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 Rendre touchant un héros cruel

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Trigorine
   
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Trigorine  /  Petit chose


Je compte écrire un roman où mon personnage principal est assez froid et cruel malgré ses apparences de "faux-gentil" (qu'est ce que c'est ridiculement drôle cette simpliste distinction gentil/méchant, ça me fait trop penser aux biomans des Inconnus). Je voudrais savoir comment "faire glisser le lecteur sur la pente du crime" et qu'il éprouve de la sympathie pour mon personnage principal. Qu'est ce qui fait défaut dans les Bienveillantes de Littell et qui réussit si bien dans le Liseur de Bernhard Schlink ou le film Morse d'Alfredson?

J'ai pensé rassembler l'ensemble des dénominateurs commun dans mon personnage principal de façon à ce que le lecteur se reconnaisse en lui. Diderot disait: "Dire que l'homme est un composé de force et de faiblesse, de lumière et d'aveuglement, de petitesse et de grandeur, ce n'est pas lui faire son procès, c'est le définir." Lorsque j'essaie de montrer les "vices" de mon personnage, je fais en sorte de banaliser la chose (je précise que mes idées sont assez proches de celles d'Arendt sur la banalité du mal et de Nietzsche sur le Schadenfreude à savoir le plaisir éprouvé devant la souffrance d'autrui).
 
Lo.mel
   
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Lo.mel  /  Troll hunter un jour, troll hunter toujours


C'est simple.
Il faut que le lecteur entre en empathie avec le gars.
Pour ça, il faut qu'il le reconnaisse comme semblable à lui sous certains angles.

En gros, il faut humaniser ton bonhomme.
Ce n'est pas un "méchant", c'est un homme, qui a vécu une vie d'homme, jamais simple, éprouve des sentiments, doit s'abaisser à aller aux chiottes, supporter bobonne, et tout.
J'imagine que tu peux difficilement passer à côté de l'introspection de ton personnage, d'une manière ou d'une autre.

Sinon, corde un peu plus grosse mais un peu plus aisée (bien que) tu fais appel à son enfance, façon Pauvre petit garçon de Dino Buzzati.

Tu as aussi l'excellent exemple d'Humbert Humbert dans Lolita de Nabokov. Comment ne pas éprouver un sentiment bienveillant pour lui ?
On ne voit pas Humbert Humbert comme un "pédophile", mais comme un homme qui a des problèmes de pédophilie. C'est là toute la différence.

Ne raisonne pas en gentil / méchant, raisonne en hommes avec des chemins différents et des systèmes de pensée incompatibles. Si ton lecteur comprend ce qui pousse ton mec au crime, si ça lui semble juste, ou du moins pardonnable, une descente aux enfers étape par étape, alors c'est gagné.
Le "good guy" / "bad guy", c'est trop américain, trop binaire, mais tu le sais, j'enfonce des portes ouvertes.

Fais gaffe quand même avec le terme "touchant". C'est parfois faire pire que mieux de vouloir faire pleurer dans les chaumières. Rendre humain, ça suffit très souvent.
 
McSley
   
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McSley  /  Pour qui sonne Lestat


Pour taper dans le facile, pour rendre sympathique un personnage froid et cruel on peut aussi ajouter... De l'humour. Et oui, des sarcasmes, de l'humour noir, généralement ça marche. L'anti-héros (oui disons cela comme cela) a d'ailleurs plus de chance de mettre le lectorat dans sa poche avec un brin de cynisme que le héros banal. Je ne parle pas que cela devienne un écrit humoristique, mais quelques répliques bien placées qui font mouche...
 
Trigorine
   
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Trigorine  /  Petit chose


Merci de vos réponses

@ Lo.mel : effectivement, c'est ma démarche. Je décris beaucoup les motifs psychologiques qui poussent mon personnage à agir ainsi. Je reconnais que je pars avec de nombreux présupposés quant à la réaction de mon lecteur. Pour moi, le bien et le mal n'existent pas, il n'y a que des actions bonnes ou mauvaises pour nous comme disait Spinoza. D'ailleurs, après avoir lu des livres de philo, je n'arrive plus du tout à comprendre quels sont les piliers de l'humanisme moderne et comment il arrive à fonder la morale sans recours à une transcendance (le discours sur les valeurs est plus creux que le relativisme qu'il essaie de contrer). Mes personnes ne sont pas des humains, trop humains mais humains, rien que humains.

D'où l'intérêt pour moi de détruire les frontières (imaginaires) entre les supposés bien et mal. Presque aucun personnage de mon roman n'est un saint ou un diable, ils ont tous les qualités et défauts comme vous et moi. Lorsque mes personnages commettent une action peu louable, je fais en sorte de montrer que le lecteur aurait pu faire la même chose dans la même situation donnée. Smile

L'exemple que tu cites est pertinent et est assez proche d'Eli la petite vampire dans Morse. C'est une vampire qui vit mal sa condition et de devoir tuer des gens pour survivre. Et elle se lit d'amitié avec un jeune marginal martyrisé par ses camarades de classe qui a des désirs de vengeance.

@ McSley : j'apporte un peu d'humour aussi, mais pas beaucoup car il s'agit d'un roman philosophique ^^
 
May
   
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Fais mourir son animal de compagnie.


Existence en suspension.
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Fannybaub
   
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Fannybaub  /  Bile au trésor


Moi personnellement, pour rendre un personnage cruel comme le tien touchant, je lui crée des faiblesses. Ce genre de faiblesses que l'on peut tous avoir et qui nous font éprouver de la compassion pour ce personnage. Compassion qui peut ensuite se transformer en sympathie.
 
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perso, je fais l'inverse : je rends cruel un personnage sympathique. C'est tellement plus crédible...
 
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Personnellement je ferais en sorte de justifier sa cruauté, histoire que le lecteur puisse se mettre à la place du protagoniste. Faire naître de la compassion, donner l'impression que ses actes ne sont que le résultat logique de tout ce qui compose son être, de toutes les épreuves endurées.

J'aurais joué sur le fait de mettre le lecteur dans un état d'esprit ou le héros deviendrait une victime avant tout et que sa cruauté ne soit que le résultat de toutes les épreuves vécues et surmontées.

J'espère que ce que j'ai dis est lisible, sinon hésitez pas à me reprendre Smile


Dernière édition par Selou le Sam 4 Aoû 2012 - 12:43, édité 1 fois (Raison : Fautes d'orthographe ^^')
 
QuillQueen
   
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comme selou, les actes qui démontrent la cruauté d'un de mes personnages sont le fruit d'une dégradation mentale minutieusement démontrée. Ainsi, il est cruel, tout en n'étant pas inhumain, là est la distinction, il me semble.
 
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au contraire, je pense que la cruauté est éminemment humaine car liée intrinsèquement à l'affect qu'elle griffe chez l'autre. C'est une vision primaire et naive que de voir le méchant naturellement cruel. Il l'est bien plus en étant gentil, avec des réflexes simples comme un sourire, un mot réconfortant.

 
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Les questions que je me poserais à ta place sont (et que je me pose du coup):

Est-il cruel par envie?

Fait-il exprès d'être "Gentil"?

Quel est le trait de caractère que tu veux mettre en avant (celui que tu trouve le plus important dans la personnalité du personnage)?

Le fait qu'il soit gentil ou cruel?

Qu'il soit cruel et gentil?

Ou le fait qu'il soit cruel Mais gentil?
 
Graesch Nahmoffski
   
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May a écrit:
Fais mourir son animal de compagnie.

Mieux. Fais lui sauver un chaton.
 
Jonquille
   
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Lis des comics. Malgré qu'effectivement (comme le dit Lo.mel) les ricains soient réputés pour être vachement manichéen. Ça regorge de personnages qui pourrait t'inspirer, et t'aider à résoudre le problème d'apparence de ton protagoniste. L'exemple le plus flagrant qui me vient à l'esprit c'est le personnage d'Eddy Brock. La saga Venom est un pur délice.
 
AbImoPectore
   
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AbImoPectore  /  Gloire de son pair


Fannybaub a écrit:
Moi personnellement, pour rendre un personnage cruel comme le tien touchant, je lui crée des faiblesses. Ce genre de faiblesses que l'on peut tous avoir et qui nous font éprouver de la compassion pour ce personnage. Compassion qui peut ensuite se transformer en sympathie.

C'est également ma démarche.
Je crois que pour rendre sympathique un personnage cruel, il suffit de lui créer un lourd passé qui rendrait tout homme fou de douleur et de haine, tout en montrant que celui-ci, malgré son vécu, est toujours resté debout et a (peut-être) des buts dans la vie. Le courage étant une valeur très appréciée et malheureusement trop peu présente, les lecteurs admireront le personnage.
J'ajoute à cela qu'il faut se rappeler les racines grecques du mot "sympathie", sym qui signifie "avec, ensemble" (équivalent du "cum" latin) et "pathos", la "souffrance".
A cela, insérer quelques réflexions sarcastiques dans le discours du personnage pourraient le rendre plus amusant. L'humour, quelque soit la circonstance, triomphe toujours.

Voilà, j'espère t'avoir aidé. Smile
http://antifa-anticapitalisme.skyrock.com
 
Trigorine
   
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Trigorine  /  Petit chose


Merci de vos réponses
Je partage votre avis sur la majorité des points. Mais, il y a encore quelque chose qui me dérange. Je trouve que l'image du type qui devient cruel parce qu'il a beaucoup souffert est trop cliché. Il n'y a pas que la souffrance qui est l'origine de cela, il y a aussi le caprice et l'intérêt personnel.
Certes, mon personnage principal a plutôt souffert au cours de sa vie. Mais, je désire faire de même avec mes personnages secondaires qui n'ont pas connu une vie malheureuse. J'ai pensé montrer tout ce qui fait d'eux des humains (la cruauté n'est qu'un des aspects de l'humanité comme le dit David): ils aiment, ils ont des faiblesses, des passions, la joie de vivre, les mêmes problèmes que nous, etc.
Il y a des personnes qui suscitent l'admiration (pour leur talent) malgré leur cruauté: Napoléon, Gengis Khan, Tamerlan. En ce qui me concerne, c'est Talleyrand (même s'il n'est pas tellement qu'on ne le prétend)
Bref, je veux que mes lecteurs fassent l'amour avec le Diable Very Happy
 

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