Tu ne connais pas l'actualité des sciences sociales ; tu te fondes sur une vision vague et idéologisée de celle-ci pour juger de leur insuffisance. La science moderne ne prétend pas dire la vérité du monde mais de décrire le plus extensivement possible son objet qu'elle a choisi dans un réel circonscrit donc son objet est une partie isolée du réel, partie à laquelle on fait subir toutes les variations afin d'en dire le plus possible en l'interrogeant le plus possible. En appliquant des forces contraires pour vérifier sa résistance à la déformation par exemple et modifier les lois intuitives qui nous paraissaient régir cet objet.
Il ne s'agit pas d'étendre toujours le réel, de créer de la variété et de l'homologie ; mais cet objet, le déformer, l'expérimenter, l'interroger de tenter de donner tort à son existence et à nos hypothèses. Les sciences sociales ne sont pas, en principe, des académies. Lorsque des disciplines le deviennent ce n'est pas "un echec des sciences sociales" mais l'échec banal de toute institutionnalisation.
Ta détestation des systèmes est aussi bête que la détestation d'un champ discursif parce qu'il serait champ discursif. Comme si demain un type se levait et disait, haïssant les systèmes, il y en a assez de la physique comme mode de connaissance des phénomènes physiques. C'est bête et très immodeste. La science n'est jamais qu'une tentative et c'est ce qui fait, par ailleurs, sa définition et son intérêt ; qu'elle soit question et questionnable.
Le pb de ton discours c'est qu'il est d'une généralité qu'on imagine mal mise en pratique. C'est qu'il ne connait rien de ce contre quoi il prétend s'élever et, étant construit à ce point en opposition, on peut se demander s'il peut dire quelque chose en dehors de cette revendication là. Le manifeste c'est le plus souvent un cache-misère.
Le rôle que tu assignes au roman c'est quasiment sa définition fonctionnelle. Rien de nouveau sous le soleil.
Par ailleurs cette absence de clarté des sciences sociales tient à plusieurs choses. Le paradigme post-moderne qui prétend qu'on ne peut rien dire à cause de ce qu'il y a une trop grande diversité de phénomènes, qu'on ne peut les rassembler en système, que l'individuation a atteint son terme critique. Du coup ta pensée n'a rien de neuve et s'intègre parfaitement à une possibilité des discours scientifiques (dsl).
D'autres définissent la post-modernité comme la fin des grands récits eschatologiques. Là où la modernité (les lumières pour dire vite) mettait fin "aux faux récits" "aux mythes fondateurs" pour les remplacer par d'autres récits à valeur universelle (la liberté des hommes, le culte de la raison) ; la post-modernité se donne simplement comme but de décrire les objets qu'elle forme.
Le problème, encore une fois, c'est que tu ne sais rien de ce qui se fait depuis un siècle. Que par principe tu restes en dehors de ces choses là et tu convoques, donc, de grands mots "infra" "particulier" dans l'espoir de dire une vérité si originale..alors qu'elle parle avec autre chose et d'autre chose. En gros tu reproches aux sciences sociales (et l'on a vu que ce n'était qu'un morceau d'elles, conçues de façon naïves) de ne pas faire ta psychanalyse. Au final quoi ? Tu crains un objet-fantôme que tu combats avec des principes fantômes. Bienvenue chez les fous.
Et tu vas te calmer dans ton mythe suffisant de la puissante conscience que tu es incapable de fonder, tandis que la sociologie, prouve tout le temps l'inverse. C'est à dire les surdéterminations sociales. Et guess what ? Une exception ne fait pas une règle, parce que les systèmes si honnis par toi, admettent absolument ces données aberrantes. Ce sont des individus ? Soit, les sciences sociales ne sont pas encore un programme politique totalitaire ; seulement une tentative de mettre en discours le réel (c'est ce que tu comprends pas d'ailleurs, tu crois qu'il projette exclusivement de décrire le réel, comme si tu restais à un stade pré-intellectuel du discours, ne pas comprendre que les choses sont ce qu'on les nomme). Et personne ne réduit les individus à une fraction de leur être capté par les sciences sociales. L'individu, selon ce par quoi il est appréhendé, est une chose ou une autre. Ainsi le droit dira d'un même sujet autre chose que ce que le psychologue pourra en dire. Mais l'unité de l'individu. Mais. Mais. Mais toute ta naïveté prétentieuse.
Tu me demandais des lectures, très bien. Relis, mais sérieusement cette fois, la formation de l'esprit scientifique de Bachelard. Lis les mots et les choses de Foucault puis ses dits et écrits (tu les trouves partout en pdf). Lis la condition post-moderne de Lyotard. Lis l'idéel et le matériel de Godelier. Lieux de mémoire de Nora. Nous n'avons jamais été modernes de Latour.
Après reviens. Autrement tu ne fais que bavasser un sorte de néo-humanisme sans fondement. "On peut tout dire" et qu'importe la spécialisation du monde, la domination de la technique, on peut tout dire parce que "je" vois.
Sinon écris ton roman du XVIèm siècle pour gens du XVIe siecle. Tu n'en trouveras guère ailleurs que dans les manuels qui sont des cimetières d'un genre particulier. Je préfère te prévenir au cas où tu crainrais les fantômes.
Dernière édition par Mahendra Singh Dhoni le Sam 29 Avr 2017 - 21:48, édité 1 fois