- Mokkimy a écrit:
- L'expérience sociale, à la manière où tu l'entends, pour moi ça reste un mythe. Tout le monde a l'air d'y croire, mais je ne suis pas certaine que ça existe. Un peu comme l'homéopathie.
Alors peut-être qu'on ne met pas le même sens derrière ces mots... pour moi, ça désigne ce qu'on expérimente dans notre vie au contact d'autres personnes, au sein d'un groupe, d'une société. Donc oui, ça existe
Un exemple ? Dans un même milieu social, une jeune fille blanche pauvrement vêtue vivra des interactions sociales différentes d'un vieil homme asiatique en costard à 20 000 plaques. Ces expériences différentes façonneront en retour des capacités, des points de vue, des comportements, des envies... Et ça se multiplie encore si on parle de milieux sociaux différents.
Au passage, être "blanc" ou "noir" est une catégorie sociale, pas une couleur de peau. Si notre peau est rose, on est "blanc", si elle est brune, on est "noir". Quand on aborde ces questions, on ne peut pas se s'arrêter à ce qu'on est physiquement, mais toujours aborder aussi (surtout) comment ce qu'on "est" entre en réaction avec le milieu social, comment cela nous catégorise.
- Citation :
- Je considère que le physique n'a aucune importance. Tout ce qui compte, c'est l'action.
J'appuie vraiment là-dessus, mais ce n'est pas une question de physique, mais de manière dont le physique détermine des interactions sociales qui à leur tour déterminent des actions et des pensées.
Du coup c'est très lié à l'environnement social. Dans une société qui reconnaitrait 18 genres différents et classerait ses membres selon la taille des cheveux, mais pas la couleur de peau, les interactions sociales de nos personnages n'auraient rien à voir avec ce qu'on peut écrire dans un contexte réaliste contemporain.
- Citation :
- Quant au message de Pasiphae, je me demande quand même pourquoi, en littérature, on fait le contraire de tout le reste. Dans le monde "réel", on tourne autour de la non-discrimination à outrance. CV anonymisés, écriture inclusive... Et dans la littérature, il semblerait qu'il faille au contraire mentionner tout ce qui est susceptible d'être discriminant.
Comment éviter une discrimination sans la connaître et reconnaître tout ce qu'elles impliquent ? Il n'y a pas d'opposition entre ces deux postures. Dans les milieux associatifs, sociaux, militants ou universitaires, le passage par la case "qui je suis, d'où je parle et en quoi cela détermine ce que je pense et ce que je dis" est de plus en plus fréquent (voir obligatoire).
- Citation :
- Il y aurait des tests intéressants à faire en confiant un même textes à des gens totalement différents et en leur demandant de dessiner un portrait-robot du personnage !
Ca a sans doute été fait, dans les recherches sur le racisme ou le sexisme dans les arts, la littérature, ou juste les rapports sociaux.
Excellente vidéo là-dessus : https://www.ted.com/talks/chimamanda_ngozi_adichie_the_danger_of_a_single_story?language=fr
Elle aborde le sujet au bout d'une minute chrono
- Citation :
- la colère de la communauté indienne canadienne
Ceux que j'ai rencontrés récusaient le terme "indien" et revendiquaient qu'on les appelle, faute de mieux, "autochtones" (ou "Premières nations" pour certains d'entre eux). En l'occurrence, ils se battent de longue date contre de fausses représentations d'eux-mêmes créées et diffusées par des médias occidentaux, aussi bien les westerns d'antan que les productions actuelles (Pocahontas...) et bien sûr les œuvres de littérature, même quand elles sont le fait d'auteurs occidentaux bienveillants. On est très peu sensibilisés en France à ces enjeux, mais au Canada c'est devenu incontournable, il y a de la documentation importante sur le sujet, des associations et institutions qui en font leur mission principale et des représentants autochtones qui prennent régulièrement la parole à ce sujet. Car il est acquis que ces fausses représentations (même mélioratives) contribuent aux discriminations très concrètes que vivent les populations autochtones du Canada.
Petite remarque : l'immense majorité des personnes autochtones que j'ai pu rencontrer au Canada et qui se mobilisaient sur ces causes étaient... des femmes. Je ne sais pas si ça transparaît dans le paragraphe ci-dessus (et dans la lecture que vous en avez eue
)
- Citation :
- En tout cas si on veut parler pour les autres, ça nécessite surement de ce documenter, de déminer les susceptibilité, ça c'est bien le moins. pour moi en tant qu'être humain je pense que je peux embrasser toutes les causes. Pourquoi non ? Si je me suis approprié honnêtement le sujet.
Je suis aussi d'avis qu'on peut embrasser toutes les causes, mais pas forcément de la même façon selon qu'on est directement concerné.e ou pas. Parfois il vaut mieux s'abstenir.
Pour revenir sur l'exemple de la pièce de théâtre, il y a une question d'appropriation culturelle : faire de l'argent par la commercialisation d'éléments liées à une identité, une histoire, une culture autochtone, sans associer les représentants de cette identité, cette histoire, cette culture, qui vivent généralement dans la pauvreté, c'est les priver d'une source de revenus.