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1.
Fleurs aux damnés
Tu m’as dis hier encore
Que tu voulais en finir
Que tu n'pouvais plus tenir,
Que tu recherchais la mort
Tu m'as dis hier encore
Que tu détestais ton corps,
Mutilé, bafoué, souillé.
Tu veux juste qu'il disparaisse,
Qu'il n'est que ton Aloès,
Que tu n'as plus d'Azalée.
Hier j'étais égoïste
Parce que je veux te sauver,
Je veux t'offrir ces Centaurée,
Quitte à implorer le Christ.
J'ai pleuré hier encore,
J'ai vu ce terrible sort
Que tu infliges à toi même,
Fais pas ça ma Bohémienne.
Parce que notre amour suprême
Stoppera la lame sur tes veines.
Je te dis encore
"Refuse cette Cigüe
Qui de la mort
N'est que le tribut."
Mais je voyais cette grande Ancolie
M'empêchant de te faire changer d'avis.
Je ne sais vraiment pas quoi faire.
Dieu entendra-t'il mes prières ?
2.
Difficile de les reconnaitre, ce silence.
L’attribution du prix des midinettes
Sonne minuit, part le quart.
Les nantis chutent et sont au bar.
Sur l’estrade de poussières cahote le velours
On glisse la peau soyeuse en chanson
La bougie dans le tube est noyée d’un liquide blanc
On teste armant les regards de verres
Mais le noir complet de la pièce échappe nos sens
Bientôt, plus une once de douce énergie resplendissante
Rien ne débordera du cadre comme avant.
Puisque les câbles emmêlés à terre les ont déjà fait trébucher sur la froide paroi transparente.
3.
applique
ton écriture
fais-la belle
gracile
douillette
enrobée de toutes les gourmandises
qui garnissent tes doigts
eux qui toujours
se glissent
pour me retenir
je veux t’entendre
applaudir
lorsque tu tiendras
la corbeille de fruits
ce recueil de Tagore
qui m’a accompagné
toutes mes années d’apprentissage
je veux te voir
y trouver
toutes les accumulations
les histoires en pâtes
que tu pourras modeler
après mon passage
arpente avec moi
les nœuds
qui me tiennent
les ponts
les fils
les mouvements
d’eau
qui frémissent à ton approche
et toutes ces grâces
l’or posé
au-delà de ton front
cintré de tes cheveux blonds
c’est l’essence
qui fait mouvoir
mon corps
qui demain
aura passé un an
à croire en ta foi
4.
J'ai triste
J’ai triste de tes mots
Coulant comme les pierres
Sur moi comme sous l’eau
J’ai triste de tes doigts
Qui glissent sur ma peau
Comme un petit radeau
J’ai triste de tes yeux
Qui contemplent mon âme
Comme on prierait les dieux
J'ai triste de ton corps
Et encore et encore
Qui se noie dans le mien
J’ai triste si triste
Et toi
Tu n’es plus là
5.
Demain ne reviendra plus
Demain ne reviendra plus ; souvenances amères
Nous hantent et se nourrissent de nos tourments ;
Voilà que dansent, au bal des regrets-amants
Nos soupirs, les espoirs exilés en croisière.
Bruisse alors la voix du temps, là perdu encor
Dans les méandres de nos non-dits, au chevet
D’Amour se mourant aujourd’hui…le temps pleurait
Ô lente agonie de la déesse Hathor.
Et rien ni point n’apaisera peine en nos vies
Là où l’éternité déjà, de nostalgie,
Nous baigne à l’envi en ces fracas de “si”. Oui,
Demain ne reviendra plus ; larmes retenues,
Le présent s’étalant d’hier à l’infini,
Nos âmes, de leur bonheur se sont dévêtues.
6.
Errance
En boucle je tourne, dans ma masure je rumine,
Du doute étant affecté, dans ma triste pantomime.
Silence de plomb ce jour, plus lourd que tous les vacarmes,
Et de l'inspiration s’éteint, mon simple marasme.
Ô toi, envolée perdue, poésie de mes fantasmes,
Tu transformes mon discours, me dérobes tous les charmes.
Tu rends mon spleen suranné, tends ma détresse aux abîmes,
Je bâcle, j'ajourne, repousse la folle famine.
Attendons, assis là dans le noir, que se passe quelque chose.
Attendons, avec ce vain espoir, que l'esprit se recompose.
7.
Des mots un peu trop serrés revêtissent ma pensée nue,
Tel des habits hors de prix dont il aurait manqué la taille,
Epousant mes minces formes d'une trompeuse élégance,
Faits d'un tissu dévoilant une peau sale entre les mailles.
Le froid m'effrayait peu avant que la lumière ne choie,
Les réverbères et leur lueur rendent mes contours cru,
Leurs regards dégoutants me tripotent à de nombreux endroits,
Le contact gluant de leurs rétines m'angoisse en silence.
Leur curiosité mal placée froisse ce textile frêle,
Violent désirs derrière une fine couche de satin
Qu'ils inspectent sur mon corps comme si j'étais une poupée.
Leurs cils comme des griffes de loups s'accrochent aux coutures,
Déchirent ma tenue en m'arrachant ces cris malsains.
D'une main, j'abrite encor le peu qu'il me reste à cacher.
8.
Ans
Comment n'être pas parfois sourd
D'une oreille peu tranquille
Je fus ce que je n'eus à dire
J'eusse brandi ma raison
Je n'ai de vent, lointain
Que la montée des âges
Pan teint des artifices
Île à l'abri des souvenirs
Meurt d'inconstance
Au pupitre de chair
Jamais rêvé
Jamais exister
Devenir loi
L'air s'écoule à la rigole
Pour le peu qu'il reste
Je deviens l'ordinaire veuve
Que l'escorte bleuie venge
Il ne me coûte plus rien d'attendre
Vos consensuelles résolutions.
9.
Qui parle ?
Suis-je à ma place
Moi qui couds maladroitement
Quelques mots entre eux
Pour édifier mes vers ?
Je les vois gigoter curieusement
Sous ma plume
Et creuser eux même la feuille
Pour puiser
Dans de profonds gisements
Ce qui murit, caché,
Dans l’esprit du lecteur
Stylo à la main
Je me sens imposteur
Mes mots sont poreux
Aphasiques
Amnésiques
Des combinaisons passées
Et mes cris, mes écrits
Glissent entre mes doigts
Ils sont muets
Emmuré dans mon esprit
Ils sont apprentissage
Un acte cognitif
Hermétique
Seront-ils survivants ?
Ils ne traduisent qu’un volcan
Empli de chiens agonisants
Dans leur tonneau
Où le ventre, privé,
Se caresse
Espérant apaiser la faim
Mais qui parle, quand les mots apparaissent ?
Le cerveau ? Le cœur ?
Ou est-ce juste la main qui s’envole ?
Et quand la chose dont on parle
Devient-elle elle-même la chose qui parle ?
Toute écriture n’est-elle que cinétique ?
Quand saurai-je ?
Quand serai-je ?
Devrais-je ramper
Au plus profond de mon cerveau
Devenir fou
Pour y grappiller quelques vers authentiques?
J’aimerai tant rester
Et voir se diffuser sur ma feuille
Un profond sommeil
10.
dans la pierre, dans la terre, partout : nous travaillons
et de ce travail, de terre, de pierre, sort des statues ;
et de ces statues terreuses, de ces statues pierreuses
parfois coulent quelques larmes d’eau, d’huile, de feu ;
et de ces quelques larmes nous recueillons les sucs
et de ces vierges tristes nous fabriquons des temples
où nous ne prions plus ; et de ce silence naît souffles
et voix ténues ;
que nous n’entendons plus qu’à travers la chape
d’un monstrueux dôme de terre, de pierre plantée
d’épines dans la chair ;
et la chair est blessée
et les mains imposées
ne nous suffisent plus ;
une ville sacrée sonne dans le ventre d’un golem solitaire
que nous sculptions ensemble ;
mais l’ensemble est brisé
la matière dissocié
une à une les pierres
se sont brisées en deux.
11.
« Laissez les morts enterrer leurs morts. »
Florent le vieux garçon n’avait que 22 ans
en paraissait 35, tant les médicaments
divers et psychotropes en avaient fait leur sort
et pourtant il vivait, dans sa pulsion de mort
ses obscures passions ses multiples échecs
je crois que la boisson a eu raison de lui
et sa famille aussi, un peu dysfonctionnelle
dans sa chambre il avait un portrait de Van Gogh
suis allé sur sa tombe avec un autre ami
la nuit était féconde et la poésie vraie
qui transforme le monde et l’interprète aussi
le suicide vraiment n’est pas la solution
absolument plus là, les morts me hantent encore
Thierry le lycéen croisé une autre fois
dans un train pour Paris, qu’il désirait quitter
avec dans son idée de partir en province
poursuivre sa carrière de cadre fonctionnaire
jouer de la guitare, élever ses deux filles
ne buvait ne fumait, et ne jouait pas non plus
forniquait simplement dans les liens du mariage
mais le cancer des os, foudroyant et sournois
a eu raison de sa formidable sagesse
il dessinait aussi des portraits sarcastiques
et rôde en ma mémoire comme un sombre loustic
un mort qui me fait peur, c’est mon prof de guitare
j’avais 20 ans alors et voulais briller fort
jouer de la guitare, tel un divin gitan
Michael m’assena tu n’as aucune chance
avec cet instrument tu vas vers ta malchance
mais je ne voulais pas entendre ces mots-là
et m’obstinais idiot à égrener des gammes
je le haïssais fort de castrer mon beau rêve
et rêvais même alors de passer polygame
mais le vieux professeur avait vu dans mon cœur
la poésie d’abord, pas l’attrait pour le luth
et je poursuivais seul mon chemin dans la lutte
Jean-Marie était homme à me causer des doutes
les étranges idées de ce copain pieds-noirs
ne manquaient pas de me procurer des frissons
j’aimais son franc-parler mais craignais ses idées
libéral et courtois, il était plein d’éclat
payait maintes tournées et savait s’entourer
sa vie étrange et riche, ses vieux regrets en friches
de marin il était devenu pur dandy
son divorce je crois l’avait blessé au cœur
sans enfant et sans œuvre il brossait des récits
pour enjouer ses amis, bien que sans ambition
le cancer du poumon lui a coupé la chique
mais la physique mort n’est pas la seule mort
et les vivants parfois sont plus morts que les morts
tel le sieur Nicolas mon ami et mentor
qui marchanda son cul pour un pâle amas d’or
et du haut de sa tour avec le monde entier
fait commerce de vent et trompe le chaland
pauvre rat de labo pris dans le labyrinthe
broutant sa sous-culture, attaché aux écrans
c’est Nicolas pourtant qui m’initia à l’art
avant que l’argent sale en lui salisse l’âme
et que l’opportunisme et le matérialisme
fassent de son talent un méchant mécanisme
quant à Florian le fou ce n’est plus qu’un pantin
rampant dans la vie comme une limace folle
un animal nocturne errant dans les ruelles
dans ses délires de gloire et d’éternité
persuadé d’être Nietzsche, Baudelaire ou Jésus Christ
il poursuit en plagiat tous ses anciens amis
et s’imagine enfin un nouveau Pessoa
mais sa jalousie crasse et son égo malade
son apathie mortelle et sa pensée droguée
ne débouchent sur rien que sur le solipsisme
et ceux qui le connaissent épouvantés s’enfuient
aux relents dégoûtants de son âme toxique
et moi pauvre joseph, comment vais-je finir
un AVC peut-être, un cancer du troufion
ou écrasé jeté, de quelque téléski
personne ne saura, et peu importe au fond
si je suis encore là, à 50 ans passés
c’est peut-être un miracle, et c’est surtout aussi
grâce à ma sœur, mes frères et grâce à mes parents
et grâce à Marie-Anne, elle sait me parler
lorsque je me sens seul et que je déraisonne
et qu’en proie au cafard, je perds de vue la vie
oubliant ce mantra qui pourtant m’arraisonne
que souvent dans la vie, on a besoin d’autrui
[Paris, le 30 aout 2023]
12.
Coeur de Saint Jacques
Coquille que j’ouvre pour découvrir ton coeur
Qui contient une couarde perle rare
Cachée, contrite dans ce coffre intérieur.
Je largue de mon embarcation l’amarre
À la conquête du curieux coquillage
Qui cache un trésor dans la fleur de l’âge
Souhaitant casser cette rayée carapace
Creusée d’entrecroisées viles cicatrices
Témoignage de querelles destructrices
Cataclysmes mentaux, putrides carcasses :
Des coraux aux sanguinolentes couleurs
Qui écorchent ton âme, perche arc-en-ciel.
Ma Vénus ! Fracasse ta coque de malheur !
Que je caresse ton corps salé et frêle.
Écarte entre mes doigts ta crinière de feu !
Incendie ton feu cachot à la couverture d’un
Blanc immaculé, confinée dans ces flots bleus.
Quitte ton eau, cocktail de cocagne malsain !
Je te câlinerai jusqu’à ce que, mon coeur,
Tes cris se calment, réguliers comme le va-et-vient des vagues
Tel le bruit des percussions qui couvre tes pleurs
Battant, ma perle, sur ton magnifique nacre
Qui de mille couleurs changeantes tel un miroir
Réfléchissait notre souffrance commune
La libérant à la lueur de la lune
De nos yeux visible, nous empêchant de choir.
13.
Le levé du soleil
Le soleil est fatigué
Il voudrait rester coucher
Pour se donner de l’énergie
Il se sert un bon jus de fruit
Rouge, rose, jaune et orange
En voilà un joli mélange
Mais le soleil est un grand maladroit :
Le verre lui glisse toujours des doigts
Le rouge de la fraise
Le rose des framboises
Le jaune du citron
L’orange du melon
Toutes ces couleurs se mêlent
Et repeignent le ciel bleu
De ce bien drôle de mélange
Rouge, rose, jaune et orange
C’est un spectacle tellement beau,
Qui est réservé aux lèves-tôt
Car bientôt le vent vient tout laver
Et les nuages tout éponger
Au revoir le joli mélange
Rouge, rose, jaune et orange
Si par malheur tu l’a manqué
Pas besoin de t'inquiéter
Quand le soleil va se coucher
Il se ressert un verre frais
Et revoilà le beau mélange
Rouge, rose, jaune et orange
14.
Le masque de l’apothéose
Sous l’arche de la dernière aube
Vibrait le levain des nuits fécondes
De la mêlée de ces ombres ancestrales
Partît la marche de la parole interdite
Le vacarme des vers affranchis y résonnait
Comme une fulgurance d’outre-tombe
Par ici on retrouvait le visage d’un sourire
Et là bas s’attardait le plaisir d’être fou
Dans l’infernale poursuite qui se répétait
Les sens perdirent tous leurs mots
La légende des saisons n’était même plus contée
Le dérobement du lien avait fêlé le verre opaque
Les phonèmes entrèrent en fusion – éclipse du feu
Embrasant la grève couverte de silice sanguine
Le sourcier recouvrit ses yeux de sable brûlant
Lui seul savait la chance de devenir l’aveugle otage
Guidé par la migration des étoiles nomades
Sa main silencieuse se résigna à poursuivre les Écritures
Entre les herbes nues du temps
Où sourdait l’onde pesante du germe égaré
15.
La colombe et la rose
J’ai rêvé cette nuit qu’une blanche colombe
D’un éclat opalin, fanal dans la tourmente,
Guide nos idéaux loin de nos peurs immondes
Jusqu’aux joies d’une hospitalité bienveillante.
Je ne sais rien de toi, pourtant Dame nature
Nous a fait analogues, à quelques détails près,
Tels sont ses enfants, merveilleuses créatures,
La couleur d’une rose ne change ce qu’elle est.
Quand sur l’immensité d’une mer capricieuse
S’aventurent les miens sur d’éphémères esquifs,
Nous regardons ailleurs. Notre vie est précieuse
Nos richesses aussi. Las, serions-nous si naïfs ?
Les flots sombres et profonds, insatiables, voraces,
Les engloutissent toutes et tous sans distinction
Cimetière salé où par milliers s’entassent
Les touristes des plages à la belle saison.
Homme te prétends-tu, alors agis comme tel
Libres sont tes pensées, envoie donc sur les roses
Ceux qui agissent mal en ton nom. Sans appel
Ouvre ton cœur, tes bras, aux colombes et ose !
16.
Un nuage s'émiette, au loin.
Xylocopa butine
les soucis, les glycines.
Odeurs d'humus, de foin.
Tout me semble si neuf, si frais.
Vingt ans, cerises à l'oreille…
Tous ces mots empruntés- abeilles.
Un présent éternel- un trait-
et le vent qui balaie,
balaye
poussières
ce qui n'a pas été.
31-8-23
17.
Ô quelle immoralité que cette sentence !
Elle nous parvenait comme deux destriers vantent d’autres temps ; mais quelle image lugubre et non-précise est ce temps venant du Nord.
En quête de savoir si nous sommes preuves de cette semence, je vante ces mérites, nos lois, cette nature rebelle et parle de cet autre temps plein où aucune gloire ne s’offre à ceux qui n’ont pour seul droit que celui de crier et crient ! Famine !
Famine pour ma nature, ma faim.
Je déclame cette foi et non cette violence, loin de ma coutume. Déchiffre pour ce lieu la peur de sa semence.