Nombre de messages : 61 Âge : 74 Date d'inscription : 12/02/2021 | Babel / Clochard céleste Lun 22 Fév 2021 - 22:55 | |
| Explorations des confins de la Zone lisible – compte-rendus d'exploration du 21/02 Hier, dimanche, les Bibliothécaires sont parti·es explorer les zones Est, Nord et Ouest de l'Hexagora ; cela leur a permis de se rendre compte de ce qui prolongeait la Zone lisible ; s'arrête-t-elle ? se dégrade-t-elle ? Ici, leurs compte-rendus d'exploration. Les Bibliothécaires de Babel en savent désormais un peu plus sur le lieu qu'ils habitent... Zone Ouest, explorée par Jasmin [23], Liseth [29] et Morne [2] - Spoiler:
Compte-rendu zone ouest
- Le trio part de la zone ouest de la section lisible de la bibliothèque de Babel - Ils ouvrent une porte immense dont les panneaux sont remplis de signes et de symboles inconnus. - Au-delà, des ruines de bibliothèques s'étendent à perte de vue. Les livres sont de plus en plus abimés, les titres sont parfois difficiles à lire. Le bois des étagères s'effrite. - Plus ils progressent dans les ruines, plus les rayonnages, les charpentes en bois,... semblent s'enfoncer dans du sable. Il n'en émerge que des morceaux qui se dressent vers le ciel comme des mains décharnées. Leurs pas soulèvent des feuilles volantes. - Le trio débouche sur ce qui ressemble à un désert où trônent des livres à une échelle monumentale - Ils font de deux à trois fois la taille humaine - Ils s'éparpillent à perte de vue dans le sable, certains ouverts, d'autres, fermés - Le trio évolue dans une atmosphère qui sent le papier brulé. S'ils tentent de saisir une rare feuille volante, leurs doigts brulent soudainement. - Pour atteindre ces livres monumentaux, ils ont à leur disposition des échelles et des escabeaux - La plupart de ces livres contient des gravures qui mettent en scène des personnages gigantesques, peut-être des géants d'une époque révolue - Les hexagones en ruines deviennent au fur et à mesure toujours plus gigantesques, toujours plus abimés, jusqu'à s'être désintégré totalement en cette poussière : ce sable un peu grisâtre qui constitue ce désert et s'étend à perte de vue. - Parmi ces dunes infinies émergent ça et là d'immenses volumes qui devaient trôner autrefois dans des hexagones immenses. - Nous avons eu la chance de trouver un livre ouvert, un travail de traduction serait nécessaire pour en apprendre plus. Jasmin a pu tout de même interpréter certains mots. Ils tournent ensemble les pages une à une. - Quelques oiseau-livre-accordéons volent au loin, leurs pages se déplient nonchalamment. - Ils arrivent dans une oasis qui entoure un lac dont la surface est semblable à une couverture brillante (plutôt cuir végétal). Une nature luxuriante, qui jure avec le désert qu'ils ont traversé, s'offre à eux. Le lieu semble plein de mystère. Au-delà, un abime s'ouvre sous leurs pieds. Des chutes de sable dégringolent ; ils ne distinguent pas de fond au ravin. Les chutes de sable leur font l'effet d'une fin de livre abrupte. Zone Nord, explorée par Red-Scarf [11], Noise in 1953 [8] et Moïra [4] - Spoiler:
Red-Scarf : J’ai attaché ma pelote de laine au pied d’un fauteuil de l’Hexagora, et depuis, je marche. Je ne compte pas en heure, mais en pas ; je crois, cinq-cents ou six-cents, depuis mon départ. J’ai croisé des voisins qui eux aussi explorent aujourd’hui. Moi, je veux aller au bout, je veux trouver le bout, la frontière de cette section lisible. Bientôt, il n’y a plus de gens dans les couloirs, puis, plus de mots sur les portes, ou de lumières dans les hexagones. Il y a des alcôves vides, des parcelles inexplorées. J’ai avec moi deux compagnons, Hexagone 4 et 8, mais à un carrefour, nous nous sommes séparés. Nous étions allés tout droit, aussi droit que l’architecture nous le permettait, au nord. Je les entends marcher, à quelques murs de là, à droite, à gauche, ils se parlent un peu, puis silence. Je lance quelques « Hého », mais plus personne ne me répond. Ou peut-être ma propre voix. Maintenant, j’ai froid. Il fait froid. Par par manque de chaleur, qui est à peu près la même partout, mais par manque de contact humain. Je sais, je sens que personne n’est venu toucher ce bois-là. Je crois que je m’approche. J’ai cru voir un mur au bout d’une allée – un cul de sac. 32, 33. Puis, plus rien. Là où il devrait y avoir des portes, il y a des murs. Je touche la paroi : chaude. Très chaude, comme un feu. Derrière, ça ronronne, ça enfle. Toc toc. On ne sait jamais. Toc toc. On me répond. — Y’a quelqu’un ? — Y’a quelqu’un ? Ma voix résonne, à travers le bois. J’ai l’impression que ce n’est rien de plus que ça : un écho, comme un miroir qui renvoie un reflet, comme une balle qui ricoche et rebondie sur un mur. Je me rabats sur les Hexagones. 32 d’abord. Il est vide, noir d’ombres, et quand j’essaye de trouver la lumière, il n’y a rien. Ce n’est pas qu’il manque de lumière, d’ailleurs : il y a de la lumière, qui devrait découper des formes sur le palier de la porte, à l’entrée. Mais cet hexagone n’en fait rien, il mange le peu de photons qui se trouvent là. Cette noirceur est solide. Il y a l’Ombre dans cet Hexagone, un être, une entité qui prend toute la place et qui déborde à peine de l’encadrement, opaque. Une part de moi à envie d’y mettre une main, un bras, et de voir se qui se passe, pour la science. — Bonjour ? je dis, avant d’avancer. Quelque chose grince, comme un long fracas d’air. Je crois que c’est la chose. — Vous êtes Bibliothécaire, vous aussi ? Ça grince, encore, j’acquiesce. Je ne sais pas si on m’a dit oui ou non. Mais je pars. Aussi nonchalamment que possible, même si tous mes mouvements sont rigides de peur. J’ai peur de comprendre ce que cette chose est, mais elle existe et sait maintenant que j’existe. 33. Cet hexagone est vide, lui – vide, tout en étant plein de livres. Il me parait plus grand, ou plus petit, je ne sais pas. En tout cas, différent de mon petit hameau, même si peut-être, c’est parce que je m’y suis habituée. J’entre dedans, et l’hexagone m’accueille sans un bruit. Sans aucun bruit. Ni celui de mes pas, ni celui de ma respiration. Les livres y sont neufs, du moins, ils ont l’air : brillants, épais, colorés, alléchants. Je me lance, pour en prendre, comme un enfant prendrait un bonbon et puis… ma main passe à travers. J’essaye encore. Encore une fois, je ne touche rien, je ne sens rien. Je passe à travers le livre mais je passe aussi à travers le bois – pourtant je marche, je touche le sol. J’essaye encore – mais rien ne bouge. Je me retourne, en face, il y a le vide qui me regarde et qui fait des bruits : je me demande s’il rit, parce que je suis morte sans le savoir. C’est ça, les fantômes, non ? J’ai peur. Je cours. Je cours jusqu’à rejoindre mon fil de laine, jusqu’à pouvoir le suivre. Il faut que je rejoigne les autres.
Moïra : Il fait sombre au bord nord de la bibliothèque. J’ai pris avec moi une petite lampe. A sa lumière, certains ouvrages émettent des ombres effrayantes. Mes camarades des hexagones 8 et 11 se tiennent non loin de moi, fouillant de leurs yeux, scrutant eux aussi l'infinité d'ouvrages. Hexagone 33... je prends quelques notes, sur l'agencement des livres par langue. Toutes sont, je crois, représentées... Toutes... je cherche encore cet hexagone, ce rayon, cet emplacement exact où se tient le livre premier, celui écrit bien avant la naissance des toutes les langues qui m'assaillent de leurs écritures ici. Absorbée dans mon inventaire, j'en ai presque oublié mes camarades autour de moi. Que font-iels ? J'ai cru entendre, un instant, la voix de n°11 briser le silence. Soudain, un grincement me parvient d'à côté, de l'hexagone 32. Je glisse mes notes dans ma poche et file voir ce qu'il se passe. Qu'a découvert n°11 ? Je la vois, debout au centre de la pièce, l'Ombre tout autour d'elle. Comment la dissiper ? Cette ombre doit être très ancienne, habitant sans doute l'hexagone depuis le commencement, gardienne des ouvrages les plus précieux de la grande bibliothèque de Babel... N°11 en sort, morte de peur, je la regarde pénétrer l'hexagone 33 et observe fascinée l'intérieur de l'hexagone 32.
Noise in 1953 : Après une semaine sans marcher j’en ai déjà perdu l’habitude — fouiller les étagères, ouvrir des livres à la volée, poursuivre, sans cesse, ce qui ne peut être poursuivi — déjà, me voilà au bord du monde : ici les livres perdent peu à peu de leurs sens, une phrase se détache et le reste s’efface dans l’absurdité des caractères — plus loin, pour découvrir quoi ? — très vite je me contente de flâner, de me perdre comme devant une vitrine sale, les yeux plissés pour décrypter ce que j’ai perdu l’habitude de voir — les yeux fatigués je divague vers mes comparses d’exploration : leurs fronts, leurs mains, leurs bustes aux souffles lourds (redécouvrir que je ne suis plus seul) et j’en oublie ma propre présence, là, écrasé par les livres. Bientôt cependant je perds de vue 11, avec l'espoir que nous nous retrouverons au détour d'un croisement (c'est effrayant, perdre ce que l'on a un jour découvert) ; 8 est absorbé.e dans son travail, ses notes, et cela m'intimide, je n'ai, je crois, pas la concentration nécessaire pour archiver l'étendue de la bibliothèque, je me laisse toujours aller, à la découverte des moutons de poussière plutôt qu'à celle des livres (les ronds, les épineux, et ceux qui ressemblent à des cheveux de noyé).
Zone Est, explorée par FloFlex [16], Mahendra Singh Dhoni [14], Fedora [13], Scezelivo [1] et Pasiphae [5] - Spoiler:
FloFlex : Traverser les hexagones peuplés, aller au-delà du visible. Nous sommes un petit groupe de cinq. Après une longue attente, nous commençons notre itinérance à travers le dédale à l'Est de nos Hexagones. Nous formons un groupe nouveau, constitué à l’instant, de bibliothécaires de divers hexagones, sans autre motivation que la quête de vérité ; nous nous avançons dans cette étrange arène, déterminés. Il n’est pas étonnant que tant de nuages enveloppent le sujet que nous traitons, puisque, outre les difficultés qui lui sont propres, la pensée n’a, jusqu’à ce moment, cessé d’y rencontrer des obstacles accessoires, et que tout travail libre, toute discussion lui ont été interdits par l'obscurité de chaque système ; mais, puisqu’enfin il lui est permis de se développer, nous allons exposer au grand jour, et soumettre au jugement commun ce que cette longue errance nous aura appris de plus raisonnable à des esprits dégagés de préjugés que sont nos compatriotes bibliothécaires ; et nous l’exposerons, non avec la prétention d’en imposer la croyance, mais avec l’intention de provoquer de nouvelles lumières et de plus grands éclaircissements.
Pasiphae : C'est à partir du 7e hexagone à l'est que l'on commence à constater, en ouvrant les livres, des erreurs typographiques : lettres manquantes, caractères en surimpression, chaos progressif ; de plus en plus, les phrases se répètent, comme si une presse étrange avait frappé deux fois. A partir du 13e hexagone, on ne distingue déjà plus qu'une ou deux phrases par page. A partir du 30e hexagone, plus rien n'est lisible. L'effacement des livres est régulièrement progressif.
Mahendra Singh Dhoni : Je bous, de mon côté, tout le monde a l'air ravi d'être présent. Je ne souhaite pas parler. Pas écouter. On se dirige vers l'Est. Je marche un peu plus rapidement que les autres qui traînent selon moi. J'entends le bruit des pages qui se tournent, les livres ne m'intéressent plus tellement. Je me contente d'observer leur tranche. Je crois que la vérité se trouve toujours de biais. Je n'ai plus envie de les attendre, je continue vers l'Est. Rien de notable. Les titres s'inscrivent sur la tranche, parfois une année d'édition, sans aucun sens. 2091. Ça râle, autour de moi. On me regarde de travers. Je refuse d'ouvrir les livres que l'on me tend. Je regarde la tranche, je dis, que moi je cherche la vérité, la vérité ne se trouve pas dans les livres. La vérité se trouve de côté. Hexagone 5, nous explique qu'il va falloir continuer le périple. Dépourvu du sens de l'orientation, je dois les suivre...si je veux revenir chez moi. Je me suis attaché à mon petit hexagone 14, j'ai perdu, dans la section lisible, mon sens nomade. Elle nous incite...encore, au galop, elle dit... Je regarde la tranche. La tranche, toujours, la tranche intacte. La tranche...le titre imprimé, un peu incrusté...J'entends un cri, encore. C'est moi. J'ai saisi un livre...et sur la tranche. Le titre, deux fois, imprimé. Une insistance. Un secret, révélé. Je refuse de me mélanger à mon groupe qui a l'air effrayé. Je trouve un livre où le titre
Scezelivo : Les souris du petit enfant mangent des bouts de livres en passant, et fourrent les poches des cinq gus·ses de petites languettes, souvent à leur insu (les poches, et tous les orifices, mêmes les douilles). Nous marchons dans l'ombre de nos pas, et j'ai l'impression de loucher quand j'ouvre un livre : on me dit que je ne louche pas, c'est les livres. Ou la " machine " des livres. En fait, je ne sais pas lire et je fais semblant en ouvrant les livres : je répète les impressions des quatre autres, comme la surimpression des caractères typographiques par-dessus, ou par derrière, leurs voix. Les souris chuchotent à mon oreille ce que je fais semblant de lire — et les souris et moi ne sommes qu'une, ou comme. [CONSÉQUENCES : vous trouvez des languettes dans tous vos orifices : sacs, poches, douilles, ...]
Fedora : Hors des limites connues de l'Est, nous avons cessé de parler. Les livres semblaient au fur et à mesure de notre avancée, être corrompus. Après en avoir ouvert quelques uns, cinq six puis une vingtaine sans faire attention à les remettre à leur place, les laissant par terre, en plan, à peine fermés - ce qui devrait être mon rôle en temps normal mais qui ne m'importait pas pour l'heure vue cette découverte, ce qui, peut-être, pourrait me causer des remontrances, de punitions ou de la prison si seulement j'en savais plus sur ma mission - j'en arrivais à une conclusion : les livres avaient une maladie. - j'ai entendu quelqu'un crier, au moment où je verbalisais cette phrase dans ma tête. Je ne sais pas s'il s'agit seulement un problème d’impression, un tremblement des imprimeureuses, de leurs petits bras fatigués, des muscles déchirés d'actionner la presse inlassablement, d'un décalage dû à un tremblement de terre à une époque bien particulière, si la bibliothèque ressent les tremblements de terre, elle qui semble être plus grande que la terre elle-même, sans limite. Au fond de moi, sans en parler aux autres, je soupçonnais quelque chose d'autre, de plus inquiétant - excitant une censure du savoir de ces livres, qui détenaient peut-être une vérité à cacher, peut-être à voir avec notre présence ici, avec l'existence de la bibliothèque même. Il s'agissait d'un dédoublement des mots qui finissait pas rendre une lecture volontairement difficile, pour cacher quelque chose. Cette double impression des mots me donnait une sensation de vertige, le texte sortant du livre, bondissait en dehors, m'attaquait presque. ou bien, il voulait, lui-même, fuir quelque chose.
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