À ceux qui sont des habitués du voyage, en solitaire tout particulièrement : pourquoi?

Pourquoi parcourir le monde en solitaire? Juste pour se dire qu'on a tout vu, tout vécu? Qu'est-ce qu'on y gagne? Devient-on vraiment une « meilleure » personne?
J'ai été une adepte du voyage. Ça m'apparaissait comme la plus belle chose au monde, mais j'ai déchanté. Au final, ça ne donne pas davantage l'impression que la vie a un sens.

Quelles sont vos motivations? Comment le voyage vous a-t-il permis de trouver le bonheur? Y parvient-il seulement?

Tu viens de poser une belle question là.
Personnellement, depuis toute petite, mon plus grand rêve a été de voyager. Je m'imaginais, sac sur le dos, découvrir des terres inconnues, armée de ma caméra et de mon cahier. Et cette envie m'anime toujours, et plus que jamais d'ailleurs. J'ai eu peu l'occasion de voyager mais quand j'étais à l'étranger, je m'aventurais et j'avais cette sensation de liberté extrême qui m'envahissait. J'étais indépendante, je pouvais aller où je voulais.
Voyager stimule ma créativité. Les rencontres, les paysages, le changement d'air : dès que je pars, j'ai tout de suite envie de relater tout ce qui m'arrive. Exit les soucis -pour un temps-, je fais le plein de bonheur.
Après, peut-être que si mes voyages se poursuivent, je ressentirai la même chose que toi. Mais pour l'instant je suis une gamine naïve qui rêve d'évasion.

Citation :

Pourquoi parcourir le monde en solitaire?

Peut-être que la réponse est dans la question. C'est dommage de voyager et de ne pas partager cela avec quelqu'un. Même en mouvement, un solitaire ne pourra pas s'empêcher de se sentir seul.

Pour ça : Article.

Pourquoi voyager ?
Parce que j'en ai envie, tout simplement. Il y a d'autres raisons, mais celle-ci est la plus importante : le désir le plus simple, vrai, dénué de tout autre motivation de second ordre, de seconde main. Ce n'est pas une raison suffisante, mais si on voyage "pour trouver quelque chose" ou "pour prouver quelque chose" ou "pour fuir quelque chose", en oubliant l'impulsion première, le désir initial, on risque de ne pas supporter tous les tracas, petits et grands, qui accompagnent le voyage.
En ce qui me concerne, le simple fait de me sentir "en mouvement", "en voyage", suffit déjà en grande partie à ma satisfaction.

Et j'ajoute que tout ce qu'on prétend pouvoir trouver dans le voyage, on peut aussi le trouver chez soi. On peut même, selon son caractère, avoir beaucoup plus de chance de le trouver chez soi qu'à l'autre bout du monde.
Un sens à sa vie ? Cela nécessite un voyage intérieur, une introspection, plutôt qu'un voyage au sens strict. Certaines personnes, certains caractères parviennent à associer les deux, voire même à les rendre indissociable. D'autres non, parce qu'ils fonctionnent différemment.
Devenir une "meilleure personne" ? Pour ce que j'ai vu, ce n'est pas le voyage qui change une personnalité, mais la personnalité qui détermine la forme du voyage. Et si on n'a pas en soi les ingrédients du changement, si on a pas le désir de s'améliorer, de progresser en humanité, le voyage n'y changera rien (il pourra même renforcer des caractères "mauvais"... à ce qu'on raconte sur les expatriés en Afrique...).
Trouver le bonheur ? Le voyage, c'est globalement une succession de tracas quotidiens qui ont tendance à occulter les plus grosses emmerdes jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour les éviter, c'est l'inconnu, l'insécurité, la vulnérabilité, c'est ne croiser que des gens inconnus, des lieux inconnus, des ambiances inconnues, et n'avoir jamais vraiment le temps d'approfondir des relations, des connaissances, des expériences. Et puis ça peut coûter cher, ça prend du temps, ça fatigue, c'est manquer de choses élémentaires. Chercher le bonheur dans ce genre de contexte, c'est chercher une aiguille dans une botte de foin avec les deux mains attachées dans le dos.
Pouvoir dire "j'ai tout vu, tout vécu" ? Je pense qu'il est plus facile d'avoir "tout vu, tout vécu" dans un rayon de 50 km autour de chez soi qu'à l'échelle du globe.

J'en reviens donc à ce que je disais en intro : je pense que si on n'a pas, au fond de soi, l'envie la plus naturelle de voyager, cette pulsion un peu simplète, un peu naïve, il ne vaut mieux pas s'y risquer. Ou bien se limiter à des voyages courts dans le cadre sécurisé du tourisme (c'est bien aussi, même si c'est plus cher).

Après, il y a sans doute une quantité de motivations possibles qui peuvent s'ajouter à ce désir de voyager. Voir d'autres paysages, surmonter des défis, se frotter à des cultures différentes, acquérir tel ou tel savoir / compétence, et pourquoi pas aussi, acquérir du prestige auprès de ses amies, faire fortune ou goûter au plus de plats exotiques possible.
En ce qui me concerne, c'est la curiosité pour d'autres organisations sociales, d'autres cultures, d'autres mentalités, et pourquoi pas d'autres paysages et des événements inhabituels. C'est aussi une façon de m'aguerrir, de "grandir" dans ma tête, de me construire un engagement politique. Et puis j'en suis venu à apprécier même les déceptions, les emmerdes, les douleurs...

Et pourquoi voyager seul ?
Parce qu'être seul c'est être libre, au sens d'être responsable de son destin et de nul autre. Cette liberté, c'est toujours une illusion, mais on s'en approche un peu plus lorsqu'on n'a de compte à rendre à personne, lorsqu'on ne consulte personne d'autre que soi-même pour prendre une décision, lorsqu'on peut s'en remettre uniquement à ses impressions, ses envies, ses pulsions, son intuition. De ce point de vue, voyager seul c'est une expérience très intime, littéralement, qui ne se partage pas. C'est aussi une fragilité, une précarité, une vulnérabilité supplémentaire, qui aide à faire la connexion avec soi-même, avec ce qui est essentiel.
Pour ma part, c'est lors d'un voyage en solitaire que je suis "devenu adulte", et c'est encore cela qui me définit aujourd'hui.

Hormis le tourisme, je dis oui. Parce que ça procède d'un élan personneL

Pourquoi voyager ? Voilà une question que je ne m'étais même pas posée.
Pourquoi voyager ?
...
Peut-être qu'il n'y a pas vraiment de raison. Si chaque action devait justifier d'une raison, on mourrait avant d'avoir pu accomplir quoique ce soit.

Voyager, on s'y adonne avant tout pour le plaisir ; pas avec l'intention préalable d'en sortir grandi, meilleur, bref changé dans le sens qui nous parait le bon.
Ce genre d'espérances corrompt l'idée même du voyage, qui se veut simplement une ouverture au monde, un élan sincère de curiosité.
Comme dans tout, on y trouve du bon et du mauvais. De la joie et des emmerdes.

Et quant à la question "la vie a-t-elle du sens ?", je suis d'avis comme beaucoup qu'elle n'en a aucun autre que celui qu'on lui donne.
Si tu comptes sur les voyages pour donner du sens à la vie, peut-être devrais-tu envisager la démarche inverse.
-> Ne pas les considérer comme un moyen mais comme une fin en soi.

Maupassant clôture son roman "une vie" sur une phrase que j'aime beaucoup et que je te propose de transposer à ta question :

" Voyager, ce n'est ni si bon ni si mauvais qu'on ne le croit".

Pour voir autre chose, pour se rendre parfois compte de la chance qu'on a, pour se sentir dépaysé, tourneboulé, parfois ému, pour ne pas comprendre et se poser des questions, pour se dire qu'il n'y a plein d'autres façons de vivre que celles que l'on connait, pour ne pas savoir où on sera le lendemain. Pourquoi le faire seul ? Pour la liberté que ça procure, pour avoir le temps, pour parfois se retrouver face à soi-même, pour rencontrer des gens. Mais voyager pour fuir quelque chose, pour trouver un sens à sa vie, pour trouver des réponses à des grandes questions, c'est sans doute voué à l'échec. 

Voyager pour devenir une "meilleure personne", ça me paraît un bien grand mot. Mais pour devenir une personne plus ouverte, plus attentive, pour apprendre à relativiser, peut-être. Pour rencontrer des gens qui sont différents, qui ont une autre histoire.

Moi j'ai beaucoup voyagé, et je n'ai pas tout vu et vécu, loin de là, bien que j'ai vu tous les continents et beaucoup d'endroits différents. Et puis j'ai fini par poser mes valises dans un endroit qui est ailleurs que "chez moi", et qui devient mon chez-moi un peu plus chaque jour, mais qui aussi chaque jour m'apporte un peu de nouveauté, de recul sur les choses, qui m'apprend à vivre différemment. Ca m'aide à écrire aussi, ça m'a inspiré un roman et plein d'autres choses.

J'ai l'impression que tu répètes le Condor des Andes. En même temps, ça confirme dans son genre. Mais par pitié, ne devenez jamais touriste. Je les méprise depuis que j'ai 12 ans, à les voir se trimbaler dans la ville où je vivais alors, je les appelle la vermine. A la limite, faîtes de l'écotourisme et logez chez l'habitant, mais sinon ...

Personnellement je voyage pour la même raison que je fais l'amour. parce que j'aime ça.

Quelle passion !

voyager seul?
et comment on fait pour partager notre ressenti devant des choses extraordinaires (ou pas) quand on voyage seul?
si t'as personne avec qui en parler, quelqu'un qui puisse comprendre parce qu'il a vu et ressenti les mêmes choses, c'est la frustration à l'état pur.
voyager c'est partager, pas garder pour soi.

J'abonde, aussi. En réalité, il y a pourtant quelque chose d'initiatique, dans le voyage solitaire, genre Into the Wild atténué, malgré les propos prétendant qu'il n'y a "rien à chercher" dans le voyage. Merci, Bob

Myrdhin a écrit:

J'abonde, aussi. En réalité, il y a pourtant quelque chose d'initiatique, dans le voyage solitaire, genre Into the Wild atténué, malgré les propos prétendant qu'il n'y a "rien à chercher" dans le voyage. Merci, Bob

oui, le voyage initiatique, tant recherché, et magistralement mis en scène dans ce superbe film. et pourtant, que doit-on retenir de ce film? qu'il est mort seul...

Il a poussé mémé dans les orties, oui.