Cette année, l'Université où j'étudie proposait à ses étudiants en Licence de Lettres la première Masterclass d'écriture de France. Je ne parle pas ici d'un atelier d'écriture car l'écrivain avec qui nous avons travaillé nous l'a bien précisé : il ne s'agissait pas d'apprendre à écrire. Aussi, à aucun moment n'avons-nous pratiqué d'exercices de style.
L'année s'est déroulée ainsi : au début du premier semestre, nous nous sommes réunis pour déterminer l'objectif de cette Masterclass ainsi que la fréquence de nos rencontres. Nous avons convenu que chacun devrait, à la fin du second semestre, présenter un projet qui prendrait la forme que l'on souhaiterait mais qui serait de préférence une nouvelle. Nous nous réunirions toutes les deux semaine afin d'échanger sur nos travaux et de partager nos succès et difficultés. 
Du fait de la nouveauté de ce projet, les séances s'organisèrent quelque peu différemment : toutes les deux semaines, le professeur qui les encadrait arrivait avec un corpus de texte sous le bras et nous passions deux heures à les décortiquer afin de comprendre comment construire une narration ou bien à surmonter l'angoisse de la page blanche. Ce fut fort instructif et excellent pour ma culture générale mais, je l'avoue, d'une utilité discutable quant à la maturation de mes écrits. De ces séances, les moments que je garde en mémoire furent ceux où chacun s'ouvrait pour dévoiler une part de son travail ou les débats à propos de "mais enfin, chers amis, ceci est-il ou n'est-il pas de la littérature ?" ou encore, ceux, où, l'année scolaire achevée, on put lire à tous nos nouvelles encore fumantes et recevoir sur le vif, les avis des autres. En bref, rien de bien différent de JE, me direz-vous ! Et je vous donnerais raison. Mais un JE de vive voix et de visages à portée de main, ce qui demande d'autant plus d'audace mais constitue également un luxe immense. 
D'autre part, l'une des grandes richesses de cette Masterclass fut l'opportunité qui nous fut offerte de nous confronter à la réalité d'un écrivain, qui se trouva être une écrivaine : Annie Zadek, petite femme frêle, la peau très blanche et toute de noir vêtue. Une tornade. Elle vint nous trouver trois fois. La première, elle parla de ses livres et brossa les grandes lignes de son parcours. A la fin de la séance elle nous prévint toutefois qu'il n'en serait pas ainsi de celle d'après : dans l'intervalle qui séparait les deux rencontres, nous furent confiées deux taches. D'abord, sélectionner un livre important à nos yeux et y choisir un extrait à partager ; ensuite écrire notre "Abécédaire" : une façon littéraire de nous présenter en tant qu'écrivants. Cette seconde rencontre fut une leçon d'humilité qui résonne encore aujourd'hui dans ma recherche artistique. "Dire le plus avec le moins", "bannir adverbes et adjectifs", "chercher ce qui percute" furent les diktats d'Annie Zadek. 
La troisième fois, elle vint accompagnée d'un monsieur responsable du secteur "Edition" dans une agence de statistiques (ou quelque chose comme ça). Pour résumer en trois mots : écrire c'est lire (et-c-est-bon-pour-le-marché-du-livre-qui-est-en-crise-tout-le-monde-écrit-personne-ne-lit-c-est-l-apocalypse !).
Des expériences marquantes, formatrices, éveillantes mais bien pâles en comparaison de ce que fut Goutelas.
Goutelas, ou Château de Goutelas, centre culturel Européen depuis mai dernier, aussi connu pour être le cadre de l'Astrée, roman fleuve du 17e siècle écrit par Honoré d'Urfée. 
Nous y restâmes trois jours. Nous ? Neuf étudiantes, deux professeurs et les deux écrivains (Annie Zadek toujours et Marie Nimier).
Le travail commença dés le trajet en car. La consigne: observer, tout, le paysage, les émotions, les pensées. Et écrire. Mais avant de partir, choisir un mot, le premier, n'importe lequel : wagon. Et effectivement, Goutelas fut un véritable voyage.
Ce récit est déjà long alors je ferai court. En trois jours, j'ai mieux compris qu'en trois années de lycée et une d'université ce qu'était la littérature, en trois jours j'ai aussi compris ce qu'était la poésie et pourquoi j'écrivais. En trois jours, je suis devenue écrivain. Ou en tout cas j'ai su que j'aspirais à le devenir.
Grâce à Goutelas, j'ai mûri artistiquement et j'ai pris confiance dans mon potentiel, j'ai pu toucher et apprendre à reconnaitre ce que je cherchais en écrivant, je me suis confrontée à la création contemporaine, à l'opinion de mes paires, travaillé le langage avec acharnement et au-delà de tout cela, vécu une expérience de vie.
Chers JE, la littérature n'est vraie que lorsqu'elle est vécue et quel meilleur moyen de la vivre que de l'apprendre ? Tous les moyens sont bons, ne vous détournez de rien et surtout pas de ce qui semble indigne de vous : la vie jaillit où l'on ne l'attend pas.