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 [L’Immeuble – appartement 201] - Teófano Riviera

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Teófano Riviera
   
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Teófano Riviera  /  Petit chose


Ca y est, j'ai la clé.
On s'enferme à double tour et on fait celui du proprio.
Il est étrange le concierge, pas confiance.
J'espère que je ne suis pas tombé sur un immeuble pro-gouvernemental.
J'irai faire un tour dans les couloirs et écouter un peu aux portes
On sait jamais.


[Pour interagir, c'est ici !
Je signalerai quand l'appartement sera ouvert aux autres locataires ! ]
 
Teófano Riviera
   
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Je les déteste tous. 

A peine emménagé, je sens l'odeur des traîtres, des planqués, des pantouflards, tous ces parasites qui gangrènent notre révolution. On l'a écrit dans le journal, le dernier tirage avant les rafales.

"Après nous le Déluge", c'est ce qu'ils pensent. Honteux et misérables, bien souvent des jeunes, sans voir la vérité sur l'évènement. A faire de la musique ou repasser leurs caleçons remplis de honte, faisant mine d'ignorer le scandale. Le gouvernement compte sur eux, leur rôle est primordial. Ne rien faire. Bretch disait "si tu ne participes pas à la lutte tu participes à la défaite". J'ai des envies de meurtre, mais la planque est idéale. Pour le moment. 

Je fais le tour du propriétaire, sans doute une pince concernant la propreté des murs et les fenêtres. Encore un marchand de sommeil. J'ai enquêté une fois sur les locations mafieuses de la ville, ça a fini comme souvent sur de la corruption sur fonds publics et employés amnésiques. Ils m'ont fait suivre une ou deux fois, à la sortie du théâtre El Iacopo. 

Je vérifie un placard et j'y fourre un de mes deux sacs de sport. Je vérifie que les deux Glocks 19 sont bien déchargés. Les munitions, du 9 mm IMI, étaient utilisées par les italiens, fabrication israélienne. Un CV impeccable, qu'on soit du côté des gentils ou des méchants qui sont souvent semblables. Ensuite voyons voir, ils m'ont mis de quoi faire sauter le pâté d'immeubles, un téléphone Nokia 3310 avec une carte prépayée, un faux passeport et une flasque de mezcal. On dirait qu'on a pensé à tout, on aura notre victoire qu'en agissant ainsi. 

Je commence à sortir mes livres de l'autre sac, il me reste à regarder le bureau, la lampe, un peu tamisée, pas trop pétante si possible. J'ai apporté quatre cahiers, de quoi recommencer à écrire et poursuivre l'avènement de notre revue de combat. Fabrizio m'a demandé entre deux et six poèmes ; cet enfoiré va en jeter au moins cinq et il gardera que ce qui pourra mettre le feu à toute cette eau. 

J'entends des rumeurs venant d'en-dessous. Il faudra en premier lieu que j'aille vérifier un peu qui habite à côté, surtout lui. Je vais commencer par noter ses horaires, guetter ses allées et venues, et ensuite...On verra, je lance un café, la revue est prioritaire. Mais si l'autre concierge se pointe et veuille étrangement faire un état des lieux au nom du proprio, c'est pas dit qu'il reparte debout.


Dernière édition par Teófano Riviera le Mar 17 Oct 2023 - 15:39, édité 1 fois
 
Teófano Riviera
   
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J'ai achevé un poème, qui finira dans une anthologie de connards rebelles et tous les surnoms qu'on m'attribue autour du mouvement déjectiste d'Aguacope. Le déjectisme n'est pas une idée, malgré son -isme qui me file la gerbe ; c'est le flux du fleuve meurtrier, anciennement barrage, qui a inondé notre ville et noyé une partie des habitants.

Le déjectisme ce sont les égoûts remontant jusqu'a nous, les noyés, sous la masse polluée de nos propres œuvres, les Eaux Sales comme a titré mon ami Paolo Acebes pour son dernier ouvrage, un peu avant sa mort. Comme une prémonition. Je pense aussi à sa correspondance, ce qu'il nous disait sur la proximité entre nos fluides évacués quotidiennement ; et nous-mêmes, ce qui nous portons en nous d'inévitablement fuyant, coulant, puant, qui revient toujours par une bouche ; quelle qu'elle soit.

Le déjectisme c'est surtout ce peuple, le mien, le nôtre, qui vit entre des tentes de fortune, des immeubles mangés par le temps des pauvretés ; qui retrouve ses déjections, ses odeurs humaines ; tout ce qu'il a enfoui sous nos routes et nos ponts, nos trottoirs, nos écoles, nos institutions ; l'assemblage miséricordieux de nos échecs muets. Dire le mot, c'est déjà avouer la faute, et l'avouer, c'est essayer maintenant de la combattre et de changer ce qui peut l'être. Par tous les moyens.


Citation :
La cuve-tête

La cuvette fait des murs
Des bidons avec des yeux
Brouettes de corps crissantes
Animaux d'odeurs hurlées
A l'absence des survivants

La cuvette prie et pousse
Des corps contre des corps
L'organique ruisselle
De haut en bas entre le doigt
Courant hydropoétique
Du mensonge toute parole
Fuit de tuyaux en tuyaux

La cuvette noie elle aspire
A de nouvelles formes
Des nouveaux corps
Qui pour l'instant dorment
On les croiraient flotter
A la surface d'un calme

La cuvette dans le noir pleure
Et tue d'une chasse
Comme cette pluie de sang
Jamais vue et disparue
Comme cette pluie de sang
Qui hante les larmes


Quelqu'un vient de frapper à la porte. Je jette un coup d'œil au placard. Il est fermé. J'espère que ce n'est pas ce concierge de malheur, sinon vraiment je l'envoie dans la liste des noyés, avec les autres...
 
Teófano Riviera
   
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Il est barré.

Y’a un truc qui est resté, un truc flottant dans l’entrée, une bulle. Elle est revenue exploser contre mon crâne appuyé contre la porte fermée ; enfin fermée. C’était une bulle de bruit, un bruit, ou plusieurs je ne sais plus. Hier soir, ou était-ce ce matin, ou en perdition dans nos nuits d’écoulements ; partout. Un mec, sans doute en plein pétage de plombs comme nous z’aut’ s’est mis à la trompette. Ou alors il avait une galette de jazz.

C’était triste et beau, putain. J’ai lâché des grosses larmes bizarres, tout seul sur ma chaise, devant le cahier. C’était l’élégance du désespoir, une trompette qui raconte ses misères avec de la beauté en intraveineuse. J’ai chialé comme un gosse. J’ai dormi comme un bébé après ça. Je ne sais pas qui est le taré qui joue de la trompette à réveiller tout le quartier, mais je l’aurais serré dans mes grands bras de lâche en sursis.

On aura besoin de tout pour s’en remettre, jusqu’au grand déluge final, au grand boom qui nous attend à Aguacope. De la musique et de la beauté avant de s’en aller rejoindre l’orchestre des anges, pour ceusses qui auront déjà des billets gratuits. Pour les types comme moi, il restera l’errance des souvenirs, la damnation ; que j’attends avec impatience, on a de quoi discuter elle et moi.
 
Teófano Riviera
   
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L’avantage de ne plus dormir la nuit, c’est qu’on évite les cauchemars.
Mais ils reviennent plus fortement, dans le réel, et cette fois impossible d'esquiver ces petites saloperies issues de nos cerveaux. En ayant entendu du bruit dans la rue, j’ai regardé par la fenêtre. Les esprits s’échauffent comme s’il y avait un match de foot ; alors qu’on n’arrive plus à enterrer tous les noyés. Il faudra sans doute remettre de l’ordre par nous-mêmes ; comprendre collectivement quelles sont nos priorités. De toute urgence.

L’avantage de ne plus dormir la nuit, c’est qu’on peut descendre sans croiser personne. J’ai dans l’espoir de vérifier que tout le monde pionce au premier étage ; aussi voir si le Concierge n’est pas du genre insomniaque. Les heures sont longues tout seul quand la nuit défile en heures lourdes et pleines, qu’elle reste sur nos peaux d’échoués ; pour nous laver à son silence. Il y a un type qui semble endormi sur un banc du patio, dure journée coco ? J'essaie de passer à pas de loup, au pire je sors la quincaillerie qui se planque sur le rail de ma ceinture.

Dans la rue, ça a déguerpi.
J’en profite pour faire un tour de quelques immeubles, regarder le paysage de désolation. Il faudra des années et encore certainement beaucoup de luttes, beaucoup d’autres rêves assassinés. Et des générations sacrifiées pour de basses raisons politico-financières.
La gerbe, la nausée, et les mains dans la boue de chiasse, à identifier les morts, recomposer des visages, assurer la sécurité des survivants. Le travail qui nous attend est colossal... on n’aura pas le temps avec les petites frappes qui profiteront du chaos.

J’avise la une du Centro qui trône sur un rebord de fenêtre. Un journal que je déteste depuis ma prise de conscience et mes premières enquêtes de journaliste. Journal de vendus, cette fois ils se contentent de poser leur étron sur Feijoo. En voilà un qui a des couilles, et vu sa réactivité au petit monsieur, on doit les lui masser généreusement. Je tire la feuille de chou et je remonte dans ma caverne ; oreille tendue pour ne croiser personne.

Car je ne sais pas pourquoi, mais y’a toujours un petit machin qui traîne dans le patio. Un orpheul’ sans doute. Il doit squatter des apparts avec l’accord du concierge, et franchement, je veux pas en savoir plus. L'eau dégueulasse a fait ressortir le pire chez tout le monde, je serai pas surpris d'apprendre des trucs bien cradingues dans quelques temps. Si je suis encore là. Au retour, le type sur le banc gît encore dessus ; pas un indic ni un flic, trop visible le bonze. Sans doute un paumé ; un de plus.

Il est temps d'envoyer une bafouille à la revue. Un genre de tract. La poésie ne peut pas chiffrer autant que 150 milles gonzes étouffés dans leurs eaux usées. Autant taper dans le présent, on réfléchira plus tard. Avec le chargeur plein et des guillotines improvisées sur place publique. L'enfer est pavé de bonnes intentions, phrase de naïf  de mes deux oui...



Citation :
Qui déteste le Tenorio ?


Par Mercutio Madrigann

Personne à Aguacope.

Nous détestons nos dirigeants comme nos anciennes verrues. Nous détestons les intérêts financiers qui ont été plus forts et plus influents pour le Micco plutôt que pour la vie des habitants, la seule qui compte. Nous détestons les ingérences des autres pays, leurs prétendues aides financières, l'argent promis de la reconstruction. Qui va tracer l'argent, qui saura si cette école a été payée par des occidentaux ou des japonais, ou par la mafia de notre classe politique qui ne mérite que le tribunal, pour haute trahison et crimes contre l'humanité ? 

Nous ne détestons pas le Tenorio. Il a emporté 150 mille membres de notre famille, nous nous en remettrons jamais, qu'on se le dise. Mais. Mais nous ne lui en voulons pas. Il n'a été, comme notre pays, notre famille, qu'un soumis comme nous tous aux mânes des plus puissants, des mafias qui ont pignon sur rue, des multinationales criminelles. Qui se pressent aujourd'hui dans la contrition et la compassion, la générosité dans l'air grave, tête baissée, des masques devant leurs sourires. Eux profiteront des reconstructions, des demandes, des urgences. Encore et toujours les profiteurs de nos existences balayées.

A en donner la nausée à ceux qui poussent les brouettes les camions de noyés qu'on retrouve et qu'on peine à identifier.

Qui déteste le Tenorio ? Uniquement ceux qui détestent le peuple.
Nous enterrerons nos morts et nous nous débarrasserons de toute cette clique, qui cherche un coupable idéal, en évitant soigneusement de croiser un miroir sur la route jonchée de cadavres. Remplie d'épaves. Mais les morts parlent en dormant, sachez-le. Vous pouvez commencer à trembler.

On se retrouvera un jour ou l'autre face à face avec ces bandits. Et à ce moment là, messieurs, vous ne tirerez pas les premiers. Nous n'avons plus aucun doute sur le bien de notre cause, nos vêtements sont tâchés à jamais d'un sang d'eau sale et du cri des noyés qui réclament, au fond du charnier liquide que nous sommes devenus, une vengeance implacable. 

Elle arrive. On l'apporte. 


Demain matin je vais redescendre pour aller porter la griffure à Fabrizio. Si le petit bout est encore dans le patio à traîner, j'irai lui demander quelques précisions. Je dois avoir des livres pour enfants qu'il me reste encore au fond du sac...autant que ça serve encore pour le temps qui joue contre notre camp. 
 
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A l'aube, j'ai relu les poèmes prémonitoires de Paolo Acebes.
C'est frappant de découvrir après coup – un coup de feu – toute une poésie, son envergure, son amplitude ou plutôt, je peux le dire aujourd'hui, toute sa magnitude. Paolo était d'un autre matériau que nous. Il venait de l'autre peuple, les indigènes de la forêt et du fleuve ; il portait ses croyances en héritage, non pas comme un vêtement, mais comme sa peau elle-même ; il avait des antennes déployées au-delà de nos forêts et des racines bien plantées sur le sol d'Aguacope et sa région. Perdre Paolo, c'était la défaite sifflée en avance ; nous l'avions accompagné dans son dernier feu de joie, mais nous ne l'avions  pas compris. Par pudeur, dirons-nous avant de rendre les âmes, mais surtout par vanité.

J'ai reprisé, comme un vêtement, un de ses premiers recueils Les Feux d'Enchères. Il m'a fait l'effet d'un vinho verde de comptoir, frais pétillant et trop jeune pour être pleinement savouré à sa juste valeur. J'ai comparé ma lecture à celle d'un poète belgo-luxembourgeois (je ne sais pas ce que ça signifie mais c'était dans la préface), Louis Sceze ; il y a des similitudes dans leur espoir qui se métamorphose en une foi puissante, quelque chose qui tient de l'animisme absolu. Qui est l'enveloppe et l'essence, à la fois le fruit à la fois la coque. L'esprit entier de ce qu'on n'arrive pas à nommer, de ce qu'on essaie en vain de définir ; de ce qui réalise nos vies avec l'intensité d'une foudre joyeuse, un toboggan d'enfants qui naissent en boucle.

J'ai relu à voix basse ce poème sur le Tenorio, que Paolo avait écrit dans sa jeunesse. Son village, rasé maintenant, vivait en harmonie avec lui et la nature autour.



Citation :
Tenorio, toi mon frère
mon ami mon confident bleu,
veilleur à mon sommeil d'enfant

Maître de nos jeux tu accueillais
les cheveux éteints de nos martyrs
Tu fais exprimer l'arbre et sur nos pieds

tu tatouais de ton eau pure les secrets
connus de toi seul et de la Terre qui chante
ton nom, qui s'enfouit dans le fruit

Sans pareille eau sans créatures noires
Tu peignais le paysage à nos oreilles blessées
Tenorio, toi mon frère de murmure


Je devrais apporter le recueil au trompettiste de l'immeuble ; peut-être que ça lui inspirerait d'autres notes amenées en fraude, la nuit. Je n'ai pas prévu de rencontrer les zoziaux du dessus, mais...faire connaître Paolo sur la colline est une quête qui mériterait d'être poursuivie par bon nombre d'entre nous. Pour se coudre quelque chose de vrai, de vivant, à nos peaux de javel mortes.  
 
Teófano Riviera
   
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- Merci à toutes d'être venues si nombreuses aujourd'hui. J'ouvre donc la première réunion de colocation de l'appartement 201 et...quoi Béné ? Comment ça on n'a pas gardé les troupeaux ensemble avec Pessoa ? Que je t'appelle Bérénice-Andréa comme tous les autres ? Quoi tu vas me dénoncer sur Twitter juste parce que je t'ai appelée Béné ? J'ai jamais vu une grenouille se créer un compte Twitter, même si certains membres en ont l'intelligence j'dis pas. Quoi c'était toi @powerofwomendansvosgueules ? Mais attends d'où tu as une connexion internet ? Parce que y'a aucune connexion possible dans l'appartement...ah tu squattes le wifi des voisins, malin ! Bref, reprenons, ceci est la première réunion de colocation de l'appartement 201. Cette réunion a pour but de savoir comment on peut tous vivre ensemble, en cohésion, avec harmonie, et surtout qu'on apprenne tous à se respecter et...oui Bérénice-Andréa ? Tu veux de l'écriture inclusive même à l'oral, étant donné que vous êtes des grenouilles, la majorité va au féminin ? Je ne sais pas, concrètement rien ne s'y oppose, mais Numéro 8 s'est déclaré-é-euh non binaire, ni mâle ni femelle, et souhaite que chacune d'entre vousses soit respecté-é-euh dans ses choix et ses volontés de...non mais moi je respecte l'éducation donnée du petit gamin, comment vous l'appelez ? Ola ? Il elle est au courant que ça veut dire bonjour ? Non mais moi j'ai toujours voulu m'appeler Maradonna ou Porte-de-Douche, maintenant que je sais que c'est possible, plus rien ne me retient. Donc, je reviens sur une notion importante, qui est celle du respect, surtout quand on se parle les unes aux autres. Numéro 8, on a décidé qu'on allait parler au féminin, tu feras ton objection plus tard, et je te signale qu'on n'est pas au tribunal ni dans un jeu de simulation de procès. Non je respecte tes choix c'est pas le sujet, mais on parle du vivre ensemble et du respect et vous m'interrompez tout le temps...comment ça tu remets en cause la légitimité de ma présidence ? Il est à qui le bail ? Il est à qui ? Moi je ne sais pas, mais il n'est pas à toi donc tu la boucles. Calme-toi Hémisphère Nord, je n'appartiens pas au grand capital des propriétaires, ni des locataires verreux qui sous-louent à plus pauvres qu'eux. Qu'elles pardon. Non mais c'est moi, Bérénice-Andréa, j'ai pas tous les points où il faut. Hémisphère Nord, j'ai dit points avec té-et-hesse, pas avec un g. Non pas de blague là-dessus Numéro 8, tu sais que tes camarades-é-euh ne supportent pas les blagues sexistes. Justement c'est tout le propos ! On est ici pour mettre en commun nos expériences, en journée et de nuit et...Hémisphère Nord, laisse la patte arrière de Miguel-Angel Minamoto tranquille. Je sais que c'est pas la grenouille la plus disséquée du marais, c'est pas une raison pour l'embêter. Miguel-Angel Minamoto est spéciale. Oui et elle gagnera sans doute plus d'argent que vous toutes, vraisemblablement en travaillant dans une fabriques d'armes ou de lanceurs de missiles longue portée pour aller buter d'autres grenouilles anonymes à l'autre bout du monde depuis la flaque moelleuse qui vous sert d'habitat. J'ai digressé, désolé. Donc j'en viens aux différents tirets que vous avez créé sur le tableau du frigo. Oui il est vide Feijoo FDP, je ne mange pas et vous avez des haricots rouges et du ragoût. Je sais que j'ai filé une ration au chat, faut être solidaire. Ecoute Feijoo FDP, si tu as la dalle, va chercher ta propre nourriture. Comment ça dans mon froc ? Aaaaah vous voyez, c'est de ça dont il faut qu'on parle ! Non parce qu'il y a un nom qui revient, d'entre vous toutes. C'est le tien, Gérald D. Déjà je tiens à te dire que le choix du prénom, mouais, pas convaincu. Ensuite, tu as été accusé de...attends, pousse-toi Hémisphère Nord non tu n'auras pas le micro...ha voilà, accusé de grosses lourdeurs, de dragues abusives et de coassements répétés malgré les différents refus de certaines ici parmi vous. Numéro 8, on anonymise un peu tout, histoire de créer un vivre ensemble serein et heureux, pas besoin de lever la patte avant. Non j'insiste, après vous allez vous casser la gueule, en fait. Noooon j'insulte pas votre condition physico-culturelle associant votre nature batracienne à la domination qu'exerce le reste du monde animal sur vous. Reste tranquille Miguel-Angel Minamoto, y'a des mots compliqués mais ça va bien se passer. Non Hémisphère Nord, on écoutera pas tes revendications au sujet de l'absence de literie. Bref, Gérald D. Il va falloir changer d'attitude, et sans doute de nom, on va pas se mentir. Je peux te remettre dans le patio ou te filer au voisin d'en face, mais je te préviens je crois que c'est une veuve noire. Il parle de son oncle Angelo mais tout le monde a bien compris que c'était son ancien mari qu'il a tué. Feijoo FDP si tu veux tu pourras aller lui demander de la bouffe, oui, je pense que la collectivité du 201 ne voit rien à y redire si tu la joues un peu solo. Parlant solo, Gérald D. , j'ai entendu dire que tu proposais de loger dans ma douche en échange de faveurs...alors oui mais non, tu vas tout de suite arrêter ton délire, c'est ma douche et je veux personne sur les pieds pendant que je me lave. Numéro 8, si je décide de ne pas me laver c'est mon choix, pas le tien. Et je t'entends Hémisphère Nord, je n'ai aucune domination à installer avec ma puanteur. Non mais vous parlez mais vous ferez moins les bavardes quand le choléra la peste et Gérald vont envahir l'immeuble. Te brusque pas Gérald on sait tous que tu brides la place du Concierge, c'est dans ta nature de petite...grenouille, bien sûr. Respect, vivre-ensemble, bienveillance. Trois mantras qui permettront de mettre en commun nos énergies si éblouissantes et...Feijoo FDP, euh, écoute, va manger, on te fera un résumé. C'est pas possible d'avoir tout le temps faim comme ça. Touche pas à la tequila, je dois en faire des molotov. Ha tu veux justement la tequila pour t'immoler dans le patio en signe de protestation ? On voit ça tout à l'heure après la réunion, on doit voir aussi un autre point de discorde. Alors, je ne sais pas comment aborder cette question...mais il semblerait qu'un rat ou qu'une souris, mais avec un pelage quand même très foncé, hein, bon, je répète juste ce qu'on m'a signalé, hein non Gérald D., c'est anonymisé comme on a dit tu peux retourner à ta place. Si. Retourne à ta place. Mais il écoute rien çui-ci ! Voilààà, retourne à ta place. Non tu n'auras pas mon numéro de téléphone. Et si tu veux mon avis, Gérald, t'as un vrai souci, même pour une grenouille c'est pas normal. Donc je disais, il semblerait qu'un individu de type rongeur soit passé plusieurs fois à l'appartement. Alors je tiens à dire que c'est normal, l'eau dans les rues a chassé les rongeurs de leurs lieux de vie et donc ils sont tous dans les immeubles. Numéro 8, on s'en fout de savoir leur orientation. On verra plus tard. Donc un de ces rongeurs est passé plusieurs fois dans l'appartement, il n'aurait fait aucun dégât ni aucun blessé, ce qui est la moindre des choses, mais il semble que Miguel-Angel Minamoto lui aurait dit de revenir, je cite la déposition...enfin la délation, merci Hémisphère Nord, « pour apprendre notre langue, que son rêve devienne le nôtre et que la poésie règne entre les batraciens de la beauté et les rongeurs de l'idéal ». Hahaha Miguel-Angel Minamoto, t'es vraiment pas la grenouille qui saute le plus loin ! Déjà on comprend rien à ce que tu dis, et ensuite, l'amitié grenouille-souris est impossible. Ces rongeurs-là ne sont pas comme nous. C'est toi qui vas l'accueillir où tu couches ? C'est toi qui vas partager tes boîtes de conserve et tes condiments ? Je ne crois pas non. Quoi ? L'âme de chacun...brille de mille feux...de joie pour peu...qu'il rencontre une autre...âme qui brûle de la....je comprends rien...de la même pureté ? Ecoute-moi bien, Miguel-Angel Minamoto, essaie de te rendre un peu plus compréhensible. D'ailleurs je t'ai pris un rendez-vous chez l'orthophoniste mais fais un effort, surtout pour les autres. Regarde Gerald D., quand tu parles il a de la bave qui lui sort. C'est tout pour l'ordre de cette réunion de collectivité colocative, et oui Hémisphère Nord ? Tu veux changer de nom ? Tu veux qu'on t'appelle Seigneur de l'Armageddon Sire Destructeur de l'Altérité ? Tu veux pas qu'on t'appelle Voldemort aussi ? Comment ça c'est ton surnom au premier étage ? Vous n'avez pas le droit de sortir sans autorisation et laisser-passer avec vos empreintes ! Oui, Bérénice-Andréa je bride vos libertés élémentaires, mais c'est pour votre bien ! Non, on ne parle pas de ton propre bien, Gérald D., tu sais que tu fais vraiment flipper à tout ramener à toi ? Hémisphère Nord, pas de changement de nom, je compte vous rendre au petit machin Ola à un moment, quand l'eau sera revenue. En attendant, soyez toutes gentilles avec Miguel-Angel Minamoto. Numéro 8, je compte sur toi et...ha oui, on me fait des doigts d'honneur avec des pattes de grenouille...je vois. C'est comme ça que vous remerciez la personne qui met de l'ordre de votre habitat, très bien. La prochaine réunion on parlera de la tendreté des filets de cuisses de grenouilles, sur velouté de brocolis avec accompagnements vinaigrette, sauce au poivre...non je déconne Miguel-Angel, je sais que tu es végétarien...



La prochaine fois je ferai une séance d'écriture déjectiste plutôt que de m'occuper de ces éditorialistes de télévision que sont ces foutues grenouilles. Vivement  la saison des pluies.
 

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