Il m'arrive de coller l'oreille aux livres et d'entendre, derrière eux, la voix d'un enfant. Je n'ai jamais vu d'enfants. J'en ai entendu, parfois, courir les couloirs, mais j'avais toujours le nez dans des lettres, des mots inconnus. C'est un enfant plein de secrets, je crois, à la manière dont il parle, avec ses demi-phrases et ses mots sans fin, un enfant dont les pensées surgissent plus vite qu'ils ne peuvent sortir.
Je n'ai jamais vu d'enfants. Je les ai toujours entendus sans les voir. Ils me sont des fantômes qui n'éclatent qu'en de brèves fugacités. Ils m'apeurent. J'ai peur que leurs voix me hantent. Si cette voix-ci traverse les livres, elle peut traverser n'importe quoi.