Ce sujet peut paraître assez intriguant en voyant le titre dont je l'ai affabulé, je vous l'accorde

Contexte : Je travaille depuis un peu plus d'un an au sein de la division Sarthe du Ouest-France en tant que "correspondant sportif" et ai eu plus d'une trentaine d'articules publiés, aussi bien sur la version numérique que papier du journal (mon dernier en date : La Jalt/Fougères basket) et, de fait, ai également le numéro de téléphone du rédacteur en chef des éditions Ouest-France avec qui j'ai déjà pu collaborer et est un collègue avec qui j'entretiens de bonnes relations.

Depuis que je bosse là-bas, j'ai bien appris que "la loi du piston" prédominait dans le monde des médias, mais également dans celui de l'édition et, à dire vrai, je ne me sens que peu légitime lorsque je sais que, de part mes relations, mon manuscrit passera en priorité dans les files d'attente d'analyse du comité de rédaction des éditions Ouest-France.

La question que je me pose souvent est : suis-je légitime à avoir cette chance ?

Personne ne mérite jamais d'être privilégié mais le fait est que le monde est comme ça : il y a des gens qui vont toucher plusieurs vies de smic en héritage et d'autres qui n'auront rien d'autres que des parents toxiques qui vont les démolir.

On peut déjà se dire qu'aujourd'hui, avoir les clés pour écrire un livre, c'est être privilégié car on vient d'un milieu social qui nous a donné les cartes pour maîtriser le français, développer un intérêt pour la littérature et avoir un job qui nous laisse le temps et l'énergie pour écrire.

Est-ce que c'est juste ? Non. Est-ce que ce sera juste que ton manuscrit passe avant ? Pas si simple car après tout, tu as travaillé en journalisme pour avoir ces contacts. De la même façon que les grosses influenceuses avec des comptes avec 10 000 abonnés ont eu de la chance que ça marche mais ont aussi bossé pour avoir ces abonnements. Est-ce qu'on doit ignorer ce travail là parce qu'il n'est pas un travail d'écriture pure ?

Ensuite, si ton manuscrit passe en prio, ça n'empêche pas que s'il est mauvais ils ne le publieront pas.

Pour citer un grand homme dans une grande série:

"On ne devient pas chef parce qu'on le mérite, andouille ! On devient chef par un concours de circonstance et après on le mérite".

Vois-ça de la même façon pour à peu près toute position.

J'ajouterai qu'en dernière instance, il faut que tu écrives. Il ne faut pas que tu te trouves des excuses pour ne pas le faire, pour ne pas écrire ton roman.

Les interrogations que tu as, sont intéressantes, légitimes, c'est très bien de faire preuve de réflexivité. Mais si c'est pour que ça te paralyse, ça ne sert à rien.

Je veux dire, tu n'as même pas encore écrit ton roman que tu te questionnes sur un éventuel envoi à Ouest-France, et après cet éventuel envoi sur une éventuelle publication, et si celle-ci se réalise sur ta légitimité à être publié... C'est brûler toutes les étapes, et bruler à nouveau les cendres des étapes que tu as brûlé.

Ce que j'espère pour toi, c'est que tu écrives vraiment, que tu ais réellement envie d'écrire, et non que tu ne fasses qu'aimer l'idée que potentiellement tu pourrais être écrivain...

Écris ton roman sans te faire des nœuds dans le cerveau. Tu as remarqué qu'il y a du piston et que tu allais sans doute en profiter. Cependant, si tu n'écris pas ton livre, est-ce que ça va changer le fonctionnement de l'édition ? Pas trop. Si tu veux traiter un sujet délicat, qui aborde des minorités dont tu ne fais pas partie, ton travail d'écrivain t'impose de faire les bonnes recherches, mais rien ne t'empêche d'aborder ces sujets.

Écris ton roman, fais le corriger, bêta lire et quand tu auras franchis toutes ces étapes, tu verras, tu auras bien le temps ensuite de te questionner

Je sais pas si c'est une très bonne idée de dire tout haut que tu as un laisser-passer d'ailleurs  
Surtout si ce n'est pas fait, faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir vendue, comme on dit. 
De toute façon, il faut que tu gardes la tête froide : avoir des contacts veut juste dire que quelqu'un aura ton livre dans sa pile et c'est tout.

C'est facile à dire de l'extérieur. Mais tu devrais patienter avant de répondre à cette question je dirais. Les camarades t'ont suggéré de bonnes intentions à avoir, ne pas tout précipiter, le fait que ben si tu es "pistonné", la question du "juste ou non", c'est ainsi tu ne peux pas changer ce point. Ne pas le prendre pour acquis ou quelque chose de normal est déjà une bonne manière d'envisager la chose je trouve. Mais puisque c'est là, assume-le et vois-le comme une chance, une source de motivation. Que tu vas pouvoir compter sur un soutien différent par rapport à d'autres. T'enlever une pression une fois que tu en seras à ce stade.

Tu es peut-être plus privilégié que certains ici. Mais certains ici le sont aussi par rapport à d'autre ailleurs. Moi y compris. Si tu te perds dans ces questions, ce n'est pas très bon. Puisque tu as cette chance, parce que d'autres ne l'ont pas, tu devrais la rejetter ? Parce qu'elle empiète sur ton mérite et/ou ta légitimité ? C'est bien de se poser la question, mais pas qu'elle t'inhibe, ou te fasse porter un fardeau que tu n'as pas demandé.

Travaille sur ton récit, et construit ta singularité d'artiste. Ensuite, ta progression et ton travail te feront relativiser sur cette question sur la légitimité. Parce que si tu n'es vraiment pas à la hauteur, être pistonné ne te donnera pas du résultat facile. En tout cas c'est ainsi que je le vois. En espérant avoir aidé. En tout cas, j'ai lu des témoignages très enrichissant ici, merci aux autres d'avoir expliquer certaines choses.

Citation :

"On ne devient pas chef parce qu'on le mérite, andouille ! On devient chef par un concours de circonstance et après on le mérite".

Même pas. Tout au mieux certains arrivent mettre à profit une position sociale avantageuse pour ne pas trop nuire aux autres, pour "soutenir" certaines "causes", certaines collectivités, communautés (après leur propre personne évidement, car on devient "chef", influent, ambitieux, avant tout pour soi, et au détriment d'autrui, faut pas se mentir). Mais la plupart d'entre eux ne le "mériteront" jamais, ni avant ni après (peu importe qu'ils aiment à se le raconter dans un sens ou un autre pour légitimer leur position), ils seront souvent incompétents, autoritaires, défaillants, débordés, inefficaces ou pas plus efficace que n'importe qui d'autre qu'on aurait mis là, non pas à cause des circonstances, mais par un effets de réseau, et ça c'est quand ils ne seront pas juste complètement nuisibles au collectif et assoiffés de pouvoir, de prestige, de gloire ou de thunes.

Y a qu'à voir le profil et le comportement de n'importe quel petit chef venu, de n'importe quelle célébrité venue, dans tout milieux confondu. Ils ne "méritent" rarement ni avant, ni après leur place plus que n'importe qui d'autre qui possède un potentiel similaire mais n'a pas de moyen de cooptation à disposition dans son milieu social.

Bref, prends ta place et ta part comme tout le monde le ferait peut-être mais ne cherche pas à t'en laver les mains ou la conscience pour avoir été coopté...

Citation :

"Car enfin le trait le plus visible dans l'homme juste est de ne point vouloir du tout gouverner les autres, et de se gouverner seulement lui-même. Cela décide tout. Autant dire que les pires gouverneront".

Si tu te sens illégitime de tels faveurs, la meilleure chose que tu peux en faire c'est écrire un excellent livre.

Parce qu'après tout, quitte à être privilégié et à être quasiment sûr que ton livre sortira (ce que tu sous-entends) autant que ce soit un fabuleux livre qui mérite d'exister, non ?

Bonne chance

1ère remarque : rien ne t'oblige à passer par le circuit court (et par tes connaissances) pour présenter l'oeuvre que tu n'as pas encore écrite.
Si tu culpabilises, tu peux aussi décider de passer par le circuit normal.
Ce n'est pas parce qu'on est privilégié qu'on doit utiliser ses privilèges. Autrement dit : ce n'est pas parce que tu as les moyens de court-circuiter d'autres auteurs, que tu as l'obligation de le faire. Tu en as seulement la possibilité, et tu en fais ce que tu veux : tu la prends, tu la prends pas...

2e remarque : oui le monde est injuste, mais si tu écris une merde et qu'elle est publiée, elle n'en restera pas moins une merde. La seule différence, c'est que tout le monde le saura. Là-dessus, les récents déboires de Bruno Le Maire, qui a eu son quart d'heure de gloire, en sont la preuve.
(enfin avec un peu de chance, tu seras encensé par la critique littéraire vu que c'est tes copains, et tu ne te rendras jamais compte que tes vrais lecteurs ricanent dans ton dos)
Dans ce cas, je ne suis pas sûre que le circuit des privilégiés, qui sont publiés que leur prose soit publiable ou non, soit un avantage.

3e remarque : avant de te poser des questions existentielles, vois si tu peux l'écrire, ce bouquin. Il y a une différence entre écrire des articles sur un sujet qu'on te donne et où tu n'as qu'à raconter un truc qui s'est passé (voire expliquer ce qui s'est passé et l'analyser) et écrire un roman avec tout un univers à créer (même pour un roman contemporain, il faut au minimum inventer les personnages et leurs aventures).

Enfin à titre personnel, et pour lire beaucoup, je sais que le monde de l'édition est injuste et ça ne me pose aucun problème. C'est comme ça et puis c'est tout.
Le monde lui-même est injuste. La seule chose qui me rassure, c'est qu'en général, le monde est injuste pour tout le monde. Tu es publié parce que tu connais des gens, alors que t'écris moins bien que le voisin qui lui ne l'est pas ? Oui c'est injuste. Mais c'est aussi injuste pour toi qui n'as aucune chance de progresser en te prenant des refus à longueur de temps alors tu n'es pas au niveau.
A la fin, pour qui le monde est le plus injuste ? Pour celui qui a fini dernier au marathon, ou pour celui qui a fini premier mais qui est incapable de courir parce qu'il était en vélo ?