Franchement, pour bien connaître les auteurs et éditeurs de l'imaginaire pour les fréquenter depuis dix ans, et au risque de me répéter, ce n'est pas dans les salons que vous placerez vos manuscrits. Vous avez plus de chance d'agacer des gens qui ne sont pas venus pour ça.
Mais, dans les salons, on peut aussi se faire de la place. Par exemple :
Année 1, on est bénévole dans un salon. On discute avec les auteurs, les éditeurs. Si le courant passe bien, on partage un café, on discute bouquins...
Année 2, on est toujours bénévole, et on n'est déjà plus une inconnue. On partage un autre café et, tout en faisant le job de bénévole sans rien demander de plus, on sympathise et on s'intègre.
Année 3, on a publié une nouvelle dans un recueil. On est super fiere et on partage sa fierté avec les gens qu'on connaît déjà un peu. Ils sont contents pour vous. On fréquente d'autres salons pour que les éditeurs vous rencontrent et vous identifient.
Année 4, On n'est plus bénévole, on tient le stand d'un petit éditeur qui nous a pris un texte.
Année 5, Pendant le salon, on participe à une table ronde avec des auteurs plus renommés que soi, et en marge, on discute métier. Et on boit un café (une bière s'il fait très chaud).
Année 6, en discutant avec un éditeur, vous glissez dans une conversation sur les auteurs de cette maison que vous êtes en train de terminer un roman. Entre la poire et le fromage, en fait, car vous êtes au restau en tant qu'autrice invitée.
Année 7, vous signez ce même roman juste imprimé à votre table et, tandis que votre éditeur veille à ce que vous ne manquiez de rien, qu'il organise la logistique pour vous (stock de bouquins, transport, invitations, rendez-vous...), vous voyez un auteur sorti de nulle part qui lui pourrit sa pause en lui présentant un texte alors qu'il est 11 heures du matin et qu'il n'a pas encore eu le temps de déjeuner.
Et vous vous dites que cet auteur en herbe n'a pas compris comment s'y prendre, que son approche est contreproductive et qu'il va se faire jeter. Gentiment s'il s'agit de Jérôme qui est un homme charmant, plus vertement avec d'autres.
Aborder un éditeur en salon, c'est franchir la ligne blanche, celle de la file de droite où l'on est un client potentiel pour celle de gauche ou on a quelque chose à demander.
Selon moi, il y a trois manières de percer.
1/ S'infiltrer en douceur (voir ci-dessus)
2/ suivre les règles imposées par les éditeurs, mais en sachant que seuls 1 roman sur des milliers verra le jour. Dans la maison qui m'édite, c'est à peu près 1 pour 15000 (un tous les 5 ans pour 3000 réceptions par an).
3/ Prendre un agent qui vous fera retravailler votre texte jusqu'à ce qu'il soit éditable, et qui ira chercher l'éditeur qui convient pour le texte.
C'est différent pour un agent. Il connaît très bien les éditeurs, il l'a parfois été lui-même, ou auteur, libraire, ou représentant, il est parfaitement infiltré dans le milieu cible, il sait parfaitement ce que cherche les directeurs de collection pour en avoir discuté avec eux. Lorsqu'il rencontrera l'éditeur, ce sera un rendez-vous entre professionnels. C'est souvent l'éditeur qui, en le rencontrant sur un salon, lui demandera ce qu'il a en catalogue. C'est beaucoup de temps gagné pour l'éditeur qui délègue aux agents le tri des manuscrits et une partie des corrections.
Après, chacun fait ses choix, mais ce n'est pas la bonne voie que d'aborder les éditeurs en salon. C'est considéré comme intrusif. Il ne faut pas se décourager pour autant, mais bien connaître les usages de l'édition, penser sa stratégie en amont, et ne rien lâcher.
Bonne chance.