La nuit est tombée sur Aguacope. Felipe, stylo bic à la main, est concentré sur une feuille de papier posée bien à plat sur son bureau. Il semble sur le point d'écrire, puis se ravise. Finalement, il pose quand même trois mots, les barre, en réécrit deux et déchire sa feuille.
Il avait bien mérité une pause. Son regard dérive vers la fenêtre. Quelque part au loin, un reverbère clignote avant de rendre l'âme. Felipe soupire. Combien de temps le réseau électrique défaillant va-t-il encore tenir ? C'est déjà un miracle qu'il fonctionne encore, même un tout petit peu. Sans doute que les commissions de quartier utilisent des générateurs à pétrole pour remplacer l'énergie que l'ancien barrage ne produit plus. Le problème avec le pétrole, c'est que ca brûle vite et que ca coute cher. Felipe donne deux jours, maximum trois, avant qu'ils ne soient tous contraints à s'éclairer aux chandelles.
L'ancien luchador fait une nouvelle tentative pour se concentrer. Qu'est ce qui peut bien rimer avec "ses gros têtons" ? Il y a bien "son petit con" mais c'est un peu trop facile, n'est-ce pas ? Quoique, l'opposition entre "gros" et "petit", ca fait pas une figure de style, une antiphrase, une contraposée ou un truc dans le genre ?
Oh et puis merde ! Felipe, envoie voler son bic par la fenêtre. Il touche un chat qui feule de déplaisir. Rien à foutre ! Il l'a bien mérité ce putain de chat, il avait qu'à pas se trouver là. Felipe s'affale sur son canapé à moitié désossé, ouvre son PC portable, et lance une vidéo de sa finale contre El Toro. Ca, c'est de la poésie, de la vraie.