420 tatoué à la place du cadran d'une montre, comme une heure fixe, le bracelet est une couronne d'épines, tatoué lui aussi ; zéro est l'œil d'une rose. Mon réveil a pas sonné, vite, faut descendre : je me laisse glisser en chaussettes.

Au fond, on le savait, on était là pour un paquet de temps – comme on parle d'un paquet d'ondes, de probabilités. Il est possible qu'une section entière de la Bibliothèque nous soit accessible, même : qu'elle nous attend.

La bibliothécaire veille au thé. « Oté ! koman i lé ? » veut dire " bonjour comment ça va ? » à la Réunion, mais c'est faux, parce qu' « Oté » ne veut pas dire " bonjour ", c'est un " hé " métamorphe, qui dit " bonjour " quand on le signifie.

https://www.easyvoyage.com/actualite/les-expressions-reunionnaises-expliquees-aux-francais-74098

J'ai déboulé partout dans tous les hexagones de la section ; j'ai pas trouvé H-1 au début, je venais des étages supérieurs et le vertige m'a donné des vitesses ; j'étais déjà dans la Zone rose, sans avoir vu H-1 passer. H-17 est ouverte : je freine et ma vitesse ralentit dans tous les hexagones jusqu'à l'ONE.

Une a fait tomber un carnet, on me dit, quand j'arrive dans ma chambre, ça rate pas : c'est mon cahier de naissance.

Citation :

L'Office de la Naissance et de l'Enfance (O.N.E.) est l'organisme de référence de Fédération Wallonie Bruxelles (Communauté française de Belgique) pour toutes les questions relatives à :

l'enfance,
aux politiques de l'enfance,
à la protection de la mère et de l'enfant,
à l'accompagnement medico-social de la (future) mère et de l'enfant,
à l'accueil de l'enfant en dehors de son milieu familial et
au soutien à la parentalité.

Désolé, j'ai rayé tous les sols : mais la Bibliothèque avait déjà, posés, des rails ; si bien que je me suis laissé glisser jusque « chez moi » ... pour deux mois de temps.

Ah oui ! leur fixe est à droite : ça sonne absent. Réessayer plus tard, qu'elle dit, ce qu'on devine être un ersatz de voix de femme.

Je souris avec gêne aux bibliothécaires et à la bibliothécaire, j'ai pas fait exprès, je pensais pas à mal, quand j'ai glissé de là-haut. Elle me dit qu'elle est obstétricienne : « Regarde tes pieds. »

Des rails ! Elle ne dit rien, elle rit, je ramasse le cahier. « Sois pas méchant avec elles, les souris tuent personne. » 

J'ai regardé Le Monde Merveilleux de Mickey Mouse, c'est le Joueur du Grenier qui me l'a conseillé par oiseau bleu interposé. Zéro est aussi le cadran.

" Ce carnet est celui de votre enfanfert.
Cette création originale de l'O.N.E.
est soutenue par P&V Assurances.

Je ne sors plus beaucoup de l'hexagone, les bains des étages supérieurs me manquent, je me demande s'il y a des thermes ou des onsen, ou quelque chose de similaire, ici ; j'ai besoin de me sentir flotter, d'un bon bain chaud. L'anesthésiste, un homme je crois si je me souviens bien de ce que dit maman, a pesté le jour où je me suis noyé dans mon premier bain tiède, à cause d'un cordon qui traînait là, dans cette baignoire : « c'est toujours pareil avec les femmes, elles disent non, et puis voilà qu'il faut leur faire la péridurale en urgence, dès qu'elles claquent des doigts », il a dit, à peu près. Ma mémoire se souvient que maman l'évoque avec dédain, offusquée, des lustres après.

Je pense à ça à cause des autres, autour de moi ; je ne sais jamais ce qu'il faut dire ni ce qu'ils pensent et pourtant, j'ai la sensation d'avoir aux miennes leurs sensations qui se confondent. Ça me tait.

Je n'ai pas beaucoup lu, une souris mangeait un livre à l'odeur de fromage, j'ai pensé en riant, pour que les effluves de la pièce me donnent à manger l'ouvrage : du roquefort, une baguette, un peu de vin. Aux scouts, on appelle ça la « PVC », même si c'est pour la journée « pain-vin-camembert », je préfère les taches du persillé que l'empereur avait cru bon d'ôter – l'évêque de le ramener à la raison : « mais vous jetez le meilleur ! »

J'ai mangé le bout que la souris m'a laissé – la bibliothécaire m'a dit qu'elles ne mangeaient personne, je crois que ça veut dire : « elles mangent quand même les livres, mais c'est pas grave ». Le bout disait : Ce n'est pas facile d'être une pomme au pays des fables, et je crois que j'ai senti tout de suite ce que ça voulait dire.

Je devrais sortir, aller voir les autres, ça me ferait du bien : peut-être que l'une d'entre eux, ou l'un d'entre elles, sait s'il y a des bains. Où ils sont, et si leur eau est bonne, et vertueuse.

Je joue beaucoup, en ce moment. Il faut dire que lire pour moi est une torture, je préfère le jeu ; Aä a mangé du fromage, elle aussi, il n'y a pas très longtemps, quelques jours avant le procès de la Bleue. Je pourrais vous en parler des heures : Aä est un cœur merveilleux !

Une fois, je vous ai dit : je viendrai vous "dérober" – en fait, je vous aurais demandé une –, il se trouve qu'Aä est invitée au bal. Le fabvre blond ne voulait pas laisser seule la thrall au camp – elle a haussé les épaules en riant mais, curieuse, elle a dit oui volontiers. Il a dit : « par contre, tu vas pas y aller en guenilles ? »

Elle s'est un peu regardée, ça ne lui avait pas traversé l'esprit. Ce n'est pas juste pour danser ? elle a pensé. Pour rire ? pour boire ? discuter ? voir les autres ? Elle a souri, ce que disait le fabvre blond c'était en fait : « j'ai peur d'avoir honte, si tu es en guenilles de l'autre côté de mon bras ».

Alors, elle en a parlé à la Bleue, qui lui a dit : « une aux couleurs océanes, ça t'irait ? il faudra la retoucher ! » C'est vrai qu'Aä est grande, et Estrella petite ; la thrall a dit en riant : « tu sais bien qu'on aime bien ça, nous aut', le bleu ! »

Oui, elle sait bien, son fiancé, décédé, feu le chevalier Blanc, était aussi des Maahvitts, louait aussi les Déesses dans le secret de sa conversion au Cœur unique d'Arbitrio et de rite phalangiste – quelle pagaille ! La mer de lapis est une merveille du Nord, Sinine, la magnifique, veille aux amours.

Et les Moünmouns.

https://www.esperia-rp.net/wiki/index.php/Culte_des_D%C3%A9esses_des_Sept_Mers#La_Sinine  

Ce que je voulais dire, je crois, c'est que derrière un visage, il y a toujours tous vos noms – même si ce n'est pas vraiment le visage mais, plutôt, l'information qu'il me fait parvenir, ou que j'imagine être le visage.

« Une césarienne est un avortement à l'envers » – JC érode JC (préfigurant), mettant l'être du monde au monde par la seule volonté de l'esprit, factuellement. Le monde tiré du monde par lui. Mais c'était une obstétricienne, et un anesthésiste.

Ni moi ni les souris ne mangeont cette petite languette de papier, dévorée de part en part : elle n'a pas l'air appétissante, c'est comme un plat de vitrine : il a juste l'air appétissant, de loin, derrière la vitre.

Les souris bavent et moi aussi : nous collons la languette sur la tranche du rayon médian d'un pan de bibliothèque. En réyoné, on ne dit pas « nique ta mère », on dit « languèt ton monmon ». Je crois que l'esclavage a fait prendre conscience aux hommes créoles qu'on ne nique pas les mamans, on tend l'oreille et on apprend de l'en-bas son langage.

Il nous aura fallu les chaînes pour comprendre les sangs, chuchote le journal inexistant d'un esclave analphabète, marron perdu dans les cirques, les dépressions, du cœur de l'île. Le souffle ne nous dit pas si, de cet esclave, le corps était homme ou femme ; mais l'âme était hemme, c'est certain.

Soit le corps, pomme. Cuite, sans doute, ou à cuire, s'il faut croire ce qu'on dit. Nous étions du charbon, souffle la voix, on nous aurait imputé la pollution, si l'on s'en inquiétait déjà.

Comme on dit : « les vaches pètent et ça fait mal au ciel », grignote une petite mammifère.

le poète est mort,
et puis, de son compost,
les fleurs ont pu fleurir

mais le poème aussi.

Les souris ont épargné des bouts plus larges de papier :

Citation :

Marie-Anne Thérèse Ombline Desbassayns, née Gonneau-Montbrun, connue sous le nom de Madame Desbassayns (née le 3 juillet 1755 à Saint-Paul et morte le 4 février 1846 (à 90 ans) à La Réunion) est une grande propriétaire foncière de l'île de La Réunion. Elle est l'un des personnages les plus célèbres de l'histoire de La Réunion, dont elle était l'une des plus grandes fortunes, en particulier après la mort de son mari Henri Paulin Panon Desbassayns. Elle est aussi une figure controversée du folklore réunionnais (sorcière).

Citation :

Madame Desbassyns acheta une glacière en altitude. Les esclaves cassaient la glace en morceaux, puis les transportaient pour elle jusqu'à Saint-Paul, puis jusqu'à la Rivière des Pluies pour son fils Charles

Citation :

Avec ses fils, Madame Desbassayns développe l'industrialisation de la culture de cette plante. D'une ferveur religieuse intense, elle peut dès lors faire construire, en 1842, une chapelle destinée à sa famille et ses esclaves, non loin de sa maison de Saint-Gilles-les-Hauts, la chapelle Pointue.

Elle s'éteint le 4 février 1846 à l'âge de quatre-vingt-dix ans.

Citation :

Très controversé, le personnage de Madame Desbassayns est un enjeu de mémoire important sur l'île de la Réunion et fait partie de son paysage littéraire. Pour Jean Barbier, ses représentations « cristallisent le malaise et les peurs de la société post-coloniale ». Décrite comme une personne généreuse et admirable par une partie des colons de son époque, elle est perçue comme un personnage mauvais et cruel avec ses esclaves par la tradition populaire. Ses partisans vantent la chapelle qu'elle avait ouverte pour sa famille et ses esclaves et surtout le seul hôpital des esclaves de l'île construit par ses soins. Dès le xixe siècle, ses invités et ses proches politiques la couvrent d'éloges. Le gouverneur Milius la surnomme même « la Seconde Providence », une expression que l'on retrouve jusque sur sa tombe.

À l'inverse, dans les récits populaires créoles, elle est souvent associée à la sorcière Gran mèr Kal ou au Diable et on lui attribue des crimes abominables parce qu'elle symboliserait « l'esclavagisme lui-même, le mauvais maitre par excellence » ou parce que sa place de femme entrepreneur a pu susciter beaucoup de crispations. Des expressions lui sont associées pour décrire un comportement abusif (« Arrête, le temps de madame Desbassyns est fini ») et des légendes racontent que les éruptions du volcan du Piton de la Fournaise seraient en fait les supplications de Madame Desbassayns expiant ses péchés dans son cratère,. L'une des plus célèbres rumeurs sur son compte prend source en 1910, lorsque des ouvriers travaillant près de son ancien domaine découvrent du ciment rougeâtre. On murmure alors que Madame Desbassayns aurait utilisé le sang de ses esclaves pour fabriquer des pierres de mortier.

Citation :

Intercession
Prions le Christ, notre Sauveur, qui nous délivre par sa mort et sa résurrection :

R/

Seigneur Jésus, prends pitié de nous.

Tu es monté à Jérusalem pour souffrir la passion et entrer dans ta gloire :
conduis ton Église jusqu’à la Pâque éternelle.

Sur la croix, tu as exaucé le malfaiteur repenti :
ouvre ton paradis aux pécheurs que nous sommes.

Ton cœur a été percé par la lance :
purifie-nous dans l’eau et le sang.

Tu as changé la croix en arbre de vie :
donne-nous de manger le fruit du salut.

Tu es descendu au séjour des morts avant de monter vers ton Père :
arrache à la servitude ceux qui attendent leur libération.

Citation :

Psaume 45— Ps 45
Antienne : Dieu est pour nous refuge et force, secours dans la détresse.
2Dieu est pour nous refuge et force,
secours dans la détresse, toujours offert.
3Nous serons sans crainte si la terre est secouée,
si les montagnes s'effondrent au creux de la mer ;
4ses flots peuvent mugir et s'enfler,
les montagnes, trembler dans la tempête :

(R/)(Il est avec nous,
le Seigneur de l'univers ;
citadelle pour nous,
le Dieu de Jacob ! )

5Le Fleuve, ses bras réjouissent la ville de Dieu,
la plus sainte des demeures du Très-Haut.
6Dieu s'y tient : elle est inébranlable ;
quand renaît le matin, Dieu la secourt.
7Des peuples mugissent, des règnes s'effondrent ;
quand sa voix retentit, la terre se défait.

(R/) 8(Il est avec nous,
le Seigneur de l'univers ;
citadelle pour nous,
le Dieu de Jacob ! )

9Venez et voyez les actes du Seigneur,
comme il couvre de ruines la terre.
10Il détruit la guerre jusqu'au bout du monde,
il casse les arcs, brise les lances, incendie les chars :
11« Arrêtez ! Sachez que je suis Dieu.
Je domine les nations, je domine la terre. »

(R/) 12(Il est avec nous,
le Seigneur de l'univers ;
citadelle pour nous,
le Dieu de Jacob ! )

Gloire au Père, ...
Antienne : Dieu est pour nous refuge et force, secours dans la détresse.

Les souris se taisent, souvent, tout en tassant les feuillets sur le sol de la pièce ; l'enfant ni n'entend ni ne sait ce qu'ils disent, ce qu'ils retiennent des digestions mammifères.

L'enfant joue, soufflant à sa souris de référence : "c'est quand qu'on rentre ?" Personne ne lui répond. Il lui arrive de faire son chapelet, quand l'une d'entre elles le lui rappelle.

A, læ petit·e être au milieu de la pièce, sous plaid fait cape de fortune, hermine régalienne, a un air ridicule devant l'intruse, iel se tait et les souris s'agitent autour de nous, elles saignent en léchant la tranche des languettes qu'elles ôtent des étagères de nos bibliothèques. Elles les collent bout à bout, te composent une réponse à la place de l'être, qui se tient là, au milieu de la pièce.

L'être est drôlement belle et drôlement jeune, elle a les yeux très sombres. Son aura sent vieille comme l'univers.

Mais, Alice, tu te réveilles et il n'y a personne dans la pièce, que des miroirs, que des fumerolles et des vidéoprojecteurs. Tu as rêvé d'un corps mort-né cette nuit contre le tien.

Ce n'est pas triste, maintenant tu sais qu'il existe ! L'être est là quelque part : c'est évident, tu le sens.

Je passe mon temps à jouer. Je viens de passer en coup de vent, là, hors de mon hexagone, au cinq, je voulais lire c'est quoi, " une femme ". Je sais pas si je comprends. Ou si je comprendrai. Parfois, quand je lis des poétesses, et qu'elles en parlent, j'ai l'impression de faire partie du compte ; mais je me demande si ce n'est pas plutôt l'homme en moi qui n'accepte pas que le huis-clos ait cours sans ou hors de lui. Mais je suis hors de moi, constamment.

Bref, à la mesure de mes égarements, les images que j'émets pour me " matérialiser " au sein de cet espace dans lequel nous évoluons... j'oscille entre une petite fille sans âge, un garçon de huit ou douze, un jeune homme et une jeune femme de 22.

Depuis que je joue Aä, je découvre les choses qui en moi veillaient et qui, par moi, étaient tenues secrètes, de moi la honte. Je crois que si je le désire assez fort, et je le désire assez fort, et que je hume ses fumerolles qui embaument toute la pièce ; je crois alors, oui, que je trouverai dans mes rayons les scenarii joués par Aä, et qui se jouent de moi.

Je devrais me mettre à les chercher ; mais, en bas, maman me demande d'aller pendre la lessive. A tout de suite !

Bisous.

Quand je remonte, elles ont trouvé et elles ont mis de côté plusieurs piles, de livres, elles agitent à deux souris une languette, qui dit : Jésus est à la Mère ce qu'Aä est au Père.

Mais qu'est-ce que ça veut dire ? J'ai peur de lire, maintenant. Je vais juste aller me coucher comme si de rien n'était.