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 épuisement du coeur avec l'âge ?

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plouf
   
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plouf  /  Crime et boniment


Que cela soit en amour ou en art, j'ai la sensation qu'année après année, je suis moins capable d'aimer, ou plutôt que mon coeur s'épuise dans cette tache, et que chaque amour, chaque émotion m'éloigne un peu plus de son origine. Quand je repense au petit garçon qui s’enthousiasmait d'une vague sur la mer, ou de l'adolescent qui était capable d'aimer dix filles différentes le temps d'un été, je ne me sens pas vieux, mais pétrifié. Ce n'est pas le temps qui a passé, mais c'est mon sang et mon énergie, petit à petit je m'évide. Je me souviens de mes débuts sur le forum, à ce moment la poésie désignait cette espèce de réalité absolue où l’âme était un corps et une chair : à travers les mots, le monde astral trouvait une incarnation. Chaque poème était une expérience spirituelle. Maintenant c'est comme si mes yeux exhibent le poème. Je ne suis plus que capable de voir les mots, la matérialité de la langue, les idées, les désirs, les fantasmes : tout ce qui tient la littérature en échec. Il en est de même avec les sentiments et la vie.

Je ne sais plus qui disait qu'on ne pouvait faire que de la poésie à 18 ans ? il me semble que c'est faux, et toute l'histoire de la littérature le montre. Mais peut-on encore la vivre ? Le poème le plus mauvais de mes 17 ans était un choc cent fois plus exaltant que celui de mes 24 ans. D'ailleurs c'est parce que je l'écris. Plus jeune, avant l'écriture, le poème était une exploration du vivant, une sorte de preuve répétée de l'âme. J'aimerais bien un jour retrouver une réconciliation Sad

Comment dealez vous avec cet épuisement ? Le ressentez-vous d'ailleurs ?
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Je ne le ressens pas trop, j'ai le sentiment inverse en fait. Enfin, je vois ce que tu veux dire et je pense que pour ma part j'ai eu tendance à inconsciemment troquer l'intensité des sentiments réels pour l'intensité de la poésie et de l'écriture. Je pense que tout ça relève moins de l'âge que de circonstances et que l'intensité peut exister encore. Je crois que ça implique aussi (plus qu'avant ?) une sorte d'éthique et une exigence. Peut-être que le quotidien de l'adulte lui fait perdre le contact avec le monde, fait du réel un décor au milieu duquel ont lieux différents évènements, alors que plus jeune nous étions plus purement et plus simplement en contact avec la chair brute et inconnue des choses.

Néanmoins, je crois que c'est une vue de l'esprit car l'innocence n'existe pas réellement, enfin, je ne le crois pas, et seulement nous mythifions a posteriori une période.

En tout cas, je sais qu'il est possible d'avoir encore des claques au cœur ou aux mots, parce qu'il m'arrive souvent des pris d'une fièvre amoureuse pour le réel ou pour l'idée que je m'en fais. On peut encore avoir le souffle coupé.

Peut-être que si le cours de notre expérience chute, ce n'est pas à cause de notre âge, mais d'une autre raison que nous dissimulons avec cette idée-là ?
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La curiosité, personnellement, est le meilleur remède que j'ai trouvé !

Aussi, pour ce qui est de la poésie, je m' applique à me trouver l'oeil le plus neuf qui soit ou, du moins, appréhendant le plus fidèlement possible tout le spectre du réel ; je fais pareil dans la vie de tous les jours, ça ne me fait pas me sentir mieux, mais ça me fait aller mieux en tout cas.

J'ai plus l'impression qu'il s'agit ici d'envie davantage que de capacité ; pour l'instant, j'imagine, tu as davantage l'envie d'appréhender tes capacités nouvelles plutôt que celles que tu préfères avoir perdues. Tu te dis, ces choses sont perdues, pour ne pas avoir à te construire tout à fait, à décharger le poids d'une conscience, ni à assumer l'enjeu de telles capacités — la plupart des gens est curieuse jusqu'à ce qu'elle ignore, ou « perde », la rente d'une telle curiosité, qui semble si dérisoire aux "adultes" (qui ne sont, pour la plupart, que les échecs de la lignée sapiens).

Je pense tout le contraire de l'innocence, où son inexistence inhiberait la liberté d'interprétation que nous permettent les lois universelles de la nature.
 
plouf
   
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plouf  /  Crime et boniment


Aomphalos a écrit:
Peut-être que le quotidien de l'adulte lui fait perdre le contact avec le monde, fait du réel un décor au milieu duquel ont lieux différents évènements, alors que plus jeune nous étions plus purement et plus simplement en contact avec la chair brute et inconnue des choses.

Hihi, là je crois que c'est toi qui fabule :'). Enfin perso moi enfant j'étais bien davantage éloigné du monde et de sa chair brute. Je passais mon temps devant ma playstation ou alors je jouais dehors mais dans une espèce de rêve où la terre était un magma.

Aomphalos a écrit:

Peut-être que si le cours de notre expérience chute, ce n'est pas à cause de notre âge, mais d'une autre raison que nous dissimulons avec cette idée-là ?
tu penses à quelque chose ?
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Citation :
espèce de rêve où la terre était un magma.

C'est ça la chair brute pour moi. Pouvoir inventer le monde en y jouant. Et je parle de l'enfance enfance !

Citation :
tu penses à quelque chose ?

l'angoisse de la solitude, d'une certaine "réussite" (pas au sens débile du terme, mais au sens d'un accomplissement de soi), la peur de passer à côté de choses importantes, le sentiment de perdre du temps, de le voir filer, de ne pas en avoir assez, etc. ?
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Chien-dent
   
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Chien-dent  /  Autostoppeur galactique


avec le temps j'ai l'impression de moins aimer de choses mais de les aimer mieux, en pleine conscience
et donc finalement, et paradoxalement, d'aimer plus de choses

tout comme mes actes, mes poèmes, mon amour
résultent de ce que je suis et non d'une fougue incompréhensible et stérile
ils s'implantent avec des racines, peu nombreuses, éparses, mais plus solides, plus fertiles
 
Pasiphae
   
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


Je vais essayer de répondre de mon expérience sans être brouillonne, mais je ne garantis rien.

J'ai connu l'exaltation de mes 17 ans ; après une enfance et une adolescence relativement ennuyeuses, qui me semblaient alourdies par le sceau du devoir-être pour les autres (pour le coup, j'ai fait l'expérience inverse de la tienne : mon enfance a été une période de lourd ennui, de routine, où le réel était comme dissimulé par l'interprétation discursive qu'en faisaient les adultes), j'ai découvert vers 17 ans la littérature, la poésie, l'amitié, des relations plus franches et plus entières. Quelques années de grâce ont passé, grâce des premières fois : être clouée sur mon lit devant PersonA en sanglotant, vivre des expériences exaltées en marchant seule la nuit, creuser une sensation de soleil sur la peau jusqu'à la racine, trembler en lisant Eluard sur les marches d'un escalier, avoir le souffle court en attendant le mail d'un·e cher·e ami·e, correspondances qui semblaient devoir être les points centraux de mon expérience, pendant quelques mois, découvrir les pouvoirs d'une écriture qui semble aller de soi, se déverser hors du corps comme une évidence. C'était merveilleux ! et avec ça, découvrir certaines substances, l'ivresse, la sexualité. Et puis vivre une forme d'éveil intellectuel qui fait que l'on se sent surpuissant·e en lisant Nietzsche et en déconstruisant peu à peu tous les fondements de nos préjugés. Ce sont des années incroyables, et belles, mais souvent douloureuses par bien des aspects.

Après ces années vient le temps de la construction de l'indépendance : habiter seul·e, subvenir seul·e à ses besoins, aménager un espace comme un cocon, densifier et solidifier son réseau amical, se lancer dans des projets artistiques / de vie ayant plus de consistance. Ce sont de très belles années aussi, mais où l'on court le risque, parfois, d'endormir les belles facultés de la fin de l'adolescence.

Ce que j'ai fait, ça a été un effort conscient, et ça ne s'est pas non plus fait d'un coup. J'ai appris peu à peu à me concentrer. Grâce à ce fin maillage, densifié, de lectures et d'expériences intellectuelles, j'ai appris, très consciemment, à me replacer dans des positions d'accueil - pour les sensations comme pour les émotions. Pour jouir très simplement de quelques heures passées avec un·e ami·e, d'une heure de danse ou bien d'une lecture matinale, quand le monde est encore silencieux. La lecture m'a beaucoup aidée : lorsque je me laissais insensiblement couler dans une forme de routine, venait un roman, un poème, qui me rappelait que j'étais vivante et que cet état était transitoire et merveilleux. J'aime bien l'idée d'éthique que soulève Aomphalos, car c'est ça : il faut rester exigeant devant soi. C'est la même chose lorsqu'on doit se sevrer d'une dépendance (jeu vidéo ou autre) qui engloutit nos heures de conscience.

Je n'avais pas lu ce qu'avaient écrit les autres pour ne pas me laisser influencer, mais pour le coup je suis très sensible à la réponse de chien-dent. Il y a quelque chose sur quoi j'ai du mal à mettre la main : une impression de densité. Moins l'éparpillement du jeune chien fou et fougueux, davantage la maturité d'une Suzanne (hashtag les vagues) implantée dans le sol, et qui jouit immensément de ses racines.

Aussi, depuis quelques temps (depuis que j'ai commencé le long travail de la thèse), mes émotions sont souvent intellectuelles. Comprendre des choses, opérer des rapprochements, faire se décoincer une idée vague en la précisant, me remplit d'une joie et d'une excitation profondes. Ce n'est pas très sexy quand on navigue dans le milieu de la poésie, mais c'est comme ça...

Et sinon, les périodes où je suis, pour une raison ou une autre, en moins bonne forme, sont effectivement des périodes où je perds le lien direct qui m'unit à mes émotions.

edit : quant à l'écriture... en grandissant, on se concentre sans doute plus lors de cette phase, elle est moins impulsive. Mais l'émotion sourde serait-elle moins puissante que les émotions brouillonnes ?
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A.J.B  /  Autostoppeur galactique


Salutations,

J'entends ce que tu dis-là, ami. Écrire à vingt-et-un ans relève pour moi du sacerdoce, lorsqu'il s'agissait autrefois d'une cathartique extase, à six ans. Vivre m'est devenu insupportable — sûrement autour de ma onzième année, déjà — ; puis impossible, passé dix-sept ans. Et comme le monde n'a plus de saveur, que la vie n'a plus de sens, la plume n'a ainsi plus ni verve ni lyre. Cependant, elle persiste et subsiste, vous dis-je. Dans l'Au-delà, à travers les cloisons de l'Irréel — ce qui relève de la normalité routinière de l'humanité civilisée ne saurait être réel. Si je conjurais cet Irréel par la Fantaisie, cette dernière s'est fondue dans l'Idéal, lequel m'est désormais seule et souveraine Réalité. Je ne vois plus qu'Art, Rêve et Amour.
 
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Jdoo  /  Maîtrise en tropes


moi je ressent clairement une usure des sensations avec l'age. ça s’émousse.
donc si on fait de la poésie, du moins si j'en faisais, en sachant que la poésie s'axe plus sur le ressenti, ça aurait je pense un impacte.
https://julesallea92.wixsite.com/image En ligne
 

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