Temps d’écran pour la journée du 14 février 2021 : 9h et 4 minutes d’utilisation.
Les yeux s’accrochent un moment sur les chiffres. Tout ce temps. Est-ce que je veux vraiment me souvenir de cette période de ma vie comme étant celle où j’ai passé toute la journée assis derrière mon ordinateur ? Parler à des inconnus, tourner des pages virtuelles, la lumière artificielle éclairant mon visage.
Je clappe l’écran. Ça doit changer. Autour de moi se dressent les murs de mon hexagone, remplis de livres que je n’ai pas encore ouverts. Je suis entouré d’une évidence crasse qu’il m’a pourtant fallu des mois pour accepter : diminuer petit à petit ce fichu temps d’écran pour le consacrer, à la place, à l’exploration de cette bibliothèque qui m’est inconnue.
J’ai un peu peur. Je dois m’approprier un environnement quasiment nouveau. Mes sens sont atrophiés : je goute peu, je ne sens pas grand-chose, je vois flou, mais ce n’est pas cette machine rectangulaire qui m’en a fait ressentir l’absence. Il faut que je change de verres de lunettes.
Voilà donc ma quête. Elle est simple. Si j'arrive à délaisser ma machine, quel usage neuf vais-je être amené à en faire ? Est-ce que dans un futur plus ou moins proche je finirai par vouloir m’en débarrasser ? D’autres que moi se sont-ils fait ce constat ?
J’ai un vague souvenir, petit, d’avoir passé des journées et des nuits à lire. Lire des heures dans un jardin jusqu’à ce que mes lèvres se scellent faute d’avoir prononcé un mot, plongé dans un livre. C’est cet état que je dois retrouver.
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Grise Mine/ Blanchisseur de campagnes Mar 16 Fév 2021 - 12:47
Est-ce que c’est une chambre ? ou bien un bureau ?
Toute la bibliothèque murale est remplie de livres, sauf un pan, quadrillé lui à la verticale : une penderie. Au sol, la moquette est d’un bleu délavé sur laquelle il fait bon de marcher pieds nus. S’y nichent quelques miettes dont l’origine m’est inconnue.
Au centre s’érige une petite tour de feuilles volantes. Elles me rappellent les échafaudages de kapla, en plus fines et volatiles. A quoi ça peut bien servir ?
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Grise Mine/ Blanchisseur de campagnes Mar 16 Fév 2021 - 18:05
Atlas des oiseaux déplumés, La désobéissance du mage, Jardins du Malasile, L’abattement des vieux trucs, Dictionnaire abrégé de botanique, La danse des lettres, Histoire philosophique, botanique et rurale des végétaux, La démagogie du désordre, Phytographie abyssale, Dans les nuages : impressions d’un tabouret, L’orchestre des oubliés, Flore charnelle, Journal des gares, Espérances d’ici-bas, La séduction des larmes, Herbier des aéronefs, La faune des jardins suspendus, L’odeur des physiocrates, L’exaltation de la poussière, L’Echo des trains en partance, Recueil de poissons de P-T, La tentation des instantanés, Les plantes à feuillages colorés, L’humeur des mers, Confessions d’un jour fermé, Figures pour l’almanach du jardinier mélancolique, La gueule des inconnus, Le défunt muséum, L’espoir du météore, Les oiseaux des campagnes et leurs œufs, Les sœurs du géant, Les plantes des maisons, La honte des crânes, Nature animalium et moralitates naturarum eorum, La maitresse des croquis, Courrier des chemins de fer et la gazette des inconnus : contenant : les départs, arrivées, prix de tous les chemins de fer, Les plantes des cabinets de curiosité, La lubie des cartes, A propos de l’aérostation, Les montagnes du futur, Les animaux vivants du monde, L’alphabet de l’archéologie, La vie végétale – histoire des plantes à l'usage des gens du monde, L’hiver des pensées modernes, Le temps des archives, La position des chevalets, La vie au fond des mers : les explorations sous-marines et les voyages du Perdu et de la Savante, La générosité de la poussière, Biographie des bas-fonds, Le vent du paganisme, L’extase des flammes, Atlas colorié de la flore domestique, Le zoo des rêveurs, L’envol d’une rencontre, Élution de la nature, Petit herbier des plantes gothiques, Terre des sirènes, Flore imparfaite, L’ile de l’art contemporain, L’appel d’un audioguide, La ballade des formes, Le salon des organes, Le débauche du photo-réalisme, Itinéraires des chemins de fer en déroute, L’assassinat d’un visage, Annuaire des grands cercles, Les vacances des tubes, Les poussins des oiseaux d’E, La procession des marchands, Les pieds des bibliothèques, La bouche des lieux communs, L’aéronautique en pratique, Herbier des plantes sauvages de P, L’ennui de l’éternité, Atlas de poche des volatiles consumés, Le délire de Fureur, La gourmandise des disparus, La réhabilitation des hallucinés, L’œil du doute, La cohérence des mystères, Dictionnaire des plantes célestes illustré, Journal d’une locomotive, Les soupirs des archivistes, Le secret des esquisses, Frustrations des airs, Histoire naturelle des poissons d'eau saumâtre de l’E, L’invention des images mouvantes, Atlas de poche des plantes utiles des pays pluvieux, Le revers des abysses, Les non-dits du patrimoine, Les enfants des paysages, La jalousie des arbres, Les amis du désordre, Nos oiseaux, Le gout de Jaja, L’imagination des bibliothécaires, Flore réelle, Les animaux domestiques, La guerre des sorcières, La constance de la ligne, Faune illustrée des vertébrés de la B : série des oiseaux, Le délire des magiciennes, Le sel de l’air sec, Herbier des plantes paysannes, Le chant des croque-morts, Peintures originales exécutées en C représentant des fleurs et des oiseaux du pays, Rivages du dedans, Atlas barbouillé de la flore sauvage, Les prophéties des alchimistes, La valse des doigts de pieds, Poissons, papillons et insectes divers, La ballade des abricots, Les oiseaux enflammés : principales espèces, Les femmes et les aéronefs, L’espace-temps d’un vertige, Herbier des plantes urbaines en voie de disparition, Les plantes des mezzanines, Bulletin des chemins d’air et de la navigation trans-marine, L’oreille des mirages, La chevelure de la nostalgie, Dessins originaux de douze volatiles jamais aperçus, La langueur des plantes, Les plantes tristes et leurs propriétés, Ouvrage de locomotion aérienne, Le bal de la cyclope, L’heure d’un instant, La colère des imprévus, Monographie des picidés, L’institut des brumes, La rage des chemins, La vie des oiseaux illustrée, Iconographie des pigeons, Au pays des quilles en l’air,
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Grise Mine/ Blanchisseur de campagnes Jeu 18 Fév 2021 - 20:59
Seul en présence de mon tas de feuilles, je perçois un léger va-et-vient entre les bibliothèques hexagonales. Des planchers qui craquent, des toc toc toc, quelques paroles, une brisure de tasse. Ainsi, il y en a d’autres comme moi. Peut-être qu’ils se connaissent déjà et échangent au sujet de leurs trouvailles, ou peut-être font-ils comme moi la découverte qu’ils ne sont finalement pas si seuls dans la section lisible de la bibliothèque de Babel. Il serait de bon ton de faire connaissance. Je me demande s’ils sont assidus dans leur tâche, distrait, hésitant ou pensif. Mais, est-ce seulement une obligation ? Je ne voudrais pas déjà partir. Le mystère de mon hexagone est entier : sans les verres de lunettes adéquats, je n’ai pu que parcourir méthodiquement les rangées de titres, le nez à une quinzaine de centimètres des rayons. Je ne vais pas aller loin comme ça. A première vue, les livres qui me sont échus sont trompeurs. Leur dos ont un je ne sais quoi de trop propret. De trop lisible, sans doute. Allons, Morne. Si tu occupes le deuxième hexagone, c’est qu’il y en a forcément un premier.
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J’ai à peine esquissé quelques mètres de moquette dans la direction de l’exag·one que le hardcore chaotique de Botch m’emplit les oreilles. Il lit. Je me tords un peu la nuque pour lire le titre : Journal des draks. Comment le saluer ? Il a la posture de quelqu’un plongé dans ses souvenirs. Soit, je ne vais pas le déranger. Je me demande d’où il vient.
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Ma machine indique qu’hier, j’ai passé 0 minute de temps d’écran sur l’ordinateur. Une déesse quelconque seule sait où j’avais la tête.
Dernière édition par Miromensil le Jeu 18 Fév 2021 - 21:05, édité 1 fois
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Grise Mine/ Blanchisseur de campagnes Jeu 18 Fév 2021 - 21:04
Benjamin Lew, Le personnage principal est un peuple isolé
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Grise Mine/ Blanchisseur de campagnes Sam 20 Fév 2021 - 19:10
La bibliothèque du troisième est vide. Un système de trappes et de portes coulissantes dissimulent les rayonnages. Les livres se refusent donc à ma vue. Un silence désagréable règne ici : je ne suis pas le bibliothécaire des lieux. Elle semble coupée de tout, comme si les murs étaient sur-insonorisés aux bruits extérieurs. La place est vacante et attend son occupant. Et bien, Morne, tu n’as cas ou bien t’aventurer un peu plus loin, ou bien prendre ton courage en main et t’annoncer au locataire du premier hexa. Il ne va pas te manger, après tout – tu ne goutes pas le papier.
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Si j’étais à décrire, moi, le bibliothécaire de l’hexagone numéro 2, quels mots emploierait-on ? Si Babel était un écrivain ou une écrivaine, me jugeant d’en haut de sa tour, depuis son silence, comment me décrirait-il ou elle ? Sommes-nous tous des sortes de fonctionnaires de la section lisible vêtus de manière similaire ? Il n’y a pas de miroir. Je ne sais pas de quoi j’ai l’air. Mon habit sur mes épaules est comme mon atour du courage ; il m’aide à aller aux devants des autres. Ma penderie renferme des pulls, des pantalons, des t-shirts et des vestes qui me décrivent. J’écris sur mes vêtements. Ils sont mes textes et mes poèmes. J’ai des pans tissus vierges que je pense remplir des trouvailles que je lirai dans les livres de ma section. Pour ça j’ai un tiroir avec des pinceaux et de la peinture pour textiles. J’ai une longue veste en cuir brune, tannée par les ans, et je pense coudre dessus avec du gros fil des écritures lisibles. Coudre, sous la lumière vacillante de l’ampoule qui se balance au plafond de mon hexagone. Avec mes atours je peux ensuite me promener dans les autres sections, rempli des mots qui me sont chers. Autant de temps passer loin de la machine, de minutes et de longueurs de pas arrachés à sa contemplation. Mais il me manque-t-il ma pièce maitresse : des lunettes rondes.
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Grise Mine/ Blanchisseur de campagnes Dim 21 Fév 2021 - 9:56
Le livre le plus utile aurait été le Guide d’apprentissage de la tâche de bibliothécaire de la section lisible de Babel, mais il ne figure pas dans mes rayons.
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Je voudrais découper des mots et des phrases dans du tissu, et m’en vêtir à la va-vite. La découpe ne répondrait à aucun patron et ne correspondrait à aucune forme connue. Je n’ai pas chute de tissu.
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Avec une feuille volante de ma tour, je n’ai qu’à fabriquer des lunettes. En origami.
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Bon sang de bonsoir : la troisième personne.
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Grise Mine/ Blanchisseur de campagnes Dim 21 Fév 2021 - 15:37
J'ai regardé mes étagères. Les livres ne sont certes pas classés, mais bien rangés. Dociles, en rangs d'ognons, rectilignes et prévisibles. Ils sont si sages que je n'ose pas y toucher. Ma méthode, dans un premier temps, sera simple : y mettre du désordre, et piocher un titre au hasard.
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