CHRONIQUE :
(17 Mars 2016)
La toute nouvelle maison d'édition Fantasmagorie nous livre ici sa deuxième publication, avec un roman de fantasy original et bien mené. Assez simple d'accès, il peut être abordé par tous, pas besoin d'être un féru du genre pour se laisser embarquer dans ce monde.
Ayant commencé par publier des nouvelles, j'avais déjà pu me rendre compte que cette maison choisissait avec soin les textes publiés. Elle ne déroge pas à la règle avec ce livre.
Arnaud Cornillet nous propose ici son premier roman (si je ne dis pas de bêtises). Eh bien il est très qualitatif. On sent d'ailleurs l'évolution de l'auteur au cours de l'écriture. Le début du livre nous donne parfois une écriture quelque peu maladroite, mais cette impression disparaît au fur et à mesure de la lecture. Soit l'auteur a pris ses marques en cours, soit je me suis habituée, soit... un subtil mélange des deux !
Il s'agit ici d'une fantasy plutôt contemplative. Des batailles, vous en avez certes, mais pas non de grandes batailles épiques, sauf à la fin où l'auteur décide de nous finir ce premier tome de manière spectaculaire (le genre de fin qui vous fait dire "mais pourquoi je dois attendre pour le deuxième tome ???"). Par contre, de nouveaux éléments viennent TOUJOURS imprégner le récit et titiller notre curiosité. Très agréable.
Allez, quelques mots sur l'univers. il est riche et l'auteur mélange des créatures de folklore déjà connues (des goules au Minotaure) avec celles de son imagination (les fenliars, le houssegarde...). Les décors sont souvent superbes (je pense notamment à l'île de Nivurse), et les descriptions visuelles sans être trop lourdes. Le tout donne un monde très intéressant que j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir.
"La forêt se révélait habitée d'une multitude d'animaux plus étranges les uns que les autres. Hayden peut apercevoir un cerf à la robe bleu nuit sautiller entre les troncs. Ses bois, massifs et larges avaient la couleur de l'or le plus pur. Hayden l'observa s'enfoncer dans la pénombre. Sur son dos, de fines écailles brillaient sous la lumière qui perçait l'épais feuillage de la végétation."
Au niveau de l'histoire, la quatrième vous en dit assez, et je ne vais pas la répéter ! Nous sommes donc dans un univers où un monde parallèle à la terre existe. J'ai beaucoup aimé la construction du récit, qui, finalement, se découpe en trois parties (bien qu'elles n'apparaissent pas de manière distinctes). Le premier tiers nous laisse sur Terre, avec notre personnage principal qui se rend compte peu à peu qu'il y a quelque chose qui cloche chez lui. Ce passage nous permet de faire connaissance avec Hayden et sa personnalité (qui verra d'ailleurs une belle évolution). Pour autant, l'histoire n'a pas de longueurs. Souvent quand on mentionne une première partie où l'auteur prend le temps de présenter ses personnages et son univers on pense tout de suite que ce sera un peu long. Ce n'est pas le cas ici, car Hayden devra essuyer pas mal de déboires et encaisser des révélations plutôt énormes...
"Il ne faisait pas partie d'un film fantastique. Dans la vie réelle, on ne se découvre pas de pouvoirs magiques a vingt-sept ans et on ne fait pas brûler son lieu de travail d'un claquement de doigt."
Pour tout vous dire, ce livre ne m'a pas paru long une seule fois. Grâce justement, au fait que nous changions régulièrement de lieu mais aussi d'action. En fait, il y a même beaucoup de passages où j'avais du mal à poser le livre, ce qui est un effet pas franchement courant sur des premiers romans (qui, forcément, ont toujours des petits défauts). Je ne dis pas que ce livre en est exempt, mais franchement, il est très bon.
Bref, revenons à nos moutons / parties. Dans la deuxième, Hayden va changer de monde (je vous spoile rien c'est dans la quatrième) et arriver en Arianor. Un monde où la magie existe, notamment sous forme de magie des éléments. Aspect tout à fait bien pensé ici, avec des applications diverses et variées (la magie ne sert pas que pour les batailles style boule de feu bam, tornade paf etc...). Il fera la connaissance d'une famille de magiciens dans les personnes de Kyle (qu'il a rencontré sur Terre), Doria et leurs enfants : Lily, Lucas et Marvin. Ayant sensiblement le même âge, il se liera vite d'amitié avec la fratrie. Fratrie qui l'accompagnera dans ses aventures, notamment une traversée en mer vers l'île de Nivurse, siège du dernier tiers du livre.
La troisième partie donc, est consacrée à ce qu'il est venu faire sur cette île, avec un peuple à part, mais tout cela, je vous laisse le découvrir par vous-même. C'est aussi là que l'on tournera la dernière page, avec en conclusion un superbe "what's the f***, j'ai rien vu venir". Eh oui ! Un superbe retournement de situation conclut ce tome 1, où l'auteur s'amuse à nous donner un indice nous faisant comprendre qu'il va y avoir du changement, mais s'arrête avant l'élément crucial. Donc évidement j'ai cherché ... J'en suis arrivée à me dire : le changement sera "a". Ouais. Bon. Ok, il y a bien eu "a", mais ce fut un "a + B majuscule" en fait. Et bim dans les dents. Comme je disais, j'ai rien vu venir.
Donc autant vous dire que la fin donne envie de lire la suite, d'autant que ce roman nous offre un panel de personnages attachants et hauts en couleurs. Hayden, déjà, nous le rencontrons comme solitaire, travaillant à la morgue, ce qui lui permet de côtoyer peu d'humains vivants... D'ailleurs, au vu des précisions sur son boulot je n'ai pas pu m'empêcher d'aller lire la biographie de l'auteur... Et j'ai compris
et je n'ai pas non plus été surprise de voir que l'auteur était breton, l'influence de la Bretagne étant bien là, notamment au niveau des noms (et des connaissances de la mer). Bref. Hayden est un personnage complexe, qui va évoluer et s'ouvrir aux autres. D'ailleurs il ne sera pas insensible aux charmes de Lily, belle jeune femme mais surtout guerrière farouche, même si elle semble cacher une part de douceur au fond d'elle. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle sait surprendre. Son frère Lucas est la tête à claques de la bande. Très bon combattant certes, il est tout de même largement imbus de lui-même et nous amène souvent des dialogues très drôles. Quant au dernier de la fratrie, Marvin, il est mon préféré. Plus timoré et moins charismatique que ses aînés, il a pourtant beaucoup de potentiel et surtout un cœur gros comme ça (au moins). Un brin pataud, un brin maladroit, il n'en reste pas moins attachant. Et puis, fidèles à ce petit groupe, il y a leurs montures, les fenliars, eux-aussi charismatiques au possible. Ils sont au final des personnages à part entière et un vrai plus pour l'histoire.
"_ J'ai l'impression que les mythes et légendes que nous connaissons sur Terre prennent vie ici. C'est plutôt déstabilisant.
_ Oui, répondit Lily, c'est tout à fait ça. Ces créatures vivent ici depuis des centaines d'années, peut-être des millénaires. Les portails s'ouvrent et se referment de façon aléatoire entre ces deux mondes qui sont inextricablement liés. Il suffit qu'un Jörmungand passe un portail pour que naisse le mythe du monstre du Loch Ness."
En résumé, un premier roman de fantasy marqué par la richesse de son univers, où un quatuor de personnages attachants vivent une série d'aventures originales dans un rythme soutenu. Le tout mâtiné d'un trait d'humour afin de rendre l'ensemble encore plus prenant. Vivement la suite !