Pour ceux qui craignent le fameux formatage de ces horribles cours de creative writing, il suffit de regarder du coté de Missoula
http://www.lepoint.fr/actualites-litterature/2007-01-17/missoula-la-mecque-des-ecrivains-americains/1038/0/8661
Après en France, on a le culte de l'écrivain-surhomme. Celui qui a le talent en lui, qui doit juste affiner son style, bosser comme un chien tout seul dans son coin, et qui s'il va regarder du coté des autres, s'il va faire un atelier d'écriture, va obligatoirement perdre son style inné et copier le style des autres...
Bref c'est élitiste. Le style et le talent, tu l'as ou tu l'as pas... Si tu l'as, il faut juste que tu travailles tout seul. Si tu l'as pas, tu dois pas écrire.
Les creative writing américaines partent du principe que tout le monde a quelque chose à dire, à raconter. On donne juste des clés pour t'aider à tout structurer. On formate pas. Ou alors, c'est considérer que dans les ateliers de formation de prises à la parole en public, comme il peut y en avoir par chez nous, on formate ton discours.
Deux approches différentes des choses:
- Soit on considère que n'importe qui peut devenir un créateur, un artiste, pour peu qu'il y travaille
- Soit on considère que c'est juste inné (et qu'après il faut travailler bien entendu)
C'est aussi pour ces raisons là que l'écriture ici a toujours été squattée par des élites, réservée à des élites... Complexant pas mal de gens issus des classes populaires, des minorités.... Même si ça change un peu grace à la littérature prolétarienne des années 20-30, grace à des René Fallet, des gônes du chaaba, des kifkif demain...
aux états unis, ça a été tout l'inverse... Avec le développement d'une écriture de l'immigration extérieure (tous les irlandais notamment celui qui a écrit les cendres d'angela, les italiens avec john fante, les juifs new-yorkais...) comme intérieure (John Steinbeck et les raisins de la colère), une littérature des minorités raciales et notamment la littérature noire, et au sein de celle-ci, la littérature des femmes noires... La renaissance amérindienne... Les lgbti avec Armistead Maupin. L'écriture des prolos et des sous-prolos de Jack London à Bukowski...
Bref, presque une écriture et une littérature d'empowerment, d'affirmation, de libération des minorités, de ceux et celles qui sont en bas de l'échelle...
C'est bien pour ça que si je lis et relis les classiques, en revanche la plupart des oeuvres de la littérature française contemporaine m'emmerdent. C'est toujours la même population qui s'adresse à la même population... Et moi je me reconnais pas dans tout ce groupe de gens, dans tout ce monde littéraire...
Et sinon, ça recoupe aussi la différence entre la conception des cours et de l'université entre USA et France. En France, c'est le maitre, sur son estrade qui pérore et donne sa vérité des choses, explique comment il faut penser, écrire, face à son amphi, à son groupe de TD... Aux USA, c'est en plus petit groupe, en collaboration, avec beaucoup plus d'échanges entre profs et étudiants.
Donc les ateliers d'écriture, c'est comme les ateliers d'art. Il y a le modèle au milieu, le prof donne quelques conseils, et les étudiants se font une main d'artiste en s'observant l'un l'autre, mais en gardant chacun leur originalité...
Sérieusement, je lis beaucoup d'auteurs issus des creative writings, et on peut vraiment pas dire qu'il y ait un académisme imposé...