auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l'an la production par l'éditeur d'un état mentionnant le nombre d'exemplaires fabriqués en cours d'exercice et précisant la date et l'importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock.
Sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l'éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l'auteur.
Vous avez droit à un
suivi de vos ventes/exemplaires imprimés/valeur de vos DA, au moins une fois par an. On appelle ça la
reddition des comptes.
- Article L132-14 CPI:
L'éditeur est tenu de fournir à l'auteur toutes justifications propres à établir l'exactitude de ses comptes.
Faute par l'éditeur de fournir les justifications nécessaires, il y sera contraint par le juge.
Si vous avez un doute sur la reddition des comptes, vous avez le droit de demander des
justifications à l’éditeur.
- Article L132-16 CPI:
L'éditeur ne peut transmettre, à titre gratuit ou onéreux, ou par voie d'apport en société, le bénéfice du contrat d'édition à des tiers, indépendamment de son fonds de commerce, sans avoir préalablement obtenu l'autorisation de l'auteur.
Le contrat est entre vous et votre éditeur. Il ne peut pas le céder, ou en céder le bénéfice, sans votre accord.
Il existe PLEIN d’autres dispositions, plus précises, concernant les livres papier et les ebooks, mais également concernant la fin du contrat, et d’autres choses encore. Des centaines d’articles. Pour limiter la longueur de ce topic, je n’ai pas jugé bon de les retranscrire ici. Si, toutefois, vous avez des questions spécifiques… je ne suis pas avocate, mais je peux toujours aller remettre le nez dans le CPI pour vous donner les informations que j’y trouverai. Essayez toutefois d’être
précis dans vos questions ; un Code, c’est long. Très long.
Les clauses obligatoires
J’ai pensé vous dresser une liste exhaustive, mais il est 3h du matin à l’heure où j’écris ces lignes. Comment vous dire que ma fatigue et ma flemme ont un peu eu raison de moi. J’ai donc fouillé le net à la recherche d’un contrat « parfait », et j’ai trouvé mieux :
un contrat-type rédigé et commenté par la SGDL (Société des gens de lettres). Je l’ai lu, étudié (au final, ça aurait sans doute été plus rapide de tout vous écrire), et il est incroyable.
Vous y trouverez
toutes les clauses pouvant figurer dans un contrat d’édition, les plus essentielles étant surlignées en jaune. Ces dernières sont des
obligations légales que vous devez impérativement savoir reconnaître. Si elles ne figurent pas dans votre contrat d’édition,
faites part de vos interrogations à la ME avant de signer. Juste histoire de ne pas vous retrouver bloqué.e dans une sombre affaire.
Le fameux contrat parfait qui vous sauvera des méchantes ME aux intentions douteuses (clic)
Suite à une suggestion de Mavis Gary, je vous ajoute également le "contrat équitable", un contrat libre de droits, très bien fait, complet et protecteur de l'auteur autant que de la ME, que vous pouvez proposer vous-même à votre éditeur si votre manuscrit est accepté :
Contrat équitableVoici également sa version éditable, afin de le compléter avec les infos qui vous concernent et concernent la ME/de faire les modifications nécessaires à votre propre contrat si besoin :
Contrat équitable modifiable
Cas particulier : la clause de préférence
- Article L132-4 CPI:
Est licite la stipulation par laquelle l'auteur s'engage à accorder un droit de préférence à un éditeur pour l'édition de ses œuvres futures de genres nettement déterminés.
Ce droit est limité pour chaque genre à cinq ouvrages nouveaux à compter du jour de la signature du contrat d'édition conclu pour la première œuvre ou à la production de l'auteur réalisée dans un délai de cinq années à compter du même jour.
L'éditeur doit exercer le droit qui lui est reconnu en faisant connaître par écrit sa décision à l'auteur, dans le délai de trois mois à dater du jour de la remise par celui-ci de chaque manuscrit définitif.
Lorsque l'éditeur bénéficiant du droit de préférence aura refusé successivement deux ouvrages nouveaux présentés par l'auteur dans le genre déterminé au contrat, l'auteur pourra reprendre immédiatement et de plein droit sa liberté quant aux œuvres futures qu'il produira dans ce genre.
Il devra toutefois, au cas où il aurait reçu ses œuvres futures des avances du premier éditeur, effectuer préalablement le remboursement de celles-ci.
Ah, la fameuse
clause de préférence. Si apparente dans un contrat d’édition signé, elle donne à l’éditeur le droit de préférence (autrement dit, vous soumettrez en
priorité votre œuvre à cette ME) sur les
futures œuvres de l’auteur. Elle est parfaitement légale, mais sous conditions.
Déjà, elle ne peut concerner
qu’un seul genre : si vous publiez un thriller et que la ME vous fait signer une clause de préférence, elle ne le fait que pour vos prochains thrillers. Si votre livre suivant est une romance, il n’entre pas dans la clause.
Il y a également une
limite de nombre de livres :
5 maximum. Au-delà de 5 thrillers écrits (et non pas publiés), vous n’êtes plus tenu.e d’accorder un droit de préférence à votre éditeur.
Une limite de temps : si la clause ne traite pas du nombre d’ouvrages, alors sa limite est temporelle. En l’occurrence,
5 ans. Un nouveau thriller que vous écririez 6 ans après la signature de la clause ne serait pas concerné par cette dernière.
Une autre limite de temps : si vous envoyez un thriller à la ME, pour respecter la clause de préférence, la ME dispose de
3 mois pour vous adresser sa réponse, positive ou négative. Si elle est positive, publication. Si elle est négative, ou si la ME ne vous répond pas dans un délai de 3 mois, votre ouvrage est libéré de la clause de préférence, et vous pourrez l’envoyer à qui vous voudrez. Le même processus sera à répéter avec chacun des 5 ouvrages, jusqu’à extinction de la clause.
PAR CONTRE,
si la ME refuse 2 de vos ouvrages, et ce peu importe combien il vous en restait à soumettre selon la clause de préférence, cette dernière prend fin. Plus de clause, à vous la liberté contractuelle/éditoriale.
Dans ce dernier cas, si vous aviez reçu des
à-valoir pour vos futurs livres, il faudra les
rembourser.
La rémunération de l’auteur.e
Je sais que vous l’attendiez. Après tout, qui ne veut pas être récompensé pour son travail durement fourni ? Un livre, c’est du temps, des migraines, du temps, de la frustration, du temps, des nuits blanches, et encore du temps.
Malheureusement, je risque de vous décevoir : si une grande partie du droit applicable à l’édition est clairement encadré par la loi française, ce n’est pas le cas de la rémunération de l’auteur.e. Il n’y a pas un vide juridique à proprement parler (c’est interdit en France), mais
le droit laisse énormément de place (sans doute trop) au choix de l’éditeur.
Déjà, ce que vous devez savoir, c’est que
l’auteur.e ne dispose pas d’un statut juridique précis. Autrement dit, il n’y a pas de revenu « fixe » lorsque vous n’écrivez pas, contrairement aux intermittents du spectacle, par exemple.
Si vous ne publiez rien, vous ne gagnez rien. Point barre.
Ensuite, il y a toute la question des
droits d’auteur.e (ci-après "
DA"). Il s’agit du salaire de tout écrivain.e. Il s’obtient en vendant des livres (logique), mais son fonctionnement est flou. La seule chose que, juridiquement, je peux vous affirmer, c’est la suivante :
- Article L132-5 CPI:
Le contrat peut prévoir soit une rémunération proportionnelle aux produits d'exploitation, soit, dans les cas prévus aux articles L. 131-4 et L. 132-6, une rémunération forfaitaire.
Généralement, la rémunération (les DA) est
proportionnelle au nombre de livre vendus (%). Pour ce qui est des rémunérations forfaitaires, j’ai écumé les articles cités ci-dessus, et elles ne concernent que des cas très spécifiques. Je vous invite à cliquer sur les liens suivants, les articles sont très clairs, si vous êtes concerné.e vous vous reconnaîtrez immédiatement :
→ Édition de librairie
→ Quand il y a des choses floues/manquantes dans votre bazar éditorial
Dans votre rémunération, il existe ce qu’on appelle les
à-valoir. Ce sont des sommes d’argent versées par l’éditeur avant la publication du livre,
une avance sur ce que vous gagnerez. Ainsi, imaginons que l’éditeur vous donne un à-valoir équivalent à ce que vous auriez gagné pour 500 livres vendus : vous ne recevrez pas le moindre centime avant que ces 500 livres n’aient été vendus.
À partir du 501e, vous recommencerez à toucher vos DA.L’à-valoir n’est pas obligatoire. C’est un "geste" de l’éditeur, dont l’existence et le montant sont généralement conditionnés par votre
popularité. Un auteur de bestseller a bien plus de chance d’en recevoir un, et que ce dernier soit "intéressant", qu’un auteur inconnu publiant son premier roman.
Vous pouvez parfaitement ne pas en recevoir, c’est légal.Pour ce qui est du
calcul de vos droits d’auteur, tout est flou.
Normalement, vos DA se calculent sur la base du prix hors taxe de chaque livre. Ils augmentent donc en fonction du nombre de livres vendus. (Il peut également exister un système de seuils : au-delà d’un certain nombre de livre vendus, vos DA augmentent. Si c’est le cas, ça sera écrit dans le contrat.)
Il s’agira d’un
pourcentage prévu dans le contrat d’édition, généralement entre
6 et 15% (rare, ce montant est généralement réservé aux auteurs connus) pour les livres papier, et entre
15 et 25% pour les ebooks.
Toutefois,
ces valeurs ne sont pas légalement prévues : rien n’empêche votre éditeur de vous proposer 4% sur les livres papier et 10% sur les ebooks. Il ne tient qu’à vous de négocier, ou de refuser le contrat si vous considérez que cela est trop peu.
De même, il arrive que certains éditeurs ne calculent pas vos DA sur le prix hors taxe du livre, mais sur leur propre marge brute. Ça aussi, théoriquement, c’est légal. Toutefois,
ce n’est JAMAIS avantageux pour l’auteur, c’est très peu courant et généralement pratiqué par les petites ME peu sérieuses.
Un conseil : à éviter. C’est un coup de rapiat.
Une dernière petite chose :- Article L132-17-3-1 CPI:
L'éditeur procède au paiement des droits au plus tard six mois après l'arrêté des comptes, sauf convention contraire précisée par l'accord rendu obligatoire mentionné à l'article L. 132-17-8.
Si l'éditeur n'a pas satisfait à son obligation de paiement des droits dans les délais prévus au premier alinéa du présent article, l'auteur dispose d'un délai de douze mois pour mettre en demeure l'éditeur d'y procéder.
Lorsque cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit.
Voilà. Vous avez le
délai pour le versement de vos DA.
Les ME à compte d’auteur
… ne sont pas de vraies maisons d’édition !
Eh oui, le nom est trompeur. Pour ne pas dire abusif/
borderline.
- Article L132-2 CPI:
Ne constitue pas un contrat d'édition, au sens de l'article L. 132-1, le contrat dit à compte d'auteur.
Par un tel contrat, l'auteur ou ses ayants droit versent à l'éditeur une rémunération convenue, à charge par ce dernier de fabriquer en nombre, dans la forme et suivant les modes d'expression déterminés au contrat, des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique et d'en assurer la publication et la diffusion.
Ce contrat constitue un louage d'ouvrage régi par la convention, les usages et les dispositions des articles 1787 et suivants du Code civil.
Vous l’aurez compris :
être publié.e par une ME compte d’auteur, ce n’est pas signer un contrat d’édition. C’est signer un contrat de louage d’ouvrage. En effet, les ME compte d’auteur sont, concrètement, des
imprimeurs. Là où la publication doit se faire à titre gratuit pour l’auteur, elles proposent, voire imposent, des services payants.
Elles n’effectuent en RIEN le travail d’une maison d’édition. Elles y contreviennent à tout point de vue. Pas de diffusion à proprement parler, pas de promotion de vos ouvrages, rien. Juste une petite ruine et une appellation faite pour induire en erreur les jeunes auteur.es avides d’édition (lire : de gloire). Et ça marche ! Et ça se comprend.
Ainsi, si vous avez le malheur de vider votre portefeuille pour une publication, soyez certains que
vous ne venez pas d’être édité.e au sens propre du terme ; vous avez simplement payé un service d’imprimeur/correcteur et que sais-je, généralement hors de prix, après avoir signé un contrat se voulant contrat d’édition mais n’en étant pas un.
Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est le droit.(Bien entendu, faire appel à de telles entreprises est dans vos droits : loin de moi l’idée de critiquer vos choix personnels. Je m’assure simplement, avec ce petit point juridique, que vous soyez conscient.e de ce dans quoi vous vous embarquez.)Il en va de même pour les contrats conclus avec des
ME à compte hybride/participatif. Juridiquement, on les appelle
"contrats de compte à demi".
- Article L132-3 CPI:
Ne constitue pas un contrat d'édition, au sens de l'article L. 132-1, le contrat dit de compte à demi.
Par un tel contrat, l'auteur ou ses ayants droit chargent un éditeur de fabriquer, à ses frais et en nombre, des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique, dans la forme et suivant les modes d'expression déterminés au contrat, et d'en assurer la publication et la diffusion, moyennant l'engagement réciproquement contracté de partager les bénéfices et les pertes d'exploitation, dans la proportion prévue.
Ce contrat constitue une société en participation. Il est régi, sous réserve des dispositions prévues aux articles 1871 et suivants du Code civil, par la convention et les usages.
Pareil :
pas un contrat d’édition, pas une maison d’édition à proprement parler.
Le statut juridique d’un texte publié sur un site ou un forum
Une question complexe.
Normalement, à moins de contrat signé, votre œuvre n’est pas publiée puisque aucune cession de droit n’est effectuée. Par exemple, ici, sur JE, vous restez pleinement propriétaire de vos livres. Il en va de même sur Wattpad, Scribay et Plume d’Argent.
En revanche,
ce n’est pas le cas de toutes les plateformes. Je ne peux vous conseiller qu’une chose : avant de poster le moindre bout de texte en ligne,
lisez les conditions générales d’utilisation/mentions obligatoires. Vous y trouverez l’information concernant la cession, ou non, de vos droits. Si vous ne les lisez pas et postez quand même, vous vous exposez à de gros risques. En effet,
les CGU/MO sont un contrat à part entière. Si une clause de cession des droits s’y cache, que vous ne la voyez pas et que vous publiez un texte, cela revient à avoir signé ce contrat. Donc, à avoir
légalement cédé vos droits.
C’est notamment le cas de la plateforme
404 Factory. Si vous postez un texte, vous cédez vos droits à la maison d’édition qui se cache derrière la plateforme pour une durée d’un an, qui se renouvelle automatiquement à chaque modification apportée au texte. Il me semble que la plateforme
Fyctia possédait une clause semblable, mais j’ai cru voir passer quelque chose disant que ce n’est plus le cas. À vérifier.
En cas de doute, n’hésitez pas à venir poser vos questions dans ce topic. Je me ferai un plaisir d’aller jeter un œil à ces maudites CGU.
Bon, voilà. J’espère être parvenue à vous éclairer un peu dans tout ce bazar juridique. Ce n’est pas pour rien qu’on dit que les études de droit, c’est long et prenant. Et ce n’est pas pour rien que de nombreux juristes bataillent pour que l’accès au droit soit simplifié pour les non-juristes. Il existe de nombreux
centres d’aide juridique pour répondre gratuitement à vos questions, mais leur existence est encore trop méconnue.
Si parmi vous se cachent des juristes diplômés, et qu’ils constatent des erreurs ou souhaitent ajouter des précisions : n’hésitez pas. Je n’ai fait que lire un Code et en expliquer les dispositions les plus essentielles, mais tout est possible. Chaque brin d’aide est le bienvenu.
Il est également possible que cet article évolue au fil du temps : le droit est une matière changeante, en constante évolution. Tant que je serai présente sur JE, je tenterai de mettre ce topic à jour.
Je vous souhaite à toustes le meilleur parcours éditorial possible