Le silence est d'or dit on, et c'est aujourd'hui à la fois vrai et faux. D'un côté ce calme et cette stabilité relative retrouvée procuraient à Primitivo une sorte de sérénité qu'il n'avait pas connu depuis un long moment. De l'autre, se retrouver ainsi seul dans un logement vide le confrontait à lui même, et ce n'était pas très bon...
Primitivo avait une vie privilégiée, avant. Son travail au ministère des finances lui apportait des resources financières tout à fait confortables, il vivait dans une grande ville qui lui permettait d'être qui il voulait être dans une relative indifférence. Il faisait ce qu'il voulait, quand il le voulait.
Cette ville désormais effondrée et divisée l'avait subitement privé de tout ce qui constituait sa vie, et il réalisait soudain à quel point cette dernière était factice, ou du moins, c'est le sentiment qu'il avait. Il se sentait personnellement puni, et il luttait contre ce sentiment qu'il jugeait égoïste : tout le monde était puni, en fin de compte. Mais lui ne pouvait pas s'empêcher de se sentir plus puni que les autres. Il avait ce sentiment qu'il avait souvent, avant de trouver son équilibre, ce sentiment que tout le monde allait trouver une place, que tout le monde allait trouver ce qu'il faut, sauf lui. Il tentait vainement de respirer, de se sentir calme, mais il n'y parvenait pas, son ventre lui faisait mal tellement l'angoisse le saisissait.
Pour tenter d'expulser toute cette pression hors de lui, il commença à aménager quelque pierres et une barre métallique pour pratiquer du sport. Sa vie d'avant était calibrée à la minute près : réveil 5h30. Déjeuner, sport de 6h15 à 7h, douche, transport, travail, et après le travail, son "autre vie" comme il l'appelait dans sa tête. Il n'avait quasiment pas dormi de la nuit mais comme pour entretenir un déni de réalité il entama une session de sport avec le matériel qu'il avait installé, il était 6h15.
Au moment de terminer ses exercices, il se sent comme revigoré, le sport lui donne toujours cette sensation de se réveiller. Il pose un regarde neuf sur son logement vide, et remarque un petit papier, il a dû être glissé sous la porte hier lorsqu'il est arrivé, ou durant la nuit, il ne sait pas. C'est un message du concierge, qui lui demande de ne pas afficher son nom... Il s'en était douté.