Nombre de messages : 61 Âge : 74 Date d'inscription : 12/02/2021 | Babel / Clochard céleste Lun 22 Mar 2021 - 23:36 | |
| Le rêve d'Aomphalos. Hexagone 12 - réfugié dans l'Hexagone 5- Spoiler:
Est-ce que je rêve ?
J’avance. Au milieu. De nos rayons.
Est-ce que je rêve ?
Dans le sol. Des fractures. Biffures. Ratures. Quoi ?
Est-ce que je rêve ?
Je suis. Dehors. Oui. Dehors. Au-delà du périmètre des impressions. Ici-bas.
Est-ce que je rêve ?
Je marche. Au milieu. De tourelles noires illuminées. Le sable est partout formé comme un monde. Plusieurs à corriger des épreuves. « Il faudrait tout brûler » dit-elle.
Est-ce que je rêve ?
Je me. Tourne. C’est l’imprimeuse qui a. Parlé. « Il faudrait tout brûler. » Dit-elle. Des machines dégringolent des. Torrents de papier. Cascades folles.
Est-ce que je rêve ?
Je. Je me lève du banc. Banc de bois. Coffre de bois. Boîte fermée. Je me lève pour. Je me lève pour parler. Personne.
Est-ce que
Je vois, lointain, les Rayons. Qui se forment. Alvéoles après alvéoles. Hexagones après Hexagones. Moi je. Moi je veux
Parler. Mots au bout d’une langue. Cloutée. Rivetée. A la grammaire des machines.
Est-ce que je rêve ?
Un homme court. Haletant dans les. Allées où nous besognons. Machine. Il dit quelque chose.
« Écoute. »
dit-elle. « Il dit la vérité ». A écouter j’entends. L’écho. Le bourdonnement des presses huileuses qui. Plus loin. Bien plus loin. Frappent l’encre. Sur la pile de papier.
Je regarde – vois, comprends – que l’Imprimerie détruit la pierre sur laquelle. Sous laquelle elle. Sous laquelle elle est édifiée.
Est-ce que je rêve ?
Plus tard, j’ai grandi jusqu’à l’enfance. Six ans. J’ai six ans, c’est. Ce jour où, perdu, j’ai trouvé. « Écoute ». L’unique livre. « Il faudrait tout… ». L’unique livre lisible. « Brûler ».
J’ai six ans. Je joue à. Me perdre. Ouvrir les livres. Je suis suivi. Peut-être. Suivi par quelqu’un. Peut-être. Caché j’ouvre celui-ci.
Image.
Je revois les tourelles immenses-noires fabriquent d’encre.
Me souviens du ciel. « Celui qui n’est pas un plafond » me dit-elle. Qui ?
Ma mère vient me trouver. Qui ?
Elle me dit : « le sens est hors du sens », qui ?
Ma mère vient me trouver. Qui ?
Est-ce un rêve ?
Je me. Réveil. En silence.
« Il faudrait. »
Le rêve de houle. Hexagone 30- Spoiler:
Kabbale se pose contre mon torse. Ses ailes, déployées tout autour de moi, font comme un sarcophage. Alors je ferme les yeux et les sables m'emportent. Au fond de mon corps, le chant des oiseaux croît et s'intensifie. Les mots volent pareils aux nuées, les pages des livres sont des morceaux de poussière. Le ciel est noir. Un moment, je pense que la nuit est déjà tombée. Pourtant des mouvements déchirent encore le ciel. Des mains agitent un voile opaque au-dessus du monde. Par endroits, le tissu se rompt, et découvre un soleil de sang. Ce sont des milliers d'oiseaux qui dansent. Ce sont des milliers d'oiseaux qui étouffent le ciel. Leur formation se déploie, se brise, longe un grand cercle. Puis elle fond sur le sol. Les becs perforent la terre, détruisent les arbres, s'approchent comme une tempête sombre de la Bibliothèque de Babel.
Le rêve de Liseth. Hexagone 29, en compagnie de chamanii- Spoiler:
L’ours s’est approché, très près, j’ai cru qu’il allait coller sa truffe humide contre mon nez. Il a dit : « Qui es-tu petite fille ? — Bonjour Ours, je m’appelle Liseth ! » Il a dit encore : « Qui es-tu petite fille ? — Bin Liseth, je t’ai dit. Qui es-tu petite fille ? » Il commençait à me gonfler alors j’ai dit un peu plus fort : « LI-SETH ! C’est mon nom quoi ! T’es sourd ? — Alors tu n’es qu’un nom ? — Euh… Non je suis pas qu’un nom, nom de nom ! haha… — Tu es dans Babel depuis tout ce temps et tout ce que as découvert c’est ton nom ? C’est bien triste. — Oui bah… Babel… ça commence à bien faire… Alors que je pourrai être en train de gambader dans la nature, je suis bloquée ici. C’est gris, c’est moche… — Tu n’as pas compris le sens de Babel ? — Babel n’a aucun sens, lui dis-je un peu triste. — Pourtant tu as vu la nature. Aimes-tu la nature ? — Oh oui ! C’est beau. J’aimerai être autre part, sur une planète avec des arbres, des déserts, des océans. Voler ! Comme un oiseau, voir de beaux paysages. Nager comme un poisson, explorer les fonds marins. — Puisque que tu n’as connu que Babel, c’est que l’as lu ici même. Cet amour pour la nature. — J’ai rien lu réellement. J’ai vu le désert. J’ai cherché la connaissance de l’oasis avec mes amis, c’était super ! Mais ces fichus bouquins, j’en ai lu aucun. — Pourquoi ? Ca ne t’intéresse pas de savoir qui tu es ? — Comment ça qui je suis ? Je… sais très bien qui je suis… » Oui j’ai hésité à ce moment-là… L’ours a souri, si je vous jure. « Tu ne sais pas bien qui tu es, tu n’as pas osé lire qui tu es, pourtant tout est là. » J’ai eu un instant de réflexion. Je trouvais ça bizarre qu’il me dise ça alors je lui ai demandé : « Tu veux dire que ces livres… Ils me décrivent ? — Tu es dans Babel. — Oui mais il y a des tas de livres dans Babel… Et la plupart sont illisibles. — Peut-être qu’ils ne te sont pas adressé. Ou peut-être que tu ne peux pas comprendre les gens qu’ils représentent. Si tu n’as pas lu tes livres, c’est peut-être que tu as peur de savoir qui tu es, ou que veux pas savoir ! — Euh bah… Je sais pas. Là je suis devenue toute timide, un peu comme au début , avec mon narrateur. Et puis l’Ours s’est retourné, il a commencé à partir et… J’ai voulu lui dire… Que je n’avais peur de rien. Mais… Je crois que j’aurais menti.
Le rêve de Mahendra Singh Dhoni. Hexagone 14- Spoiler:
Il se brise le long filet de voix, il devient de la cendre, du murmure. La tige de la matière se courbe, casse, se déroule, des figures se devinent et au toucher tout s’efface. Une marée monte, d’abord pure eau, monte, jusqu’au langage, jusqu’au A, du langage, la marée mouille les mots, défigure les mots, courbe, les mots. Roseau, puis papyrus, puis cendres. La marée monte, la marée puissante et liquide. Des hommes, là-bas, sur le rivage fuient et chassent des femmes. Les femmes hurlent, les dents sont du cristal. La marée monte, trouble, les hommes écopent l’eau, ils écopent, les femmes hurlent, elles hurlent, et sur leurs dents cristal, défilent des mots, très vites, défilent des mots qui se noient. Les hommes écopent, écopent, on ne sait plus si l’eau qui les recouvre c’est de la sueur ou l’eau des noyades. L’eau change, épaisse, noire. Les hommes sont partis, les femmes ne crient plus. Elles portent des foulards noirs et des bagues tragiques, édentées, les cristaux sont dans l’eau, comme des nénuphars flétris. Les hommes sont au loin, on les croit au loin à cause de leur taille…Les femmes parviennent à leur contact, et les dépassent, trois fois leur taille. La peau est usée, les mains petites, plus petites que des mains de nouveau né. Le sable a remplacé la sueur sur leurs peaux. Leurs lèvres sont sèches, les femmes leur tendent d’un air sévère, un long rouleau de papyrus, dans la marge droite, des taches rouges, du sang, dans la marge gauche, la lettre B. Au centre 0 1 1 0 1 1 1 0 0 1 0 1 Les hommes, ce qui restent d’hommes dans les hommes, baissent la tête. Ils ont honte. Les femmes, sans dents, baissent la tête, elles ont honte. Autour d’eux, dans la terre lisible des petits trous, 70cm de longueur, des femmes brisent au-dessus des trous, de longs roseaux qui ne produisent aucun bruit. Elles ne s’agenouillent pas. Les petits trous ont des formes différentes, alternent sans cesse, 0 1 1 0 0 11 00 11. Les hommes ont rétréci, les suivent de leurs yeux minuscules, ils ne peuvent plus bouger. Une voix, s’élève, vrombit. Les hommes ne sont pas surpris, les femmes ne sont pas surprises. Une femme s’enfonce dans le sable, les autres la suivent, elles tendent au-dessus de leurs têtes les nénuphars devenus entre-temps des lotus. Les hommes, rétrécis encore, se lovent dans les pédoncules. Une sorte d’Animal Gigantesque, s’approche des vallons de sable, se penche au-dessus des femmes qui s’enfoncent dans le sable. Sa peau est d’écaille et ses dents de cristal, il est couvert de signes et de tatouages tout semble neuf, en lui. Il a le regard d’une première fois. Les femmes le regardent, sourient, tristement. Les hommes le regardent et sourient de leur bouche minuscule. Il agite sa main, les femmes baissent la tête. De petits grains de sables s’échappent de ses doigts. Il rétrécit.
Le rêve de Nimué. Hexagone 11- Spoiler:
Je fais l’étoile sur ma plage, les doigts écartées dans le sable. J’écoute l’acouphène de la Tempête qui tourbillonne encore dans mon crâne et j’entends presque le ressac de vagues tout autour de moi. Je bronze. Un soleil rend mes paupières rouges, et baigne ma peau dans une sérénité terrifiante – celle de la Mort et de l’Au-delà. Je sens le sable être porté par un vent et se collecter au coin de mes yeux. Il y a une légende, un conte, je crois, sur ça : le Marchand de Sable. Un autre nom du Temps, ou son frère peut-être ? Une Faucheuse qui ne tue pas, qui fait vivre sans conséquences, sans destruction, sans chaos. Je vois sans me souvenir d’avoir ouvrir les yeux. Sous mes pieds il y a une île et plus loin un horizon qui, j’en suis certaine, sont une version de l’Ouest et de son Oasis. Sans lac. Sans plantes, sans ciel, sans rien : rien qu’un ban dans l’eau qui menace d’être avalé. L’air chaud ondule, scintille au loin mais j’y distingue des points : des silhouettes, d’autres personnes, qui attendent, regardent, perdus. Une autre exploration ? J’avance mais les distances sont incompressibles. J’essaye de comprendre, de retracer mes pas, de me souvenir de mon séjour à la Bibliothèque. Je remonte les jours, ils sautent, comme un galet sur un lac. Ils sont flous. Ils sont incohérents. Comme un… J’essaye de me souvenir de l’avant, avant la section lisible, mon histoire, ma vie dans mes rayons d’origines. Je sais des choses – j’ai des convictions, des certitudes, de vagues images de moi marchant, de l’odeur des livres toujours neufs, des nuits passées debout, mais rien de tangible. Rien de complet, d’abouti. Juste ce qu’il faut. Comme un… Rêve. Mais aussi un souvenir. Je crois qu’il n’y a jamais eu de différence. Rêve. Souvenir. Histoire. Livre. Ceci est le début. De notre histoire. Ce ban de sable, ce ban de vieux livres qui, stérile pendant si longtemps, a poussé. Des mots germent des idées, des idées germent des histoires, des histoires s’incarnent et se développent, et donne… nous. J’ai toujours voulu devenir un livre. J’ai toujours su en être un. Il n’y avait rien avant l’exploration de la Section Lisible. Nous sommes la section Lisible. Nous poussons les limites de la Bibliothèque. Des livres dans des livres. Je suis en paix avec cette idée.
Le rêve de Noise in 1953. Hexagone 8- Spoiler:
J’ai rêvé. J’ai rêvé d’un miroir, où le soleil et la lumière s’étaient déposés, pour embrasser ta nudité — la simple ouverture d’un incendie — martynka morelli : toi, qui parle le morellien… — et du vent, pour emporter les peaux mortes — l’espoir, égoïste, qu’il t’apporte mon odeur, ou le résidu de mon odeur… Puis tu as ouvert un livre les pages ont défilé photographies qui remontaient de loin ou plutôt longues expositions de ton mouvement (une silhouette translucide, unissant les morts, et les vivants) de nos souvenirs emportés… J’ai voulu parler. Bien sûr, je ne l’ai pas fait. Tout au plus des tremblements de pensées : une coquille d’œuf, craquelée. Puis y a eu la terre, enfoncée sous les ongles ; des arbres, à peine naissants, pour un jour ombrager ta tombe ; la tienne et toutes celles de ceux qui ont un jour parler notre langue : grand-mère, hurlant dans les courants d’air, car toujours nous étions en retard… Puis sous les pins tu t’étires, et sort du miroir, ta nudité s’ouvrant aux ombres du matin — souvent, j’ai écrit sur ces instants, sans qu’ils ne cristallisent — toujours, l’ombre en fuite, dans les craquements de parquet et les fenêtres oscillant… J’ai rêvé, puis je me suis réveillé, les livres de Septimea étendus sur ma poitrine, leurs pages trop nombreuses d’épaisses pierres, écrasant mon souffle. Bien sûr, tu n’étais pas là, martynka morelli — et j’étais seul, allongé là comme offert à une rivière, ou la poursuite d’une rivière.
Le rêve de Pasifaea. Hexagone 5, en compagnie d'Aomphalos depuis la Tempête- Spoiler:
Je dors.
Quelque chose de rouge, tout au fond de ma poitrine, commence à s'ébattre. Je respire régulièrement – cinq secondes j'inspire, cinq secondes je respire – pour faire refluer ce qui, tout au fond de ma poitrine, est rouge et monte. Mais ce qui s'ébat continue de monter, et continue d'écarter mes côtes les unes des autres. Je sens que je vais me déchirer. Mais tout, d'un coup, retombe. Et je peux regarder ce qui m'environne, c'est-à-dire : rien. Ce qui m'environne n'a ni forme ni couleur, et je peux marcher dessus, ou sauter, ça ne change rien. Je ne comprends pas comment marcher dans l'informe et l'incolore, mais je marche quand même, très longtemps, et j'arrive au bord d'un lac – et ce lac possède une couverture de cuir. Je soulève la couverture et plusieurs pages déchirées se jettent contre moi, me pénètrent et disparaissent. Alors je deviens le contenu du livre, c'est-à-dire la mémoire, ou la connaissance. Je suis savante, consciente et sapiente – je sais tout et je n'oublie rien. Je suis sensée, raisonnable et instruite, et je sais tout. Mais le livre a disparu et je laisse place au vide. Je m'effondre ; la chose rouge, tout au fond de moi, s'agite à nouveau et me désosse ; je suis un corps effondré, et j'ai tout perdu de la mémoire, du savoir, de la sagesse et du temps qui me constituaient. Si je peux tout gagner, puis tout perdre ; devenir rouge dans l'informe, songé-je, puis-je malgré tout dire "je" ? autour de mon corps effondré, beaucoup de corps effondrés s'effondrent aussi. De brusques éclairs provoquent l'irruption de corps, et d'autres éclairs encore les désintègrent, quelques secondes plus tard. Tout est bref, précaire et soluble. L'eau et l'air sont des éléments comme les autres ; la terre et le feu me dévorent les entrailles. Je n'ai plus de jambes, et je n'ai plus de bras, mais j'ai encore une peau sur mon corps et je perçois les secousses des éclairs. Je suis réduite à l'essentiel, et j'ai tout oublié de ce qui m'environne ; l'un des éclairs me cueille au passage.
Le rêve de Pie Rat. Hexagone 10- Spoiler:
La chute était interminable, je glissais dans une coulée de livres, le monde s'écroulait avec moi dans un mouvement à la fois doux et terriblement puissant. L'avalanche de livre s'arrêta net au milieu d'une place entourée de bâtiments majestueux. Des façades couvertes de colonnades et de sculptures. Au loin derrière, on apercevait une forêt de clochers et de dômes sombres qui semblaient s'étendre à perte de vue sous un ciel rouge sang. Au centre de la place, devant moi, un portail richement sculpté était légèrement entrouvert. Poussé par une curiosité incontrôlable, j'entrai. Derrière le portail se trouvait une salle circulaire couvée par un dôme à caisson et en son centre un pupitre unique sur lequel était posé un livre qui semblait millénaire. Je ne pus même pas approcher le livre, une sorte d'aura le protégeait et empêchait de passer quiconque ayant ne serait-ce que l'idée de vouloir le lire. Mon attention fut détournée par les bas reliefs qui couvraient les murs autour du pupitre, ils racontaient une histoire terrible. On y voyait un roi apportant un livre devant son peuple. Mais sitôt le livre ouvert, une nuée d'êtres volants maléfiques envahissait le ciel et réduisait les maisons comme les êtres vivant à l'état de cendre. Dans le monde dévasté d'après cette catastrophe, quelque moines aux vêtements dépenaillés s'associaient pour construire autre chose : des golems de cendre, par dizaines, d'abord. Puis par centaines. Ces derniers créaient d'autres golem, qui en créaient d'autres, qui en créaient d'autres, qui en créaient d'autres, par millier, millions. Enfin, une partie des golem de cendre se mit à écrire, l'autre à construire. Très vite, le monde se retrouvait couvert d'alvéoles hexagonales, remplies par les livres des golems de cendre. Le conte sculpté ne disait rien de ce que contenaient les livres. Rien de leur utilité concrète - mais après ce rêve, j'eus l'impression d'avoir découvert une partie de la génèse de Babel, et cela était cohérent : cette bibliothèque n'avait rien d'humain, c'était une folie, un sortilège
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