Acheter des œuvres d'Art : je t'aime moi non plus ?
Nombre de messages : 2610 Âge : 125 Date d'inscription : 08/04/2019
Leasaurus Rex/ Terrible terreur Mer 25 Nov 2020 - 9:13
Grisebouille a écrit:
sans vouloir offenser personne je trouverai indécent de mettre 150 balles dans un truc qui sert à faire beau alors qu'il y a des gens qui crèvent de faim. Désolée, c'est peut-être un peu violent en plus d'être très cliché et bien pensant...Je ressors. Merci néanmoins aux artistes d'exister et d'embellir la vie.
Du coup, tu as le mérite de te contredire en deux phrases. Les artistes ont besoin d'argent pour vivre, pour embellir la vie et exister. Du coup, oui, pour certains ça veut dire monnayer plusieurs centaines d'euros leurs œuvres. Ces centaines d'euros sont un luxe pour l'acheteur ou l'acheteuse et il est évident que toutes les bourses ne peuvent pas se le permettre, mais ces centaines d'euros rémunèrent parfois encore trop injustement le matériel de l'artiste, et le temps passé à faire des recherches, affiner sa technique, se nourrir d'autres artistes, à créer l’œuvre en question... et à faire des démarches administratives, payer son loyer, ses factures, acheter à manger, de quoi se vêtir, parfois de quoi s'occuper de ses enfants...
Trouver que dépenser 150€ pour de l'art c'est gâcher et que ça mériterait mieux à des personnes qui crèvent de faim ce n'est pas de la bien-pensance, c'est un raisonnement dangereux contre lequel se battent les artistes aujourd'hui, quand iels ne se battent pas tout court pour pouvoir bouffer. Puisque alors où sera le frein pour considérer que l'art doit être gratuit, ou encore que l'art n'est pas indispensable donc doit être banni, et puis après tout, pourquoi se payer le coiffeur, l'esthéticienne, des livres, des nounours en chocolat (ce n'est pas indispensable), pourquoi mettre 150€ dans un smartphone quand on peut avoir pour 30€ une petite brique qui téléphone et envoie des SMS et c'est tout, pourquoi... bref, la remise en doute est sans fin.
Grisebouille a écrit:
Après, c'est con, mais il y a aussi le regard des proches. C'est con, mais j'aurais honte d'avoir quelque chose de si cher à mon mur et d'inviter à manger des gens qui galèrent à joindre les deux bouts.
Mais pour autant, tu n'as pas honte de vivre dans un quartier peut-être mieux qu'eux ? Ou de porter des fringues qu'ils ne peuvent pas se permettre ? Ou d'avoir un smartphone alors qu'ils n'en ont peut-être pas les moyens ? Partant de là, tu ne fais plus rien... Je suis d'accord que l'argent aujourd'hui c'est une plaie, mais même avec mes petits moyens, ça ne me viendrait pas à l'idée de juger les autres sur les achats qui leur font plaisir...
Cela étant mis à part, je ne vais pas apporter grand-chose de plus au débat que ce que j'ai fait dans le topic "Point positif du jour".
J'achète de l'art pour le mettre sur mes murs, mais n'ayant effectivement pas les moyens de me payer des originaux ou des commissions d'artistes (une commission est une demande de dessin ou de peinture réalisée auprès de l'artiste, plutôt que l'achat d'une œuvre pré-existante), je me suis longtemps rabattue sur un compromis qui me correspond et qui correspond à ma bourse. Je ne spécule pas, je ne connais même pas le nom des artistes en vogue et ça ne m'intéresse pas. J'aime aller dans les musées, voir des expositions de photographie, j'aime l'illustration et les créateurs et créatrices "humains", qu'on atteint plus facilement.
De nombreux artistes proposent des prints (ou des imprimés en français) en série limitée, et souvent signés. Parfois, la technique utilisée est particulière : c'est de la lithographie, de la sérigraphie, de l'impression sur un papier particulier, avec un grammage, une texture, c'est parfois aussi avec des encres spéciales, ou tout simplement un print sur un papier de qualité avec un dessin en très bonne définition. Ces prints ont l'avantage d'être beaucoup moins chers que des originaux (j'ai payé les miens entre 20 et 80€ – certains vont au-delà d'une centaine d'euros, selon l'artiste, la taille de l’œuvre, le tirage...). Le fait qu'ils soient en édition limitée touche la corde sensible du snobinard et de la snobinarde (je me mets dedans) qui ne veut pas avoir les mêmes choses au mur que ce qui est proposé par les grandes enseignes de décoration, et il y a aussi parfois le petit frisson de savoir que nous ne serons que peu d'élus et d'élues à posséder une version de l’œuvre d'un artiste qui nous touche particulièrement, ou que nous admirons. Effectivement, ce n'est pas utile, ni même indispensable, surtout quand on doit se battre pour acquitter ses factures, payer son loyer, avoir à manger dans son assiette, et toutes les choses nécessaires de la vie... Mais ce n'est plus vraiment réservé à une élite, ça devient de plus en plus abordable pour toutes les bourses. Et ce n'est pas pour autant une œuvre complètement unique et originale, mais ça reste un moyen de soutenir les artistes qu'on aime.
Il y a quelques originaux que j'aurais bien acquis, mais mes fonds ne sont pas extensibles, et pour le coup je n'avais soit pas les moyens de dépenser pour ça, soit j'ai préféré acquérir d'autres futilités artistiques comme... des tatouages.
Loin de moi l'idée de vous faire un cours sur ce genre d'art, du coup, je mets en spoiler, mais je suis tout à fait ouverte à la discussion.
Parenthèse tattoo:
Je mets le tatouage aujourd'hui sur le même pied que la création artistique, car le tatouage est arrivé à un tel niveau de compétence qu'on obtient des pièces magnifiques, loin du petit tribal sur le bas des reins, ou du cœur percé d'une flèche sur le bras, voire du signe de l'infini porté sur le poignet. Certains tatouages sont de vraies œuvres d'art, qui nécessitent de sacrées compétences techniques pour utiliser le corps comme support, avec des jeux de lignes, de remplissage, de dégradés, des aplats de couleur, des choses expérimentales, figurées, abstraites, des trucs sombres, des trucs mignons, il y en a pour tout les goûts. Dérivés d'un savoir-faire ancestral, certains tatouages sont encore pratiqués comme ils l'étaient il y a quelques siècles (je pense au tatouage japonais ou polynésien), et parfois on n'a gardé que ses codes pour les réinventer, ou les conserver et les tatouer de manière plus moderne (typiquement, avec un dermographe plutôt qu'un tebori).
Sur ma peau (qui est comme ma bourse : pas extensible), je porte des petites à très grosses pièces. La plupart sont personnalisées, c'est-à-dire que j'ai spécifiquement demandé tel sujet à tel ou telle artiste dont le style me plaisait, et je l'ai laissé en faire son interprétation. Mais je porte aussi beaucoup ce qu'on appelle des flashs (ici, deux cas de figure : il y a plusieurs années, les flashs désignaient des motifs déjà dessinés que tout le monde pouvait se faire tatouer, on allait dans le salon de tatouage, on regardait le catalogue et on posait le doigt sur le motif qui nous plaisait. Certains salons fonctionnent encore comme ça mais de moins en moins, aujourd'hui, le flash c'est surtout une création pensée par l'artiste, qui sera tatouée uniquement sur une seule personne, celle qui aura été la plus rapide pour réserver le motif).
Le tatouage est clairement un art super cher, c'est pas donné, même pour une petite pièce, et ce n'est pas indispensable pour vivre. Mais le prix s'explique par le matériel à acheter (en plus, dans le cas du tatouage, le matériel est stérile et les consommables (essuie-tout, cellophane, etc.) atteignent des proportions dantesques), pour les heures passées sur le dessin (qui se font en amont, et ensuite il y a l'adaptation au corps en vrai grâce au stencil (sorte de décalco qui permet de faire passer le dessin de la feuille ou du fichier PS sur votre corps) et le tatouage en lui-même qui prend plusieurs heures pour des grosses pièces, quand ce ne sont pas plusieurs dizaines d'heures)(il y a aussi des artistes qui fonctionnent en free hand c'est-à-dire sans dessin préalable, et dessinent au feutre à même le corps avant de passer à l'étape du tatouage en lui-même, mais je m'égare), pour la formation de l'artiste, et tout ce que j'ai déjà mentionné au-dessus (genre bouffer). Mais c'est aussi l'avantage d'avoir des œuvres qui ne nous quitteront jamais, qui transformeront un corps à notre image, qui seront parfois porteuses de symboles qui dépassent le côté esthétique. Donc quand je n'ai pas la place sur mon corps, je mets sur mon mur.
EDIT : Rajout.
Dernière édition par leasaurusrex le Mer 25 Nov 2020 - 9:56, édité 1 fois
Nombre de messages : 2858 Âge : 40 Localisation : Antichambre de Louis XIV Pensée du jour : CI-GÎT TENGAAR QUI SUCCOMBA À UNE SURDOSE DE FANFICTION Elle ne l'a pas volé, on l'avait prévenue, déjà que la fantasy c'est pas de la littérature, alors la FF, bon... enfin, c'est triste quand même Date d'inscription : 21/04/2017
Tengaar/ (de Dunkerque) Mer 25 Nov 2020 - 9:51
Grisebouille a écrit:
Tengaar > Tu parles du culture commune mais où est la culture lorsque le cadre est accroché chez un particulier qui la soustrait au regard des autres ? J'ai été voir l'an dernier une super expo sur Berthe Morisot et quand tu vois les trésors que les gens gardent chez eux, bien protégés tout ça parce qu'ils l'ont acheté...Pour moi, de telles œuvres font partie effectivement de notre patrimoine culturel commun, je veux la voir dans une musée, pas chez un grand promoteur immobilier. C'est pas normal d'acheter une œuvre d'art pour que seul toi la voit.
Sauf que avant que l'artiste ne soit suffisamment connu pour qu'il puisse entrer dans un musée, il faut bien qu'il puisse se nourrir, avoir suffisamment d'argent pour pouvoir continuer de produire des oeuvres. Par ailleurs, on n'est plus au XIXe siècle : à l'époque oui, vendre une oeuvre signifiait que plus personne n'y avait accès mais désormais, je te promets que toutes les oeuvres que j'ai, tu peux en trouver super facilement la reproduction sur internet ou dans des artbooks.
Nombre de messages : 1156 Âge : 33 Date d'inscription : 01/08/2020
Grisebouille/ Si c'est pas urgent, je le fais pas Mer 25 Nov 2020 - 10:40
Pie rat > J'étais déjà partiellement au fait de tout ça. Je pense pas que les gens soient dans un cliché romantique (encore que ça dépend lesquels) mais effectivement, le statut gagnerait à être plus connu du grand public. De là à appeler ça un raisonnement dangereux comme le fait Léa...Reste à savoir où vont les sous de l'URSSAF...Assurance maladie, chômage tout ça...Ok mais c'est dans le cadre du système. Donc je ne suis pas sûre que ce soit nécessairement quelque chose que je veux cautionner. Le chômage pour y avoir été un an... C'est contrôle, infantilisation, humiliation, intimidation... C'est pas ça la solidarité à laquelle je crois.
Léasaurusrex > Lol. Je sais même pas quoi te répondre. Esthéticienne, coiffeur etc, mais dans quel monde vis tu ? Je gagne moins du smic et je suis seule sans apl sans rien, j'en suis à me chauffer moins pour rentrer dans mes fins de mois donc autant te dire que l'esthéticienne, je n'y ai jamais été. Et oui, quand je suis dans la galère et mes connaissances, moi j'ai honte d'avoir des choses de prix. Vivre dans un quartier mieux qu'eux...Ca risque pas.
Tu extrapoles tout de même à partir de "perso, je suis pas prête à mettre ce prix là mais super si d'autres le peuvent" à "L'art doit être banni" Well, that escalated quickly. Blague à part, c'est un sophisme donc je ne réponds pas à ça.
Pour ce qui est de la rénumeration ses auteurs n'existe-t-il pas une autre (ou d'autres) pistes ? Certains Youtubeurs arrive à se faire financer par les CNC notamment ceux qui font de la vulgarisation. Je ne sais pas à quelle hauteur ils sont financés mais il y a peut être quelque chose là dedans. Si on considère l'art comme quelque chose d'aussi important que la science, pq ne pas financer les jeunes artistes ? Un peu comme on investit dans des jeunes talents...
Vous posez la question de l'artiste mais je pense qu'il y en a une qui n'est pas si éloignée : celle de l'artisanat. Combien d'artisans super talentueux font des trucs dans une démarche locale et responsable, parfois en faisant de la récup, et pourtant, on continue d'acheter de l'industriel...Tout simplement parce que ça coûte bcp plus cher. Donc on a beau être sensible à la question de l'artisanat, du type ou de la nana qui se casse la tête à bosser de ses mains, tant qu'on a pas les moyens, on continue d'acheter des trucs produits en série et fabriqués en Chine parce que c'est moins cher. C'est facile de culpabiliser le consommateur, mais personne tout blanc ni tout noir (no offence intended, ce n'est qu'une expression) si on achète pas... C'est bien souvent qu'on a pas les moyens, point à la ligne. Après on pourrait indéfiniment faire culpabiliser les gens en mode "ah oui mais t'achète ceci ou cela" mais je ne suis pas certaine que cela fasse avancer le débat
Nombre de messages : 520 Âge : 42 Localisation : Strasbourg Date d'inscription : 28/07/2020
absolute/ Gloire de son pair Mer 25 Nov 2020 - 11:24
Grisebouille, évitons de s’emballer. Je crois que tout le monde ici a bien conscience que certains n’ont pas les moyens d’acheter des œuvres d’art. Il ne faut pas prendre les remarques pour une critique personnelle, on raisonne à l’échelle de la société.
Je pense que la question des moyens financiers ne se pose plus à partir du moment où l’on se penche sur les volumes de vente affolants des iphone, consoles de jeux (400 € la future Playstation) et autres SUV. La « vraie » question sous-jacente est celle de nos modes de consommation et de leurs conséquences (sociales, économiques, environnementales).
Evidemment, un produit d’artisanat est plus cher, mais au-delà du fait qu’il valorise un savoir-faire, il est également plus durable car, en principe, de meilleure qualité. Mais encore une fois, à aucun moment il ne s’agit de faire culpabiliser ceux qui n’ont pas les moyens de faire cet effort financier.
Ps : j'achète, comme tout le monde, beaucoup de produits industriels. Par réflexe, par manque de sous, par facilité. Mais j'essaie de m'améliorer.
Invité/ Invité Mer 25 Nov 2020 - 11:38
Je fais partie des gens qui n'ont aucune œuvre d'art chez eux (et n'en achètent pas, ni pour eux-mêmes ni pour les autres). En fait, je n'ai même pas l'idée d'acheter de l'art. C'est un poste de dépense que je n'envisage pas (alors que techniquement, je pourrais, ce n'est pas qu'une question de moyens dans mon cas). Le milieu de l'art me reste étranger. Je ne "suis" pas d'artistes en particulier. On me donnerait 500 euros pour acheter une œuvre d'art originale, ou 100 euros pour un print (merci lea pour les explications), aucun nom d'artiste ne me viendrait en tête. Il y a bien des illustrateurs jeunesse dont j'admire le travail, et j'achète leurs livres en partie pour ça, mais je ne cherche pas à savoir s'ils vendent autre chose, s'ils ont un site personnel etc. Je n'attache pas non plus une grande importance à l'originalité (dans le sens "exemplaire unique"). J'ai par choix un intérieur assez épuré et quasiment rien aux murs, ça joue aussi peut-être.
Invité/ Invité Mer 25 Nov 2020 - 11:41
Il y a aussi des artistes qui produisent des œuvres de taille modeste plutôt abordables.
Les œuvres que j’ai acheté dans ma vie n’ont pas du coûter plus de 40 euros. La première dont je me souviens devait coûter 15 euros. C’était tout petit, très jolie, et ça me suffisait amplement.
Quoi qu'il en soit acheter de l'art est toujours un choix personnel. Comme je le disais c’est une forme de responsabilité. Ne pas en acheter est un choix tout aussi responsable. C’est dans l’intimité de chacun.e que ça se joue.
Dernière édition par Seb le Mer 25 Nov 2020 - 11:44, édité 2 fois
Nombre de messages : 2610 Âge : 125 Date d'inscription : 08/04/2019
Leasaurus Rex/ Terrible terreur Mer 25 Nov 2020 - 11:42
Grisebouille a écrit:
Léasaurusrex > Lol. Je sais même pas quoi te répondre. Esthéticienne, coiffeur etc, mais dans quel monde vis tu ? Je gagne moins du smic et je suis seule sans apl sans rien, j'en suis à me chauffer moins pour rentrer dans mes fins de mois donc autant te dire que l'esthéticienne, je n'y ai jamais été. Et oui, quand je suis dans la galère et mes connaissances, moi j'ai honte d'avoir des choses de prix. Vivre dans un quartier mieux qu'eux...Ca risque pas.
Tu extrapoles tout de même à partir de "perso, je suis pas prête à mettre ce prix là mais super si d'autres le peuvent" à "L'art doit être banni" Well, that escalated quickly. Blague à part, c'est un sophisme donc je ne réponds pas à ça.
Crois-moi, la précarité, je connais.
Coiffeur et esthéticienne, je le mentionne parce que justement ce sont des dépenses qu'on ne peut pas forcément se permettre quand on a besoin de se loger et de manger, mais pour autant, c'est aussi quelque chose de vu comme tout à fait normal par une partie de la population. Mais je n'ai jamais dit que les gens en situation de précarité devaient dépenser leur argent pour autre chose que pour des choses nécessaires à la (sur)vie. Je dis simplement que pour celles et ceux qui font le choix de dépenser l'argent qu'iels ont dans des œuvres d'art, il n'y a pas à juger, comme il n'y a pas à juger unetelle ou untel qui va chez l'esthéticienne, chez le coiffeur, qui se fait un resto... Parce qu'à ce moment-là, tout devient dépense inutile. Alors oui, il y a une grosse réflexion à faire sur la consommation à l'heure actuelle, sur les salaires, sur l'écart qui se creuse entre les pauvres de plus en plus nombreux et les riches de plus en plus riches, je suis d'accord, et si ça ne tenait qu'à moi, le salaire universel, ou le revenu universel, peu importe, serait garanti depuis longtemps pour permettre à chacun et à chacune non seulement de vivre décemment, mais de vivre, justement, plutôt que de survivre.
Et je n'ai pas extrapolé à partir de "perso, je suis pas prête à mettre ce prix là mais super si d'autres le peuvent", j'ai extrapolé à partir de : "sans vouloir offenser personne je trouverai indécent de mettre 150 balles dans un truc qui sert à faire beau alors qu'il y a des gens qui crèvent de faim."
Ton raisonnement n'est peut-être pas aussi extrême, peut-être qu'effectivement tu es plutôt dans le vivre et laisser vivre, mais tu imposes directement que l'art ne sert à rien, dans cette phrase. Et pour autant juste derrière, tu dis que cela permet d'embellir la vie. C'est ce paradoxe que je pointe du doigt. Et je suis d'accord, d'un point de vue essentiel, l'art ne te fait ni manger, ni respirer, ne te soigne pas quand tu as la fièvre, ne chauffe pas ton logis, ne te loge même pas. Mais si on va à l'extrême dans ce raisonnement alors le pas est vite franchi pour dénigrer l'art, qui est pourtant tellement important dans notre vie. Et pour dénigrer tout le reste. On s'est probablement, sûrement même, créé des besoins qui n'en sont pas, il y a plein de choses qu'on peut revoir sur notre manière d'envisager notre vie et notre mode de consommation à l'heure actuelle, mais à ce moment-là, ne pas attaquer juste l'art parce qu'on a choisi de rémunérer un ou une artiste en payant 150€ ou plus une œuvre originale pour notre lieu de vie ou celui d'une personne proche.
Grisebouille a écrit:
Pour ce qui est de la rénumeration ses auteurs n'existe-t-il pas une autre (ou d'autres) pistes ? Certains Youtubeurs arrive à se faire financer par les CNC notamment ceux qui font de la vulgarisation. Je ne sais pas à quelle hauteur ils sont financés mais il y a peut être quelque chose là dedans. Si on considère l'art comme quelque chose d'aussi important que la science, pq ne pas financer les jeunes artistes ? Un peu comme on investit dans des jeunes talents...
Les Youtubeurs vivent surtout de publicité, pour le coup. Et non, il n'y a pas d'autres moyens à l'heure actuelle pour rémunérer les auteurs et autrices, les artistes. En tout cas, je n'en connais pas, mais je connais quelques artistes quand même de manière personnelle, avec qui j'ai pu échanger sur ces sujets. Parce que tout se monnaie, que les fonds dédiés à la culture sont toujours en danger (il me semble que dans des établissements scolaires financièrement instables, les activités culturelles et sportives sont les premières à sauter, mais c'est une donnée à vérifier), et que c'est souvent considéré comme "pas utile". La science elle-même a du mal à obtenir des fonds et des subventions alors que tout le monde ou presque s'accorde à dire que c'est essentiel. Alors imagine l'art qui est jugé bien souvent comme du superflu ! Si on avait une solution comme le revenu ou salaire universel, là, la question pourrait peut-être se poser différemment puis que la création serait plus libre des aspects triviaux de la vie ou de la survie. Et donc l'achat d’œuvres serait forcément impacté : ce serait moins cher, et ce serait un luxe qu'on pourrait se permettre plus facilement.
Et effectivement, l'artisanat a aussi sa place dans le débat, puisqu'on lui préfère souvent de l'industriel éthiquement et écologiquement problématique pour des questions de moyens financiers. Moi la première. Quand je n'ai pas de meubles de récup, j'ai des étagères Billy et des meubles en contreplaqué de chez Ikea, des cadres en plastique à trois euros pièce... Même si j'essaie dans la mesure du possible de consommer plus responsable (et du coup de profiter de promotions pour diminuer la facture, d'échelonner mes paiements et surtout de ne m'octroyer ce genre de dépense que de manière très très très exceptionnelle).
Cela dit, je maintiens que l'accès à l'art ou à l'artisanat est possible aujourd'hui, en trouvant des compromis, et que ce n'est plus réservé à une élite. L'idée n'est pas de culpabiliser les gens qui n'ont pas les moyens, l'idée est de montrer que ça peut être faisable, et que ce n'est parfois pas aussi cher que l'on croit.
Nombre de messages : 7661 Âge : 36 Date d'inscription : 10/04/2008
Flora/ Serial Constance killer Mer 25 Nov 2020 - 12:18
Ce que je vais dire va paraître affreux, mais on peut aussi avoir les moyens d’acheter des œuvres d’art sans avoir envie d’en avoir. En ce qui me concerne, pendant des années, j’avais uniquement le budget nécessaire pour ma vie de tous les jours (= taxes, logement, santé, voiture, abonnement Internet et téléphone – avec un téléphone à 1€)… et pour m’occuper de ma jument, dans une pension économique, en assurant les soins de base. Si j’arrivais à mettre de côté ou si on me donnait de l’argent, cet argent partait tout de suite sur la cagnotte vétérinaire ou dans des achats liés au cheval, parce que c’est ma passion et que c’était clairement ce qui me faisait le plus plaisir à l’époque.
Et j’avoue que j’aurais assez peu apprécié qu’on vienne me faire la leçon type : « tu dis que tu n’as pas les moyens pour acheter de l’art, mais tu en as pour ton cheval ». Il me semble qu’aux dernières nouvelles, j’ai le droit de choisir comment je dépense mon argent pour mes loisirs – et oui, regarder ma jument me procure plus de plaisir que regarder un tableau.
J’ai un peu plus de moyens aujourd’hui, mais je continue à garder les cordons de ma bourse très serrés : si je fais une dépense pour quelque chose, c’est que j’en ai besoin ou que j’en ai vraiment très envie. Les œuvres d’art entrent très rarement dans ce cadre-là, parce que j’ai plus de plaisir à mettre mon argent ailleurs (dans un petit resto, dans un cours particulier avec ma monitrice…) et aussi parce que je manque cruellement de place chez moi. Je n’ai plus d’endroit où mettre des cadres sur les murs, j’ai 3 posters et 3 œuvres achetées en convention dans un tiroir. J’empile les livres par terre. Je n’ai que trois surfaces où poser des bibelots, et ce sont devenus de vrais nids à poussière. Quant à l’idée d’offrir de l’art à mes proches, qui ont plus de place que moi, c’est très bien sur le papier, mais je trouve que c’est délicat à mettre en pratique : ce que je trouve beau ne sera pas nécessairement à leur goût.
Quand je craque sur de l’art ou de l'artisanat, c’est presque toujours pour le travail d’un copain ou d’une copine, justement dans l’idée de les soutenir. En ce qui concerne les solutions alternatives, il existe des plateformes de « mécénat » : ça a très bien fonctionné pour des artistes comme Maliki et maintenant que je commence à être plus à l’aise avec mes finances, c’est quelque chose que je pourrais clairement envisager.
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Grisebouille/ Si c'est pas urgent, je le fais pas Mer 25 Nov 2020 - 14:08
Léasaurusrex > Ok, du coup je perçois mieux ton propos. Je vais éditer mon premier post parce que mon intention n'était pas du tout de faire culpabiliser ceux qui achètent de l'art en mode "ah bah c'est pas bien, donne plutôt à un clodo"
Revenu universel ne me parait approprié pour des tas de raisons que je développerai pas ici parce que ça mériterait tout un sujet et c'est sûr de finir en hs. Par contre je pense que des tas de micro initiatives mises bout à bout peuvent aider. Par exemple une tva à 5,5% pour les artistes.
Et oui, je maintiens que c'est super important l'art même si je m'y connais pas trop en contemporain j'ai une culture plutôt classique. Je vois pas où est la contradiction entre dire, c'est super que ca existe mais moi même si je pouvais je ferai pas parce que ca me parait une dépense inutile. Tu peux être persuadé-e que c'est super important de lutter contre le cancer sans donner personnellement de ta poche...Ce n'est pas une contradiction
Ma déco c'est une photo de chat et des posters de planète...Bon en fait, j'ai aussi pas mal de reproduction sur papier glacé achetées dans des musées : un Renoir, une Manet et deux Monet (plus un Pissaro). Mais vraiment acheter plus de cent boules une œuvre originale, c'est quelque chose d'impensable. Si j'aime l'image, j'achète une reproduction, je paye pas dix fois plus cher pour le plaisir François Bon de dire "J'ai acheté un truc unique et signé".
Ma Vision de l'art serait populaire, démocratique et accessible à tous type street art ou Banksy. C'est pour ca que pour moi l'artiste devrait limite être embauché-e par la mairie au même titre qu'un-e paysagiste/jardinier-e
En fait je crois qu'il y a un pt déterminant : tes habitudes de consommation transmises par tes parents. Mes Parents n'ont jamais été sensibles à l'art et la seule repro qu'ils ont achetée c'est les calendriers du ptt. Du coup, j'ai pas cette notion de "acheter une œuvre" c'est quelque chose de complètement étranger à mon mode de vie un peu comme acheter un yacht.
Je crois aussi pour terminer que notre génération (les actuels trentenaires) on a été très habitués au gratuit : genre ça nous parait normal que les journaux sur Internet soient gratuits et quand un article n'est pas publié en intégralité on a un côté "putain les rachos, ils pourraient mettre tout en non payant" pareil pr la musique ou les articles, les travaux de recherche...Moi en tout cas je ressens cet effet là. Aller à une expo gratuite, ouais carrément, mais payer même 5euros pour une expo, ce serait inenvisageable pour plein de raisons (pas sûr que ca me plaise, préfère comme Flora me faire plaisir autrement...).
Absolute > Oui, désolée, j'ai le défaut de démarrer un peu au quart de tour mais dire que mon idée et dangereuse et que je parle de bannir l'art, c'est du délire. Plus précisément c'est le sophisme de l'homme de paille qui consiste à grossir les propos de son interlocuteur. Quant à "tu as le mérite de te contredire" je trouve le ton pas très sympathique tout de même, donc oui, ça pique un peu.
Nombre de messages : 2858 Âge : 40 Localisation : Antichambre de Louis XIV Pensée du jour : CI-GÎT TENGAAR QUI SUCCOMBA À UNE SURDOSE DE FANFICTION Elle ne l'a pas volé, on l'avait prévenue, déjà que la fantasy c'est pas de la littérature, alors la FF, bon... enfin, c'est triste quand même Date d'inscription : 21/04/2017
Tengaar/ (de Dunkerque) Mer 25 Nov 2020 - 14:19
Grisebouille a écrit:
En fait je crois qu'il y a un pt déterminant : tes habitudes de consommation transmises par tes parents. Mes Parents n'ont jamais été sensibles à l'art et la seule repro qu'ils ont achetée c'est les calendriers du ptt. Du coup, j'ai pas cette notion de "acheter une œuvre" c'est quelque chose de complètement étranger à mon mode de vie un peu comme acheter un yacht.
Je crois aussi pour terminer que notre génération (les actuels trentenaires) on a été très habitués au gratuit : genre ça nous parait normal que les journaux sur Internet soient gratuits et quand un article n'est pas publié en intégralité on a un côté "putain les rachos, ils pourraient mettre tout en non payant" pareil pr la musique ou les articles, les travaux de recherche...Moi en tout cas je ressens cet effet là. Aller à une expo gratuite, ouais carrément, mais payer même 5euros pour une expo, ce serait inenvisageable pour plein de raisons (pas sûr que ca me plaise, préfère comme Flora me faire plaisir autrement...).
Mes parents n'ont jamais été consommateurs d'art, pas plus qu'ils ne sont lecteurs et pourtant je lis, je vais à l'opéra et j'achète des oeuvres d'art qui me plaisent (parce qu'à côté, je n'ai pas de cheval, pas d'enfants, pas de voiture à entretenir et pas d'autres dépenses de loisirs et que j'ai un salaire qui me le permet). Et je ne crois pas non plus à la vertu du gratuit (ou plutôt, j'en suis revenue). Parce que très souvent ce qui est "gratuit" sur internet est en fait illégal, une violation de droits des artistes, si bien que les gens ne savent même plus ce qui appartient à qui.
Invité/ Invité Mer 25 Nov 2020 - 14:27
Pièce complète:
Nombre de messages : 2610 Âge : 125 Date d'inscription : 08/04/2019
Leasaurus Rex/ Terrible terreur Mer 25 Nov 2020 - 14:59
Grisebouille a écrit:
En fait je crois qu'il y a un pt déterminant : tes habitudes de consommation transmises par tes parents. Mes Parents n'ont jamais été sensibles à l'art et la seule repro qu'ils ont achetée c'est les calendriers du ptt. Du coup, j'ai pas cette notion de "acheter une œuvre" c'est quelque chose de complètement étranger à mon mode de vie un peu comme acheter un yacht.
Comme Tengaar, mes parents ne m'ont absolument pas inculqué l'art. Je n'ai jamais été au musée avec eux, ma mère ne lit pas, les films et la musique qu'elle aime sont souvent assez mainstreams. Donc on ne parle pas beaucoup arts à la maison, pas parce que c'est interdit, mais parce que ça ne fait pas partie de nos centres d'intérêts communs. De mon côté, je me suis ouverte à l'art avec beaucoup de curiosité, et surtout grâce à Internet. J'aime beaucoup les supports visuels, je faisais un peu de photo à une époque, j'ai toujours admiré les gens qui dessinent, ma sœur a fait une section arts appliqués d'ailleurs... Mais pour autant, nous n'avions pas vraiment ce genre de terreau à la maison. Ce sont nos expériences et nos découvertes qui nous ont amenées sur une voie ou une autre. La seule reproduction que nous avions c'était "Le baiser" de Klimt de mauvaise qualité et imprimé sur une feuille A4 quand ma maman s'est penchée sur le feng-shui. Et une ou deux peintures anonymes qu'elle a achetées plus jeune pour décorer son appartement et qui la suivent encore aujourd'hui, quarante ans plus tard.
Grisebouille a écrit:
Je crois aussi pour terminer que notre génération (les actuels trentenaires) on a été très habitués au gratuit : genre ça nous parait normal que les journaux sur Internet soient gratuits et quand un article n'est pas publié en intégralité on a un côté "putain les rachos, ils pourraient mettre tout en non payant" pareil pr la musique ou les articles, les travaux de recherche...Moi en tout cas je ressens cet effet là. Aller à une expo gratuite, ouais carrément, mais payer même 5euros pour une expo, ce serait inenvisageable pour plein de raisons (pas sûr que ca me plaise, préfère comme Flora me faire plaisir autrement...).
C'est vrai, surtout à l'ère d'Internet qui permet d'imaginer des choses comme le partage universel sans limite et gratuitement... Sauf que du coup, on en est toujours au même point : ça ne permet pas aux artistes de vivre de leurs arts dans des sociétés où l'argent est le nerf de la guerre. Je valorise aussi le street-art, on a des superbes fresques à Rennes, réalisées par des collectifs. Je ne sais pas si la rémunération est à la hauteur, mais la mairie les commissionne pour décorer certains endroits qui gagnent en cachet. On a aussi la chance d'avoir le street-artist War! (mon chouchou ) qui officie dans la région, imprimant sa patte sur quelques immeubles, mais plus souvent sur des bâtiments abandonnés, des chemins de halage, des ponts routiers... Et qui fait aussi quelques expos de temps en temps dans des locaux prêtés par la ville. Et typiquement, cet artiste, même s'il vendait ses œuvres, je ne voudrais pas les acheter, car je trouve qu'il n'acquière sa puissance que lorsqu'il fait grand, voire immense. En revanche, si je pouvais le soutenir d'une autre manière, je le ferais.
Aujourd'hui, ma situation financière ne me permet pas forcément de soutenir les artistes comme je le souhaiterais, mais quand j'en ai la possibilité, par exemple par l'entremise de chèques-culture, ou pour soutenir les copains-copines, je suis contente d'acheter des livres, des prints, des produits de petits créateurs (Etsy aura ma peau ). Mes finances m'obligent à faire certains choix, et les œuvres artistiques entrent dans ce genre de choix, même si je conçois que ce ne soit pas la priorité de tout le monde, et que ce ne soit pas forcément le goût de tout le monde non plus.
Nombre de messages : 520 Âge : 42 Localisation : Strasbourg Date d'inscription : 28/07/2020
absolute/ Gloire de son pair Mer 25 Nov 2020 - 15:52
Seb
Tout cela m'évoque un passage intéressant mais moins humoristique de l'Immortalité, de Kundera :
Spoiler:
Lycéen, il s'imaginait que tous les peintres du monde avançaient sur le même grand chemin : c'était une voie royale qui menait de la peinture gothique aux grands Italiens de la Renaissance, puis aux Hollandais, ensuite à Delacroix, de Delacroix à Manet, de Manet à Monet, de Bonnard à Matisse, de Cézanne à Picasso. Sur cette voie les peintres n’avançaient pas en troupe […] chacun marchait seul, mais les découvertes des uns inspiraient les autres et tous étaient conscients de se frayer un inconnu qui était leur but commun et qui les unissait. Puis tout d’un coup le chemin disparut. […] Tous [les peintres] voulaient se distinguer et chacun s'évertuait à redécouvrir une découverte que l'autre n'avait pas redécouverte [...]
Heureusement, bientôt apparurent des gens qui mirent de l’ordre dans ce chaos et décidèrent quelle découverte il fallait redécouvrir […] Cette remise en ordre favorisa la vente de tableaux contemporains : ils s’entassèrent soudain dans les salons des mêmes nantis qui, une décennie plus tôt, se moquaient de Picasso ou de Dali. […] R. se dit alors que s’il avait fini par renoncer à la peinture, c’était pour une raison plus profonde, peut-être, que le simple manque de talent ou de persévérance : sur le cadran de la peinture européenne, les aiguilles marquaient minuit.
Invité/ Invité Mer 25 Nov 2020 - 19:53
Absolute, très intéressante citation. Il y aurait tant à en dire. Je n’ai pas encore trouvé la position qui me permettrait d’englober le vaste mouvement, la situation actuelle de l’art, sans me fourvoyer dans des biais trop évidents. Saisir l’époque, mais encore ? Je ne sais pas, depuis longtemps déjà
Invité/ Invité Mer 25 Nov 2020 - 20:29
J'ai regardé en entier la pièce de Yamina Reza elle est vraiment bien ! En fait au début je me suis dit "encore un truc anti art contemporain pour le plaisir des réac", mais en fait la pièce ne prend pas parti et tous les camps y prennent pour leur grade, ça soulage
Édit : je fais un peu de HS sur mon propre topic mais c'est pas une incitation à m'emboiter le pas sinon couo de règle hein
Acheter des œuvres d'Art : je t'aime moi non plus ?