Je crois que "démoraliser" est à entendre ici comme "dé-moraliser", c'est-à-dire, s'en prendre à la morale. Sachant que celle-ci n'a aucune existence légale ou institutionnelle en République Française, ses bornes restent à l'appréciation d'un juge.
Ce qui soulève une multitude de débats interminables, puisqu'on n'a pas forcément la même morale que le législateur, ni même que du juge, ou de l'idée qu'il se fait de la morale du législateur.
Voilà pourquoi la notion de littérature, bédé ou n'importe quelle œuvre estampillée "jeunesse" a toujours rimé pour moi avec "aseptisé", sauf pour les, à la louche, douze ans et moins.
Après, on peut toujours proposer des univers imaginatifs et des histoires qui déchirent, comme, en bibliothèque verte, "les conquérants de l'impossible" de Philippe Ebly. Mais rien n'empêche un gamin avec son argent de poche d'aller choisir à la FNAC n'importe quel bouquin qui lui paraîtra attrayant, fût-il truffé d'actes plus ou moins immondes.
En conclusion: sauf à viser un public très jeune, chercher l'estampille "jeunesse" me paraît relever de la réclusion volontaire plutôt qu'autre chose, car, selon la loi, le mineur n'a pas assez de maturité pour faire ses choix lui-même (même si ça ne correspond pas à la réalité). Reste à savoir si on cautionne cette posture volontiers infantilisante, ou bien si on fait confiance au jeune public pour sortir du carcan d'une littérature potentiellement calibrée à l'excès.