Elle s’approcha et posa une main sur la paroi. À son contact, les bactéries émirent encore plus de lumière. Au toucher, c’était doux, souple, comme un corps vivant. Elle se retira précipitamment. Si ça vivait, peut-être était-ce sensible. La ressemblance avec une colonie de coraux lui vint immédiatement à l’esprit. Ils en cultivaient au Krommdoenn, réminiscence d’un lointain passé, avec quelques autres espèces sauvées du désastre. Une sorte de mémorial du vivant. Un examen plus poussé lui fit plutôt penser à des stromatolites, ces roches productrices d’oxygène à l’origine de la vie sur terre. Ces dernières avaient disparu depuis des millions d’années.
Elle fit rapidement le rapprochement avec le fulgurant rééquilibrage des océans. Et si les stromatolites avaient refait leur apparition ? Ça expliquerait pourquoi le milieu marin retrouvait aussi vite l’aspect qu’il présentait avant la grande extinction. Ce constat pourrait être lourd de conséquences. Ça pouvait tout remettre en question et conforter les hypothèses du groupe. Se pourrait-il que la Cabale ait raison au-delà de ses attentes les plus folles ? Les dirigeants en avaient-ils conscience ? Si oui, pourquoi le taire ?
Elle évita de trop cogiter et se força à rester encore une fois concentrée sur ce qu’elle faisait.
Plus profond encore, le boyau semblait s’élargir en devenant de plus en plus lumineux. Elle avança avec une prudence redoublée.
— Moins quatre cents mètres, annonça l’IA.
Aalana se sentait physiquement aussi bien qu’on peut l’être. La luminescence allait en s’amplifiant légèrement au fur et à mesure qu’elle s’enfonçait. Les murs, parcourus de variations lumineuses qui oscillaient entre un bleu ciel si clair qu’il en était presque transparent, et un vert encore plus clair, en passant par toutes les nuances du turquoise, rendait tout irréel.
– Mois cinq cents mètres.
Elle arriva à un coude qui partait maintenant à l’horizontale. Elle le suivit en restant sur ses gardes. Il serpentait. Chaque tournant pouvant potentiellement être un danger, elle ralentit son allure. Au bout de dix minutes, elle crut en voir la fin. Au loin, il semblait s’arrêter. Elle avança doucement jusqu’à la limite où le sol disparaissait.
Elle arriva sur une sorte de plateforme comme si elle se trouvait à la sortie d’une grotte creusée dans la montagne. Instinctivement, elle se redressa et se tint debout sur le plancher. Au-dessus d’elle, un espace si grand, si bleu qu’elle n’en voyait pas les limites. À droite et à gauche, des parois verticales elles aussi démesurées. Devant elle s’ouvrait une cavité aussi vaste que Krommdoenn, sinon plus encore. Il faisait clair comme en plein jour. Mais ce fut lorsqu’elle regarda vers le bas que son sang se glaça.