J'aime trouver des connexions entre les différentes disciplines que je pratique, et transposer leurs enseignements de l'une à l'autre.

Quelle est la leçon que vous avez tirée d'une discipline tierce, et que vous appliquez dans votre écriture ?

Je commence pour donner le ton:

Je pense avoir beaucoup appris de la peinture d'après modèle. Dès que l'on repère une erreur de construction, il ne faut pas hésiter à effacer son travail et à reprendre. Ca peut sembler évident, pourtant ça demande du courage de se détacher d'un détail que l'on jugeait particulièrement réussi, mais qui dessert la vision d'ensemble. Il faut apprendre à laisser partir. Il faut aussi apprendre à se faire confiance. On fera forcément mieux lors du prochain essai, car rien qu'en repérant son erreur, on a déjà appris et grandi.
J'ai également découvert qu'aucune oeuvre n'est jamais ratée. On peut toujours la reprendre et la remanier jusqu'à en être satisfait: quand bien même cela demanderait de la recommencer trois fois depuis le début.

J'attends vos retours d'expérience.

C’est effectivement un sujet intéressant !

J’ai beaucoup appris de la photographie, et de la création de personnages sur un support concret (des poupées contemporaines, pour ma part).
La première m’a enseigné les différentes façons de mettre en valeur le sujet central, d’utiliser le cadre ou bien d’en faire abstraction. C’est également une discipline qui requiert un style, une prise de position, pour rendre un cliché intéressant, indépendamment du matériel utilisé ou du sujet traité. C’est la photographie qui m’a vraiment enseigné qu’il fallait qu’il se « passe » toujours quelque chose. Elle m’a aussi aidée à me fier à mon instinct au lieu de me gaver de technique (le jargon photographique me passe complètement au-dessus de la tête, tout comme la grammaire), et j’ai véritablement transposé tout cela dans l’écriture.

Concernant la création de personnages sur poupées, j’ai appris à créer des figures plus fortes, uniques, avec un détail bien à elles, en plus de nourrir mon imagination, d’améliorer mes références, mes attentes, ect… Choses que je transpose naturellement dans l’écriture. C’est d’ailleurs pour me permettre de créer et de faire exister des personnages que j’ai commencé à écrire.

Globalement, absolument toutes mes passions sont reliées à l’écriture d’une manière ou d’une autre, et la nourrissent. Ainsi que la quasi-totalité de mes compétences en tant qu’être humain… (On devinera aisément que je ne sais pas compter, et que je fuis les chiffres au profit des lettres, par exemple 8D)

On n'est pas dans une discipline très différente (car j'ai commencé sur un support écrit), mais le jeu de rôles m'a beaucoup apporté pour construire mes personnages et leurs interactions. Ça m'a notamment appris à ne pas négliger les personnages secondaires, ils sont tous importants à leur manière ^^

C'est effectivement tout à notre avantage d'appliquer nos compétences personnelles dans nos écrits ! La première qui me viendrait en tête pour moi serait en science-fantasy, science-fiction. Je me suis découvert une facilité à créer des technologies et les expliquer aisément grâce à mon bagage d'électricien. Mon métier et mon côté manuel en général amène aussi, je pense, une certaine crédibilité pour un champ d'action spécifique à certains personnages, ou situations, que j'exploite fortuitement. Le jeu de rôle m'aide moi aussi beaucoup je crois du point de vue des personnages, élaborer des systèmes de magie, etc...

Flora a écrit:

On n'est pas dans une discipline très différente (car j'ai commencé sur un support écrit), mais le jeu de rôles m'a beaucoup apporté pour construire mes personnages et leurs interactions. Ça m'a notamment appris à ne pas négliger les personnages secondaires, ils sont tous importants à leur manière ^^

Je ne savais pas quoi répondre à cet topic mais OUI à l'intervention de Flora ci-dessus.
La même.

Merci pour ces premiers retours.

Chimère a très bien développé ses idées. Même sans pratiquer la photographie ou la création de poupée je pense comprendre son regard que j'ai apprécié emprunter pour un court instant. Pour les autres intervenants, pouvez-vous développer un peu votre pensée ?

L'idée de ce topic est de partager son expérience. Ce sujet sera d'autant plus intéressant que l'on y développe son propos pour que d'autres puissent le saisir. Pour tous ceux qui ont parlé du jeu de rôle (jdr) et du fait que ca les a aidé avec les personnages: en quoi ? Comment cette pratique a-t-elle changé ou développé votre vision du personnage ?

Je me pose d'autant plus la question que d'après ma propre expérience extensive du jdr (15 ans de jeu avec des dizaines de personnes de tout horizon), les personnages qu'on y développe ont peu à voir avec ceux d'un roman. En jdr chaque joueur incarne un seul et unique avatar, qui est par définition un "self insert", avec plus ou moins de distance critique, mais souvent assez peu. Le développement de ce personnage se fait par des mécanismes purement gamifiés de montée en puissance, que ce soit via l'expérience, le loot, ou encore via les modèles sociaux du jeu (exemple: le personnage gagne un titre de noblesse). Les joueurs mettent souvent énormément de leur personne, beaucoup d'égo dans leur personnage. A cause de çà, leurs interactions avec le monde sont souvent ... stupides, irréalistes, et mégalomanes. Ce genre de perso manquerait vite de crédibilité dans un roman d'après moi, mais peut être avez vous un autre avis ?

Bah moi je ne joue pas comme ça.
On n'est pas obligés d'être des grosbills sans finesse...

Mais puisque tu me tends le micro pour parler de ma passion, j'aurais tort de ne pas le saisir !

Je joue et j'organise des JDR grandeur Nature depuis 15 ans.
Dans les GNs auxquels je participe, il n'y a pas de "campagne" ,pas de "loot", pas de "points de force". Ce sont des GN en one-shot avec personnages rédigés par l'équipe d'organisation. Le joueur ne choisit pas son personnage ; à la place il remplit un questionnaire plus ou moins pointu et l'équipe d'organisation va affecter les personnages selon les tempéraments et les envies des participant·es.
Dans ces conditions, chaque joueur est le héro du jeu. Pour chaque joueur, aucun autre perso n'est plus crucial ou plus important. Tous les joueurs et joueuses ont payé le même tarif pour participer au jeu, il n'est donc pas question d'avoir des protagonistes et des figurants. Iels sont toustes au coeur du récit passionant de leur personnage.
Ainsi, en tant qu'orga, on n'a pas un personnage à construire, mais 20, 40, ou 80.  Et on ne peut pas avoir un vaillant héros et un super méchant. Tous les personnages doivent être cohérents et crédibles pour être absorbés et adoptés par le PJ (le ou la joueur·se) et interragir de manière cohérente et génératrice de jeu avec tous les autres PJ.
Donc il n'y a pas de gentils ou de méchants, par contre il y a des antagonistes, des valeurs humaines variables de l'un à l'autre, des conflits d'intérêt...

Dans mon roman "les amants interdits" j'ai senti très fort l'influence du GN parce que je n'ai pas pu m'empêcher de donner à chaque personnage secondaire une vraie identité et des intérêts personnels... Irène est surprise en train de piller un appartement vide par une voisine ? Qui est cette voisine ?  Quels sont ses enjeux personnels ? Que va-t-elle faire de cette information, comment, et pourquoi ? Avec quelles conséquences ?
Bérénice (8 ans) est mise à l'abri dans une ferme où une vieille dame cache des enfants ; qui est cette dame, comment en est-elle venue à cette activité, quels sont ses liens avec la Résistance, et qui sont les autres enfants ? Pourquoi sont-ils là ? Depuis combien de temps ? Quels sont leurs enjeux ?

Avantage : je crois que mon roman est riche et passionnant, en toute modestie.
Inconvénient : au lieu de 4 personnages j'en ai 15, et ces andouilles vivent leur propre vie au point d'avoir toustes leurs propres enjeux et leurs propres quêtes, et il a fallu clôturer toutes les quêtes de tous les persos pour pouvoir terminer le roman... ce qui m'a éloignée de mes 4 persos de départ ET a doublé la longueur du livre (paru en 2 tomes au lieu d'un).

Personnellement, à part caser des usines un peu partout, non, je ne vois pas

Elopez a posté avant moi, on se rejoint sur pas mal de points

Comme elle, je suis d'un autre avis

Ceci dit, je suis biaisée parce que mon initiation au JDR était sur forum et non sur table, les mécaniques ne sont pas du tout les mêmes. Sur forum, c'est plus ou moins écrire une histoire à plusieurs mains, très souvent, tu n'as aucune statistique et peu d'aléatoire, en dehors des actions des autres joueurs et des événements introduits par le MJ. Sur tous ceux que j'ai fréquentés, seuls deux avaient des jets de dés : soit pour des événements aléatoires, soit parce que les personnages se battaient souvent et que c'était plus simple pour déterminer qui gagnait. L'intérêt de jouer, c'était juste d'écrire des interactions, des petits bouts de vie, de participer à des événements tous ensemble ; on avait des PNJ, mais on pouvait avoir 20, 30, 40 personnages qui avaient tous une importance égale, pas 5 héros et des méchants. Et le but, c'était rarement de devenir plus riche, plus puissant ou d'escalader l'échelle sociale... Souvent, c'était de "réussir sa vie" au sens large. Comme beaucoup de personnages de roman

Et du coup, ça amenait à se poser des questions sur ledit personnage : c'est quoi, son but dans la vie ? c'est quoi, son moteur, son désir le plus profond ? Sachant que ça pouvait très bien changer en cours de route... J'ai joué certains personnages pendant des années, ils ont grandi, ils ont fait des rencontres, ils ont subi des traumatismes, ils ont eu de grandes joies et de grandes déceptions... bref, ils ont évolué, et ça sans xp et sans loot !

Et aussi, ça m'a appris à cerner leurs caractères. Parce que tu parles de self-insert, mais la majorité de mes personnages, c'était des hommes... dont un qui s'est démené pour avoir des enfants, parce que c'était le but de sa vie, alors que je suis child-free

Par la suite, quand j'ai commencé à jouer sur table, j'ai gardé ce goût pour le développement de mes personnages au niveau personnel. Savoir ce qu'ils aimaient, ce qui les insupportait, leurs causes, vers quoi ils tendaient... et comme je le disais en introduction, ce n'était pas nécessairement avoir du loot, de l'xp ou du prestige. Par exemple, j'ai eu un loup-garou qui était le domestique du groupe, qui resté le domestique du groupe, et dont le principal souci dans la vie, c'était d'être débarrassé de sa malédiction et de protéger les autres. Et c'est un des seuls personnages que j'ai eus qui n'était pas DU TOUT curieux, alors que moi, je veux tout savoir

HIGH FIVE !

Personnellement, j'ai fait des études de sociologie donc forcément j'ai intégré beaucoup de mes cours dans mes dystopies. Parfois, je faisais presque des copier coller de quelques paragraphes de mes cours dans mes romans x)

Il y a autant de façons de pratiquer le jeu de rôle que de joueurs et de MJ, et beaucoup sont nettement plus libres et créatives que ce que tu décris. Je n'ai pas une grande expérience, mais chaque fois que j'ai joué, je veillais à créer des personnages très différents de moi et à faire évoluer leur psychologie d'une séance à l'autre. Et même si je voyais la solution d'un problème, si c'était quelque chose qui nécessitait que mon personnage fasse quelque chose d'OOC (pas dans son caractère) ben je le faisais pas, ou j'essayais de tourner les choses pour que l'action en question devienne envisageable pour mon perso. Et j'étais dans des groupes qui avaient la même approche, s'intéressaient plus à la construction de l'histoire et la cohérence des personnages qu'aux mécaniques de jeu.
Bref, on peut faire du jeu de rôle de façon très codifiée en s'intéressant avant tout aux mécaniques de jeu ou bien on peut faire l'extrême inverse et juste raconter une histoire à plusieurs, en se passant complètement de dés, XP, etc.

Perso je ne sais pas si j'irais jusqu'à dire que c'est une compétence que je mets à l'œuvre de façon réfléchie dans mon écriture (c'est plutôt un équilibre que j'atteins instinctivement), mais j'ai utilisé la comparaison aquarelle/écriture pour un ami auteur qui avait du mal à lâcher prise sur une portion de son texte sans être satisfait, et s'énervait qu'à l'inverse le premier chapitre qu'il avait écrit d'un trait et sans difficultés était, d'après lui, stylistiquement parfait.

En aquarelle, deux grands conseils qui reviennent souvent c'est :
- Laisser l'eau faire son travail
- Ne pas trop retoucher
Contrairement à d'autres types de peinture où on dirige exactement son pinceau, l'aquarelle est un médium où on n'a pas le contrôle sur tout.  C'est ce qui fait sa spontanéité et son expressivité. On part avec un plan, un croquis, on délimite le trajet de la couleur en mouillant certaines zones et pas d'autres, mais à un moment donné, l'eau va transporter les pigments avec une certaine dose d'aléatoire. Bien sûr, on décide combien on met d'eau, combien de pigment (et lesquels) on rajoute, et on peut essayer de les pousser dans une direction, de les faire se rencontrer à tel ou tel endroit du papier, mais on ne pourra jamais décider à 100% du résultat final.
Et c'est ça la magie de l'aquarelle. Mais si on part avec une idée trop prédéfinie de ce qu'on veut comme résultat, on court le risque d'essayer de trop retravailler plutôt que d'accepter cette part d'aléatoire, et de rendre les couleurs "boueuses", de déchirer le papier ou d'avoir des coups de pinceau apparents au lieu d'un beau lavis uniforme.  
Il vaut mieux attendre que l'aquarelle ait complètement séché pour venir apporter des détails supplémentaires sur une base qui ne bouge plus.

Si on transpose ça à l'écriture : avoir un plan de départ ne veut pas dire qu'il faut se fermer à la part d'aléatoire qui surgit pendant le processus. Un texte écrit rapidement d'un seul jet peut être meilleur stylistiquement que quelque chose qu'on a trop retravaillé et où on a perdu la spontanéité et la fraîcheur d'origine. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas retravailler et affiner pour se rapprocher de la vision de départ, mais en laissant passer assez de temps entre le premier jet et la réécriture.

Merci, Bluepulp !
Concernant le JDR, j'ai une petite pierre à apporter moi aussi ;

Je n'ai jamais fait de rôleplay de manière traditionnelle (MJ, plateau, D20, fiches, ect), et je n'ai participé qu'à très peu de GN. En revanche, je fais de l'écriture à quatre mains en temps réel, ce qui est également un genre de rôleplay. Via une messagerie instantanée, je joue par tranches de quelques heures avec ma partenaire de RP (6h hier, par exemple), et ça m'a énormément apporté.
En clair, nous jouons chacune un personnage (+ les secondaires), en détaillant à la fois ses dialogues, ses pensées et ses actions, uniquement par écrit. Ajouté à cela, des passages purement narratifs, descriptifs, les plus vivants possible, afin que l'autre puisse situer l'action et parce que, finalement, nous nous racontons mutuellement une histoire. Outre le fait de devoir être le plus transparent possible de manière concise, nous devons perpétuellement réagir à ce que l'autre propose, en improvisation totale (tout au plus, on décide de quelques arcs narratifs en amont).
Par ce biais, j'ai créé plusieurs archétypes que je connais maintenant aussi bien que moi-même. J'ai une poignée de personnages originaux que je considère extrêmement forts, car je les connais entièrement, je peux agir, penser et m'exprimer comme eux, de façon réfléchie ou bien improvisée. Sans pour autant annihiler l'effet de surprise ou provoquer la lassitude, car bénéficier de bases aussi solides me permet d'inventer et d'écrire toujours plus par-dessus.
Certains de ces archétypes sont disséminés dans les personnages de mes romans, d'autres y ont été importés de manière "brute". Par exemple, j'ai un projet roman validé par une ME qui concerne l'un de ces persos, mon préféré, que je joue depuis si longtemps qu'il en est devenu une seconde nature.
Ce RP m'a énormément aidée pour creuser mes personnages, pour les faire s'exprimer de manière optimale, surtout quand on a une tendance à accumuler les détails, parfois superflus, comme je le fais. Je sais qu'une énorme partie de mes protagonistes, et subséquemment, de mes histoires, n'auraient pas vu le jour sans cette discipline.

Edit : J'aime bien ton parallèle avec l'aquarelle, Verowyn.

@Verowyn, mon prof d'aquarelle (tous les lundis ! C'est ce soir ! yay) nous dit "d'embrasser l'accident".
Alors on embrasse, on embrasse, et on s'efforce de ne pas trop triturer un lavis qui a pris des libertés. (C'est difficiiiiiiile)

elopez7228 et Flora, merci pour vos réponses qui sont beaucoup plus développées et intéressantes !

On découvre au passage qu'on a tous les trois une culture du JdR différente (GN, forum ou table). Cultures qui imposent forcément des dynamiques différentes. Je grossissais évidemment le trait dans mon propos. Toutes les tables ne sont évidemment pas grosbill. Mais c'est malheureusement une tendance que j'ai observé et qui aura fini par un peu me dégoûter du jeu.