Au risque de répéter ce qui a déjà été dit, il me semble que la principale caractéristique du réalisme magique, en tout cas celle la différenciant du fantastique à proprement dit, c'est que les aspects fantastiques ou absurdes sont traités comme s'ils allaient de soi. Quelqu’un citait Kefka, plus haut, dans ses romans tout est traité avec une espèce de factualité désabusée. Dans ce genre la magie est un fait de la nature dont personne ne s'étonne. D'ailleurs la magie est rarement qualifiée sous ce terme. Et les aspects absurdes des récits ne sont pas désignés comme tels.
Dans Moi, le Suprême d'Augusto Roa Bastos, la narration va parfois faire des bons dans le temps. C’est le récit de la vie d’un dictateur historique, raconté par ce dernier, mais parlant fréquemment d’évènement arrivés après sa mort, ou s’interrompant pour raconter (sans jamais en soulever l’aspect inhabituel) comment un village entier a été mystérieusement fossilisé, ou comment un morceau de pierre météorite ou un chien lui parle, de temps à autre. C’est quelque-chose de très intensément latino-américain, quand on regarde le cinéma gothique d’Amérique du Sud c’est flagrant, cette espèce de traitement à la fois glauque, absurde mais très factuel du bizarre.
Par contre je ne comparerais pas vraiment ça à l’Urban Fantasy. J’ai pas lu énormément de roman de ce genre (en dehors de ce qu’a pu faire Neil Gaiman), mais sauf erreur l'Urban fantasy traite ses éléments magiques/fantastiques comme tels, en assumant pleinement leur bizarrerie et en s'amusant justement à s'imaginer ce que donne leur présence dans un contexte urbain et branché, moderne. Ou bien l’univers est ouvertement magique, mais dans ces cas là n’est clairement plus notre univers. Il y a effectivement une frontière fine mais j’ai tendance à penser qu’on peut facilement catégoriser les textes une fois qu’on en a lu un ou deux. L'Urban Fantasy n'a pas ce côté très blasé, merveilleux et un peu onirique (maintenant que j'y pense, je crois que c'est bien le terme) du réalisme magique.
Pour continuer sur des références cinématographiques qui ne feront pas bien avancer la discussion, je rapproche aussi ça du cinéma Italien des années 70/80, où le bizarre pouvait juste intervenir, le scénario ou le rythme suivre une logique de rêverie, sans que qui que ce soit dans la diégèse du film n'y trouve rien à redire ^^