Mon Hexagone est apparu comme une femme dans les landes, cachées par les hautes herbes.

Je pose
mes affaires chéries pour ce nouveau poste
une moustache de chat dans une boîte en bois
une très petite couverture aux carrés de couleurs vives, avec une alternance froid chaud,  
un grand drap de coton aux roses anglaises
un sac à dos, usure à chaque coin
rempli de livres - lisibles

me suivant depuis une décennie et éparpillées, s'offrant au sol
le retour des enfants à leur mère
des miracles en terre sainte  
les enfants cachés,
dont on tait les noms, et ceux de certains miracles.

Je suis étonnée que l'Hexagone numéro 13 existe, car dans les hôtels, il n'existe pas. Le chiffre maudit.
Il est évident que cet Hexagone n'est pas un hôtel, que j'ai du travail, et qu'il n'y a pas de confort - encore,
pourtant, me voilà, avec ma couverture me frayant cette première nuit entre étagères.

Il est évident aussi, qu'il n'est pas comme les autres.

Si la corde à treize nœuds a aidé à bâtir les cathédrales, l'Hexagone 13 aidera à n'en pas douter, à bâtir la littérature lisible
plus haute, plus grande que les cathédrales, et peut-être
avec plus de sang encore.

Il faut commencer quelque part. Mais pas encore ici,
je prends un livre de ma pile personnelle :

מ
Mem, treizième lettre des alphabets hébreu et phénicien.
La lettre Mem finale est, avec la lettre Samech, l'une des deux lettres entièrement fermées, sans ouverture vers l'extérieur.

Et glisse mon doigt de quelques centimètres :

ס
Samech est la quinzième lettre de l'alphabet phénicien et hébreu.

Le Quinzième Hexagone n'est pas encore ouvert.

Je me décidai, non pas à ouvrir un livre de mon hexagone pour regarder son intérieur - il était encore trop tôt pour que j'en fusse capable- mais à écrire, sur un morceau de papier, la recette de la


Ingrédients :
une vingtaine de livres rendus en retard.
100 grammes de sucre.
un petit pot en verre.

Temps de préparation :
de 1 heure à 4 jours, selon les cachettes des fleurs.

Parfois, quand des livres sont empruntés un peu trop longtemps et rendus tardivement, il est intéressant de les arpenter quelques minutes,
des poetes.ses y laissent à quelques occasions, des fleurs séchées à l'intérieur
qui se plient si l'on a peu de chance, ou se figent si l'on en a.
Les gelées les plus précieuses se composent des fleurs non pliées, qui font face, courageuses à la page. Mais les pliées constituent de la gelée tout à fait honorable qu'il ne faut pas négliger pour autant.
Veillez-donc, à feuilleter chaque livre oublié et à réunir très délicatement les fleurs séchées à plat.

Il est possible de faire un mélange de fleurs, ou de ne choisir qu'un type de fleur.
IMPORTANT : Selon les régions de la bibliothèque où se situent les livres rendus, certaines fleurs seront plus communes que d'autres.

Une fois réunies, faites chauffer dans une petite casserole le sucre, sans importance pour la couleur, ajoutez-y les fleurs délicatement, remuez avec une cuillère en bois jusqu'à ébullition.

Versez sans attendre dans votre petit pot, fermez-le avec force, et placez-le à l'envers une semaine.

Pour le conservez, utiliser un linge blanc brodé, qui vous tient à coeur. "

afin de la glisser, à l'intérieur d'un livre, au hasard :
La tulipe comme base du Tango de Sagred Hievik.