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| | Nombre de messages : 32 Âge : 41 Date d'inscription : 14/02/2021 | FloFlex / Petit chose Mar 2 Mar 2021 - 16:52 | |
| Il fut difficile pour moi, étant si éloignée de la Barbarie de confondre les récits de mon ami avec les connaissances sérieuses et véritables que nous avons de ce pays. J'ai tenté de reconnaître parmi mes ouvrages l'identité de la maîtresse de ce malheureux et je trouvai fortuitement dans un rayonnage un mémoire rédigé par une certaine Cécile de Marsidie, de la Société Savante du Marquisat de P., concernant la vie une princesse barbaresque du nom d'Azalnor. Le mémoire débute ainsi : La naissance la plus auguste, l’adversité la plus constante, les dangers de la beauté, les victoires de la vertu, la force de son courage, la fierté de l'âme et la sensibilité du cœur ; enfin l'orgueil du sang et grandeur de la fortune : tels sont les qualités de cette princesse de Barbarie qui, en naissant, ne semblait destinée que pour le calme apparent des palais et l'exercice acharné du pouvoir. Azalnor offrit au plus grand des hommes la joie que procure l'arrivée d'une héritière en un matin d'hiver baigné par le soleil et enchanté par la mélodie des oiseaux alentours etc.Le mémoire, fort bref, évoque ensuite l'éducation et le cursus civil de la jeune princesse et fait état des diverses charges et des divers emplois prestigieux qu'elle occupa. Ce qui retint mon attention fut un court passage évoquant la présence à ses côtés d'un secrétaire étranger qui n'est pas nommé mais dont le parcours correspond à celui dont mon ami a narré les détails. Il s'agissait d'un esclave acheté à Zar-goddôun. Il est écrit plus loin que ce secrétaire l'avait accompagné dans quelques batailles fameuses, dont nous ne savons rien ici, et qu'il fut fait chevalier. Peut-être que Madame de Marsidie en eût su davantage, je me suis empressée de lui écrire. Malheureusement, elle n'était plus et la bibliothèque de sa Société Savante fut vendue et expédiée dans un pays inconnu. En outre, les quelques lettres qui me sont parvenues de mon ami, en un seul paquet, ne disent rien de tout cela car elles semblent s'arrêter au début de son aventure. Les derniers fragments de lettres qu'il me reste évoquent peut-être cette mystérieuse capitale de la Barbarie interdite aux étrangers. […] Quoiqu'il soit bien fâcheux pour moi de me voir éloigné de tout ce qui m'est cher et relégué dans un pays sauvage, je ne suis cependant plus si malheureux. La réputation de ma maîtresse est si glorieuse que les habitants de S* viennent de la choisir comme Capitaine. Cependant, elle n'a accepté cette charge que malgré elle et suite à la sollicitation de plusieurs de ses amis et de son peuple tout entier. Pour son élection, ma maîtresse dut se rendre à V* pour y accueillir les honneurs. Cette ville qui est très ancienne est entourée d'une muraille de pierre grise, très élevée et fortifiée de tours et de fossés très profonds. Elle est située dans une très belle plaine et est ornée de superbes édifices. L'on y voit encore deux temples d'une grandeur prodigieuse environnés de hautes murailles et ornés de riches colonnes. Le Palais ressemble à une petite ville et il est entouré d'une muraille d'enceinte ; au milieu de la cour est un pavillon magnifique surmonté d'une tour au haut de laquelle est une verge d'or supportant un oriflamme de soie noire. L'on prétend qu'une ancienne Reine l'a édifié en ce lieu et en a donné garde aux Démons. Près de ce Palais est un superbe jardin planté d'arbres de toute espèce et il est arrosé d'un canal rempli de poissons, au milieu est un bassin carré de marbre blanc et à chaque coin un léopard de la même matière. Au centre, une colonne à la manière d'obélisque est posée sur une gigantesque tortue de jade qui jette un torrent d'eau par la bouche. Près de ce Palais, l'on voit de petites galeries où sont des bassins de marbre où se purifier. Un jour, j'assistai à une étrange cérémonie. Les Prêtres avaient rassemblés tous les enfants de la ville et formaient des cercles, un flambeau à la main. Ils allaient ainsi en procession par les rues en chantant des louanges. Le soir de ces célébrations, nous fûmes conviés à souper et à nous divertir de spectacles réjouissants dans une demeure somptueuse. Ma maîtresse se rendit au Palais puis alla visiter le tombeau d'un Saint de l'endroit, revint à la Citadelle, montée sur un cheval richement caparaçonné : les arçons de la selle étaient ornés de plaques d'argent et d'or, et la housse était enrichie de broderies d'or et de pierres précieuses ; il y avait deux Gardes armés de sabre à ses côtés et je suivais, à cheval, le cortège glorieux. On y entendait quantité de tambours, trompes et autres instruments. Trois cents cavaliers la suivirent jusqu'à la cour principale de la Citadelle. On immola une centaine de bêtes, ce qui passe chez eux pour un bien bon augure. La populace qui en fut instruite ne manqua pas de chanter cet heureux événement. Ma maîtresse entra alors dans le [...] Ainsi s'arrête l'aventure de notre ami. Nous ne saurons rien de plus de son voyage en terre de Barbarie, hormis cette dernière image, et nos connaissances seront bien insuffisantes pour en ajouter davantage. Nous espérons que cet opuscule aura animé la curiosité de ceux qui aiment à connaître les mœurs des nations étrangères. Il sera utile au bien de l'Humanité et au progrès des Sciences d'en permettre l'impression. FIN |
| | Nombre de messages : 32 Âge : 41 Date d'inscription : 14/02/2021 | FloFlex / Petit chose Jeu 4 Mar 2021 - 13:20 | |
| Un matin, sorti de son Hexag-One, un petit Enfant avec des grands yeux noirs et des longs cheveux ondulés et qui ressemblait à une petite fille des habitants des Indes, les épaules couvertes d'une cape de fortune ou d'une sorte de châle de laine, débarqua sans mot dire à l'intérieur de l'Hexagone numéro 16. Étrangement, une Souris se tenait droit dans sa paume gauche, ouverte vers le plafond. Et, après avoir cligné doucement des yeux pour Félicité, et pour moi, il dit d'une voix extraordinaire, et qui ne correspondait pas à la physionomie de cet être chétif (imitait-il une une grosse voix ? Songeais-je alors) : - Scezelivo a écrit:
- Nous v'nons r'met' nos caresses et affections distinguées à la chatte noire : aucune des nôt' ne lui s'ra bonne en bouche. Mais nous l'aimons et elle nous aimera !
L'Enfant semblait lire des sortes d'étiquettes, ou plutôt des languettes, que la Souris agitait devant lui ; la lecture finie, et la souris et lui s'inclinèrent doucement vers Félicité, clignant une nouvelle fois longuement des yeux, ne craignant pas le rouge sombre des paupières. Il sourit et se tint fixe ensuite, attendant ses réponses. Je lui répondis alors, avec la plus grande tendresse, qu'il pouvait revenir quand il voulait mais que j'ignorais si, malgré l'avertissement, la tolérance de Félicité vis-à-vis de sa Souris serait encore effective. Enfin, il regarda les oranges avec soif et appétit, puis me jeta un regard. Je lui tendis quelques fruits et ils s'inclinèrent un peu tout en clignant des yeux avant de quitter l'Hexagone. Une étrange rencontre qui me rappela l'attachement que j'avais pour Félicité bien qu'elle ne soit pas d'une nature aimable ; je la soupçonne d'être moralement revêche et d'avoir l'âme un peu trop sèche, même pour une créature de son espèce. Il faut dire que Félicité fut rapportée en **** par un vaisseau venu du Siam, à bord duquel la mère, qui était pleine quand on la prit, l'avait mis bas. Á l'arrivée du vaisseau, elle l'allaitait encore. Tout le corps est d'un noir profond. Les oreilles sont minces, pointues, élevées et à poil fin de la même couleur. Ses yeux sont, comme ceux du Chat de Chypre ordinaire, dorés. La noirceur de sa fourrure étant gage de mauvaise augure, il est probable qu'elle dut subir de méchantes mœurs de la part des Humains à son encontre. Quand je la recueillis, elle était déjà fière et obtuse, ce qui est un caractère propre à ces êtres-là. Il est d'ailleurs remarquable que le genre vulgaire des Chats, qui doivent cependant être comptés parmi les animaux domestiques, ait subi si peu de changement, en comparaison d'autres, tels que les Chiens ; si bien que l'on ne peut les regarder que comme des animaux à moitié familiers puisqu'ils sont ennemis de toute contrainte et incapable d'instruction, ou du moins très rarement disciplinables et toujours d'une manière fort bornée ; en ce sens, ils vivent, comme les Rats et les Souris, parmi nous, dans un état assez libre. On m'a parlé une fois des Chats d'un Hexagone où l'on s'est déchaîné contre eux ; cette injustice-là me coûte encore à supporter. J'ai tenté de défendre leur cause, il me semble que j'ai parlé de raison ; mais dans les disputes, est-ce avec cela qu'on persuade ? Il aurait fallut qu'ils eussent disposé d'esprit. On a ouï dire dès le berceau que les Chats sont d'un naturel traître, qu'ils étouffent les enfants, qu'ils sont sorciers peut-être. La raison qui survient a beau se décrier contre ces calomnies, l'illusion a parlé la première. L'ancienne maîtresse de Félicité était une bibliothécaire dont l'Hexagone n'était rempli que de registres financiers, de compagnies ou de marchands de ville, elle était fort coquette et riche, disait-on. Félicité se prélassait souvent, sur un sofa brodé, posée en évidence, et passait des jours entiers comme une duchesse en son palais. Elle s'éveillait à l'éclat des bougies, sautait sur la table où travaillait Madame, elle miaulait pour lui rappeler son existence. La maîtresse rapportait alors de la cuisine, qui était sise en l'Hexagora du secteur, restes de ragoût et quelques viandes abandonnées. L'on disait qu'elle allait chasser les Rats, qui couraient çà et là, malheureusement, elle les laissait souvent vifs et la maîtresse, horrifiée, devait les achever sans délicatesse avant de les jeter au puits des ordures. Ainsi, la passion des Chats est celle des grands cœurs ; elle entraîne malgré soi d'héroïques combats. Mais la prospérité n'est point durable et le malheur qui la suit est presque inévitable. Madame s'en fut et Félicité devint de nouveau orpheline. Je l'accueillis, un soir, alors qu'elle se cachait sur l'une de mes étagères, derrière un gros grimoire rempli de contes très sages. Je lui en lus quelques uns, elle sembla satisfaite et, dès lors, ne me quitta plus. |
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